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tome 2, Chapitre 23 « La mer de perles » tome 2, Chapitre 23

Je ne sais pas si ce que j’ai fait a été la meilleure idée du siècle et je suis complètement terrorisée, mais il m’est impossible de reculer. Même si je le voulais, je ne pourrais pas. Je crois qu’il aurait été plus facile de traverser la mer en nageant plutôt qu’en essayant de marcher parmi des millions de perles qui m’engloutissent. Je ne sais pas où je vais, tout est noir, les perles glissent entre mes doigts, je ne peux pas les attraper pour espérer me sortir de là. Je n’y arrive pas. Je parviens encore à respirer, mais la chose devient de plus en plus compliquée à mesure que je progresse et que le temps avance. Il m’arrive parfois d’entendre des sons étranges, me poussant à me demander si les animaux qui vivent dans la mer sont présents. Ce ne serait pas très étonnant. En vérité, ce serait même parfaitement logique, mais alors je dois les craindre. Je suis probablement au milieu de prédateurs féroces, je ne connais pas la faune aquatique de ce monde. Je pourrais tout aussi bien être dévorée. Et si j’ai la chance d’échapper aux dents acérées d’une de ces bestioles, alors je vais sûrement mourir étouffée. Qu’est-ce qui est le mieux ? Mourir d’une mort lente mais peu douloureuse ou mourir d’une mort atroce mais très rapide ?

Je crois discerner une ombre, mais je n’en suis pas certaine. Je cesse de m’agiter nerveusement et ma respiration s’accélère tout à coup. J’entends un bruit sur ma gauche et je tourne vivement la tête pour tenter de distinguer quelque chose, mais ce n’est pas très évident. Je commence à paniquer. Je vais échouer dans ma quête, c’est certain. Finalement, cette idée était absurde. C’était du suicide, j’aurais dû en avoir pleinement conscience avant de plonger, mais je ne réalisais pas.

Tout à coup, une idée effleure mon esprit. Concrètement, je suis toujours dans l’eau, sauf qu’elle a une autre forme. Si je tentais de nager, est-ce que cela y changerait quelque chose ? Est-ce que je pourrais m’en sortir ?

J’essaie, je brasse l’air de mes bras vers le haut en tentant de me propulser, mais plus je m’acharne et plus je m’enfonce. La surface s’éloigne toujours plus. Finalement, ce n’est pas très étonnant que je ne puisse pas y arriver. Je parviens à respirer, chose impensable dans l’eau, et c’est aussi Elya qui m’a appris que boire ces perles n’hydratait pas notre corps. Je ferme les yeux et j’inspire profondément.

— Je peux le faire. Je peux réussir…

Même avec toute la volonté du monde, cette mission est vouée à l’échec. Nous avons mis un mois en bateau pour atteindre les Îles de Therdonne, combien de temps cela va-t-il me prendre pour atteindre Septuna à pieds ? Si tant est que j’y parvienne, mais il faudrait pour cela que je réussisse à mieux respirer et à trouver à boire et à manger, mais aussi des endroits où m’abriter d’éventuels monstres marins qui rôderaient dans les parages, prêts à fermer leur gueule sur moi. Je refuse de leur servir de repas.

L’effort que cela me coûte d’essayer d’avancer est énorme et me fatigue bien plus que je ne l’aurais cru. Je sens bientôt des gouttes perler à mon front et une fine pellicule de transpiration couvrir toute ma peau et mouiller mes vêtements. Et tandis que je m’efforce à pousser les perles, remuer les jambes et tenter de discerner quelque chose, j’entends un son étrange, un peu comme celui d’une baleine. Je me fige, anxieuse, et regarde autour de moi, mais je ne vois rien. Aucune forme gargantuesque qui tournerait autour de moi. Le son se produit une seconde fois, plus proche cette fois-ci, et mon cœur s’emballe tout à coup.

Cette fois, j’en suis certaine. Je vais mourir dévorée par une bestiole dans cette mer de perles.

Une main surgit tout à coup et m’agrippe subitement par le col de mon vêtement pour m’attirer vers le fond. J’essaie de me débattre, inquiète, paniquée même. C’est à la surface que je veux aller, non au fond de cette immense mer !

Je crois apercevoir brièvement une longue crinière dorée, puis une queue aux écailles argentées. Une sirène ?

J’entends à nouveau ce son, mais il est tout proche, comme si c’était elle qui le produisait. Finalement, plus étourdie et surprise qu’autre chose, je cesse de me débattre. De toute manière, sa poigne est solide, il aurait fallu que je sois en possession d’une arme pour parvenir à me défaire de son étreinte. Je la laisse alors m’attirer vers les fonds marins en espérant qu’elle n’a pas de mauvaises intentions. Je n’ai pas spécialement envie de mourir.

Nous émergeons tout à coup hors de cet océan de perles et je peux enfin respirer librement, mais nous traversons une sorte de brume épaisse, laquelle semble soutenir les perles, les empêchant de s’étendre plus bas encore. Je nous sens chuter librement et la brume disparaît soudainement. C’est là que j’aperçois une ville étendue sous nos pieds, à plusieurs milliers de mètres d’altitude en dessous, mais nous tombons et nous allons probablement nous écraser.

Je crie, effrayée. C’est là que le changement s’opère chez la jeune femme qui m’a attirée avec elle. Les écailles de sa queue se mouvent lentement et remontent le long de ses cuisses et jusque dans son dos pour former une paire d’ailes qui battent furieusement pour perdre de la vitesse et finalement nous permettre de voler. Elle m’aide à remonter pour me soutenir et nous atterrissons en toute sécurité en plein cœur d’une cour. Un gigantesque bâtiment imposant et plutôt impressionnant architecturalement nous entoure. Des hommes s’avancent vers nous, arme à la main, et finissent par m’encercler. Je devine parfaitement qu’il s’agit de soldats étant donné qu’ils portent un uniforme impeccable et se tiennent droits comme des piquets.

J’ai peine à croire ce que je vois. Il existerait donc un autre monde sous la mer ? Mais comment une telle chose est-elle possible ?

— Arrêtez, c’est moi qui ai amené cette jeune femme !

La femme qui m’a capturée, si je puis dire ainsi, s’est adressée aux soldats dans ma langue natale. Je ne comprends pas très bien comment une telle chose est possible. En fait, je ne comprends plus rien de ce qui se passe, les choses m’échappent complètement. C’est insensé.

Les soldats hésitent à baisser leurs armes et certains s’échangent des regards. J’ignore qui est cette femme par rapport à eux, mais elle affiche tout à coup un air autoritaire.

— Soldats, baissez vos armes !

Ils s’exécutent sans plus attendre.

— Mademoiselle, êtes-vous certaine… ?

— Absolument. Retournez à vos postes, c’est un ordre.

— Comme il vous siéra, princesse.

Princesse ? Voilà donc pourquoi ils lui obéissent et s’en retournent à leur place respective. La jeune femme me fait signe de la main et nous nous engageons dans une grande allée de graviers blancs, bordée par une rangée de buissons impeccablement coupés. Ils sont symétriques au millimètre près.

— Comment… Comment se fait-il que vous parliez ma langue ? je demande, encore coite. Et comment m’avez-vous trouvée ? Pourquoi m’avez-vous amenée ici ?

— Vous posez beaucoup de questions, me dit-elle en souriant, mais je comprends vos inquiétudes. C’est une simple coïncidence que nous parlions votre langue.

— Ah bon ?

— Non, je vous taquine. Vous devez probablement connaître un certain Mélisandre.

— Il me semble qu’il s’est fait connaître dans pas mal de royaumes, lui qui me reprochait de ne pas être assez discrète quand nous nous sommes rencontrés.

— Oui, il a fait beaucoup de bruits.

— Vous saviez que j’étais là-haut ?

— De là où nous sommes, nous pouvons voir ce qui se passe dans l’eau. Je me promenais simplement pour entraîner mes ailes, elles sont encore très jeunes et ont besoin d’exercices pour devenir fortes et solides.

— Alors ce que vous avez fait était très risqué.

— Oui, mais je vous voyais en difficulté. À la manière dont je vous ai vu vous agiter, j’en déduis que vous êtes bloquée dans le monde des entités primaires ?

— Comment… ?

— Nous, les Rubeniens, nous avons une connaissance puissante du monde des entités et de ce que je peux en déduire, ce qui se passe est très grave. Les énergies ont été volées, n’est-ce pas ?

— Oui, mais je pense savoir par qui.

Nous atteignons enfin les portes de ce que je pense être le palais royal et deux gardes nous ouvrent après nous avoir saluées. Nous pénétrons alors dans le hall d’entrée, simplement gigantesque et d’une beauté à couper le souffle. Cet endroit respire la richesse, la puissance et la supériorité, mais il reste pourtant sobre et humble dans sa majesté. C’est un mélange curieux, intéressant, et tellement magnifique qu’il me semble impossible de décrire cet endroit correctement pour en faire ressortir toute sa majesté et sa splendeur aussi dignement qu’il le mérite. Les mots ne seraient que trop faibles.

Inconsciemment, j’ai ralenti le pas pour admirer l’endroit, complètement stupéfaite, et je sens la jeune femme se saisir de ma main pour m’attirer à elle vers une porte dérobée derrière d’imposants escaliers qu’un tapis rouge sang parcourt dans toute sa longueur.

— Venez, suivez-moi. Au fait, je m’appelle Amalda, fille du roi Orion et de la reine Sérénade.

— Amaranthe, épouse du roi Elya Hangest d’Hogfort.

En m’entendant, elle s’arrête aussitôt et m’observe avec de grands yeux. Je me sens rougir sous ce regard qui me scrute avec autant d’intensité.

— Vous plaisantez ?

— Absolument pas, non…

— Oh, je suis désolée Majesté…

Je la vois qui commence à se courber.

— Oh non, pas de ça je vous en prie ! D’autant plus que vous m’avez sauvé la vie…

— À ce propos, pardonnez-moi du terme mais c’était stupide, pour une reine, de s’aventurer dans la Mer Perlée sachant que vous êtes coincée dans le monde des entités. Si je n’avais pas été là, vous seriez morte soit étouffée, soit dévorée, soit écrasée…

— Écrasée ?

— Imaginez que vous auriez franchi la couche de surélévation sans que personne ne s’en aperçoive ? Vous auriez chuté et vous vous seriez écrasée.

Elle n’a pas tout à fait tort, en vérité. Cependant, malgré son apparente gentillesse, je ne sais pas trop ce qu’elle peut me vouloir et je suis quasiment certaine qu’elle m’amène voir son père, le roi de ce royaume. J’appréhende un peu notre rencontre. En tant que reine, comment suis-je censée me comporter face à un autre roi ? J’espère aussi qu’il ne sera pas question de stratégie ou autres choses dans le même genre, car je ne suis pas une experte dans le domaine.

Amalda ouvre la porte vers laquelle elle nous a conduit et j’ai aussitôt l’impression d’entrer dans le jardin magique d’un conte de fées. C’est incroyable, autant de beauté réunie en un même lieu ! De magnifiques plantes grimpent le long des piliers qui forment un carré, séparant le couloir du jardin. Des fleurs ont été plantées un peu partout, ainsi que des arbustes et des arbres, dont la plupart sont des arbres fruitiers. Un petit chemin parcourt le tout de part en part pour permettre de se promener dans cet univers hors du temps et de la réalité. Des papillons et des oiseaux volent tranquillement à leur guise. L’endroit et calme et paisible.

Mais pourquoi m’avoir conduite ici ?

— Mon père aime cet endroit plus que tout, répond Amalda à ma question muette. C’est ici que nous avons le plus de chance de le trouver.

— Oh, d’accord…

Nous faisons quelques pas en avant et, effectivement, j’aperçois rapidement un homme assis sur un banc, près d’un étang à l’eau très claire, et qui observe les papillons avec un regard complètement fasciné. C’est étrange, mais les entités primaires ont leur forme que tout le monde leur connaît aujourd’hui. J’ignore comme une telle chose est possible.

L’homme, habillé de façon très modeste, se tourne vers nous en nous entendant arriver.

— Oh, Amalda ! Mais qui nous amènes-tu ?

— Père, je vous présente Amaranthe, une humaine comme Mélisandre, mais également l’épouse du roi Elya Hangest d’Hogfort.

— Ravi de vous rencontrer, Madame.

— Moi de même, Majesté.

Je fais une petite révérence, les joues roses, et cela semble amuser sa Majesté. Il ne daigne même pas se lever pour me serrer la main ou m’embrasser. Je m’inquiète un peu. Amalda me fait signe de prendre place à son côté et je m’exécute aussitôt.

— Père, les éléments sont tourmentés, commence alors Amalda.

— Je sais, les papillons me l’ont dit, je suis très inquiet ma fille.

— C’est ce qui a amené la reine Amaranthe ici.

— Je dois absolument retourner à Septuna le plus vite possible, Dolomen est fragilisée par ce black-out, Septuna est sans défense, il faut que je prévienne mon armée !

— Ne serait-il pas plus judicieux de rétablir l’ordre des choses dans les éléments ? Cela éviterait probablement une guerre.

— Oui, sûrement. Vous avez probablement raison, Majesté, mais je crois savoir qui a volé les énergies et je suis persuadée qu’il se rend avec son armée à Septuna.

— Et de qui pourrait-il s’agir ?

— Du roi Goldorus, Majesté. Il a déjà fomenté contre Septuna à plusieurs reprises, il m’a capturée par le passé et a tenté de me forcer à l’épouser.

Le roi Orion affiche un air outré.

— Cet homme est mon plus vieil ami, bafouille-t-il, choqué. Je ne comprends pas qu’il ait agi de la sorte, d’où lui vient cette soif de pouvoir. Je croyais pourtant qu’il était un homme intègre et juste. Que s’est-il passé pour qu’il change ainsi ?

— Je l’ignore, Majesté, mais nous devons intervenir au plus vite.

Sire Orion soupir et secoue la tête, lentement. Son visage s’est transformé, il est tiré par les traits de la fatigue et il semble avoir pris dix ans en à peine quelques secondes. Je commence à me demander s’il n’est pas souffrant et si son comportement est normal. Il paraît tellement vieux, abattu, voûté comme s’il portait le poids du monde sur ses épaules. J’ai envie de l’aider, mais j’ai peur de l’offenser en croyant bien faire.

— Ma fille chérie, dit-il d’une voix brisée, il va falloir conduire sa Majesté à Septuna. Crées un groupe d’escorte avec mes soldats d’élite, prenez la voie des airs et ne tardez pas.

— À vos ordres, père. Majesté, veuillez me suivre.

J’emboîte le pas à Amalda. Lorsque nous sommes hors de portée de la vue du roi Orion, j’en profite alors :

— Amalda, votre père est-il souffrant ?

— Il est très triste, ma Dame. Vraiment très triste.

— Mais pourquoi ?

— Il voudrait délaisser son trône, tout ça n’est plus de son âge, il voudrait enfin profiter un peu de la vie, mais il ne peut pas me déléguer les rennes, car je suis une femme. Je suis leur unique enfant.

— Amalda, battez-vous et réclamez vos droits. Certaines traditions existent pour être abolies. Votre père a besoin de vacances, il a besoin de repos, il a besoin de donner son fardeau à une autre personne et je vous sens prête pour le remplacer. Vous avez le caractère pour devenir reine, c’est à vous de le prouver à votre peuple, de lui donner foi en vous et de prendre la place de votre père.

— Vous croyez ?

— Oui, absolument. Vous en êtes parfaitement capable, c’est une évidence.

Je lui souris et lui caresse doucement le dos dans un geste de réconfort, tandis que nous parcourons les couloirs du palais.


Texte publié par Nephelem, 3 mai 2019 à 12h26
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