C'était une froide journée d'hiver. Le thermomètre affichait des températures négatives. Toute la petite ville portait un épais manteau blanc. Les ruelles étaient tapissées de neige. Des pics de glace se formaient ça et là sous les fenêtres des habitants. Le ciel était d'un gris si foncé, que même le soleil ne pouvait transpercer les différentes couches de nuages de ses rayons lumineux. Le vent soufflait en rafale et arrachait des cris aux arbres dont le corps nu était exposé en toute vulnérabilité aux griffes de l'hiver.
Par cette fin de journée un voyageur, s'étant trompé de direction, erra dans les rues froides de la ville. Tout le monde avait fermé ses portes : tailleurs, barbiers, bouchers, restaurants, ... tous avaient eu vent de la tempête qui allait accourir et traverser le pays cette nuit. Tel ne fut pas le cas de notre voyageur. Sa valise de cuir à la main, l'autre maintenant son chapeau pour ne pas qu'il s'envole, l'inconnu marcha dans la petite ville déserte tout en scrutant des yeux les portes désespérément closes.
Le plus surprenant, se pensa-t-il, c'est le fait que pas un seul hôtel ou B&B ne soit ouvert. Pourtant la ville a l'air plutôt attrayante.
Il s'arrêta un instant, essuyant un nouvel affront du vent glacial du Nord et crispa tous ses membres comme pour faire obstacle à cette identité sournoise. Il poussa un petit gémissement de douleur en courbant l'échine. Non. Pas cette fois ci. Il ne l'aurait pas au Paradis. Forcé de mettre un genou à terre, la tête tomba. Le menton collé contre la poitrine, l'homme tenta de respirer pour calmer son angoisse croissante. Son chapeau s'était envolé et laissait une nouvelle cible aux prises du vent de décembre.
Alors que tout semblait le condamner ici, il entendit une voix. Une voix assez jeune et innocente précédée par un aboiement. On venait à sa rencontre. Sa certitude de vit confirmée lorsqu' il entendit des pas de rapprocher de lui. Le poids des pas sur la neige indiquait que 2 personnes venaient suivies par un chien. Le clébard aboya lorsqu' il fût à la hauteur de l'homme. Son jeune maître, un gamin d'une dizaine d'années tout au plus le félicita par quelques caresses. Un homme d'une quarantaine d'années arriva et aida l'inconnu à se soulever. Il lui servit de béquille humaine et ensemble, accompagné du chien et du gamin, se dirigèrent vers le bout de la rue. Chaque pas était un effort supplémentaire pour le voyageur à bout de souffle mais il prit sur lui et se laissa guider par les villageois.
Ils arrivèrent devant une petite maison un peu en dehors de la rue principale. Elle était plutôt grande mais dans un état épouvantable. Délabrée au possible, elle donnait un aspect négligé de la personne qui la tenait. Le balcon tombait en ruine, les volets menaçaient de s'écrouler au sol et la peinture de cette demeure laissait à désirer.
Le homme fit monter la petite estrade au voyageur avec une précaution si maîtrisée qu'elle parut fausse. Le gamin était déjà rentré dans la maison et criait déjà.
" Nany ! Nany ! Nany ! Répètait le jeune garçon. Tu as de la compagnie ! "
Le chien était resté dehors. La pauvre bête se refusait d'entrer. Sûrement a cause de quelque chose qui vivait ici.
" Hé ho Nany !!! Hurlait l'enfant.
- Inutile de crier si fort mon enfant je ne suis pas encore sourde grondait une vieille voix dans le coin de la pièce. "
Une vieille dame apparut. Aussi sèche qu'un pruneau rassit, elle abordait une chevelure argentée ébouriffée malgré son chignon. Elle avait un vieux châle noir sur les épaules et portait une de ces robes de grand-mères : une sorte de tablier fushia à motif floraux dont la couleur avait passé. Le seul élément de coquetterie féminine était un médaillon aussi gros qu'une pièce de 2€ noué à un cordon de cuir noir.
" Nany ... quelle belle surprise s'exclamait l'homme de quarante ans en remontant le bras du voyageur sur son épaule.
- Le plaisir n'est pas partagé Jacques. Répliqua sèchement la vieille.
- Écoute Baptiste a vu cet homme tomber à terre alors qu'il cherchait un hôtel. Tu ne pourrais pas lui donner le couvert pour cette nuit ?
- Parce que toi tu ne peux pas ? Questionna la vieille en appuyant son regard sur la figure terrifiée de Jacques.
- Tu sais bien que non voyons ! Même si nous nous serions a la maison il n'y aurait pas de place pour l'accueillir convenablement !
- Hum ...
- Tu dois bien avoir une chambre qui pourrait l'accueillir non ?
- Laisse moi regarder."
Elle partit vers la réception. Le hall d'entrée était simple mais chaleureux. Un grand escalier au milieu comme dans les vieilles demeures. Sur la droite le coin détente avec une grande bibliothèque, des fauteuils ma foi qui avaient l'air plus que confortable et une cheminée d'où l'on pouvait distinguer la lumière rassurante d'un bon feu. Sur la gauche, un grand bureau tout en longueur qui faisait office d'accueil. Un pan de mur était criblé de petits crochets tantôt vident tantôt supportant le poids d'une petite clé. Au dessus de chaque crochet, un numéro de 1 à 20.
" Vous avez de la chance jeune homme. Il le reste encore de la place. Le numéro 5 vous conviendra t- il ?
- Tout... tout à fait répondit le voyageur essoufflé.
- Bien. Tenez voici la clé. Jacques va vous conduire à votre chambre puisqu' il connaît si bien ma maison. En attendant vous semblez si pâle mon cher ami. Je vais vous préparer une bonne tasse de thé. "
Elle partit en direction de la cuisine, de l'autre côté du bureau.
L'inconnu prit la clé et suivit Jacques dans le couloir. À l'image du B&B, il était dans un piteux état. La tapisserie était à refaire. Il y avait des trous dans les murs. Le parquet grinçant menaçait de s'effondrer à tout instant. Jacques tourna légèrement à droite et aussitôt la porte 5 apparue. D'un blanc qui s'écaille, elle ne donnait pas une grande impression mais paraissait potable. L'inconnu glissa sa clé dans la fente de la serrure puis tourna la clé.
Le spectacle qui s'offrait à lui était désolant. Une chambre figée dans les codes des années 60/70 avec son lit une place bordé de ces couvertures qui grattent la nuit, des rideaux transparent, des fenêtres aux encadrement de bois qui pourrissent et accueillent encore de la vermine et des toiles d'araignée, une vieille commode rafistolée un bon nombre de fois, une armoire dont les portes ne semblent plus aussi solides qu'avant.
Au fond de la pièce vers la gauche, une petite porte bleue. La salle de bains avait un aspect tout aussi négligé que la chambre voire pire encore. Les joints noirs, le pommeau de douche et les robinets pleins de calcaire, la douche bouchée par un amas de poils et encore n'y avait-il pas autre chose que des poils dedans ?
Dégoûté, le voyageur ferma la porte et de dirigea vers la chambre. Il avait toujours sa valise à la main. Il regarda à droite puis à gauche comme pour vérifier que personne n'était présent puis posa la valise sur le lit. Il la défit avec prudence. Au premier abord elle contenait des chemises, quelques paires de chaussettes et de cravates, des T-shirts en fouillis et d'autres affaires. Pourtant en soulevant le fond de la valise, le voyageur actionna un petit bouton et souleva le double fond.
Alors qu'il tentait de retirer ce double fond, la petite vieille arriva. Tel un enfant surprit avec un objet dont il ne devrait pas avoir la garde, le voyageur referma vite la valise.
" Votre thé est prêt monsieur.
- Heu bien merci.
- Vous devriez faire attention. Ces choses là ne sont pas des jouets. Venez donc en bas à mois que vous ne soyez adepte du thé froid.
- Vous avez raison je vous suis."
L'homme laissa sa valise puis suvit la vieille dame. Ils arrivèrent dans la bibliothèque. Il faisait bon. Le feu de bois était encore intact. Il réchauffait la pièce tout en étant un élément à part entière. Deux fauteuils confortables attendaient paisiblement leurs hôtes. Ils s'assirent et prirent le thé.
La tasse était en porcelaine bleue de Chine. Un élément rare de nos jours. Le thé était de couleur rouge ce qui ne semblait pas le déstabiliser. Le voyageur prit la tasse et la porta à ses lèvres. Elle était chaude, le liquide brûlant mais pas désagréable.
" Dites moi, commença la petite vieille, qu'est ce qu'un jeune homme prometteur et plein d'avenir fait dans une ville perdue comme celle ci ?
- C'est... Le jeune homme s'étouffa puis reprit son calme. Je suis ici pour affaire.
- C'est ce que j'ai cru comprendre. Mais sinon vous n'avez pas une femme qui vous attend ? Des amis ? De la famille ?
- Non.
- On n'est jamais seul monsieur. Tien voilà Mandfred.
- Mandfred ? "
Un vieux matou arriva. Il avait un oeil presque aveugle et le poil gris malgré la couleur éden de son pellage d'antan. Le matou se posa sur les genoux de la vieille et laissa s'échapper un miaulement rauque. On pouvait voir le carnage que renfermait sa bouche : il était édenté le pauvre félin.
Rapidement le voyageur se posa des questions. Cette petite vieille était elle aussi gentille qu'elle le laissait paraître ? Un frisson le parcouru. Son corps semblait lourd tout à coup.
" Vous n'avez pas fini votre thé ? Demanda toute souriante la vieille dame.
- Non je suis désolé. La fatigue sûrement.
- Je comprends. Et bien monsieur si vous voulez bien nous allons vous laisser vous reposer. Je vous dit à plus tard donc.
- Heu oui c'est ça à demain."
Il ne saisit pas tout de suite ce que voulais dire la grand mère mais peu lui importait. Tant qu'il pouvait dormir. Il arriva dans sa chambre puis s'affala sur le lit sans prendre la peine de se déshabiller ...
Dans tout la petite ville, tout le monde s'endorma rapidement. Les fenêtres étaient verrouillées, les portes closes. Plus personne ne devait sortir. On se confina chez soi en attendant demain.
Ce soir la bête allait se régaler...
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