Rose. Une couleur, une fleur. Mais par-dessus tout, un symbole. Moi, elle me rappelait avec délice la magnifique teinte rosée que prenait tes joues. J'admirai ce phénomène car cette couleur était unique chez toi, je ne l'avais jamais vu chez quelqu'un d'autre auparavant. Et elle me plaisait encore plus car je savait que j'en était à l'origine.

    Toi, c'était la fleur que tu aimais, bien que je ne sache pas pourquoi. Ton côté romantique, sûrement. Tu les utilisais sans cesse. Leur parfum embaumait la maison, a peine en avais-je franchi le seuil. Toi même, tu avais fini par porter cette odeur. Je m'en régalais a chaque fois que j’inhalai la moindre parcelle de ta peau. Je me rappelait aussi que tu t'en servais comme décor pour tes spectacles de danse. C'était ta touche personnelle. Tu en plaçais même dans tes longues boucles d'or. Tu les dissimulait assez habilement pour qu'elles ne te gênent pas, mais pas assez pour qu'elles soient invisibles. Elle te donnaient force et courage, et tu étais bien plus lumineuse qu'à l'ordinaire. Tu possédais la même grâce, la même fragilité. 

    Comme c'était ta fleur fétiche, je t'en offrais à la moindre occasion. C'était la que tes joues se coloraient. Tu me disait alors que tu m'aimais. Ces roses étaient aussi le symbole de notre union. A nos débuts, je t'en avait offerte des blanches. Tu m'avais alors regardé, admirative, et m'avait demandé:

"- Vous saviez qu'il existe un langage des fleurs?

- Bien entendu, t'avais-je répondu.

- Et vous savez que celles-ci expriment la pureté des sentiments de celui qui les offres?  avais-tu enchainé.

- A votre avis, pourquoi les ais-je choisis? " t'avais-je demandé, peu sûr de moi.

   Tes joues s'étaient, pour la première fois, teintées de rose. Ensuite, tu m'avais embrassé.

    La deuxième fois, je t'avais choisis des roses roses. Elles avaient pour message "je t'aime". Tu l'avais aussitôt compris et il se produisit la même chose que la première fois.

    La troisième fois, ce fût des roses oranges. Elles signifiaient combien je t'admirais. Je te les avait tendus a la suite de l'un de tes spectacles auxquels j'avais assisté, comme toujours. 

     Il n'a jamais fallu que je te donnes des roses jaunes, et tu en fut reconnaissante.

    Enfin, je t'avais pris des roses rouges. Elles reposaient dans ma main droite, tandis que dans celle de gauche se tenait un écrin noir. Ton regard s’était embué à la vue de ces fleurs, car tu savais a quoi elle correspondait. Je me souviens que j'avais retenu mes larmes, ce qui était difficile, genou à terre et les mains prises. Pour toute réponse, tu m'avais serré dans tes bras et tu m'avais soufflé un faible "oui" au creux de mon oreille, il y a une semaine de cela.

    Mais aujourd'hui, ce ne sont pas des roses que tu reçois de moi. Je m'en excuse, mais les roses ne me semblaient pas adaptées. Je suis allé chez un nombre incalculable de fleuristes en quête des plus belles fleurs  mais je n'en ai trouvé aucune. J'ai honte de celles que j'ai prises. A moitié fanée, les feuilles trouées, sans couleur, elle ne vivrai pas longtemps, sans compter la pluie qui tombe a vive allure en ce moment. Mais j'ai quand même pensé a toi, et ai glissé dans ce miteux bouquet une rose de chaque couleurs pour que tu te souviennes de nos moments passés ensemble. J'avoue que les roses n'étaient pas du tout en harmonie avec les chrysanthèmes, mais peut être que cela donnait un charme finalement. Mon regard dérive sur ta tombe. C'est moi qui est choisi le modèle, et j'ai fait en sorte qu'à côté de ton prénom il y ai une rose. La même qui figurait sur le bois sombre du cercueil que la terre accueillait.