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tome 1, Chapitre 15 tome 1, Chapitre 15

Vendredi 18 heures

La meute est rassemblée chez Emily et Sam et une certaine effervescence est présente dans la petite maison. Tout d’abord, suite au hurlement d’Embry qui avait inquiété les loups, Kim était arrivée en trombe chez Emily et avait trouvé Emily et Luna au bord des larmes. La jeune fille ne comprenait pas la réaction de ses amies. Quand Luna l’aperçut, elle s’était levée pour qu’elle se joigne à elles et lui révéla son secret. Celui-ci choqua sa meilleure amie et la fit pleurer, ce qui engendra d’autres pleurs d’Emily et de Luna. Ensuite, quelques minutes après, les loups étaient revenus et tous enlacèrent Luna assez maladroitement. Jared la tint quelques secondes de plus contre lui. Il avait, tout comme Embry et Kim beaucoup de mal à accepter le fait que sa cousine ait vécu un moment pareil en plus de ce qu’elle avait déjà subi à l’école. Quelques minutes plus tard, il alla prendre son imprégnée dans ses bras qui pleurait encore un peu. Quant à Embry, il serra sa Luna dans ses bras, embrassant son front délicatement.

- Au fait, nous avons une surprise, intervint Sam dans un demi-sourire, ce qui intrigua les trois imprégnées.

L’alpha laissa la phrase en suspend et les loups sourirent doucement.

- Je suis de retour les filles !

Jacob entra dans la maison et Emily, Luna et Kim écarquillèrent les yeux et s’exclamèrent d’une même voix :

- JACOB !!!

Le dénommé Jacob fût alors assailli par les trois filles qui rigolaient, des larmes dans les yeux suite à la situation précédente et le retour de leur ami. Il les enlaça tour à tour, terminant par la dernière imprégnée arrivée. Il la garda quelques secondes de plus dans ses bras, se récoltant un léger grognement de la part d’Embry.

- Je viens d’apprendre ce qui t’est arrivé petite Luna. Ton attaque et ton… Je… Je ne sais pas quoi te dire…

- Il n’y a rien à dire, Jacob. Merci, lui répondit la jeune fille avec un sourire léger mais fataliste. C’est du passé.

- Au fait, par quel miracle, tu es enfin revenu ? demanda Emily, dans les bras de Sam.

Luna recula quelque peu et se retrouva en quelques secondes plaquée contre le torse d’Embry qui la serra contre lui en inspirant ses cheveux, elle soupira en fermant les yeux. Tous les autres les regardèrent quelques secondes, un sourire léger sur les lèvres et reportèrent leur attention sur Jacob qui commença alors à s’expliquer.

- Alors, déjà, j’étais en loup tout le temps où je suis… parti. J’étais au Nord du Canada. J’étais en train de commencer à descendre vers ici quand j’ai perçu dans les pensées de Leah un hurlement. Je me suis rendu compte que c’était toi, Embry et j’ai alors commencé à avancer un peu plus vers Leah. Mais, j’étais tellement concentré sur le fait que j’allais sûrement revenir au moment du mariage de… Bella, que j’ai hésité à continuer pour rentrer. Je n’entendais pas encore les pensées de Leah, autres que le hurlement d’Embry, ni d’aucun d’entre vous d’ailleurs. Mais, j’avais compris que toute la meute s’était transformée et j’ai vu que Leah avait déraciné plusieurs arbres là où elle était. Je n’ai pas compris ce qui l’avait mis dans un tel état de colère. Là, j’ai entendu Quil qui disait qu’il comprenait mieux pourquoi Luna avait dit à la vampire qui vous avait attaqué qu’elle avait vécu quelque chose qui l’avait complètement détruite. En entendant que vous aviez été attaquées je me suis manifesté.

- C’est là qu’on lui a tout raconté, termina Jared.

- Jacob, tu sais qu’il y a un feu de camps ce soir ? demanda Collin.

- Euh… Non…

- Tu devrais peut-être aller parler à ton père, te prendre une douche et ensuite, vous venez tous les deux avec Edward, lui dit Sam.

- Comme ça, j’aurais pas besoin d’aller les chercher, dit Seth.

- Non, toi, tu iras chercher ta mère et l’aider à apporter ses plats.

Jacob commençait à partir pour rejoindre Billy, mais Luna se détacha d’Embry pour l’attraper par le bras délicatement.

- Euh… Jacob…

- Oui Luna ?

- A propos de ce qui m’est arrivé, personne à part la meute ne doit savoir. Je ne veux pas que le Conseil soit au courant, mon oncle y est et je ne veux pas que mes parents…

- Ne t’inquiète pas. Je ne dirais rien. Promis petite Luna.

Il partit de la maison et un silence un peu gêné se fit dans la maisonnée. Mais, Luna brisa le silence.

- Bon. Avec tout ça, on n’a pas pu tout préparé pour le repas.

Elle fit un sourire à son imprégné et partie dans la cuisine, suivie de Kim et Emily.

- Attendez-moi. Je viens vous aider, dit Leah en les suivant, surprenant le reste des loups présents.

Pour préparer la soirée, plusieurs groupes s’étaient formés. Sam, Paul et Jared étaient partis à l’endroit où le feu de camps allait avoir lieu pour installer celui-ci. Seth, Collin et Brady étaient partis chercher les divers plats de Sue et la prirent au passage pour l’amener au feu de camps. Tandis que Quil et Embry amenaient les plats que les filles avaient terminé de préparer au fur-et-à-mesure au feu de camps. Quant aux filles, elles s’étaient organisées pour être encore plus efficaces. Kim et Emily finissaient de préparer une grande salle de pommes de terre pendant que Leah et Luna s’occupaient des derniers muffins au chocolat, l’une les enfournant et les sortant pendant que l’autre les rangeait dans les différentes boîtes.

Aux alentours de 19 h 30, la maison de Sam et Emily s’était vidée complètement. Quil était parti chercher son grand-père et Jacob arrivait avec un Billy souriant d’avoir enfin retrouvé son fils et Edward. Le feu de camps se déroulait juste derrière la propriété des Black. Derrière l’atelier de mécanique de Jacob. Il y avait un grand foyer où un feu commençait à brûler et à crépiter sous le ciel qui commençait à devenir légèrement oranger. Autour du feu, quatre énormes rondins de bois étaient couchés par que les gens s’assoient dessus et contre ceux-ci à même le sol. Un espace avait été aménagé pour accueillir le fauteuil de Billy, ainsi que trois sièges de jardin en toile pour que Sue, Edward et Quil senior puissent s’assoir. Entre le feu de camps et l’atelier de Jacob se tenaient trois tables de jardin où étaient disposés les différents plats et les boîtes que Sue et les filles avaient préparé. Il y en avait vraiment pour un régiment, mais les loups étaient vraiment des mangeurs de compétition, donc, aucun gâchis n’allait être fait. Tout le monde en était sûr. Embry arriva avec Luna dans ses bras au feu de camps.

Son imprégnée semblait assez stressée. En même temps, rien de plus normal. D’abord, c’était son premier feu de camps officiel, elle était maintenant une initiée. Et en plus, elle était une imprégnée et elle allait être présentée au Conseil et ils étaient au courant pour son don particulier. Ce qui fait qu’ils voulaient sûrement lui poser des questions. Embry lui prit la main et il les dirigea vers une femme d’une quarantaine d’années, elle avait le teint brun, des cheveux noirs lisses, des yeux noirs, un visage doux et avenant et le même sourire doux et joyeux que Seth.

- Bonsoir Sue. Je te présente Luna Queen, la nièce d’Edward, cousine de Jared et mon imprégnée. Luna, ma chérie, je te présente Sue Clearwater, membre du Conseil et la mère de Seth et Leah, comme tu t’en doutes.

Luna sourit timidement et tendit la main vers la femme qui souriait gentiment en entendant comment Embry parlait tendrement à la jeune fille.

- Enchantée Madame Clearwater.

- Moi de même Luna. Mais, appelle-moi Sue. Nous allons souvent nous voir et tu peux me tutoyer.

- Je vais essayer Mada… Sue.

Sue lui sourit gentiment.

Quelques minutes plus tard, Embry avait terminé de faire la présentation aux deux derniers membres du Conseil et avait accompagné Luna pour qu’elle puisse dire bonjour à son oncle. Sue demanda à Jacob et Collin de commencer à ramener les salades et les saucisses pour les hot-dogs. Ce fût alors le signal pour tout le monde de commencer la soirée. Au bout d’un moment, tout le monde en était à manger les muffins que les filles avaient fait quand le vieux Quil se tourna vers Luna qui était entre Quil et Embry par terre.

- Alors Luna… Edward nous a dit que tu avais un don particulier. Quel est-il ?

- Euh… En fait, je… je communique avec les esprits errants... Les fantômes quoi.

Le silence suivit cette déclaration. Sue, Billy et Quil senior regardèrent la jeune fille, ainsi que Collin et Brady, qui ne semblaient pas au courant.

- Ah bon ? dit Billy en haussant un sourcil.

- Oui. Oncle Edward, pourquoi tu ne leur as pas dit ?

- Je voulais qu’ils l’apprennent par toi.

- OK. Que voulez-vous savoir ?

- Depuis quand tu sais faire… ça ? demanda Sue, hésitante.

- J’ai vu mon premier fantôme à huit ans.

Un nouveau silence se fit. Personne d’autre ne le savait, donc, tous la regardaient avec intérêt. Elle reprit.

- C’était un petit garçon avec un pyjama bleu et des yeux marrons. Je m’en rappellerai toujours. Mais, je ne savais pas ce qui m’arrivait car personne ne le voyait et mes parents ne me croyaient pas. Ensuite, jusqu’à mes onze ans, je continuais à voir d’autres personnes que personne ne voyait. Un jour, je me suis retrouvée devant la photo d’une petite fille qui s’était fait écrasée quelques jours avant sous les yeux de ses parents. Je l’avais vu la veille alors qu’elle était morte quatre jours avant. J’ai compris alors que c’était un fantôme et que peut-être, je pouvais l’aider. Elle voulait dire au revoir à ses parents.

- Tu as eu peur quand tu as compris que tu voyais les fantômes ? demanda Sue.

- Au début oui, parce que je croyais être folle. Mais, vu que j’avais des soucis à l’école et que je n’avais pas d’amis, ils sont devenus mes amis, si je puis dire et j’ai continué à les aider.

- Et donc, depuis tes onze ans, tu as pu aider combien de fantômes ? demanda Billy.

Luna comptait sous les yeux du Conseil et de la meute.

- Eh bien, si je compte à peu près… hum… un peu plus d’une trentaine de fantômes.

Des exclamations se firent entendre dans le cercle fermé de la Push. Embry serra la main de Luna et la regarda amoureusement. Il était fier d’elle. Depuis presque cinq ans et malgré ses problèmes personnels, elle avait aidé plus de trente fantômes et leurs familles.

- Wouah ! s’exclama Jacob impressionné.

- Comment tu les aides ? demanda Seth, curieux, comme tout le monde d’ailleurs.

- Ca dépend. Mais, la plupart du temps, ils veulent simplement dire au revoir à leur famille, ce qui, pour la plupart, est quelque chose qu’ils n’ont pas pu faire. Mais, certains d’entre eux veulent révéler des secrets ou savoir des choses pour pouvoir partir en paix.

- Ca doit être difficile de faire l’intermédiaire entre les deux mondes, souffla Sue.

- Bin, c’est difficile car, les fantômes me racontent certaines choses très personnelles. Ça me prend pas mal d’énergie, surtout quand ils passent enfin de l’autre côté. Mais, je pense que c’est un prix honnête pour aider des familles et surtout des esprits à partir en paix. Je suis faite pour ça et j’en suis vraiment fière.

- Est-ce que tu as vu des esprits depuis que tu es à la Push ? demanda Edward.

- En effet, j’ai vu le père de Quil et Sarah Black.

Billy et Quil senior regardèrent la jeune fille avec intérêt.

- Aucun des deux n’est en paix alors ? demanda Billy avec une voix rauque.

- Eh bien, pour le père de Quil, j’ai réussi à le faire partir en paix juste après que j’ai fait part du message dont il m’avait chargé de dire à son fils.

- Et pour ce qui est de ma femme ?

- Si, elle est en paix. Mais, certains esprits en paix viennent parfois me voir pour me révéler certaines choses. Elle m’a chargée de dire certaines choses à Jacob et Rachel. D’ailleurs Billy, elle m’a chargée de vous dire que vous avez fait du très bon travail avec vos trois enfants. Même si Rebecca ne vient plus à la Push, mais elle est heureuse avec son mari et ses deux enfants à Hawaï. Sarah voudrait que vous alliez de l’avant pour trouver de nouveau l’amour, même si elle sait que ça sera difficile. Mais, elle a confiance en vous.

Le silence se fit suite à ces révélations où chacun resta quelques minutes dans ses pensées. Jared prit Kim dans ses bras pour la réchauffer et lui murmurer un petit « je t’aime » au creux de l’oreille. Tandis qu’Embry prit Luna contre son torse, lui fit un léger baiser dans le cou, comme pour la remercier d’être là, avec lui et d’avoir apaisé Billy. Car, il semblait plus apaisé dans son fauteuil.

Quelques minutes plus tard, l’atmosphère changea presque brutalement. Tout le monde changea d’attitude. La nuit était complètement tombée et le feu faisait des reflets rougeoyants sur les divers visages du Conseil restreint. Paul, Quil, Jacob, Seth, Collin et Brady se redressèrent, un air sérieux sur le visage. Emily sortit un carnet à spirale ainsi qu’un stylo, alors que Sam s’éloigna légèrement d’elle, concentré, Leah fixa le feu, comme perdue dans ses pensées, alors qu’en fait, elle se concentrait sur ce qui allait suivre. Jared releva légèrement Kim et s’appuya un peu plus sur le tronc d’arbre sur lequel il était adossé. Embry fit de même avec Luna. Quant aux anciens, ils se redressèrent dans leurs sièges et tout le monde se concentra sur la suite.

Le bois craqua derechef, expédiant une nouvelle gerbe d’étincelles qui scintillèrent dans la nuit. Billy se racla la gorge et, sans aucune introduction, se lança dans son récit, de sa voix grave aux riches intonations. Les mots lui venaient avec précision, comme s’il les connaissait par cœur, teintés cependant d’un rythme et d’une réelle musique, tel un poème déclamé par son auteur.

- Les Quileute ont toujours été un petit peuple. Nous n’avons cependant jamais été éradiqués de la surface de la Terre grâce à la magie qui coule dans nos veines depuis la nuit des temps, même si notre capacité à changer de forme n’est venue que plus tard. Car, au commencement, nous étions des esprits guerriers.

Luna découvrait une majesté chez Billy Black, reflet de l’autorité naturelle qu’il dégageait. Le stylo d’Emily dansait vivement sur le papier afin de ne rien perdre de ses précieuses paroles.

- La tribu s’installa sur cette côte et se spécialisa dans la construction de bateaux et la pêche. Malheureusement, nous étions peu nombreux, l’endroit regorgeait de poissons. Des rivaux convoitaient nos terres, et nous n’étions pas assez puissants pour les défendre. Une tribu plus importante nous envahit, et nous fûmes contraints de fuir sur nos navires.

« Kaheleha ne fut sans doute pas le premier esprit guerrier, mais nous avons oublié les légendes ayant précédé la sienne. Nous ne nous rappelons plus qui s’est aperçu de l’existence de notre pouvoir, no comment il a été utilisé avant cette épreuve. Pour nous, Kaheleha inaugura la lignée des grands Chefs Esprits de notre peuple.

« Le jour de l’attaque, lui et son armée quittèrent les embarcations. Par l’esprit seulement. Les femmes restèrent sur les flots pour surveiller leurs enveloppes charnelles, tandis que les hommes regagnaient la grève.

« S’ils n’étaient pas en mesure d’atteindre physiquement leurs ennemis, ils disposaient d’autres moyen. Les récits nous apprennent qu’ils pouvaient déclencher de violentes bourrasques sur le camp adverse ; qu’ils étaient capables de faire hurler le vent pour terrifier leurs opposants. Les histoires nous disent aussi que les animaux les voyaient et les comprenaient, qu’ils leur obéissaient.

« Kaheleha et ses hommes vainquirent les envahisseurs. Ces derniers avaient des meutes de gros chiens à la fourrure épaisse dont ils se servaient pour tirer leurs traîneaux sur les terres gelées du nord. Les Quileute retournèrent les bêtes contre leurs maîtres puis déclenchèrent une invasion de chauves-souris qui peuplaient les cavernes des falaises. Ils provoquèrent les cris du vent afin d’aider les chies à semer la pagaille parmi les hommes. Les animaux l’emportèrent, et les survivants s’égaillèrent en jurant que notre côte était maudite. Les Quileute victorieux libérèrent les chiens qui retournèrent à la vie sauvage, tandis qu’eux-mêmes réintégraient leurs corps et retrouvèrent leurs épouses.

« Effrayées par notre magie, les tribus environnantes, les Hoh et les Makah, signèrent des traités de non-agression avec nos ancêtres. Si un ennemi se risquait quand même à nous affronter, les esprits guerriers le chassaient, et nous vécûmes en paix.

« Les générations se succédèrent ainsi jusqu’à l’ultime grand Chef Esprit, Taha Aki, réputé pour sa sagesse et son pacifisme. Sous son règne, le peuple connut la joie. Il n’y avait qu’un mécontent, Utlapa.

Un sifflement furieux retentit alors quelque par autour du feu, mais Billy continua son récit.

- Utlapa était l’un des guerriers les plus forts de Taha Aki. Sa puissance n’avait d’égale que son avidité. Il estimait que la tribu aurait dû se servir de sa magie pour étendre son territoire et réduire les Hoh et les Makah en esclavage, afin d’établir un véritable empire.

« Désormais, lorsque les soldats se transformaient en purs esprits, ils étaient capables de lire les pensées de leurs pairs. Taha Aki découvrit donc ce à quoi rêvait Utlapa et se fâcha. Il condamna l’ambitieux à l’exil et lui interdit de jamais se resservir de son esprit. Tout fort qu’il fût, Utlapa n’était pas en état de résister à une armée entière, il fut contraint d’obéir. Rageur, il se cacha dans une forêt proche pour y guetter l’occasion qui lui permettrait de se venger de son supérieur.

« Même en temps de paix, le Chef Esprit restait vigilant quand il s’agissait de la sécurité des siens. Souvent, il gagnait un endroit secret et sacré, perdu dans la montagne. Il y abandonnait son corps et survolait les bois et la côte pour s’assurer qu’aucun danger ne menaçait. Un jour, alors que Taha Aki remplissait son devoir, Utlapa le suivit. Son intention première avait été de le tuer, purement et simplement. Ce plan avait des inconvénients, cependant. Les guerriers chercheraient sans doute à détruire l’assassin, qu’ils rattraperaient sans aucune difficulté. Dissimulé derrière un rocher, Utlapa observa les préparatifs du chef et il eut une autre idée.

« Taha Aki s’envola pour sa tournée d’inspection, Utlapa attendit qu’il se fût éloigné pour mettre son projet à exécution. Le chef sut immédiatement que son rival l’avait rejoint dans le monde spirituel et devina ses secrets, mais les vents ne réussirent pas à le porter assez vite pour le sauver. Quand il arriva là-bas, son enveloppe charnelle avait disparu. Celle d’Utlapa gisait au sol, abandonnée. Hélas, le maudit avait tout prévu en tranchant sa propre gorge des mains même de Taha Aki, si bien que ce dernier était condamné à rester esprit.

« Il suivit son corps dans la vallée, agonissant d’injures Utlapa, qui l’ignora comme une brise anodine. Désespéré, Taha Aki vit son ennemi prendre sa place au sein des Quileute. Durant quelques semaines, Utlapa garda profil bas, afin que chacun crût qu’il était Taha Aki. Puis les premiers changements intervinrent. Le traître commença par interdire aux guerriers d’entrer dans le monde spirituel. Il prétendit avoir eu la vision d’un danger, alors que, en réalité, il avait peur. Il était conscient que Taha Aki attendait une chance de raconter ce qui s’était passé. D’ailleurs, l’imposteur craignait lui aussi de se transformer en esprit, sachant pertinemment que Taha Aki exigerait la restitution de son corps. Ainsi, ses rêves de conquête tombèrent à l’eau, et il dut se contenter de diriger la tribu. Il oppressa celle-ci, réclamant des privilèges que l’ancien chef n’avait jamais demandés, refusant de travailler avec ses hommes, prenant une deuxième épouse, puis une troisième, alors que la femme de Taha Aki vivait encore, un évènement extraordinaire pour les Quileute. Taha Aki assista à tout cela en proie à une rage impuissante.

« Il finit par essayer d’assassiner son propre corps afin d’épargner à son peuple les excès d’Utlapa. Il convoqua un loup féroce de la montagne, mais l’imposteur se cacha derrière ses soldats et, quand un jeune homme fut tué en tentant de protéger celui qu’il prenait pour son chef, Taha Aki ressentit un chagrin épouvantable et ordonna à la bête de regagner son repaire.

« Toutes les histoires insistent sur la difficulté d’être un esprit guerrier. Il était plus terrifiant qu’amusant de se libérer de son enveloppe charnelle, voilà pourquoi nos aïeux ne recouraient à leur magie qu’en cas de besoin. Les expéditions solitaires du chef étaient un fardeau, un sacrifice auquel il consentait pour le bien de la communauté. Etre privé de corps était désorientant, inconfortable, très pénible. Taha Aki avait été éloigné du sien depuis si longtemps qu’il était à l’agonie. Il se croyait maudit, estimait qu’il n’atteindrait jamais la terre ultime où l’attendaient ses ancêtres, parce qu’il était à jamais voué à cette vacuité atroce.

« Le loup, animal imposant et magnifique, suivant dans les bois l’esprit de Taha Aki qui se tordait de douleur. L’ancien chef éprouva une soudaine jalousie pour cet animal sans cervelle. Lui possédait un corps ! Lui avait une vie ! L’existence d’une bête valait mieux que cet abominable vide conscient. Ce fut alors que Taha Aki eut l’idée qui allait changer notre destin à tous. Il prit le grand loup de l’accueillir, de partager son enveloppe terrestre. L’animal obtempéra, et Taha Aki se glissa en lui, à la fois soulagé et plein de gratitude. Certes, il n’était plus humain, mais il n’était plus condamné à la vacuité du monde spirituel.

« Ne faisant plus qu’un, la bête et l’homme retournèrent au village sur la côte. Les gens s’enfuirent, affolés, en appelant à l’intervention des guerriers. Ces derniers surgirent, armés de leurs lances. Bien sûr, Utlapa préféra rester derrière. Taha Aki n’attaqua pas ses anciens combattants. Il recula lentement, s’adressant à eux avec ses prunelles, tentant de chanter les chansons de son peuple, et ils comprirent peu à peu que ce loup n’était pas ordinaire, qu’une âme l’influençait. Un vieux guerrier nommé Yut décida de désobéir aux ordres de celui qu’il prenait pour son chef et d’essayer de communiquer avec l’animal.

« Dès que Yut eût franchi les limites du monde spirituel, Taha Aki quitta le corps du loup, qui attendit sagement son retour, et parla. Confronté à la vérité, Yut rendit hommage à son vrai chef. A cet instant, Utlapa vint voir si la bête avait été tuée. En découvrant la dépouille de Yut protégée par ses pairs, il saisit ce qui se passait. Tirant son coureau, il se précipita afin d’assassiner le vieux soldat avant qu’il ne réintègre son enveloppe charnelle. « Traître ! » hurla-t-il. Les guerriers furent décontenancés. On leur avait interdit les voyages spirituels, et il appartenait au chef de punir qui contrevenait à ses ordres. Yut regagna prestement son corps. Malheureusement, Utlapa menaçait déjà sa gorge d’un couteau, une main plaquée sur sa bouche. Le corps de Taha Aki était fort, et l’âge avait affabli Yut qui ne put même pas prononcer un mot et prévenir ses camarades, car Utlapa le fit taire à jamais.

« Taha Aki regarda l’esprit de Yut s’en aller vers l’ultime contrée, celle qui lui était interdite pour l’éternité. Il ressentit une rage immense, la plus puissante de son existence. Il retourna dans le grand loup, bien décidé à déchirer la gorge d’Utlapa. C’est alors qu’une magie réellement extraordinaire se produisit. La colère du vieux chef était celle de l’homme. L’amour qu’il nourrissait envers les gens de sa tribu et la haine qui le consumait à l’encontre de leur oppresseur étaient trop vastes pour le loup, trop humaines. L’animal frissonna et, sous les yeux ahuris tant des guerriers que d’Utlapa, il transforma en être humain. Ce nouvel homme ne ressemblait pas à Taha Aki. Il était bien plus splendide. Il était l’interprétation incarnée de l’esprit de Taha Aki. Ses soldats le reconnurent aussitôt, car ils avaient volé en sa compagnie. Utlapa tenta de fuir, mais la nouvelle enveloppe charnelle de Taha Aki avait la force du loup. S’emparant de l’imposteur, il anéantit son âme avant qu’elle ne s’évade du corps qu’il avait dérobé.

« Le peuple se réjouit en comprenant ce qui s’était produit. Taha Aki rétablit l’ordre, se remit à travailler avec les siens, rendit ses deux jeunes épouses à leurs familles. La seule chose sur laquelle il ne revint pas les voyages spirituels. Il avait compris qu’ils étaient devenus trop dangereux, à présent qu’avait germé l’idée de voler la vie d’un autre. Les esprits guerriers cessèrent donc d’exister.

« Dès lors, Taha Aki fut plus qu’un simple loup et qu’un simple homme. On le surnomma Taha Aki le Grand Loup ou Taha Aki l’Homme Esprit. Il présida à la destinée de la tribu durant de très nombreuses années, car il ne vieillissait plus. Dès lors qu’un danger menaçait, il se transformait en bête afin de combattre ou d’effaroucher l’ennemi. La vie se poursuivit dans la paix, Taha Aki engendra de multiples fils dont certains s’aperçurent, après avoir atteint l’âge adulte, qu’ils étaient eux aussi capables de transmuter. Ces loups différaient tous les uns des autres, car ils étaient des esprits et reflétaient la nature des hommes qui les habitaient.

- Voilà pourquoi Sam est tout noir, marmonna Quil en souriant. A cœur noir, poil noir.

Luna sursauta légèrement dans les bras d’Embry en se rendant compte que l’assemblée consistait en descendants de Taha Aki, elle y comprit. Le foyer crépita, et des étincelles s’envolèrent, dessinant des silhouettes presque identifiables.

- Et toi ? chuchota Sam à Quil. Ta fourrure chocolat trahit à quel point tu es sucré ?

Billy ne tint aucun compte de ces moqueries.

- Quelques fils, reprit-il, se firent guerriers et arrêtèrent de vieillir. D’autres, qui n’appréciaient pas la transformation, refusèrent de se joindre à la meute. Ils se remirent à subir les assauts du temps, et la tribu comprit alors que les hommes-loups étaient comme n’importe quel humain dès qu’ils abandonnaient leur esprit lupin. La vie de Taha Aki dura aussi longtemps que celle de trois vieillards. Après la mort de sa première femme, il en épousa une deuxième, puis une troisième quand la seconde fut décédée. En cette dernière, il rencontra sa véritable moitié. Certes, il avait aimé les autres mais là, c’était différent. Il décida alors de renoncer à son esprit de loup afin de pouvoir mourir en même temps qu’elle. Ainsi nous a été transmise la magie, bien que ce ne soit pas là la fin de l’histoire…

Le père de Jake regarda le vieux Quil Ateara qui se tortilla sur sa chaise et redressa ses frêles épaules. Billy but une gorgée d’eau à la bouteille puis s’essuya le front. Sans faiblir, le stylo d’Emily continuait de courir sur le papier.

- Telle est la légende des esprits guerriers, entonna le vieux Quil de sa voix de ténor. Je vais vous narrer celle du sacrifice de la troisième épouse.

« Bien après que Taha Aki eut abandonné son esprit lupin, alors qu’il était chenu, des troubles éclatèrent au nord, avec les Makah. Plusieurs jeunes femmes de cette tribu disparurent, et leurs hommes blâmèrent les loups du voisinage qu’ils craignaient et dont ils se défiaient. Les hommes-loups pouvaient toujours lire les pensées de leurs pairs quand ils revêtaient leur forme animale, comme leurs ancêtres l’avaient fait en tant qu’esprits. Ils savaient donc qu’aucun d’entre eux n’était responsable. Taha Aki tenta d’apaiser le chef Makah, mais les peurs étaient trop fortes. Taha Aki ne souhaitait pas la guerre, il n’était plus un guerrier pour réussir à conduire les siens à la victoire. Il chargea son fils aîné, Taha Wi, d’identifier le vrai coupable avant que ne débutent les hostilités.

« Taha Wi entraîna cinq de ses compagnons lupins dans une quête à travers les montagnes, cherchant des indices sur les filles enlevées. Dans la forêt, ils tombèrent sur une chose inconnue, une étrange et douceâtre odeur qui leur brûla les narines jusqu’à ce qu’elles soient douloureuses.

« Ils ignoraient quelle créature laissait ces traces olfactives, les suivirent cependant, continua le vieux Quil dont les intonations, quoi que dénuées de la majesté qui caractérisait la voix de Billy, étaient empreintes d’une sorte d’urgence. Ils trouvèrent également de vagues traces humaines, du sang, le long de la piste. Ils furent donc certains d’avoir repéré l’ennemi qu’ils traquaient. Leur voyage les mena si loin vers le nord que Taha Wi renvoya la moitié de la meute, les plus jeunes, vers le village, afin d’y faire un rapport à son père. Lui-même et ses deux frères ne revinrent jamais.

« Leurs cadets partirent à leur recherche, seul le silence leur répondit. Taha Aki pleura la perte de ses fils. Il aurait voulu les venger, il était si vieux. En habits de deuil, il alla à la rencontrer du chef Makah et lui raconta ce qui s’était passé. L’autre crut en son chagrin, et les tensions s’apaisèrent.

« Un an plus tard, la même nuit, deux vierges Makah disparurent de chez elles. Les guerriers en appelèrent aussitôt aux Quileute, qui flairèrent l’identique puanteur dans tout le village. Ils repartirent donc en chasse. Seul l’un d’eux survécut, Yaha Uta, l’aîné de la troisième femme de Taha Aki, le benjamin de la meute. Il ramena avec lui quelque chose que les Quileute n’avaient jamais vu – un cadavre qu’il avait mis en pièces, froid comme la pierre. Tous ceux qui étaient du sang de Taha Aki, y compris ceux qui n’avaient pas été loups, sentirent l’odeur puissante qui émanait de la créature morte. C’était elle, l’ennemi des Makah.

« Yaha Uta narra ce qui s’était passé : lui et ses frères avaient trouvé l’être étrange qui, sous l’apparence d’un homme, était comme le granit avec les deux filles Makah. L’une d’elles avait déjà perdu la vie et gisait, blanche, vidée de son sang, sur le sol. L’autre était prisonnière des bras du monstre qui avait la bouche tout contre sa gorge. Elle était sans doute encore vivante quand ils arrivèrent sur les lieux de l’abominable spectacle, mais la créature lui brisa rapidement le cou et jeta son corps à terre. Ses lèvres pâles étaient couvertes de sang, ses prunelles étaient allumées d’un rougeoiement furieux.

« Yaha Uta décrivit la force et la rapidité de l’adversaire. Un des frères mourut pour avoir sous-estimé cette puissance, car le monstre le déchira en deux, comme une poupée de son. Yaha Uta et son autre frère furent plus circonspects. Ils s’unirent, harcelant la créature de tous les côtés, le trompant par d’audacieuses manœuvres. Il leur fallut toutefois recourir à toute la célérité et à toute l’habileté de leurs corps de loups, d’en repousser les limites comme s’ils n’avait jamais été obligés de le faire. L’étranger avait la dureté de la pierre et la froideur de la glace. Seules leurs dents réussissaient à l’entamer. Ils se mirent donc à le dépecer petit à petit tout en luttant contre lui.

« L’ennemi apprenait vite, néanmoins, et il ne tarda pas à les égaler en ruse. Il parvint à s’emparer d’un des deux loups, puis Yaha Uta trouva une ouverture vers la gorge du monstre et bondit. Ses crocs tranchèrent sa tête, mais les mains assassines continèrent de broyer son frère. Yaha Uta lacéra la créature en mille morceaux avec une hargne désespérée desstinée à sauver son malheureux allié. Hélas, il était trop tard, même s’il finit par anéantir l’assassin.

« Du moins, c’est ce que tout le monde croyait. Le survivant déposa les restes puants à terre pour que les anciens les examinent. Une main coupée traînait à côté d’un bras. Quand les sages les poussèrent avec des bouts de bois, les deux débris épars se touchèrent, et la main tenta de se ressouder au bras. Horrifiés, les aînés ordonnèrent qu’on y mît le feu. Un gros nuage de fumée malodorante pollua l’air. Lorsqu’il ne resta du monstre plus que des cendres, les Quileute les répartirent dans de nombreux sac et les éparpillèrent au loin, un peu partout, dans l’océan, les bois, les cavernes des falaises. Taha Aki tint à garder un des sachets autour du cou afin d’être averti si la créature tentait une fois encore de se rassembler.

Le vieux Quil s’interrompit pour regarder Billy qui sortit de sous sa chemise un grand lacet de cuir au bout duquel était suspendue une petite bourse que les ans avaient noircie. Quelques auditeurs laissèrent échapper un souffle, alors que Luna hoqueta face à ce qu’elle vit.

- Ils l’appelèrent Sang-Froid, buveur de sang, et se mirent à vivre dans la crainte qu’il ne soit pas le seul représentant de son espèce. Il ne leur restait plus qu’un loup protecteur, le jeune Yaha Uta.

« Ils n’eurent pas longtemps à attendre. Le monstre avait une compagne, qui vint trouver la tribu, l’âme assoiffée de vengeance. Les légendes affirment que cette femelle était l’être le plus beau qu’œil humain eût jamais croisée. Elle ressemblait à la déesse de l’aube lorsqu’elle entra dans le village, ce matin-là. Pour une fois, le soleil brillait, se reflétant entre mille éclats sur sa peau blanche et illuminant sa chevelure dorée qui lui tombait jusqu’aux reins. Son visage était magique de splendeur, avec ses prunelles noires sur toute cette pâleur. Certains tombèrent à genoux pour la révérer.

« Elle posa une question d’une voix haute et aigüe, dans une langue que nul ne connaissait. Ahuris, les gens ne surent que répondre. Dans l’assistance, personne n’était de la lignée de Taha Aki, mis à part un garçonnet qui s’accrocha aux jambes de sa mère en hurlant qu’une odeur lui brûlait le nez. L’un des anciens, en route pour le conseil, entendit ses paroles et comprit à qui il avait affaire. Il cria aux autres de se sauver. Ce fut lui qu’elle tua en premier.

« Il y eut vingt témoins de l’arrivée de la femelle Sang-froid, deux survécurent, uniquement parce que, distraite par le sang, elle s’arrêta pour s’y abreuver. Ils coururent Taha Aki qui participait à la réunion en compagnie des autres sages, de ses fils et de sa troisième épouse. Yaha Uta se transmuta en esprit lupin sitôt qu’il eût vent des nouvelles. Il partit seul affronter et détruire l’intruse. Taha Aki, sa femme, ses fils et les anciens le suivirent. D’abord, ils ne réussirent pas à trouver la créature, juste les traces de son attaque. Des cadavres brisés jonchaient le chemin par lequel elle était venue, dont quelques-uns vidés de leur sang. Puis ils perçurent des hurlements et se ruèrent vers la grève.

« Une poignée de Quileute s’étaient réfugiés sur les bateaux. La femelle les poursuivait à la nage, tel un requin. Elle cassa la proue d’un navire avec une force incroyable. Lorsque l’embarcation coula, elle attrapa ceux qui tentaient de surnager et les brisa en deux également. Apercevant le grand loup sur la côte, elle oublia ses victimes et revint vers la rive à une telle allure qu’on distinguait à peine ses gestes. Alors, elle se dressa devant Yaha Uta, dégoulinante d’eau, dans toute sa gloire. Elle pointa sur lui un doigt blême et posa une nouvelle question, aussi incompréhensible que la précédente. Yaha Uta se tint prêt.

« Ce fut un rude combat. Elle n’était pas de la trempe de son compagnon, certes, mais Yaha Uta était seul, cette fois, sans personne pour détourner de lui la furie du monstre. Quand Yaha Uta fut vaincu, Taha Aki lança un cri de défi. Il s’approcha en boitillant et reprit son ancien corps de loup au museau blanchi. La bête avait beau être âgée, elle était animée par Taha Aki l’Homme Esprit, et sa rage lui donnait des forces. La lutte repartit de plus belle.

« La troisième épouse de Taha Aki venait de voir mourir son fils. A présent, son mari se battait, et elle ne nourrissait aucune illusion quant à l’issue du combat. Elle avait entendu chaque mot que les témoins du massacre avaient rapporté au conseil ; elle connaissait le récit de la victoire de Yaha Uta sur le premier Sang-froid, elle savait qu’il n’en était sorti que grâce à la diversion de son frère.

« Elle tira un couteau de la ceinture d’un des fils qui se tenait à son côté. Tous étaient de jeunes gars, pas encore des hommes, elle avait conscience qu’ils mourraient en tentant de venger leur père. L’épouse se précipita vers la buveuse de sang en brandissant le poignard. La créature sourit, amusée par cette intervention. Elle ne craignait pas cette faible humaine ni la lame qui ne ferait qu’égratigner sa peau, et elle s’apprêtait à délivrer le coup de grâce. Ce fut alors que la troisième épouse eut un geste auquel la femme ne s’attendait pas. Tombant aux pieds de l’ennemie, elle planta le couteau dans son propre sein. Le sang gicla entre les doigts de la malheureuse, éclaboussant le monstre qui ne put résister à son avidité. Poussée par son instinct, entièrement consumée par sa soif durant une seconde, elle se tourna vers la mourante. Aussitôt, les crocs de Taha Aki se refermèrent autour de son cou.

« Ce ne fut pas la fin du combat, mais Taha Aki n’était plus seul à lutter, désormais. En voyant leur mère mourir, deux jeunes fils furent saisis d’une telle fureur qu’ils se ruèrent, transformés en loups alors qu’ils n’étaient pas encore des hommes faits. Ils vinrent à bout du monstre avec leur père.

« Taha Aki quitta la tribu. Il ne reprit pas sa forme humaine. Une journée entière, il resta couché près de la dépouille de sa troisième épouse, grondant dès que quelqu’un tentait de la toucher, puis il s’en alla dans la forêt pour ne plus jamais revenir.

« A compter de cette époque, les ennuis avec les Sang-froid furent l’exception. Les fils de Taha Aki veillèrent sur les Quileute jusqu’à ce que leurs propres fils soient assez âgés pour les remplacer. Il n’y eut jamais plus de trois loups à la fois. C’était suffisant. De temps en temps, un buveur de sang s’aventurait sur notre territoire – les loups, auxquels il ne s’attendait pas, les prenaient au dépourvu. Il arriva certes qu’une des bêtes mourût, elles ne furent cependant jamais décimées comme lors du premier affrontement. Elles avaient appris à combattre les Sang-froid et se transmirent ce savoir de loup en loup, d’esprit en esprit, de père en fils. Avec le temps, les descendants de Taha Aki cessèrent de se transformer à l’âge viril. Ce n’était que lorsqu’un ennemi surgissait que la transmutation se produisait. Les Sang-froid venaient toujours par un ou deux, si bien que la meute restait peu nombreuse.

« Un jour, une famille plus importante arriva, et vos propres arrière-grands-pères se préparèrent à les affronter. Mais leur chef s’adressa à Ephraïm Black dans une langue humaine et jura de ne pas toucher aux Quileute. Ses étranges yeux jaunes prouvaient que lui et les siens se différenciaient des autres buveurs de sang. Ils surpassaient les loups en nombre, rien ne les obligeait donc à offrir un traité alors qu’ils auraient remporté le combat haut la main. Ephraïm accepta, eux restèrent fidèles à leur parole, bien que leur présence dans la région eût tendance à attirer d’autres représentants de leur espèce.

Le vieux Quil s’interrompit et soupira. Luna se rendit compte qu’il venait de raconter le pacte entre le grand-père de Jacob et la famille Cullen.

- Il y en a tant, à présent, continua-t-il, que la tribu a dû développer une meute grande comme jamais depuis l’époque de Taha Aki. Les fils de notre peuple sont contraints de supporter à nouveau le fardeau et le sacrifice de leurs pères.

Un silence s’installa qui dura longtemps. Les héritiers de la magie et des légendes se contemplaient au-dessus du feu, leurs regards pleins de tristesse. Tous, sauf un.

- Fardeau, tu parles ! bougonna Quil. Moi, je trouve ça chouette.

De l’autre côté du brasier qui mourait lentement, Seth Clearwater, les traits empreints d’une adulation sans borne pour la fraternité des protecteurs de la tribu, acquiesça. Billy émit un petit rire, et la magie du moment sembla se dissoudre dans les braises rouges.

Edward continua cependant d’une voix rauque et presque majestueuse, semblant aller sur un autre terrain.

- Voilà nos légendes. Mais, il y a un autre point que nous allons éclaircir ce soir. Au vu des derniers évènements, nous accueillons donc officiellement un nouveau membre au sein de la meute et du Conseil, une imprégnée. Edward avait parlé avec une certaine fierté dans la voix et en fixant Luna. Cela concerne le lien entre Taha Aki et sa troisième épouse, sa moitié. L’imprégnation d’un loup est une manière pour lui de trouver son âme-sœur, sa moitié. Une imprégnée est la personne qui peut permettre au loup de perpétuer la lignée au mieux. Mais, c’est surtout la plus belle chose qui peut arriver à un loup, cela lui donne encore plus de foi en son devoir de protection de la tribu Quileute. Embry, tu peux continuer.

Le jeune homme se détacha légèrement de Luna pour la regarder dans les yeux et commença d’un ton hésitant qui prenait un peu plus de confiance au fil de ses paroles.

- Euh… Quand je me suis imprégné de toi, je t’ai regardée dans les yeux pour la première fois, c’est alors que tout a changé. Ce n’est plus la force de gravité qui me tient au sol. C’est Toi. Quand je t’ai regardée sur la plage dans les yeux, c’était comme si une chaleur m’avait envahi. C’était comme si je voyais que tous les fils qui me retenaient à la vie avaient été tranchés d’un coup. Mais, je restais ancré là où tu te trouvais. C’était comme si je voyais une ficelle, non pas une ficelle mais un câble, non des millions de câbles d’acier. Tous ces câbles d’acier me liaient au centre du monde. Toi. J’ai eu la sensation inébranlable que l’Univers tournait autour de ce point unique. La gravité terrestre n’était plus, c’était Toi, mon centre de gravité. Luna, c’est toi mon centre de gravité, mon monde, mon univers.

Luna regardait Embry avec amour mais également avec étonnement face aux paroles de son imprégné.

- Le loup a un besoin constant d’être auprès de la personne dont il s’est imprégné. L’imprégnée a bien sûr le choix d’accepter ou non mais cela ne s’est jamais produit, il est impossible de résister car il y a un tel degré d’adoration et de dévouement. Le loup et l’imprégnée sont un tout, complets ensemble. C’est comme s’il avait été créé pour elle. Il peut être tout ce dont elle a besoin à chaque moment de sa vie, un frère, un ami, un amant, un protecteur, termina Sam d’une voix un peu rauque, se souvenant sûrement de sa propre imprégnation sur Emily.

Samedi 1 heure du matin

PDV Luna

Nous venons de rentrer du feu de camps. La soirée avait été magique, mystérieuse, fascinante. J’avais été presque dans un état second, presque comme un état quasi-religieux en écoutant les anciens raconter les légendes de notre tribu. Bien sûr, Edward me les avait racontées le premier soir de mon arrivée et déjà là, j’avais été fascinée. Mais, là. C’était vraiment une toute autre ambiance, une ambiance lourde, lorsque certains détails sur les combats ou qu’une mort était décrite, je n’avais pu m’empêcher de frissonner en imaginant tout. Toute la situation avec la meute avait pris un tout autre sens en moi. J’avais senti la réalité presque palpable, je m’étais sentie encore plus proche de mes amis, ma famille. En entendant la légende sur la troisième épouse de Taha Aki, j’avais compris un peu plus ce qu’était une imprégnée. Elle avait le courage et le sens du sacrifice, elle permettait au loup de devenir plus fort pour protéger la tribu. Puis, oncle Edward avait commencé à me présenter comme nouveau membre officiel du Conseil et expliqua un peu le principe de l’imprégnation. Mais, le fait qu’une imprégnée, comme il l’a dit, permettait surtout de perpétuer à la perfection la lignée de loups, ne m’avait pas trop plu. Je ne voulais pas être là juste pour faire office de jument qui pondait des petits loups. Mais, Embry m’expliqua d’une façon absolument magnifique le lien qui nous avait unis il y a de ça presque deux mois. Je me rappelais alors ce jour-là et me remémorais qu’il ne s’était passé quelques secondes pendant lesquelles on s’était regardé dans les yeux. Même si j’avais ressenti un lien vraiment très fort avec lui, je n’ai jamais pensé que cela lui avait fait ce qu’il a décrit. Ce soir, il m’avait dépeint ce lien entre nous d’une façon trop forte, presque brutale et j’ai eu peur pendant une minute. C’était pour lui, comme si tous les repères qu’il avait eu avaient disparus pendant les quelques secondes pendant lesquelles il m’avait regardée pour la première fois dans les yeux. Tous ses repères avaient disparu et c’était moi qui était devenu son seul et unique repère alors que l’on ne se connaissait même pas.

Je me mis en pyjama, un shorty bleu ciel avec un débardeur fin de la même couleur et vais dans la chambre où j’allais passer la nuit avec Embry. Je rentre dans la chambre et il est déjà dans le lit et il m’attend, un peu hésitant. Je souris dans l’obscurité et m’approche du lit. Je m’assois et l’embrasse doucement.

- Je t’aime ma Luna. Tu as passé une bonne soirée ?

- Oui Embry. C’était magique.

- Tu as l’air un peu perdue ma chérie.

- C’est rien… Juste, je me rends compte réellement de notre lien… L’imprégnation… Je ne savais pas que tu avais ressenti tout ça quand tu t’es imprégné. Pourtant, on ne s’est regardé que pendant quelques secondes.

- Je comprends que ça te fasse un peu peur et je suis désolé que ça t’effraie.

- Non, c’est pas ça. Enfin… Un peu… Mais, je comprends un peu mieux pourquoi les effets de l’imprégnation sont si forts entre nous quand on est ensemble. Mais, ça ne me dérange pas. Je t’aime tellement fort mon Embry.

- Redis-le… il a une voix rauque.

- Quoi ?

- Redis ta dernière phrase…

- Je t’aime tellement fort mon Embry.

- C’est la première fois que tu me dis que je suis Ton Embry.

Je sens qu’il sourit dans l’obscurité. Il me prend par la taille, s’allongeant confortablement dans le lit et me serre contre lui. Il trouve ma bouche facilement et m’embrasse doucement, tendrement et amoureusement. Ses mains sont dans mon dos et le caressent délicatement, m’envoyant des frissons. Pendant que ma main gauche est dans ses cheveux et ma main droite, nouvellement libérée, se ballade sur son bras. Je gémis doucement et essaye d’approfondir le baiser pour plus de passion. Mais, il s’écarte à bout de souffle et me caresse les cheveux.

- Ma chérie, on devrait se reposer. La journée et la soirée ont été longues.

Je ressens tout à coup de la fatigue et acquiesce. Je me blottis contre son torse brûlant pendant qu’il continue de me caresser les cheveux. Je me calme presque instantanément et lui aussi. Juste avant de sombrer dans le sommeil, je l’entends me chuchoter dans le noir de la nuit :

- Bonne nuit ma courageuse Luna. Je t’aime mon ange.

Fin PDV Luna


Texte publié par Soso-Wolves, 8 janvier 2018 à 10h52
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