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C’était un écrivain.

Un costaud, un malin.

Il écrivait depuis des années.

Quand Blanche, dans sa vie est entrée…

C’était un soir où il avait un peu bu.

Elle était chez lui, sur son bureau, entièrement nue.

Je m’appelle Blanche, je suis vierge, oseras-tu me toucher ?

Me frôler, me caresser, m’embrasser, m’embraser, me chavirer ?

Il resta de longues heures, stupéfait, à l’observer.

Lui parler, la questionner, la regarder, la désirer.

Mais sans jamais, ô grand jamais, la toucher.

Il avait si peur de la froisser…

Blanche était sage, comme une image

Elle le regardait, lui souriait, nue sur ses pages.

Ils parlaient de longues heures.

Se regardaient de longues heures.

Se taisaient de longues heures.

Tout cela ne rimait à rien. A quoi bon en faire un poème ? Depuis l’arrivée de Blanche, sa vie était devenue étrange. Il ne sortait plus, ne buvait plus, n’avait d’yeux que pour elle, sa troublante nudité, son énigmatique virginité.

Il n’écrivait plus, bien évidemment. Comment aurait-il pu se concentrer avec cette pure beauté, ce véritable rempart entre lui, ses feuilles et son clavier ? Ils discutaient, de mille-et-une futilités. De la neige blanche qui couvraient le sol dehors, de la blancheur de l’écume qui formait d’intrigants dessins sur la plage, de la douceur lumineuse de la Voie lactée. Ils se rapprochaient parfois. Il pouvait sentir le souffle de sa respiration sur sa peau. Son regard se perdait alors dans les doux reliefs blancs de son corps… Sa présence le rassurait, elle lui apportait douceur et repos, après des années d’écritures frénétiques, de courses aux prix et aux dédicaces. Elle était son repos du guerrier, son havre de paix.

Mais, bien évidemment, il finit par craquer. Toutes ses choses, ses questionnements, ses mots doux, ils ne pouvaient plus se contenter de les lui dire. De les laisser vivre juste un court instant, lorsqu’il formait avec sa bouche et les prononçait. Il lui fallait quelque chose de plus permanent.

Un beau soir, alors qu’elle s’assoupissait sur son bureau, lovée, féline, il s’approcha enfin beaucoup plus près. Elle ouvrit les yeux, surprise, mais souriante. Il tenait dans la main un pinceau de calligraphe… Elle s’allongea, s’étira, ronronna.. Il couvrit son corps de signes de traits, de lignes, de points de suspension, de dialogues, d’interrogations. Elle se laissait faire. L’encourageait même à continuer. Lentement, délicatement, sensuellement, il couvrit son corps de ses plus beaux mots… Le pinceau traça délicatement les dernières phrases sur son blanc visage. Il plaça le point final juste au-dessus de sa lèvre supérieure, comme un fascinant grain de beauté.

Il posa le pinceau, posa ses lèvres sur les siennes. Doucement, il la prit dans ses bras, l’enlaça, laissant les mots s’imprimer en reflet sur son propre torse. Ses doigts parcouraient son corps, relisant lentement chacune des phrases. Elle aimait cette lecture tactile, il aimait ses réactions. Ils s’aimèrent, enfin…

Au matin, elle avait disparu, bien évidemment… Le bureau était vide, il ne restait à côté de l’ordinateur que quelques feuilles griffonnées. Il décida alors de lui écrire, chaque jour. Certains jours, c’était un simple «Comment vas-tu ? Ici il fait beau… » Le plus souvent, il lui contait des bribes d’histoires, remplissait des pages, des chapitres entiers. Et, bien sûr, tout cela était accompagné de mots tendres, aussi doux que la caresse du pinceau sur sa peau ce soir-là…

Il envoyait ses missives par La Poste, mais elle ne répondait jamais. Il continua ainsi pendant des semaines, des mois… sans aucune réponse.

Jusqu’à ce jour où le facteur arriva avec un énorme sac.

« C’est bien vous qui écrivez régulièrement à mademoiselle Blanche Page ?

– Oui.

– Tenez, c’est pour vous. » Il déversa le contenu du sac : des centaines d'enveloppes portant la mention : « Inconnue à cette adresse ».

Il ouvrit toutes les lettres qu'il lui avait envoyé, les lut, avant de les lire à nouveau. Il se replongea dans les bribes d’histoires, les chapitres inachevés. Il s’installa devant son ordinateur, prit une feuille sur la pile de pages blanches qui trônait sur le bureau et commença à écrire, reconstruire. Il en naquit un livre, à la couverture entièrement blanche, qui fut son plus grand succès.

Un après-midi, dans une petite librairie au milieu de nulle part, une main de plus lui tendit le roman pour une dédicace. Une main fine, d’une incroyable blancheur. Une blancheur couverte par des lettres qui parcourait ses phalanges, qui formaient des phrases qui remontaient délicatement vers ses bras, ses épaules, avant de disparaitre sous une lumineuse robe blanche. Il leva les yeux et croisa son regard. Blanche Page était là, souriante. Et ça ne l’angoissait pas….


Texte publié par nimentrix, 4 juillet 2017 à 10h39
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