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tome 2, Chapitre 17 « Le nouveau magicien » tome 2, Chapitre 17

J’entends des voix étouffées, des sons lointains, mais il est clair que toute cette agitation ne me concerne pas directement. Je sens un tissu doux sous mes doigts lorsque je retrouve la sensation du toucher et je sens l’odeur de biscuits à côté de moi. Je dois probablement être allongée dans le canapé. Je reviens lentement à moi, mais je sens encore un léger malaise bien que largement diminué. Le Prince Morlan doit sûrement se trouver encore là.

J’ouvre finalement les yeux tandis que les sons se font plus clairs et plus distincts. Je reconnais la voix d’Elya et celle de Morlan. Ils se « disputent ». Je me redresse lentement, étonnée que je ne sois pas dans un plus mauvais état alors qu’Elya ne me tient pas les mains. En vérité, il n’en n’a plus besoin. Mon corps et le sien brillent légèrement, j’imagine qu’il me transmet son énergie sans plus avoir besoin de contact. Lui et Morlan semblent vraiment très agités et je crois deviner pourquoi. Je me lève en prenant appui sur le dossier du canapé. Quand Elya m’entend, il tourne la tête.

— Tu devrais rester allongée, Amaranthe !

— Non, je vais mieux et puis… tu me donnes ton énergie.

Je lui offre un sourire qui se veut rassurant. De toute manière, il n’a pas le temps d’essayer de me raisonner et il sait très bien qu’il n’arrivera à rien avec moi. Quand je le veux, je peux être aussi têtue que lui.

Morlan me jette un rapide coup d’œil. Il affiche un air navré et je lui retourne son sourire.

— Je suis désolé que mes phéromones vous mettent aussi mal à l’aise, dit-il. Vous auriez dû me le dire, à cause de cela vous auriez pu…

— Ce n’est rien, Elya est intervenu à temps.

Je n’ai que le temps d’entendre ses pas lourds et de sentir ses mains chaudes sur mon visage avant qu’Elya ne plaque violemment ses lèvres contre les miennes pour m’offrir un baiser fougueux qui me laisse pantelante et me fait oublier ces derniers jours passés et ma tristesse. Quand il se sépare de moi, je titube, le souffle coupé et les joues un peu roses.

— Je suis désolé, Amaranthe, murmure-t-il en posant son front contre le mien. Je suis tellement désolé… J’ai cru te perdre aujourd’hui et quand je t’ai vu gisante là, sur le sol, j’ai réalisé combien ma réaction était stupide et excessive. Tu avais raison, nos traditions doivent changer.

Je suis littéralement abasourdie. Je ne pensais pas qu’une dispute aussi violente puisse se régler aussi facilement, mais je ne vais sûrement pas remettre le sujet sur le tapis.

— C’est bien beau, mais nous devons discuter d’un sujet plus important ! rouspète Morlan. Elya, ta vie est en danger ! Tu es magicien ! Tu… Mais comment as-tu fait ?

— Je n’en sais rien.

— Si la nouvelle s’ébruite, nombreux sont ceux qui vont vouloir te mettre la main dessus. Vous mettre la main dessus ! Vous formez un beau duo, vraiment ! Lui, magicien et vous humaine, conductrice de magie. Vous vous êtes fichus dans de beaux draps.

J’inspire profondément en essayant d’oublier tout ce que Morlan vient de dire car si j’en viens à réaliser réellement la situation, je pense que je vais paniquer et vouloir enfermer Elya dans une cage dorée inaccessible.

— Morlan, je suis roi. Je suis protégé et même surprotégé étant donné que je vis dans une des capitales les plus modernes et les plus surveillées ! Que veux-tu qu’il nous arrive ?

— Je l’ignore, Elya, à toi de me le dire. Tous ceux qui vont vouloir ta magie arriveront à leurs fins d’une manière ou d’une autre. Et je te rappelle que le roi Goldorus est en liberté, il a eu l’occasion de voir les exploits de Dame Affriola en termes de développement de la technologie. Il va vouloir voler ses idées et s’en servir pour son compte personnel. Nous sommes en guerre, Elya !

Elya commence à faire les cent pas, blême, et moi je m’assois sur le bras du canapé en essayant de songer à une solution pour échapper à tout ça. Comment la situation a-t-elle pu nous échapper à ce point ? Si j’avais été la seule à pouvoir utiliser la magie, les choses auraient été bien plus simples. Maintenant, Elya fait partie de l’équation. Si l’un de nous devait subir les conséquences de ce que nous sommes, j’aimerais que ce soit moi. Je refuse qu’Elya meurt ou soit utilisé, torturé, et que sais-je encore ! Moi, j’en ai fait les frais à petite échelle, j’ai eu un aperçu et ce n’était pas amusant.

— Et que proposes-tu comme solution, alors ? s’énerve Elya. Je ne peux pas faillir à mes devoirs, il faut que je continue de gouverner mon royaume !

— Abandonner ton peuple n’est pas non plus une solution, en effet, approuve Morlan, mais il faut se montrer plus rusé que l’ennemi.

Je commence à sérieusement apprécier Morlan. Je me méfiais de lui au départ, mais en vérité il défend Elya et tente de trouver une solution pour sauver la vie de son ami. C’est peut-être notre meilleur allié. Si ça n’avait pas été le cas, je crois qu’il se serait offusqué de mon état de santé à cause de ses phéromones, mais il a très bien pris la chose.

— J’étais censé partir demain soir, Elya, confesse Morlan. Permets-moi de rester encore quelque temps pour que nous réfléchissions ensemble à cette situation.

— Morlan, tu sais très bien que tu n’as pas besoin de me demander la permission.

— Je vais en avertir mon bras droit et ma femme, il faut que je leur envoie un message et je vais donner quelques ordres à mes subordonnés. Nous nous revoyons ce soir, d’accord ?

Avant qu’il ne quitte la chambre, il se retourne et nous regarde à tour de rôle.

— Vous formez vraiment un très beau couple.

Je rougis violemment et Morlan quitte la pièce. Aussitôt, Elya arrête le transfert d’énergie et se laisse retomber dans l’un des fauteuils, manifestement à bout. Il est un peu pâle. Je me demande si l’usage de la magie fait appel à l’énergie corporelle ou bien s’il est simplement fatigué moralement à cause de tout ça. Je m’assois en face de lui et décide de rester silencieuse jusqu’à ce qu’il veuille parler. Ça dure un moment, puis il se penche pour se servir une tasse de thé sous mon regard attentif.

— Je ne sais pas si ce serait le bon moment pour s’en aller aux Îles de Therdonne, m’avoue-t-il.

J’essaie de ne pas tiquer. J’aurais voulu y aller et passer une lune de miel exceptionnelle à ses côtés, mais je crois qu’il est temps que j’arrête de me bercer d’illusions. Je suis devenue reine, je dois maintenant faire des concessions et des sacrifices pour satisfaire aux besoins du peuple et veiller à la sécurité d’Elya. Tant pis pour mon propre bonheur. Peut-être aurions-nous été plus heureux en restant un simple couple, mais cette situation n’aurait pas pu durer plus longtemps. Le peuple a toujours des attentes vis-à-vis de son roi et Elya aurait été contraint de remplir ses devoirs d’une manière ou d’une autre, avec ou sans moi. Je préfère que ce soit avec moi.

— Ce n’est pas grave.

— Bien sûr que si, Amaranthe ! Je t’ai blessée, je t’ai privée de notre nuit de noce et de notre lune de miel, et notre mariage a débuté sur notre dispute la plus violente. Moi j’ai baigné dans cette atmosphère depuis que je suis jeune alors je suis plus ou moins devenu imperméable, mais toi… tu viens d’ailleurs, tu as vécu un autre style de vie et je pense que tu n’espérais pas commencer ta nouvelle vie de mariée ainsi.

Je ne sais pas trop comment me comporter. Je voudrais le rassurer, mais ce serait lui mentir, et en étant honnête j’ai peur de le chagriner. Je devrais peut-être rester neutre. Comme mon silence se fait long, il poursuit alors :

— Demain, nous partons pour les Îles de Therdonne, mais nous serons escortés. Amaranthe, je ne veux que ton bonheur et au lieu de cela, je te blesse continuellement… J’ai l’impression d’être perpétuellement en colère et pas forcément contre toi.

Je m’approche de lui et m’assois sur le canapé, repose la tasse de thé qu’il tient et prends ses mains dans les miennes.

— Être à tes côtés me suffit…

— Je vois bien que non. Une femme a certains besoins.

— Et un homme aussi.

— Je peux m’en passer.

— Si tu le peux alors je le peux aussi.

— Amaranthe…

— Elya, voilà ce que nous allons faire. Nous allons nous rendre aux Îles de Therdonne et profiter de notre lune de miel. Tant que nous serons là-bas, nous laisserons de côtés tous nos soucis et tous nos devoirs. Et lorsque nous reviendrons, nous nous pencherons plus sérieusement sur la question de la magie et nous accomplirons nos devoirs de roi et reine. Es-tu d’accord avec ce compromis ?

— Il me semble assez correct, en effet.

Rassurée, je lui vole un baiser et il me caresse tendrement la joue, en plongeant son regard dans le mien.

— Je t’aime, Amaranthe.

C’est la première fois que je l’entends prononcer ces mots et les entendre de sa bouche me trouble au plus profond de mon être.

— Moi aussi, je souffle dans un demi-murmure, encore toute émoustillée.

J’attends avec grande impatience de pouvoir enfin passer un moment tranquille avec Elya, car j’ai la fâcheuse impression que cela ne nous est jamais réellement arrivé même si nous avons déjà pu voler quelques instants pour se retrouver. Je suis soulagée que notre dispute est enfin derrière nous et qu’il a tourné la page, mais il a tout de même fallu que je frôle la mort de près. Encore une fois.

— Le voyage jusqu’aux Îles de Therdonne va durer un mois, dont vingt jours en mer, me prévient cependant Elya.

Aussitôt, mon sourire disparaît. Je ne m’attendais pas à ce que le voyage soit si long, je voulais pouvoir profiter de lui quasiment dans l’immédiat. Quand Elya voit tout bonheur s’effacer de mon visage, il ne peut s’empêcher de sourire et me caresse la joue.

— Ne t’inquiète pas, tu auras tout le confort dont tu mérites. Nous sommes plus avancés que tu ne le crois, Mélisandre m’a raconté certaines choses… beaucoup de choses, en vérité, sur votre monde. Alors sache que nous ne naviguons pas sur les océans avec de simples bateaux de pêche petits, étroits, humides et inconfortables.

Comment diable peut-il savoir que c’est l’image exacte que j’en avais ? C’est à croire qu’il lit dans mes pensées et ça n’en serait pas vraiment étonnant maintenant qu’il est devenu magicien contre son gré. J’espère qu’il n’est pas trop effrayé ou abattu à cette seule idée.

— Nous possédons de magnifiques bateaux, poursuit-il, que Mélisandre qualifierait de bateaux de croisière par chez vous.

— Mais alors tu as renoué le dialogue avec lui ?

— Je ne l’apprécie pas pour autant, il a commis des choses que je ne pourrai pas lui pardonner, je n’arrive pas à le cerner, mais il est évident que Toriel l’aime.

— Et si un jour ils envisagent le mariage ?

— Je n’irai pas à l’encontre des désirs de ma sœur, mais je continuerai toujours de me méfier de Mélisandre. Je n’ai découvert qu’une infime parti de lui, et il a laissé des traces et des séquelles sur son passage dans notre monde. Je dois réparer les pots cassés.

J’inspire profondément, sans savoir quoi dire ni même quoi penser de tout cela, mais je reviens rapidement à la réalité lorsque je sens les mains chaudes d’Elya sur mon visage.

— Et je te promets de t’offrir la nuit que tu attendais avec tant d’impatience, souffle-t-il.

— Dans un mois seulement…

— Non, nous pouvons la passer sur le bateau. Je te l’ai dit, Amaranthe, ce n’est pas un bateau de pacotille. Je parle du Diamant Blanc. Tu ne vas rien regretter, fais-moi confiance.

Je plonge mon regard dans le sien. Il a l’air tellement sincère que j’ai envie de le croire. Un sourire étire alors sur mes lèvres et je hoche la tête.

— Très bien, je te fais confiance.

J’ignore si je fais bien. Généralement, quand deux individus s’échangent ce genre de paroles dans un film, les choses finissent toujours par empirer et devenir catastrophiques avant de s’arranger au point culminant du film. Mais là, nous ne sommes pas dans un film et si les choses doivent empirer, je doute qu’elles puissent s’améliorer par la suite. Ici, nous ne sommes pas dans un conte de fées ni dans une romance. Le danger est bien présent, Elya est plus humain qu’il ne veut le croire et chacun de nous deux avons des sentiments et des pensées arrêtées sur certaines choses. J’ignore ce qu’il pourrait se passer, mais j’ai un peu peur.

Il faut pourtant que je commence à lui faire confiance car après tout, il est désormais mon mari et peut-être le seul apte à me protéger contre tous les dangers de ce monde. Il est un peu mon super héros. Nous échangeons un ultime baiser et Elya me conseille de préparer mes affaires pour partir au lendemain. Lui a d’autres affaires à régler avant de s’en aller. J’espère qu’il a pris les dispositions nécessaires pour son absence, car elle va sûrement durer plus de deux mois. Et si, à notre retour, Septuna était en flammes ? Si nous retrouvions le monde déchiré, au bord de la guerre ? Je me sentirai alors atrocement coupable d’avoir coulé de beaux jours avec Elya pendant que le monde sombrait. Je me sentirai coupable de ce désastre, même si Elya ne détient pas toutes les rennes.

Après quelques recherches pénibles, je parviens à dénicher une valise dans laquelle je commence à y fourrer des robes que je sélectionne avec grand soin. Cela doit faire une heure environ que je m’occupe de remplir la valise sans vraiment savoir quoi y mettre à part des vêtements, lorsque Toriel fait tout à coup son apparition. Elle affiche ce regard penaud que j’ai souvent eu l’occasion de voir ces derniers temps.

— Salut, Amaranthe…

— Salut, Toriel !

Je lui parle d’un ton enjoué et lui offre mon sourire le plus radieux dans l’espoir de la mettre en confiance et de lui montrer qu’elle n’a pas à se sentir coupable de ce qui s’est passé, mais je la connais.

— Écoute, Amaranthe, je suis…

— Stop !

Je l’arrête d’un signe de la main et elle se tait aussitôt, surprise. Elle ne s’y attendait sûrement pas.

— Je t’ai dit que je serai là pour t’aider à surmonter cette épreuve, ça a dû être pénible pour toi, ne t’excuse pas.

— Elle a dû l’être pour toi aussi…

— Si Elya ne m’aimait pas, au moins cette dispute l’aurait prouvé tout de suite, mais nous avons surmonté cette épreuve !

— Oui, car tu as manqué d’y passer !

— Elya m’a sauvée à temps.

— Parce qu’il est magicien !

— Toriel, Toriel, Toriel, arrête de te trouver des excuses pour t’enfoncer dans ta culpabilité, je lui dis en lui saisissant les mains. Je suis heureuse, sois rassurée. Ce monde m’offre des opportunités incroyables et jamais je n’aurais pu vivre ça dans le mien. J’ai un mari, un toit et même un adorable animal de compagnie. Et puis je vais partir en voyage avec celui que j’aime et nous allons passer la nuit la plus merveilleuse sur un bateau qu’il prétend être à la hauteur de mes espérances.

— Le Diamant Blanc, oui. C’est probablement le plus imposant et le plus beau bateau du continent. Les réservations sont extrêmement coûteuses. Amaranthe, tu es sûre de ce que tu me dis ?

— Tant que tu m’assures que toi tu es heureuse et que tout va bien, alors oui, je suis sûre de ce que je dis.

Elle me sourit.

— Mélisandre veut prendre ses responsabilités et se marier avec moi. Il ne voudrait pas passer pour un père ingrat, mais j’ai peur de la façon dont Elya pourrait prendre cette nouvelle.

— Je pense qu’il le prendra assez bien, mais il continuera de se méfier de Mélisandre. Toriel, tu es sûre qu’il s’agit bien de l’homme avec lequel tu veux passer le restant de tes jours ?

Elle pâlit un peu et baisse légèrement la tête.

— Écoute, Amaranthe… Je sais que Mélisandre n’a pas eu un passé très glorieux, je sais qu’Elya ne le porte pas spécialement dans son cœur, mais… oui, je l’aime. Je sais que Mélisandre sera toujours là pour moi, je sais qu’il me protégera. J’ai confiance en lui.

La question de la confiance revient encore sur le tapis, c’est à croire qu’ils se sont donnés le mot. C’est comme si Toriel m’incitait à lui faire confiance dans son choix et je n’ai pas assez fréquenté Mélisandre pour savoir s’il est bon ou mauvais. Tout ce que je sais, c’est qu’il a été là pour m’aider quand j’en avais besoin et je sais que si les sentiments d’une personne sont sincères, alors elle ne fera rien pour blesser son âme sœur. Ce qui prouve encore une fois que Léo et moi n’étions pas compatibles. Nous n’étions pas destinés à finir nos vieux jours ensemble, mais Elya et moi avons un destin tracé.

— Très bien, Toriel. Je ne peux que vous donner ma bénédiction.

Elle me serre dans ses bras avec chaleur et je lui rends son étreinte, heureuse. Je me sens plus légère que jamais.

— Est-ce que tu pourrais m’aider à faire ma valise ?

— Oui. Il y a des choses indispensables qu’une femme doit toujours emporter avec elle !

Et nous voilà à nouveau unies comme à notre rencontre, à rire et raconter des blagues stupides en préparant mes valises, car Toriel en a trouvé une deuxième et il est clair qu’une seule valise ne peut suffire, surtout avec Toriel.

La soirée se déroule bien mieux que je ne l’avais espéré au matin en me levant et je m’endors le cœur léger en songeant à ma nuit de noces qui m’attend depuis si longtemps.


Texte publié par Nephelem, 3 mai 2019 à 12h22
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