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Je regarde le billet d’avion. Le départ est prévu pour demain mais pourtant je ne me sens plus la force de partir. Tout m’épuise. Pourtant, je rêve de partir voir le bleu de la mer et le vert de la forêt d’Aokigahara, il me tient à coeur ce voyage, cela fait des mois que je l’attends. Tout le monde me presse de mettre les voiles afin de changer d’air. Moi-même j’admets en avoir besoin. La grisaille de la cité me pèse. Mes soucis n’en paraissent que plus insolubles. J’ai beau relativiser et me dire qu’ils ne sont pas si graves et pourtant rien ni fait. Il faut que je parte. Peut être partir tout court pour ne jamais revenir. Tout est noir. Je ne sais pas si je vais vraiment prendre cet avion mais ma valise est prête tout est en ordre.

Mon téléphone sonne, je l’attrape, l’écran est noir. La sonnerie retentit encore. J’émerge suffisamment pour comprendre que c’est la sonnette de ma porte d’entrée que l’on martèle. Je me lève péniblement. Il est six heure, mon avion est dans quatre heures. J’ouvre la porte en pyjamas. Mon ami, Oswald se tient devant moi rayonnant :

– Salut, mon pote, je viens m’assurer que tu montes dans l’avion ! Tu as une heure pour te préparer, puis on file à l’aéroport. Tu sais comment ils sont, il faut arriver largement en avance ! Files sous la douche, je m’occupe de ton petit déjeuner !

Surpris et dépassé par l’énergie de mon ami si tôt ce matin, je m'exécute sans réfléchir. Une petite lumière s’éveille au fond de moi : je suis sûr de partir ! Je vais découvrir le Japon ! C’est extra ! Cette étincelle ne dure pas. Douche chaude, je suis tenté de retourner me coucher. L’odeur du café chaud et du lard dans la poêle me mènent finalement dans la cuisine.

– D’où sort ce petit déjeuner ?

– Je suis venu avec ce qu’il fallait, je sais que tu as réduit au maximum les denrées en vu du voyage donc j’ai ramené de quoi te faire un petit dèj’ royal ! Allez souris, Marvin, tu te rends au Japon pour trois semaines. Tu laisses derrière toi tous tes soucis, ok ? Reviens en homme neuf, purifié par les onsens !

Je ne parviens pas à être contaminé par l’enthousiasme d’Oswald alors que je pars et pas lui. D’ailleurs, voyager seul ce n’est peut être pas ma meilleure idée. Enfin je dis ça, mais le billet je l’ai acheté bien avant de me retrouver dans cet état de dépression avancée. Tout est allé si vite.

Du jour au lendemain, je me suis retrouvé sans amis, sans famille, sans amour. Mes parents m’ont renié à cause de ce que je suis, homosexuel. Mes amis ont tous adoré mon ex qui en partant les a ligué contre moi. Du coup, l’ambiance au boulot est exécrable. Quelle idée de sortir avec un collègue de bureau ? Je démissionnerai bien, seulement cette rupture m’a anéanti et dans l’état dans lequel je suis : je suis inemployable ! En attendant, je m’absente trois semaines dans l’espoir de me reconstruire un peu. Cela deux ans que cette rupture me pourrit santé et moral. Il faut que cela cesse d’une façon ou d’une autre.

L’avion, après avoir perdu trois heures à arpenter les boutiques de l’aéroport Charles de Gaulle, nous sommes enfin à bord. J’appréhende un peu bien que je sois préparé pour ce voyage. Mes cours de japonais étaient les rares éclaircies capable de me sortir de mon marasme intérieur. C’est la seule activité qui n’a pas subi d’interruption depuis que je suis de nouveau célibataire. Je connais assez bien la langue pour me faire comprendre pendant mon séjour nippon. Je feuillette mon dictionnaire personnel. J’ai répertorié toutes les phrases indispensables ainsi que les mots à reconnaitre pour trouver son chemin dans les rues. L’avion décolle. Je réalise à peine que d’ici quelques heures je serais au Japon. Un vieux rêve. Mon moral remonte un peu pendant que l’A380 prend de la hauteur.

Une fois arrivé, ma première étape est le plus haut sommet du Japon en par Aokigahara. Je me rends dans la préfecture de Shizuoka en train. Le paysage défile, c’est beau et verdoyant. Cependant, j’ai parfois des coups de stress inexpliqué. Je ne décroche pas de mes soucis car ce voyage je devais le faire avec mon ex. Mon moral en dent de scie perdure même à l’autre bout du monde.

Ma randonnée dans la forêt des suicidés débute, le ton est donné : dès l’entrée un panneau incite les gens à parler de leur problème plutôt que se suicider. Ce n’est pas bête mais parler sans fin de ces soucis ne va pas forcément amener à une solution. Au bout d’une heure de marche, mes pensée néfastes tournoient. Soudain, elles s’évaporent lorsque je tombe sur un cadavre desséché. Mon sang se glace. Un cri se coince dans ma gorge. Aokigahara n’est pas une légende mais je ne m’attendais pas à tomber nez à nez avec un malheureux. Je reste figé plusieurs minutes. Mon cycle de pensées anéantit je fixe cet humain sans vie, quel repos ! A peine ai-je fais un pas, la machine infernale démarre de plus belle. Aurais-je besoin d’une thérapie morbide pour pouvoir vaincre mon état ? Annihiler mes pensées devant le spectacle de la mort ? Le seul autre moment où j’ai pu oublié, c’est lorsque je flottais entre vie et mort, après ma dernière tentative. J’avais réussi à éloigner ce désir. Je fais demi-tour, je m’assois devant le pendu. Les mots s'égrènent avec le temps, je finis par réaliser que j’ai fait le bilan de ma vie devant cette dépouille. Je prends conscience que je ne peux pas rentrer : l’appréhension me broie l’estomac, le stress monte en flèche. Je n’en peux plus, la seule pensée positive qui se manifeste c’est quand je me dis que jamais je ne les reverrais, tous ces traitres. Je ne serais plus jamais humilier, rabaisser. Mon destin est scellé lorsque je me lève et j’emprunte la corde de mon confesseur.


Texte publié par Cora Elzéar, 15 septembre 2017 à 15h19
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