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Yann se réveille doucement, encore tout engourdi de sa nuit de sommeil. Malgré les heures passées dans une douce inconscience, le jeune homme ne se sent pas reposé. Depuis la mort de son père deux ans plus tôt, chaque réveil est douloureux. Tout lui rappelle son absence. D'abord, le son strident et les bips incessants qui le sortent du sommeil, remplaçant la voix ferme de John qui le menaçait chaque matin s'il n'était pas prêt dans deux minutes... Ensuite, cela passe par le petit-déjeuner. Chaque matin, son père cuisinait ce qu'il considérait comme le repas le plus important de la journée. Et quoi de mieux que se réveiller avec une douce odeur de pain grillé chatouillant ses narines et réveillant ses sens ? L'accolade du matin pour se dire bonjour, les quelques mots échangés... L'au-revoir grogné, la tape sur l'épaule, comme une promesse de se revoir le soir-même. Que n'aurait-il pas donné pour retrouver ces habitudes ? Tout avait basculé.

Maintenant, il ne reste que du vide. Dans l'appartement que Yann a dû louer suite à la vente de la maison familiale. Dans sa tête. Dans son avenir. Dans sa vie. Tout ne semble que vide et froid. Son cœur est gelé, tout comme son avenir. Il n'attend plus rien de Soyota, sa ville natale. Il a envie de partir, mais les autorisations pour changer de région prennent du temps. Et sans emploi, sans famille, son dossier est mal parti, Yann le sait. Alors il reste englué dans son deuil et dans sa vie.

Le jeune homme se lève, frissonnant sous le froid. L'hiver est rude à Soyota et ce n'est pas toujours facile pour Yann. Le maigre chauffage qu'il peut s'octroyer ne suffit pas pour réchauffer convenablement son habitat et il se retrouve souvent en train de frotter ses mains contre ses bras, dans une vaine tentative de conserver sa propre chaleur. Jetant un plaid bleu marine élimé sur ses épaules, Yann jette un bref regard en coin à la cuisine avant de s'affaler sur le canapé. Cela fait bien longtemps déjà qu'il a arrêté de manger au réveil. Malgré son absence d'emploi, il tient à garder un rythme à peu près stable. Il sait que sans cela, plus grand chose ne le tiendrait. Il regarde la vieille tv éteinte en face de lui. Il n'a pas les moyens de se payer une antenne mais avoir cet appareil lui procure un faible sentiment de normalité. Il allume la radio qui émet plusieurs grésillements avant de lancer une musique douce, sans parole, qui le plonge un peu plus dans la mélancolie.

Perdu dans ses pensées, Yann met plusieurs minutes à se rendre compte de la neige qui tombe à sa fenêtre. Les bourrasques sont violentes et les flocons, nombreux. Ils semblent lourds et le jeune homme sait d'instinct que la neige va venir tout recouvrir. Le contraste entre la violence de cette chute de neige et l'absence totale de bruit donne une impression étrange et fascinante à l'ensemble, plongeant le jeune homme dans une douce contemplation.

Quelques heures plus tard, après une douche tiède et un repas frugal, il se décide à sortir. Avant, il aimait particulièrement les balades sous la neige avec son père. Le seul bruit de la neige qui crisse sous les pas faisaient partie des petites joies du quotidien. Retrouver cette ambiance feutrée lui permet de vivre moins douloureusement. Certains souvenirs heureux remontent à la surface et il se surprend à se souvenir de la fois où ils avaient vu un renne traverser le lac où ils s'étaient posés après une intense bataille de boules de neige. Son poil gris était magnifique ; ses bois, majestueux, lui donnaient une prestance qui inspirait le respect. Yann, en essayant de ne faire aucun geste brusque, avait essayé de prendre l'animal en photo mais il n'avait réussi qu'à faire fuir l'animal effrayé. Il s'en était voulu de l'avoir dérangé. Ici, l'animal est roi et il aurait voulu profiter encore un peu du spectacle. Son père l'avait gentiment rabroué, avant de se moquer de son manque de discrétion. Cette résurgence de leur relation ramène la douleur au premier plan. Plus de maladresse. Plus de complicité. Plus rien. Rien d'autre que le vide, la neige et le froid. Le jeune homme soupire, regardant mollement la fumée de sa respiration disparaître en volutes blanchâtres. Il se penche pour ramasser une poignée de neige entre ses doigts gourds. Tristement, il voit la neige fondre lentement, devenir doucement de l'eau glacée pour finalement disparaître.Yann ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec sa propre vie. Si avant la mort de son père, il était uni, entier, il ne fait maintenant que fondre. Et il sait. Il sait qu'il disparaîtra lui aussi bientôt dans un silence assourdissant.


Texte publié par Neliia, 17 décembre 2017 à 19h33
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