Au milieu de la ville se dresse un château, une forteresse médiévale pour être plus précis. Pendant des années, elle était ouvert au public, seulement suite à un accident, les lieux ont été fermés. De nos jours, les habitants environnant du château ne le voient plus et n’y prête plus du tout attention. Pourtant, il se passe des choses derrière les murs épais, Blanche n’en démord pas. Souvent, elle prend le temps de regarder l’imposant bâtiment. Il y a quelques jours, elle a vu passé des ombres derrières les fenêtres. Ce soir, elle veut en avoir le coeur net et découvrir ce qui se trame à l’intérieur de la demeure. Donc elle veille.

Un plaid étendu dans l’herbe sur une butte face à la forteresse, Blanche profite des dernières heures d’ensoleillement. Elle a tout prévu : de la nourriture, des jumelles et un pull en plus si besoin. La surveillance commence. La femme est patiente, elle ne se lasse pas de regarder un objet pendant plusieurs minutes. A la tombée de la nuit, de la lumière apparaît aux fenêtres, Blanche scrute les encadrements de ses jumelles dans l’attente d’un mouvement. Rien, rien ne passe.

Il est une heure du matin, lorsque la musique se fait entendre. Blanche reste interdite, comment les gens dans le bourg font pour se rendre compte de rien? Elle doit tendre l’oreille pour percevoir les flûtes. Sûr d’elle, la femme se rapproche du château soi-disant abandonné. Plus la distance s’amenuise, plus la musique résonne dans l’enceinte de la forteresse. C’est une mélodie envoûtante plutôt joyeuse. Arrivée au pied du pont levis, Blanche écarquille les yeux en le voyant s’abaisser, curieuse, elle pénètre dans la cour avec une pointe d’appréhension dans le ventre. Pour la chasser, elle considère l’abaissement du pont levis comme une invitation !

La cour est vide, la musique plus forte. De la lumière filtre des fenêtres, Blanche scrute les lieux, il doit bien y avoir des gens sans quoi il n’y aurait ni lumière, ni musique. Alors que la visiteuse fait le tour de la cour, la musique s’arrête pourtant la demoiselle semblait s’en rapprocher toujours un peu plus. Son regard ère, il s’arrête sur un objet scintillant posé sur une caisse en bois. Une flûte ?! Blanche se demande si elle n’a pas fait fuir le joueur. L’objet est nimbé d’une aura dorée. Blanche prend l’instrument entre ses doigts, malgré son scintillement, il est en bois. Blanche hésite, elle meurt d’envie d’en jouer mais cela ne se fait pas avec un instrument qui ne nous appartient pas se dit elle. Malgré cela, la tentation ne fait que grandir depuis qu’elle a pris l’objet dans ses mains.

Blanche a appris la flûte durant ses années scolaires, comme la majorité des gens de sa génération. Sans exceller, elle se défendait dans l’interprétation de morceaux. Le bec de la flûte touche ses lèvres, les premières notes sortent claires et douces à l’oreille. Engaillardi par la sonorité, Blanche interprète l’un de ses morceaux favoris : les chariots de feu. Rapidement, elle enchaîne les morceaux qu’elle connaît.

Trop absorbée par la musique, Blanche ne prête pas attention aux fourmillements qui parcourent son corps et qu’elle attribue au froid nocturne. Plus les chansons passe, plus elle est capable d’en interpréter des plus complexes. La musique ayant envahi l’esprit de la femme, celle-ci ne se questionne pas sur le fait que ces morceaux sont hors de sa portée de flûtiste amateur et pourtant, il n’y a aucun accroc dans la mélodie.

Le lever de soleil surprend Blanche. Elle était loin de se rendre compte qu’elle avait passé la nuit à jouer et pourtant le jour se pointe doucement. Elle abaisse alors l’instrument et pousse un hurlement. Elle tâte son visage, elle découvre une longue barbe soyeuse, ses oreilles se sont allongées. Des cornes lui sont poussés sur la tête. D’ailleurs, le château a disparu, elle est au milieu d’une forêt, les satyres l’accueillent avec enthousiasme: “Bienvenue Blanche Griffin dans notre humble royaume !”