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-Hé, réveilles toi. Tu ne peux pas dormir en plein devoir.

Rob leva la tête et contempla le professeur au-dessus de lui. Il s’était encore endormi apparemment. Retenant un bâillement, il leva en direction du petit homme à lunette sa feuille.

-J’ai fini le contrôle.

Le ton absent de l’élève irrita son interlocuteur.

-Une fois que tu as fini, tu dois te relire. Et je ne pense pas que tu aies fini en si peu de temps alors met toi au travail avec le temps qu’il te reste.

-Mais j’ai déjà tout bon monsieur.

Le professeur lui arracha presque la feuille des mains et la parcouru rapidement. La classe fut silencieuse pendant une minute, exception faite de la respiration saccadée de l’adulte et le bruit de feuille lorsqu’il tournait une page. Ses yeux s’ouvraient de plus en plus alors qu’il parcourait la copie. Puis il baissa la feuille et regarda l’élève, qui ne l’avait pas quitté des yeux. Incapable de tenir le regard de l’adolescent, l’homme se dirigea vers son bureau et s’assit, ou plutôt se laissa tomber sur sa chaise, la copie toujours en main.

Remarquant qu’il était le centre d’attention de la classe, Rob fixa l’un des élèves qui se retourna si rapidement qu’il fit tomber sa trousse sur la table. Avec un dernier regard allant de la peur à la jalousie, les autres élèves l’imitèrent avec un murmure que le professeur ne chercha pas à taire. Voyant que plus personne ne le regardait, Rob reposa sa tête contre la table en attendant la fin du cours.

Trop de bruit. Ce fut sa seule impression alors qu’il descendait les escaliers. A son arrivée dans le hall, le ton baissa jusqu’à se limiter au bruit de murmure. Conscient que plusieurs le montraient du doigt à leurs voisins, Rob traversa la foule qui s’écartait de son chemin comme si un halo brûlant l’entourait, tout en s’efforçant d’ignorer les chuchotements. L’un deux, un binoclard blond moins discret que les autres, attira son attention.

-… A tué son père à treize ans tout seul, sans arme. Il y avait du sang partout. Mon père dit qu’il était encore assit sur son corps lorsque la police est arrivée.

Rob tourna ses yeux vers lui pour le fixer. L’adolescent ne put s’empêcher de faire un pas en arrière tandis que les autres élèves fixaient l’individu à lunette comme s’il s’attendait à ce qu’il soit la prochaine victime. Cependant, Rob ne modifia pas son allure et sortit, rabattant sa capuche sur sa tête au moment où il passait les portes.

Oui, il avait tué son père un soir où, saoul, il avait commencé à frapper sa mère. Le arçon avait voulu l’en empêcher, mais avait reçu un coup de couteau juste au-dessus de l’œil. Alors, pendant que son père frappait à nouveau sa mère, il s’était emparé d’un couteau à viande et avait frappé son père. Dans le dos, au début. Puis, lorsqu’il était tombé à terre, sur le visage, plusieurs fois. Jusqu’à ce que les policiers le séparent du corps défiguré de sa victime. Alors qu’on lui faisait lâcher son arme, il n’avait pas fait le moindre geste. L’adolescent ne lâcha pas une larme, pas un cri. Les policiers avaient devant eux un adolescent recouvert du sang de son père, qu’il venait de tuer après plus d’une centaine de coups de couteau, sans que celui-ci ne laisse paraître quoi que ce soit.

Le procès avait conclu à un cas de légitime défense, bien que les rapports des policiers engendrent un suivi psychologique du jeune Rob Eille. Cependant, les psychologues consultés se trouvèrent désarmés face à l’enfant. La majorité d’entre eux conclut qu’il était parfaitement normal, même si certains précisaient dans leurs rapports ce qu’ils décrivaient comme un état instable. Moins d’un an après l’affaire, le suivi psychologique se termina et l’enfant retourna vivre avec sa mère.

Son second démêlé avec la justice eu lieu après l’hospitalisation d’urgence d’un certain Joel Carlon, 16 ans bien connu des services de police pour coups et blessure. Cependant, là encore, des témoins éloignés affirmaient que Carlon avait frappé le premier. Cependant, alors que Rob n’avait reçu qu’un coup au niveau du ventre, Joel avait un bras cassé et le visage tuméfié et en sang. Encore une fois, la légitime défense fut retenue mais le nom du garçon commença à circuler à nouveau et un suivi psychologique fut réengagé pour une durée de cinq ans.

Rob secoua la tête pour penser à autre chose. Alors qu’il passait devant une ruelle sombre, un cri étouffé lui fit tourner la tête. A une quinzaine de pas, deux adolescents d’environ seize ans bloquaient contre un mur une fille de sa classe, dont il ne connaissait pas le nom. Un troisième, adossé à l’entrée de la rue tourna la tête vers lui. Rob balaya du regard les quatre visages avant de détourner la tête et de continuer son chemin mais l’un des jeunes s’approcha de lui et le poussa dans le dos d’un coup de pied.

-Casses-toi si tu veux pas que je te casse un bras.

Rob évita la chute et se retourna lentement, s’assurant qu’aucune autre personne ne soit dans la rue. Puis il saisit une bouteille de bière vide qui traînait sur le sol et fixa celui qui se tenait en face de lui.

Deux minutes plus tard, les trois jeunes étaient allongés à même le sol dans la ruelle, couverts de blessures allant de l’hématome à une coupure au niveau du front pour le dernier. La fille, pétrifiée, serrait son sac fuchsia contre elle comme pour se protéger. Le regard effrayé, elle dévisagea celui que l’on surnommait le Fou essuyer le sang sur son visage avant de remettre sa capuche et de partir sans lui accorder un regard. Quoi que l’on puisse dire, il venait de l’aider. Alors, pourquoi l’effrayait-il autant ?


Texte publié par Ikazuchi, 27 juillet 2017 à 16h36
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