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tome 1, Chapitre 39 « Vers le destin - I » tome 1, Chapitre 39

Lorsque l’imposante porte d’entrée du manoir de Lyra se referma derrière nous, je sentis de nouveau la honte m’envahir.

Le manoir Hamilton était plongé dans un silence monacal. Nous fûmes accueillis directement par mon amie, qui évita soigneusement mon regard. Elle nous entraîna à l’intérieur du laboratoire des curiosités, où nous attendaient Dorian et Archibald. Elle nous fit signe de nous asseoir et se lova ensuite contre son époux, le visage triste.

Je restai debout, incapable de calmer l’énervement qui agitait mon corps.

— Tout ira bien, me chuchota Maddy. Je suis là pour vous soutenir.

Je ne répondis rien, trop occupée à chercher le regard fuyant de mon amie. J’aurais mille fois préféré subir ses remontrances plutôt que de la voir me fuir ainsi. Mais je ne pouvais guère m’offenser de son attitude : sa clémence était une récompense que je ne méritais guère.

Voyant que mon jeu de regard était voué à l’échec, je tournai la tête en direction d’Archibald. Mes joues rougirent sous l’effet de la honte.

— Archibald, je… commençai-je.

— Inutile de vous justifier, Élia, dit ce dernier en m’interrompant d’un geste. Seule la Déesse sera en mesure de juger vos actes.

Je baissai la tête avant de sentir la main de Maddy tapoter mon épaule en geste de réconfort. Autour de moi, les créatures de l’enfer, figées dans leur dernière demeure, semblaient prêtes à bondir vers nous.

— Vous n’êtes donc pas Lady Catherine, intervint Dorian en s’éclaircissant la gorge.

Son ton se voulait neutre, même si je décelais une pointe de déception. Néanmoins, ses efforts de contenance me rassurèrent et j’hochai la tête pour confirmer ses dires. Lyra évita à nouveau mon regard et je sentis la colère figer ses traits.

— Suis-je ici pour subir un nouveau procès ? demandai-je.

— Est-ce cela que vous craignez ? ironisa mon amie. Si je souhaitais vous traîner en justice, je réunirais le village entier ici. Les habitants seraient ravis d’entendre vos histoires. Estimez-vous heureuse que la chance soit de votre côté.

— Pourquoi sommes-nous réunis, dans ce cas ?

— Mon épouse et moi dirigeons désormais ce village, expliqua Dorian. Jusqu’alors, je laissais les Mortagh établir leur loi, mais ils sont allés trop loin.

— Trop loin ? raillai-je. Cela fait des années que leur règne de terreur dure ! Par leur faute, des centaines d’innocents ont été traqués et exécutés ! Vous vous êtes servis de moi en me demandant de sacrifier mes amis, vous… je suis certaine que vous m’avez réintégré ici pour cette raison, ajoutai-je à l’adresse de Malcolm.

Le Patrouilleur garda le silence et se contenta de soutenir mon regard. Je pris sa réponse pour un « oui » et m’efforçai de calmer la colère qui menaçait d’exploser. J’avais été naïve de croire en la bêtise des Mortagh. Le couple n’avait pas cru un mot de mon récit et Malcolm le savait.

— Et Karen ? repris-je.

— Karen ? répéta-t-il.

— Vous l’avez sacrifié aussi, n’est-ce pas ?

Les traits du Patrouilleur se durcirent et avant même qu’il n’eut confirmé mes dires, je lui assenai une gifle. Il se laissa faire et continua à me toiser du même air insolent.

— De quoi parlez-vous, Élia ? s’étonna Archibald.

— Il a sacrifié Karen, persifflai-je. Il l’a dénoncé et a déposé les preuves chez elle ! Sans lui, elle serait encore vivante. J’imagine que ceci est facile pour vous. Déplacer et jouer ses pions en restant bien caché derrière son statut de Patrouilleur !

— Mais… mais pourquoi ? s’horrifia le médecin.

— Pour sauver le coven, répondis-je. C’est tout ce qui compte, n’est-ce pas ? C’est ce que vous avez fait avec moi. Vous m’avez prise en traître et supplié de revenir ici pour sauver nos frères et sœurs ! Vous m’avez menti et mené vers ce tribunal en toute connaissance de cause ! Vous avez condamné Karen à mort pour la même raison !

Voilà pourquoi mon procès était tombé à point. La position des Mortagh avait été fragilisée en amont par l’exécution de leur fille aînée. L’arrestation d’Edwige avait donc été idéale pour leur porter le coup de grâce.

— Il faut parfois commettre des sacrifices pour le bien commun, se défendit le Patrouilleur. Raonaid était d’accord. C’était le seul moyen de mettre un terme à cette chasse aux sorcières !

— Raonaid ? Décidément, ni vous, ni elle ne valez mieux que les Mortagh ! Karen et moi avons juré fidélité au coven. Nous n’avons jamais failli à notre parole ! Est-ce là votre manière de récompenser vos alliés ?

— Nous n’avons pas pris cette décision de gaieté de cœur…

— Je me fiche de savoir si vous avez hésité à le faire ou non ! Vous l’avez fait, c’est tout. Vous critiquiez Irène pour son désir de conclure une alliance avec les Cachés, vous prétendiez qu’un tel pacte briserait tous les principes de la Déesse. Vous… vous êtes des monstres. Par votre faute, des innocents, ceux que vous avez juré de protéger, sont morts !

— Vous n’avez pourtant pas hésité à témoigner contre vos amis, rétorqua-t-il.

— Si j’avais compris que vous étiez à l’origine de notre présence dans ce tribunal, je me serais laissé brûler. Je vous méprise, Malcolm. Raonaid et vous avez failli à toutes vos promesses.

Un silence pesant s’abattit dans la pièce. Lyra et Dorian semblaient sincèrement surpris par la tournure des événements. Si leur trahison était motivée par le désir de prendre la place des Mortagh, ils ignoraient tout des manigances du Patrouilleur.

Je m’assis finalement sur l’un des fauteuils de velours pour reprendre mes esprits. Un frisson parcourut soudain mon échine. Si mon procès m’avait définitivement acquittée, la liste de Xénia demeurait encore en vigueur. Malgré la torture d’Iris, elle n’avait pas été utilisée comme preuve, puisque Donovan et Pernelle vivaient depuis toujours au coven.

— Où se trouve la liste de Xénia ? interrogeai-je.

— Elle m’a été remise par les juges suite à l’arrestation d’Edwige, répondit Dorian en agitant une feuille de papier.

— Qui d’autre y a eu accès ? Hormis les juges et vous ?

— Nous, intervint Malcolm. Xénia en a fourni une copie à Géralt.

— Nous n’en ferons pas usage, assura le nouveau maire. J’ai d’ores et déjà annoncé aux Patrouilleurs qu’elle était obsolète.

J’éclatai d’un rire glacial.

— Si cette liste se trouve encore aux mains de Géralt, il en fera usage, déclarai-je. Je me souviens encore de son regard lorsqu’il m’a arrêté. Il connaît mon secret depuis le début. Il… il a préparé ma chute et votre plan a ruiné ses espoirs de voir le coven tomber en ruines. Il n’abandonnera pas.

— Géralt est sous les ordres de Dorian, dit Lyra. Il ne tentera rien contre vos amis si mon époux ne l’ordonne pas.

— Lady Montgomery a raison, soupira Malcolm. Il peut encore mobiliser l’aide des juges de la capitale et les retourner contre vous s’il estime que vous protégez les païens. Méfiez-vous de l’eau qui dort.

— Nous devons quitter ce village… et le Demi-Monde. Maddy et moi n’avons plus rien à faire ici.

— Vous partirez, assura Lyra. Mais avant cela, nous avons besoin d’entendre la vérité. Plus de mensonges, Élia. Dorian et moi méritons de connaître vos secrets en échange de notre silence.

— Quelle noblesse d’âme, ironisai-je. Vous ne révélerez rien aux Patrouilleurs et aux juges ?

— Vous comprendrez très vite que… que nous avons besoin de votre aide. Pour cette raison, nous enlèverons les œillères qui voilent notre esprit et garderons le secret.

Tous les regards étaient à présent tournés vers moi. Bien que tout le monde connaisse mon secret, je me sentais mise à nue. Mon accès de colère ne laissait plus aucun doute sur mes allégeances païennes, mais cela ne me dérangeait plus. Je n’avais plus la force de faire semblant. L’idée de mentir, de chercher des excuses, d’inventer des histoires, m’épuisait et me lassait.

— Et bien… Comme vous le savez désormais, je m’appelle Élia Montgomery et je viens du Monde. Plus précisément d’un royaume nommé « Angleterre ».

— Angleterre ? répéta Dorian. Que signifie ce nom ?

— C’est une nation, avec à sa tête un roi ou une reine. Il dirige notre pays – ou région, comme vous le dites ici – et possède tous les droits sur ses sujets.

— Sujets ? répétèrent Lyra et Dorian.

— Imaginez que Xénia et Richard possèdent le droit de vie et de mort sur les habitants d’Endwoods, intervint Maddy. Sans passer par des juges, bien entendu. Et bien… un roi, c’est cela.

— Quelle invention étrange… commenta Lyra.

— La véritable Lady Catherine et moi-même venons aussi du Monde, renchérit Maddy, visiblement décidée à partager la même peine que moi. Même si venons d’un pays différent, la Serbie.

— L’Angleterre correspond exactement à l’emplacement de votre région, expliquai-je en désignant la carte. Les coutumes sont similaires et il m’a fallu des semaines avant de comprendre que je me trouvais dans un… monde différent.

— Et la Serbie ? interrogea Dorian.

— Elle se situe plus à l’est, répondit Maddy. Nos coutumes et notre langue sont différentes d’ici mais je parle la langue de Lady… d’Élia depuis mon enfance. Je me nomme en réalité Tijana et… et je viens d’une époque différente. Je suis née en 2140, tout comme Catherine.

— Mais c’est à des siècles de là ! s’écrièrent en chœur Lyra, Dorian, Malcolm et Archibald.

— Et pourtant je suis née cette année-là.

— Comment est-ce possible ? s’épouvanta Dorian. Comment… comment avez-vous pu…

— Les portails temporels, soupira Lyra. Souvenez-vous, mon amour, des légendes.

— Vous aussi, Lady Montgomery, vous venez d’une autre époque ? interrogea Malcolm.

— Non, je viens de la même époque que vous. Je… j’ai traversé le portail en l’an de grâce 1699.

Dorian et Lyra échangèrent un regard entendu.

— La légende sur les portails temporels disait donc vrai, dit cette dernière. J’ai longuement fait des recherches sur ces mythes sans jamais parvenir à prouver leurs fondements. J’en ai donc conclu qu’il s’agissait de simples rumeurs.

— Non, Lady Lyra, rétorqua Maddy avec politesse. La science de ces portails demeure méconnue, même à mon époque. Ils sont très difficiles à trouver et le voyage d’une époque à l’autre ne s’effectue pas sans douleur.

— Pourquoi avez-vous effectué un tel voyage, Maddy ? demanda Lyra.

— Pour une raison que je tairai ce soir. Loin de moi l’idée de vous mettre des bâtons dans les roues mais… mais c’est une règle d’or nécessaire aux rares voyageurs du temps.

— Catherine a tenté d’enfreindre cette règle en essayant d’attaquer les créations de la Juventus Babina, expliquai-je. Elle a lourdement été punie pour cette erreur.

— Vous savez donc ce qu’il adviendra de cette région ? soupira Dorian.

— Et vous comptez nous laisser dans l’ignorance ? s’agaça Malcolm.

— Croyez-moi messieurs, vous n’avez aucune envie de connaître l’avenir, répliqua Maddy. La seule chose que vous devez savoir est que… est que nos mondes sont amenés à confluer. L’Antimonde a commencé à s’étendre ici de par sa brume perfide et à mon époque, les Cachés terrorisent le pays où je vis. Dans notre Monde, nous parlons de « vampires ». Ces créatures ne chassent que la nuit. Elles se nourrissent de sang humain et demeurent très puissantes.

— Cela signifie donc que les créations de la Juventus Babina vont étendre leur territoire ? s’horrifia Dorian.

— Oui, avec un dénommé Laurent à leur tête, renchérit la jeune fille. Mais sans vouloir vous offenser, Lord Dorian, l’ensemble du Demi-Monde est aujourd’hui conquis par la brume et les Cachés. Nous sommes les derniers sur leur liste.

Le jeune maire hocha la tête d’un air triste.

— Nous avons tous failli, intervint Archibald. Notre région a toujours eu la fâcheuse habitude de se couper des autres. En se cloîtrant derrière les pierres magiques, aucun maire ne s’est aperçu de la terrible réalité. Les Cachés et la brume ont détruit notre monde en moins d’une décennie.

— J’ai sous-estimé cette menace, confessa Dorian. J’ai redouté l’arrivée de la brume, sans me douter que les Cachés étaient sur le point d’éradiquer l’Humanité.

Je me remémorai ma première rencontre avec ces créatures. Personne n’aurait pu imaginer les dégâts causés par ces monstres. Il fallait les voir pour le croire.

— À mon époque, les Cachés raclent les cimetières de notre Monde, à la recherche de nouvelles victimes à contaminer ou à dévorer. Croyez-moi, à côté, les Mortagh sont des enfants de cœur.

Sa voix trahissait une crainte réelle. Il était difficile en voyant Laurent de ne pas en ressentir. Cet homme était un tueur, mais cela ne m’effrayait pas. N’importe qui pouvait tuer mais tout le monde n’éprouvait pas de plaisir à le faire. Et les flammes qui étincelaient dans le regard du Caché montraient le plaisir que ce dernier éprouvait à traquer et torturer ses victimes.

— Vous n’êtes donc pas Lady Catherine, vous venez d’un monde différent et votre domestique vient quant à elle est née à cinq siècles de là, récapitula Malcolm. J’ai tout bon ?

— Ravie de constater que vous êtes meilleur à écouter les histoires qu’à en inventer, ironisai-je.

— Et pourquoi ressemblez-vous autant à Catherine ? rétorqua-t-il, piqué au vif par ma remarque.

— C’est ma descendante.

La nouvelle fut accueillie par un silence et le regard ahuri de toutes les personnes qui m’entouraient.

— Tout ceci est incompréhensible, soupira Dorian. Je veux dire… Maddy, vous ressemblez tellement aux femmes de notre époque, vous… pardonnez-moi, cette idée dépasse mon imagination.

— Inutile de comprendre, Lord Hamilton, répliqua Maddy. Sachez seulement que nous venons d’un endroit différent du vôtre et que nous disparaîtrons tous si nous n’agissons pas.

Malcolm ébaucha un rictus et intervint :

— Dans ce cas, jeune demoiselle, que suggérez-vous ? Combattre l’Antimonde ? Ou peut-être songerez-vous à nous révéler l’avenir pour nous aider à trouver une solution appropriée ?

— Fuir est une solution convenable, ironisa Maddy. Si vous souhaitez survivre, vous feriez mieux de partir d’Endwoods dès maintenant.

— Pour aller où ?

— Dans le Monde, dans un endroit baptisé « le Nouveau-Continent », répondis-je. Là-bas, aucune créature de l’enfer ne rôde dans nos plaines et forêts. Si vous voulez survivre, il s’agit de la seule solution. Mais avant cela… il faut trouver le moyen de repousser les Gardiens de la Forêt.

— Comment ? demanda Lyra.

— En faisant usage de la sorcellerie, répondis-je d’un ton un peu trop abrupt. Vos pierres magiques risquent de devenir obsolètes sous peu. Il va donc falloir requérir l’aide du Démon fondateur de la race des sorcières pour espérer les éliminer.

Un étrange silence s’installa, durant lequel le couple chercha ses mots, plongé en pleine réflexion.

— Accepterez-vous notre départ en sachant de quoi il en retient ou nous arrêterez-vous pour sorcellerie ? demandai-je.

— Faites ce qui vous semble être juste, répondit Dorian. Pour ma part, je m’en lave les mains. Je tâcherai de protéger les villageois sans interférer dans vos affaires.

— Vous êtes sans doute la personne la plus censée de ce village, railla Malcolm. Si vos prédécesseurs avaient réagi ainsi au lieu d’organiser des pogroms à tour de bras, nous n’en serions peut-être pas là.

— Le problème est que l’élection du maire du village est indépendante de la fonction de notable, rétorqua Dorian. Nous sommes maintenant au pied du mur et il faut sauver ceux qui peuvent encore l’être.

— Sauver qui ? soupirai-je. Des villageois prêts à jeter la pierre à la première personne qu’ils suspectent de sorcellerie ? Ou des païens qui à cause de la chasse aux sorcières ont décidé de franchir le portail liant votre monde au mien en sachant que seule la mort les attend ?

— Ne nous blâmez pas pour les fautes de nos prédécesseurs ! s’emporta Lyra. Tout le monde ne cautionne pas le traitement infligé à vos amis. Nous sommes réunis en ce moment même pour améliorer les choses, alors calmez-vous, je vous prie.

Il était trop tard et je n’avais rien pu faire pour empêcher ce désastre. Dès que je repensais à ma dernière rencontre avec la cheffe du coven, la colère et la honte me submergeaient. Je mourrais envie de tout envoyer valser et de retourner en arrière, mais désormais, il fallait, comme le disait Dorian, sauver ce qui pouvait encore l’être.

J’ignorais ce qu’il était advenu de Raonaid et des malheureux qui avaient décidé de la suivre. Mais je ne me faisais aucune illusion sur le sort qui leur serait réservé.

— Ils sont partis le lendemain de votre arrestation, révéla Archibald. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle. Une infime partie du coven, dont les fidèles d’Irène, a décidé de rester. Raonaid a laissé le choix aux membres de partir ou de rester. En attendant, faites confiance à Lord Dorian et Lady Lyra. Nous attendrons le temps qu’il faudra avant d’entamer ce périple et nous vous fournirons également tout le soutien nécessaire.

— Nous savons tous les deux qu’il me faut éveiller mes pouvoirs. Sans cela, le Démon-Créateur me manipulera à sa guise.

— Je ne possède aucune connaissance en sorcellerie et je ne souhaite guère en savoir davantage, déclara soudain Lyra en soutenant mon regard. Mais je pense détenir la clef de votre… destin.

— Que voulez-vous dire ?

— Il y a quelques années, peu avant que je n’épouse Dorian, j’ai moi aussi emprunté le sentier hanté lors d’une nuit sans lune. Un carrosse s’est arrêté à ma hauteur et m’a proposé de monter à son bord. J’ai refusé.

— La Dame Blanche.

— La Dame Blanche, oui. Face à mon refus, la porte du carrosse s’est ouverte et une jeune femme, entièrement vêtue de blanc, s’est penchée vers moi et a murmurée quelque chose au creux de mon oreille.

Dorian déposa un baiser sur le front de son épouse. Lyra tenta de masquer ses émotions, et reprit d’une voix qu’elle voulait neutre :

— Elle m’a révélée deux choses. La première est ma future rencontre avec une jeune femme aux cheveux d’or. « Cette jeune femme te semblera étrange de prime abord, mais il faudra garder ton cœur et ton esprit ouvert. Protège-la malgré les doutes et les tourments qui t’agiteront et tout te sera pardonné ». Quelques années plus tard, lors d’un voyage au village des Cendres, j’ai rencontré Beatriz. C’est une brillante chercheuse dans les domaines religieux et ésotériques. Elle aussi a refusé de monter dans le carrosse de la Dame Blanche et connaissait l’existence d’une étrange femme aux cheveux d’or.

Elle attrapa un plan de la région et me le remit.

— Lorsque vous êtes revenue après l’accident, j’ai commencé à avoir des doutes. Catherine était déjà étrange, mais vous… vous m’intriguiez encore plus. Puis ce matin, lorsque vous m’avez révélé votre véritable nom, j’ai compris que la Dame Blanche parlait de vous.

— Beatriz vit désormais au coven des Quatres Roses Blanches, non loin du village des Cendres, intervint Archibald.

Elle m’a énormément appris. Mais ce n’est pas le plus important. Vous n’êtes pas sans savoir que pour empêcher un héritage magique de se transmettre, il faut placer le don dans un objet puissant à l’aide d’un sortilège spécial.

— Le collier de rubis ! s’illumina soudain Maddy en échangeant un regard entendu avec son ami.

— Vous… vous savez où se trouve l’objet contenant mon héritage magique ?

— La Dame Blanche lui a transmis un collier de rubis d’une très grande valeur, confirma Archibald. Un collier qu’elle devait veiller comme la prunelle de ses yeux jusqu’à ce qu’une femme aux cheveux d’or vienne le réclamer.

Lors d’une précédente discussion, Lyra m’avait révélé que la Dame Blanche ramenait les personnes « là où se trouvait leur place ». Si elle m’était apparue et qu’elle avait ordonnée à ces deux femmes de me venir en aide, cela confirmait que mon destin était lié au Demi-Monde.

— Cette femme possède donc la clef pour éveiller mes pouvoirs ? repris-je.

— Elle m’a parlé plusieurs fois de ce collier et maintenant que je suis au fait des apparitions de la Dame Blanche, je suis persuadé que tout ceci est lié. Élia, Beatriz possède l’héritage du Démon-Créateur. Votre héritage.

Je parcourus la pièce du regard, cherchant à comprendre comment les pièces du puzzle avaient réussi à se rassembler.

— Si cette femme possède bien cet objet, alors je serais en mesure de libérer le Démon-Créateur au cromlech, dis-je à Maddy. Mais… mais je ne comprends pas. Comment avez-vous su qu’un lien existait entre Beatriz et moi ?

— C’est moi qui ai convaincu Archibald d’écrire à Lord Dorian et Lady Lyra, avoua Maddy. Suite à nos retrouvailles et après une discussion où il m’a révélé l’existence de cette femme, j’ai compris qu’elle était en possession du collier de rubis dont les légendes parlaient. Alors… j’ai forcé le destin en lui demandant d’écrire à Lady Lyra pour qu’elle l’aide à prendre contact avec Beatriz.

— Il nous faut donc rendre visite à cette femme, conclus-je.

— Le coven se situe à plusieurs journées à cheval, révéla Malcolm. Les routes officielles sont impraticables du fait de la brume. Il faudra donc passer par un chemin alternatif.

— Ce n’est pas le seul problème, renchérit Lyra. Vous ne pouvez voyager sans une escorte masculine. Si Maddy et vous partez, il vous sera interdit de vous déplacer sans un homme, même avec l’autorisation de Dorian.

Tous les regards se tournèrent naturellement vers Malcolm.

— Si je pars maintenant, cela me rendrait plus suspect que je le suis déjà aux yeux de Géralt, nota ce dernier.

— Vous connaîtrez dans ce cas les joies d’un procès, crachai-je, et prendrez peut-être conscience de la monstruosité de vos actes.

— Géralt ne pourra s’opposer à votre départ si vous obtenez mon accord, dit Dorian. Maddy a raison. Aucun village, aucune taverne ne les accueillera sans un homme.

— Lady Montgomery a beau avoir été acquittée, je ne veux pas prendre le risque d’être à mon tour soupçonné ! protesta-t-il.

— Dorian veillera à ce que votre réputation reste la même qu’à votre départ, assura Lyra. N’ayez crainte.


Texte publié par Elia, 11 février 2018 à 00h07
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