L’éveil était douloureux. Sa tête lui faisait un mal de chien qu’elle ne parvenait ni à contenir ni à maitriser.

« Sun ! »

La voix était lointaine, mais si lancinante qu’elle dut réprimer une soudaine envie de vomir ; l’appréhension nouait ses entrailles à un point tel que son esprit peinait à retrouver de l’ordre dans les bribes de sa mémoire.

« Sun, tu m’entends ? »

La jeune femme se sentait plaquée au sol, les mains nouées par une corde invisible et il lui sembla qu’elle avait tout juste assez de place pour respirer dans la cavité qui l’accueillait. Sun voulut répondre, hurler qu’elle se trouvait là, bel et bien vivante, quoique prise au piège, mais aucun son ne parvint à quitter ses lèvres pincées.

« C’est Tao, dis-moi que tu vas bien… Je t’en prie… »

Mais rien n’y faisait, malgré sa volonté et son envie de lui répondre, elle ne parvenait plus à bouger, ni même à penser.

Les gravats glissèrent lentement en dessous d’elle, si bien qu’elle reconnut finalement la douceur des draps en lin blanc ceinturé par un liseré azur ; la maison familiale perchée sur une colline de la proche région de Hong Kong offrait auparavant une sécurité qu’elle n’avait jamais ressentie en d’autres endroits.

Grand-mère ? pensa-t-elle… Qu’était-il advenu de sa parente ?

Une respiration trop insistante et elle manqua de s’étouffer dans la poussière des ruines. La pierre au-dessus d’elle bougea lentement et quelque chose lui revint en mémoire, la vision d’une trainée enflammée se dirigeant vers la surface de la Terre.

La comète avait brutalement changé de direction avant que les alentours ne s’enflamment et que la maisonnée de bois et de pierre séculaire ne s’effondre.

« Ta…o… Tao… Taooooo ! »

Son frère jumeau était un homme fort aux talents extraordinaires et sans remord avec lesquels elle ne pouvait rivaliser que lors de belles journées ensoleillées. C’était là, l’un des secrets de la famille Ming ; aux beaux jours, tout son potentiel devenait tangible, réel.

Tao était lui capable de prodiges en toute circonstance. Leur mère leur confiait lorsqu’ils étaient enfants que leurs forces réunies, ils seraient capables de survivre à tout.

La pierre bougea à nouveau et son visage apparut au sortir de la cavité ; le ciel derrière lui était encombré par la fumée.

« Sun ! » l’appela-t-il comme pour prémunir d’un mirage.

Le visage lisse et le regard rieur s’étaient mues en un masque d’inquiétude égratigné par quelques cailloux.

« Où est-elle Tao ? Où est grand-mère ?

— Tâchons de te sortir de là avant tout, petite sœur. »

Tao ne pouvait lui mentir, alors il contournait le problème pour ne pas avoir à lui annoncer l’effroyable vérité.

La nuit était fraîche et elle pouvait sentir l’air s’engouffrer devant elle ; elle réprima un frisson d’effroi en pensant au pire puis tenta d’aider son frère à la libérer de sa prison de bois et de béton. Ainsi donc, quelqu’un d’autre était au courant pour leurs dons. Quelqu’un qui avait tenté de les éliminer...

Grand-mère avait raison, nous ne sommes plus en sécurité maintenant…