Il était encore là, pendu au trapèze, le regard vitreux. J’hésitais à m’approcher et pourtant tout m’attirait. Personnage immobile, presque mort. Comment pouvait-il vivre ici ? Depuis combien de temps était-il là au juste ? Je me décidais à interpeller mais aucun son ne se propagea. Il ne bougeait toujours pas, ma voix ne pouvait l'atteindre. Mes tentatives furent veine, nos mondes étaient bien trop différents. C’est ce que je me disais. J’envisageait d’abandonner, tout le monde ne pouvait pas être sauvé. Il y avait toujours une victime quelque part et c’était son rôle. Triste chose, ne pas pouvoir choisir son chemin. Les rêves sont douloureux et la réalité encore plus…

Mon réveil hurla, libérant ses vibrations dans toute la pièce. Pauvre de moi, si seulement les limbes pouvaient m’avaler, me laisser dans l’ombre paisible, dans les bras de Morphée… Je me redressais péniblement, quittant mon lit douillet, le troquant pour une bonne douche. J’aimais l’odeur de mon shampoing, cette note d’érable, sucrée, épicée, un délice. De meilleur humeur, j’étais prête pour attaquer cette journée. Rien de bien extraordinaire bien sûr, la vie d’une étudiante rien de plus, rien de moins. Juste dans la moyenne. J'essayais de m’intéresser à toute sorte de chose même si après tout, je ne savais pas si la voix que j’emprunterais serait la bonne. Je n’aimais pas les contraintes, les choix imposés. J’aurais préférée être libre mais le système et fait ainsi. Une vie de mouton, quoi qu’on en pense. Ma réflexion matinale sur le chemin de la fac était une routine, un petit récapitulatif des différentes questions existentielles qui me trottaient dans la tête. Aujourd’hui le ciel était plutôt gris, mais pas se gris affreux qui vous détruis les yeux, un énorme problème pour les personnes aux yeux bleu… Non, je parlais d’un gris, à la limite d’un bleu nuit, une intensité qui nous donne le frisson. Ce soir je le savais, l’orage serait de la partie. Une farandole d’éclairs illumineraient le ciel. Je suis une sorte de pluviofile mais le pack entier, la « tempête » si vous préférez. J’ai toujours eu cette attirance pour les temps orageux, l’odeur de la pluie. Une fois passé, le monde se réveille, tout est plus beau. Enfin c’est mon point de vue.

Comme prévue, la pluie faisait rage, aucuns passants de s’attardaient dans les rues, tous réfugiés comme des rats dans leur trou. Quelle fille étrange devaient-ils penser, elle tombera malade c’est sûr, murmuraient certains. Malheureusement, je ne pouvais pas les contredire. J’arrivais chez moi sans encombre, trempée jusqu’aux os. Même rengaine, une douche, un repas et au lit.

Fidèle à lui, telle une poupée sur son piédestal. Rien n’avait changé. Avance rapide. Le réveil sonna, une douche, direction l’université. Toujours les mêmes cours, les mêmes discussions. Le même ciel. Chaque jour se répétaient comme un disque rayé. Quel ennuie, un monde sans couleur. Pourtant, c’est précisément ce jour-là, qui marquait le début de tous, ou bien la fin comment le savoir à l’avance ? Je venais de toucher l’imprévisible, de voir ce que personne même moi ne pouvait imaginer. Un signe ? Non, plus que ça… Le destin ? Je venais de dire que je ne voulais pas d’une voix toute définie ! En faite je ne savais pas ce qui m’attendais vraiment… Mais une chose était sûr, mon cœur cognait, raisonnait plus fort que n’importe laquelle des tempêtes passées sur cette terre.