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tome 2, Chapitre 4 « Chapitre 2 - Poison » tome 2, Chapitre 4

Le panier de fruits se trouvait face à moi, mais les chaînes m’empêchaient de l’atteindre. Je continuais à tirer dessus, faisant fi de l’épuisement. Mon ventre poussait des gargouillements assourdissants et la vue de cette nourriture inaccessible me rendait folle. Même en fermant les yeux, la vue de ces aliments me hantait encore et encore.

Glup ! Glup !

Jamais je ne m’étais sentie aussi pitoyable. Deux créatures me tenaient entre leurs griffes, deux créatures capables de me détruire s’ils le décidaient. Je n’étais pas assez puissante pour les affronter. Malgré mes efforts acharnés, j’avais été prise à mon propre piège. Aleksandar me torturerait jusqu’à me voir brisée, Laurent quant à lui me réserverait un châtiment exemplaire s’il venait à me retrouver.

Lasse de me débattre, je m’agenouillai au sol, refoulant mes sanglots. Il était trop tard pour pleurer. Le mal avait été fait et je devais impérativement trouver une solution. Quelque part en Europe, Élise veillait. Elle était mon dernier espoir et ne m’abandonnerait pas, même si elle rêvait probablement de me tirer une balle en plein cœur.

Elle était trop loyale à l’Agencija pour me trahir.

Un peu plus tard, Charles revint, une bouteille d’eau et une serviette à la main. Avec précaution, il me libéra de mes entraves et me tendit la bouteille.

Je la bus d’une traite avant de me précipiter, affamée, vers le bol de fruits. Mes jambes étaient en coton et je poussai un gémissement lorsque je faillis trébucher aux pieds de mon gardien. Je renonçais avec tristesse à toutes tentatives de l’affronter. Mes chances étaient trop minces. En dépit de son air éteint, Charles était musclé et imposant. S’il redoutait probablement mes dons de sorcière, il me considérait avant tout comme une poupée de porcelaine, douce et fragile.

En temps normal, je n’aurais eu aucun mal à le mettre à terre. Je pratiquais les arts martiaux depuis mon recrutement à l’Agencija et tuer un homme pour survivre ne me posait aucun problème. Hélas, il me fallait attendre encore un peu. Même si je l’éliminais maintenant, il me faudrait sortir de cette prison.

Je me trouvais probablement en République Tchèque, dans le fief du clan de Prague, situé près de la frontière polonaise. Aleksandar n’aurait pas pris le risque de m’amener ailleurs : il tenait trop à moi pour cela. Il me fallait donc identifier les échappatoires possibles et prendre la poudre d’escampette avant le début des hostilités.

Charles attrapa soudain mon bras et m’invita à sortir.

— Pas de folie, marmonna-t-il. S’il m’arrive quoi que ce soit, une dizaine d’hommes se chargeront de vous ramener dans votre cellule. Les couloirs sont sous vidéo-surveillance.

J’ébauchai un rictus en signe de défi et me contentai d’avancer en silence, observant les couloirs que nous traversions. Au vu des dédales que ces derniers formaient, ma fuite ne serait pas aisée. Nous nous trouvions visiblement dans un sous-sol, même si de fines ouvertures permettaient à la lumière du jour de passer. Si je me fiais à la source d’eau qui s’écoulait non loin de ma cellule, une sortie se trouvait forcément à proximité.

Charles m’invita ensuite à m’arrêter.

— Vous disposez de cinq minutes pour vous laver, annonça-t-il en ouvrant une porte. Pas une de plus.

Il me poussa à l’intérieur et referma la porte. Je déglutis. À quoi Aleksandar jouait-il en se préoccupant de mon hygiène ? Le connaissant, il s’agissait sûrement d’une nouvelle manière de me torturer et j’envisageai l’espace d’un instant de laisser les cinq minutes défiler sans me laver.

Mais si je refusais d’obéir, les conséquences seraient lourdes, très lourdes. Il me contraindrait à me laver, sans doute en y mêlant de la torture. Il gagnerait coûte que coûte.

Je me figeai, le cœur battant la chamade. Quoi qu’il arrive, mon corps souffrirait, comme à chaque fois que je me trouvais dans ses griffes. Ses promesses résonnèrent dans mon esprit et une peur abyssale eut raison de mes envies de rébellion.

Ma tunique tomba sur le sol et ma main activement machinalement le bouton de la douche. L’eau coula le long de mon corps, se mêlant aux sanglots qui s’échappaient de mes yeux. Même en son absence, ce monstre dominait mon esprit de son impérieuse présence.

Face à moi, se trouvait un lavabo ainsi qu’un miroir brisé. Lorsque je découvris les bribes de mon reflet, je me statufiai. Ma chevelure rousse s’entremêlait à des mèches blond platine. Mon teint pâle, affreusement vitreux, faisait ressortir ma peau sèche et mes plaies encore vives. Mais cela n’était rien en comparaison de mes yeux. Mes iris émeraudes arboraient désormais des éclats argentés.

To je halucinacija, samo halucinacija... (1)

Je m’observai de longues secondes dans un mélange d’horreur et de fascination. Comme je le redoutais, mon temps était compté. Le virus de Jouvence dormait en moi depuis trois ans et je repoussais depuis l’échéance de ma transformation.

Je n’étais pas certaine d’y survivre. Ma célèbre ancêtre, Élia Montgomery, avait succombé à ce virus peu après avoir donné naissance à son fils. Du moins, c’est que les légendes racontaient. D’autres affirmaient qu’elle s’était suicidée avant la phase finale pour espérer rejoindre le monde des morts et trouver le repos. Mais peu importait. Le sang des sorcières et des Cachés demeuraient incompatibles.

Si ma transformation arrivait à son terme, alors plus rien ne m’empêcherait d’affronter Aleksandar. Si je survivais, plus je disposerais enfin d'une chance de l’affronter… d’égal à égal, ou presque.

Cette pensée me redonna un peu d’énergie et atténua l’espace d’un instant l’horreur de ma situation. Soit la mort m’attendait au bout du chemin, soit la transformation en une bête assoiffée de sang. La disparition de Kaća, en plus d’avoir fait voler mon univers en éclats, avait précipité mon avenir vers un abysse sans fond.

L’esprit dans le vague, j’attrapai un fragment de miroir. Un seul geste suffirait à trancher la gorge de Charles. Juste un saut vers lui, un mouvement bien placé, et tout serait terminé.

Je reposai le fragment avec lassitude. Ce n’était pas raisonnable. Je n’avais plus assez de forces et sans Élise, je n’avais nulle part où aller. Ma mère me croyait – ou m’espérait – morte et l’essentiel des membres de l’Agencija avait sans doute péri. Aucun lieu dans ce fichu monde ne me protégerait de lui.

Je posai mes mains contre le lavabo, saisie par une furieuse envie de sangloter comme une enfant. J’étais lasse de fuir sans cesse, de changer mon identité, de m’interdire de penser en serbe de crainte que ce monstre ne localise mon esprit. Peu importe où je me trouvais, son ombre planait sur moi telle une épée de Damoclès.

Aleksandar n’était pas seulement cruel et sadique : il était aussi capable de déceler mes secrets les plus inavouables, ceux que je dissimulais farouchement au fond de mon âme. Ma résistance n’était qu’un leurre : il obtiendrait tôt ou tard ce qu’il voulait de moi.

À moins que les légendes sur Élia Montgomery ne soient vraies. Si ma transformation arrivait à son terme, alors la peur changerait enfin de camp.

***

— Quoi ? s’ahurit la voix au téléphone. Tu… tu es sûr de toi ?

Aleksandar éclata de rire.

— Évidemment, Elena, dit-il. Je l’aurais reconnu entre mille. Tu aurais dû voir son regard chargé de haine. J’avais l’impression qu’elle transpercerait ce connard d’anglais avec des lames de verre. Et c’est presque ce qu’elle a fait. Elle l’a assassiné d’un regard, sans doute grâce à la télépathie. Charles l’a vu aussi. J’ai besoin d’une preuve irréfutable, quelque chose qui l’empêchera de s’en sortir si elle venait à m’échapper.

— Tu dois te débarrasser d’elle dès maintenant ! supplia Elena. Laurent la cherche ! Il… il a mobilisé l’ensemble de ses valets et s’ils venaient à nous attaquer…

— Tu crois sincèrement qu’une armée de Cachés fera le poids face à la mienne ? déclara-t-il d’un ton sec.

La jeune femme déglutit à l’autre bout du fil. Satisfait de sa gêne, Aleksandar reprit :

— Je ne peux pas tuer cette fille. Si je le fais, son héritage disparaîtra en poussière. Son ancêtre a veillé au grain et cette garce le sait. Elle est parfaitement capable de s’enfuir sans laisser de traces. C’est une espionne de l’Agencija !

— Ne t’en fais pas, je trouverai une solution. Ces connards de Kennedy ont installé des systèmes informatiques ultrasécurisés pour empêcher le piratage de leurs archives. Je n’aurais pas accès aux rapports sur cette femme avant deux jours. Qu’en dit Schenpfoff ?

— Charles lui rendra bientôt visite. Dépêche-toi de récupérer ces rapports, Elena. Et ne me déçois pas.

Sans attendre de réponse, il raccrocha. Les valets de Laurent avaient beau rôder, cela ne suffisait pas à atténuer son excitation. Cela faisait des mois, depuis son arrivée dans les plus hautes sphères du pouvoir du clan de Prague, que ses opposants lui mettaient des bâtons dans les roues. À force de ruse et de patience, il les avait enfin réduits au silence. Plus personne ne contesterait sa légitimité à régner sur le clan de Prague.

Certes, il aurait pu les assassiner ou les soumettre par la terreur. Il lui suffisait d’user de ses pouvoirs et la situation aurait été réglé. Mais il ne pouvait dévoiler son jeu maintenant. Il devait acquérir la confiance de ces stupides créatures humaines.

— Vous ne dormez pas ? l’interrompit une voix.

Charles le rejoignit, une pile de papiers aux bras. Il amena également un paquet de cigarettes ainsi qu’une bouteille de scotch. Aleksandar étira paresseusement ses longues jambes depuis sa chaise et esquissa un sourire.

— Elena m’a envoyé les premières données piratées des archives des Kennedy, annonça Charles. La fiche d’identité de la fille n’indique rien de surprenant. Quant au rapport de Schenpfoff… il faudra rester patient.

Aleksandar acquiesça et porta une cigarette à ses lèvres. Schenpfoff, malgré ses réticences à collaborer, avait fini par lui fournir les indices nécessaires à la traque de Svetlana. Il soupçonnait la jeune femme d’avoir assassiné son collègue Paul Desert en usant de la sorcellerie. Si les Kennedy n’avaient pas prêté foi à ses accusations, cela fut suffisant pour permettre au démon de confondre son ennemie.

— Le rapport exact n’est pas suffisant, soupira Aleksandar. Il me faut leurs vidéos de surveillance et les autres rapports sur elle. Je dois retracer son parcours là-bas !

— Pourquoi ne pas mettre un coup de pression à Schenpfoff ? Nous l’abritons après tout. Sans nous, la foule n’aurait fait qu’une bouchée de lui ! Il est à notre merci.

Aleksandar mourrait d’envie d’opter pour la manière forte avec le scientifique, mais ce dernier était trop important pour risquer de le perdre. S’il gardait farouchement le secret des expériences qu’il menait à Vienna, il n’avait pas hésité à retourner sa veste contre la cité et à fournir les renseignements nécessaires pour permettre l’infiltration des armées en son sein.

Il le soupçonnait cependant d’avoir supprimé les fichiers relatant la réelle teneur de son travail pour effacer les preuves de sa culpabilité. Schenpfoff était prudent et cupide ; aussi, Svetlana demeurait la dernière personne en mesure de lui révéler la vérité à son sujet.

— Je n’ai plus de temps à perdre, dit-il. Schenpfoff est aussi coriace que Svetlana et je ne réussirai pas à lui tirer les vers du nez sans la torture. S’il refuse de parler, je ne lui en voudrais pas.

— Que signifie cette gentillesse ? s’étonna le jeune homme. Cela ne vous ressemble pas.

Charles sembla aussitôt regretter ses paroles et effectua un mouvement de recul. Aleksandar haussa les épaules et ralluma une autre cigarette. Son second bras droit était bien trop poli pour se permettre une remarque personnelle à son sujet. S’il appréciait presque le jeune homme, il ne tenait pas à se rapprocher de lui. Sa légitimité en tant que chef du clan de Prague en dépendait.

— J’ai besoin de ses compétences de médecin, pas de ses aveux, répondit-il en éludant sa dernière remarque. Schenpfoff serait capable de se suicider s’il sent que je me méfie de lui. Svetlana se chargera de me révéler la teneur de ses expériences. Je suis persuadée qu’elle a été introduite là-bas pour en apprendre plus sur le sujet et s’en servir contre moi.

Charles acquiesça, le visage dénué de toute expression. Il avait beau être intelligent, discret et incroyablement efficace, ses pensées échappaient toujours au démon. Le jeune homme était doué pour dissimuler ses émotions. Si cela ne changeait guère la qualité de son travail, Charles lui était inaccessible.

Déchiffrer les émotions de son entourage lui permettait de conserver une longueur d’avance sur eux. Cela l’aidait à choisir ses partenaires avec soin et à repérer les traîtres dans ses rangs. En général, ces derniers tremblaient de terreur et manquaient de fondre en larmes lorsqu’il décidait de les prendre à leur propre piège. Cette partie-là l’amusait autant que leur lente agonie. Il se sentait comme un Dieu manipulant ses pantins du bout des doigts.

Sa puissance le rendait presque invincible. Aucune de ces créatures ne possédaient la force nécessaire pour le toucher. Finalement, échapper aux soupçons sur sa véritable identité ressemblait plus à un jeu qu’à une crainte.

— J’ai du mal à imaginer que cette fille ait réellement tué cet homme d’un regard, confessa Charles.

— C’est une sorcière. Ces femmes sont capables de choses inimaginables. Assassiner Paul Desert en pleine bibliothèque sans se faire prendre, c’est un coup de maître. Même les caméras de surveillance n’ont pas réussi à l’incriminer.

Aleksandar ébaucha un rictus. La pensée de la frustration de Schenpfoff face à l’impossibilité de prouver la culpabilité de Svetlana lui faisait étrangement plaisir. Il admirait la ténacité et l’intelligence de la jeune femme. Sans cela, sa traque n’aurait pas été aussi amusante.

— Vous pensez que Laurent le savait ? demanda Charles. Que c’était une sorcière, je veux dire.

— Bien sûr. Je suis même persuadé qu’il la baisait en connaissance de cause.

Laurent avait beau être une bête assoiffée de pouvoir et de sang, il possédait un faible pour les sorcières. Selon ses souvenirs, il avait longuement séduit Élia Montgomery, honorant leur maudit pacte au-delà de toutes les espérances de la jeune femme. Il avait probablement utilisé le même stratagème avec sa descendante.

— Est-ce pour cette raison qu’il la cherche aussi ? Si elle ne comptait pas pour lui, il n’aurait pas envoyé autant de valets à sa recherche, dit Charles.

— J’imagine, oui. Laurent n’est pas du genre à s’attacher à ses maîtresses.

Il ne laisserait pas le chef des Cachés lui dérober son bien le plus précieux. Cette victoire lui appartenait. Il lui fallait encore rester sur ses gardes mais bientôt, lorsque le lien entre Svetlana et les sorcières serait dévoilé à l’Europe entière, plus rien ne se dresserait entre elle et lui. La jeune femme serait traquée où qu’elle aille.

Les humains se méfiaient encore des sorcières. Certains groupes de chasseurs officiaient encore, livrant certaines d’entre elles à Vienna contre de l’argent ou organisant à d’autres moments des exécutions sommaires.

Aleksandar avait parfois assisté à ces mises à mort. Malgré l’horreur que cela inspirait aux gens, ces derniers venaient nombreux, sans doute pour oublier leur propre quotidien. Le Monde se perdait et ces spectacles leurs permettaient de se rassembler contre un ennemi commun, qui n’en était pas.

La plupart de ces malheureuses étaient innocentes et souffraient d’une sulfureuse réputation. Les vraies sorcières se faisaient rarement attraper. Néanmoins, cela ne gâchait pas le plaisir de l’exécution. Les humains étaient particulièrement créatifs en matière de tortures et de meurtres. Il admirait cette imagination ; les démons en manquaient cruellement.

— Laurent a d’autres chats à fouetter pour le moment, dit-il. Même si la fille doit occuper ses pensées – et sa queue -, il se prépare plutôt à riposter. Ses valets sont probablement chargés de localiser mon domaine afin de frapper en conséquence. Notre alliance reposait seulement sur notre haine commune envers Vienna. Maintenant, plus rien ne nous lie.

Les Cachés les trahiraient sous peu. Cela le préoccupait d’autant plus qu’ils risquaient à tout moment de découvrir la vérité à son sujet. Il lui avait fallu de longs siècles de travail avant de parvenir à se faire passer pour un humain. Pour cela, il les avait longuement observés, tout d’abord au Demi-Monde lorsque l’Humanité le peuplait encore, puis au Monde en s’infiltrant dans les différents cercles de la bonne société russe tout d’abord, avant de changer d’identité et de royaume au fil des siècles. Petit à petit, il s’était approprié leurs langages, leurs coutumes et leurs rêves.

Parfois, il se surprenait même à penser comme eux.

Il avait même failli mener l’ancêtre de Svetlana à sa perte grâce à son déguisement. La jeune femme l’avait suivie sans se douter de la supercherie et avait failli perdre la vie. Hélas, elle avait fini par le repousser d’un simple regard. La force qui s’était échappée de la sorcière l’avait contraint à rebrousser chemin.

Par sa faute, l’armée des morts était tombée sous son joug. Le Démon-Créateur avait ployé le genou et l’Antimonde avait été repoussé. Depuis, Laurent et ses bêtes régnaient sur le Demi-Monde.

— Et la fille ? reprit Charles avec prudence. Comment comptez-vous la faire céder ?

— Je lui rappellerai les souvenirs de notre première rencontre. D’ailleurs, je compte sur toi pour la garder en bonne santé, si tu vois ce que je veux dire.

— La garder en bonne santé ? Je croyais que vous vouliez vous débarrasser d’elle !

— Je veux la briser, rectifia-t-il d’un ton sec.

Charles encaissa la réponse sans sourciller, même si Aleksandar devina aussitôt le jugement qui voilait son regard. Malgré sa loyauté, il possédait les failles de l’espèce humaine. Il ne pouvait le blâmer. Svetlana était belle, jeune, intelligente et courageuse. Si son bras droit se méfiait d’elle suite aux rumeurs lancées par Schenpfoff, la seule image qu’il avait d’elle était celle d’une captive sauvée d’une mise à mort sanglante pour une agonie plus douloureuse encore.

Le temps pressait. Il n’était pas encore assez puissant pour repousser les immondes créatures de Laurent. Il lui fallait le pouvoir de Svetlana pour enfin se mettre à la hauteur de son adversaire de toujours. Sans cela, les Cachés utiliseraient le Monde comme garde-manger.

Aleksandar imagina soudain les ruelles européennes jonchées de cadavres. Les corps s’empileraient les uns sur les autres et un silence lugubre régnerait, seulement rompu de temps à autre par les cris désespérés des survivants. Le ciel serait masqué par la brume et à terre flotterait l’odeur du sang, de la pisse, de la sueur et du désespoir.

Quelle belle image, songea-t-il en humant de la fumée.

Il constata soudain au travers de son verre que ses iris s’étaient teintes d’un éclat pailleté. Il se ressaisit et poussa un soupir de soulagement en constatant que Charles n’avait pas remarqué le changement, l’esprit vagabondant sans doute à des lieues d’ici. Le démon se fustigea silencieusement : ce n’était pas le moment de se relâcher.

À force de vivre comme les humains, il ressentait leurs émotions naturellement. Parfois, celles-ci dominaient son esprit et l’écartaient de sa mission originelle. Les sentiments n’avaient pas leur place dans l’Antimonde. La loi du plus fort primait et pour survivre, il fallait tisser sa place et ne pas s’attacher à des futilités.

Aucune émotion, même brève, ne devait le mener à l’imprudence.

— Je la veux vivante, ajouta-t-il. Vivante et consciente. Tu dois l’empêcher de faire du mal aux autres et à elle-même. Elle pourrait très bien se suicider dans un geste désespéré.

Charles hocha la tête en guise d’approbation, malgré un frisson qui dressa ses poils sur sa peau.

— Elle est dangereuse, Charles. Elle a tué nombres d’hommes de sang-froid et ses pouvoirs sont aussi dangereux que ceux des Cachés. Laurent ne doit pas la récupérer, il faut la mater avant qu’il ne soit trop tard. Soigne-la, nourris-la, cajole-la si l’envie t’en prend, mais préserve cette fille au maximum.

(1): C'est une hallucination, juste une hallucination...


Texte publié par Elia, 7 mars 2018 à 11h54
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