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Erzähler : Le conteur aux mille Recueils
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Prologue

La journée était froide et claire, annonciatrice de l’équinoxe qui ne tarderait plus à poindre. Avec elle viendrait l’automne, sa nature mourante et ses journées trop courtes. Pour la plupart des gens, cette saison était synonyme de fêtes et de rires, de joie et d’insouciance. Comment avaient-ils pu oublier ces sombres jours passés où ils se terraient comme des chiens, la peur au ventre et les joues creusées de larmes à l’approche de ces trop longues nuits ? Combien encore se souvenaient de cette ère guère lointaine où voir un jour nouveau était un fardeau plus qu’une chance, ou de l’aube au crépuscule on dressait bières et sépulcres pour nos pères, nos mères, nos frères, nos enfants ?

Un homme solitaire s’arrêta à l’orée des bois aux ramures déjà jaunissantes. Sous sa large cape couleur cendre dépassaient deux mains gantées tenant fermement la hampe d’un bourdon aussi noir que la nuit surmonté d’une gourde d’argent. Il semblait hésiter à s’engouffrer dans cet endroit, à en affronter les ombres et les dangers. Il n’en avait guère le choix, il en était conscient, pourtant cette perspective ne le réjouissait pas, tout au contraire. Il se savait depuis quelques temps déjà suivi, épié, traqué. Entrer dans cet endroit, c’était s’exposer à une embuscade, à un piège dont il ne pourrait s’échapper.

Prenant une grande inspiration, il osa enfin poursuivre le long de la sinueuse route de terre battue, esquivant les ronces et enjambant les branches basses, arrachant de la pointe du manche de son bâton de marche les épaisses toiles d’araignées qui obstruaient la voie, comme si personne ne venait plus dans cette partie reculée du pays… Ou plutôt comme si personne n’en sortait jamais.

Voilà deux jours déjà qu’il marchait sans prendre ni pause ni repos, cherchant à se hâter plus qu’autre chose. Il n’aimait pas marcher en plein jour. Même à cette période de l’année, le soleil était trop fort, trop… Lumineux. Il aimait cheminer au couvert des hautes ramures des arbres, ou une fois la nuit venue. Mais cette fois, sa mission l’entraînait bien trop loin de chez lui pour qu’il se permette ce genre de considération. Il était pressé par le temps.

Un sifflement retentit au loin, bientôt suivi d’un second. Étrange, songea-t-il. En cette période de l’année, les oiseaux avaient pour la plupart déjà tous migrés vers des terres plus chaudes et accueillantes. À moins que…

Il s’arrêta net, comprenant aux bruits venant des fourrés alentours qu’il ne s’agissait ni d’oiseaux ni de petits animaux. Des bandits. Il les humait parfaitement. Ils étaient quatre ou cinq, dissimulés de part et d’autre du sentier. Sans doute tenteraient-ils de fondre sur lui pour le dévaliser et le tuer avant même qu’il n’ait le temps de s’enfuir. Mais il ne comptait pas partir, non…

Remontant légèrement son chapeau haut-de-forme, se redressant de toute sa hauteur, il pencha légèrement la tête de chaque côté, leur signifiant qu’il les avait vus. L’un des brigands sortit de sa cachette, pointant une arbalète de frêne chargée en sa direction. Ce n’était qu’un jeune rustre d’une vingtaine d’années, portant guenilles et frocs troués. Un vulgaire va-nu-pieds loin du bandit de grand chemin auquel il s’était attendu… Sans doute un fils de fermier sans le sous, ou trop fainéant pour travailler la terre de ses mains.

L’homme lui adressa un petit sourire sous sa barbe grise fournie, tenant toujours fermement son bourdon de marche, tapotant avec impatience la gourde de son index.

- Ce n’est qu’un vieil homme… Eh papy, donne-nous tout ce que t’as et on te laisse filer !

Il soupesa une large bourse de cuir accrochée à son bâton tout en le toisant avec morgue, comme s’il l’invitait à venir la chercher lui-même.

Le brigand s’exécuta, s’approchant lentement sans baisser son arme toujours en joug. Il approcha sa main du petit sac visiblement bien garni, jouissant déjà mentalement du butin dont il allait s’emparer.

Le vieillard frappa brusquement dans la pointe de son bâton, le faisant remonter brutalement jusqu’à se ficher dans l’estomac du brigand. Se penchant sur le côté avec une impressionnante dextérité, il saisit le poignet de sa victime et déclencha son arme. Le carreau s’envola, se plantant fermement dans l’œil d’un second qui s’approchait par l’arrière en lui arrachant un hurlement strident.

Sans le moindre doute ni hésitation, il retira la pointe du bâton, entraînant une large giclée de sang, pour mieux le planter droit dans le crâne d’un troisième assaillant. Les deux derniers, voyant leurs camarades se faire décimer avec autant de facilité, prirent leurs jambes à leur cou à travers le dédale de verdure mourante.

Resté seul au milieu des cadavres, son manteau maculé de sang, l’homme récupéra son bourdon dans un craquement spongieux. Son regard de marbre toujours suivait les ombres de ces deux couards, de ces deux êtres si fragiles cherchant à fuir leur destin. Son sourire s’élargit, comme s’il s’apprêtait à se mettre en chasse et marmonna dans sa barbe :

- Qui a peur de l’homme noir ?


Texte publié par Farrel Grimwood, 10 mars 2018 à 16h23
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