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tome 2, Chapitre 7 « L'échappatoire » tome 2, Chapitre 7

Les cellules de Septuna sont les seules à être… agréables. Je sais que c’est étrange comme pensée, mais je m’y sens bien à l’intérieur. Elles sont blanches, sèches, presque chaudes, il y a un lit qui semble assez confortable, un seau probablement destiné aux besoins et une étagère avec quelques livres. Ah, il y a également une fenêtre avec des barreaux d’acier. C’est la première chose qui me percute. Si seulement j’avais un outil pour les limer et m’échapper. Je pourrais également tenter de me servir de ma magie pour les faire fondre, mais une fois à l’extérieur, seule j’ignore comment je vais m’en sortir. Je n’aurai ni carte ni argent ni nourriture. Je serai destinée et livrée à moi-même et je doute de la réussite de mon plan dans de telles conditions.

Je sais que j’avais eu l’audace de quitter le charmant château de Selphiade et là j’avais encore moins de chances de survivre, mais il y a une différence importante entre la fois où je m’en étais allée de Selphiade et maintenant : une destination.

Je voudrais pouvoir m’échapper assez rapidement, car je doute que Toriel se remette rapidement de cet empoisonnement. Il doit rester encore un ou deux flacons dans les cuisines, qu’elle va probablement terminer. De là à ce qu’elle les finisse, Ysiel aura sûrement eu le temps d’en faire livrer d’autres et Elya en sera peut-être à la moitié de sa mission. Il faut que je trouve un moyen de m’en aller.

— Excusez-moi, madame ?

J’entends une voix grave qui semble m’interpeller, un dolomenian. Je reconnais cette langue, bien que je ne la maîtrise pas encore dans son entièreté.

— Oui ?

Je m’approche de la porte de ma cellule et m’agrippe à celle-ci, puis tente de tourner la tête pour apercevoir celui qui m’a appelée. Un dolomenian apparaît dans mon champ de vision. Il est à deux cellules de moi dans la rangée d’en face. Il semble assez âgé, disons plutôt mûr. Expérimenté, aussi. Son visage est témoin d’un passé mouvementé qui l’a façonné, je peux lire dans ses yeux comme dans un livre ouvert.

— Vous êtes humaine, n’est-ce pas ?

— Euh, je…

Je ne sais pas si je suis censée le lui avouer, j’ignore s’il pourrait s’avérer être un potentiel ennemi ou non.

— Je m’appelle Edgard, je suis le dernier magicien vivant au monde.

Mes paupières s’écarquillent sous la surprise et je le dévisage un long moment sans prononcer le moindre mot. Une fois le choc passé, je secoue vivement la tête.

— Il y a longtemps que vous êtes en prison ? Je veux dire… Je vous croyais sous haute protection mais pas…

— Oh, non, non, non. J’ai été très bien logé un long moment. J’ai même souvent été choyé et privilégié, mais depuis l’arrivée d’Ysiel les comportements ont changé.

— Oui, je sais d’où cela provient et c’est pour cette raison qu’il faut que je parte.

— Vous savez ?

— Un sirop qu’elle a fait livrer en très grande quantité et qui altère totalement la raison. Pourquoi ne vous êtes-vous pas enfui ? Vous êtes pourtant magicien !

— Oui, je sais, mais je voulais connaître l’origine du mal.

— Et maintenant ?

— Maintenant, à vous de me dire ce que vous envisagez de faire.

— Il faut que je rejoigne Elya à Tarbenar pour le sauver, il est en grand danger !

— Elya ? Vous voulez plutôt dire Sire Elya.

— Non, Elya. Nous avons eu une relation qui n’a pas duré à cause d’Ysiel. Il a oublié l’amour qu’il me portait à cause de ce maudit sirop et si je ne vais pas le retrouver moi-même, il sera trop tard ! Ce n’était pas Ysiel qu’il devait épouser, mais moi.

— Je sais, je le lis dans vos pensées. Vous êtes honnête.

J’aurais dû me sentir violée, pourtant cet homme m’inspire une très grande confiance et je sais qu’il va pouvoir m’aider.

— Soyez patiente, Amaranthe. Nous allons nous enfuir ce soir.

— Comment… ? Laissez. Vous m’accompagnez donc ?

— Vous avez besoin d’aide et je ne veux pas d’une sorcière comme reine. Vous ferez très bien l’affaire.

Je souris, ravie et flattée, et m’assois sur le banc. J’attends de longues minutes dans un silence insoutenable avant que l’ennui ne commence à poindre. C’est là que je décide d’essayer de lire un des livres, mais ils sont tous écrits en dolomenian et je n’ai pas encore appris à lire. M’apprendre trop de choses en même temps aurait pu me nuire, d’après Dame Affriola. Elle a préféré se concentrer sur l’apprentissage des langues plutôt que sur la lecture et elle a bien fait. Finalement, je suis amenée plus souvent que je ne l’aurais pensé à manipuler le dolomenian, moi qui croyais ne jamais devoir revenir ici.

J’abandonne la lecture et décide finalement de m’allonger sur le lit pour dormir et garder quelques forces. J’en aurai probablement besoin ce soir. Il ne me faut que quelques minutes avant que je plonge dans les méandres d’un sommeil obscur sans rêve.

— Amaranhte ? La voie est libre !

Quoi ? À peine me suis-je réveillée que je retrouve Edgard face à ma cellule, accompagné par un garde qui m’ouvre la porte. Je ne saisis pas vraiment la situation, je ne sais pas comment il a fait ce tour de passe-passe, mais en tout cas nous sommes libres.

— Comment avez-vous fait ? je demande en sortant de la cellule.

— Je l’ai hypnotisé, comme je vais hypnotiser son supérieur, lequel va convaincre ses soldats de l’urgence de la situation. De là, ils nous amèneront droit sur Elya.

— Plutôt ingénieux, j’aurais pu faire la même chose si j’avais été moins bête !

— Vous êtes loin d’être idiote, Amaranthe, et vous avez plus de ressources que vous ne voulez le croire, il vous manque simplement la maîtrise. Une fois que vous l’aurez acquise, vous allez faire de sacrés dégâts, croyez-moi.

J’espère qu’il a raison, car je compte bien faire entendre à Elya qu’il a besoin de moi autant sur le plan personnel que stratégique. Je veux devenir une combattante aguerrie dont on ne peut se passer de ses services. Je veux avoir un but dans la vie, une existence. Je veux me sentir vivante, respirer la vie et sourire au bonheur. Je veux ouvrir les portes d’un nouveau monde, d’une nouvelle Amaranthe. Oui, voilà ce que je veux aujourd’hui. Maintenant, je sais où je vais et je suis déterminée. Me faire changer d’avis va être plutôt compliqué.

Je souris tandis que le garde nous escorte silencieusement jusqu’à la chambre de son général. Lorsque nous y arrivons, il toque par trois fois et quelques secondes s’écoulent avant que la porte ne s’ouvre sur un homme à la carrure imposante et au regard sévère. Lorsqu’il nous voit, je lis la surprise et la colère mais aussi l’incompréhension dans son regard.

— Soldat Firsten, qu’est-ce que ceci ? Vous savez qu’ils sont prisonniers.

— Permettez-moi de prendre la parole, commença alors Edgard. Nous avons une mission importante à accomplir, le roi Elya d’Hangest Hogfort est en danger, en très grand danger, et je crois savoir que cette jeune demoiselle et moi-même sommes, pour ainsi dire, les seuls à pouvoir le sauver étant donné la… situation.

C’est bien la première fois que j’entends le nom complet d’Elya et j’ignore pourquoi, mais mon cœur papillonne et une étrange chaleur s’empare de moi. Elya d’Hangest Hogfort. Étrange et même curieux, pourtant j’adore.

Le général reste figé comme une statue, les mains dans son dos et le regard impassible. Il me semble voir une étrange lueur dans ses yeux, une étincelle, puis il secoue brièvement la tête et se racle la gorge. Je devine sans difficulté que la magie d’Edgard a déjà fait effet. Il est puissant et incroyable, pourtant ma fascination retombe rapidement à la seule pensée d’Elya.

— Notre roi est en danger, dites-vous ?

— Oui, une menace pèse sur lui. Vous devez nous escorter jusqu’à lui, mon général. Nous savons comment le sauver.

— Très bien, je vais réunir une vingtaine de mes soldats. Nous partons dans une heure. Soldat Firsten, escortez ces gens jusqu’aux écuries et commencez à seller les chevaux.

— Très bien mon général.

Sur cette entrevue rapide mais efficace, le général nous claque la porte au nez et Firsten nous demande de le suivre. Nous nous rendons donc jusqu’aux écuries tandis que je pense sans cesse au nom d’Elya. Je me demande pourquoi il ne me l’a jamais dit, peut-être en a-t-il honte ? Non, ce serait étonnant, tout le peuple semblait apprécier son roi. Il devait être un bon dirigeant, j’imagine. Elya a hérité de ses qualités, j’en suis convaincue. Il fera un excellent roi, mais un roi dont les défenses ont été abaissées ne peut que produire de mauvaises choses et c’est pour cette raison en particulier que je veux le sauver… mais aussi pour quelques autres milliers de raisons.

Une fois à l’écurie, je me mets à l’œuvre pour aider Firsten et Edgard à seller les chevaux. Une heure plus tard, le général nous rejoint accompagné par une vingtaine de soldats. Nous n’attendons pas plus longtemps pour prendre la route.

Nous chevauchons toute la nuit et, au lendemain matin, je sens la fatigue commencer à engourdir mes membres, mais nous n’avons pas de temps à perdre. Plus tôt nous arrivons sur les lieux et plus tôt nous pouvons sauver Elya de l’emprise d’Ysiel.

Le soleil commence à poindre à l’horizon et percer les nuages, illuminant le paysage. Je peux enfin discerner quelque chose. J’ignore comment ces soldats font pour se guider la nuit, ils doivent avoir une sorte de vision nocturne ou quelque chose comme ça, je n’ai jamais pensé à poser la question à Elya mais ça expliquerait pas mal de choses… en l’occurrence la fois où il nous a sauvé Mélisandre et moi d’une quarantaine de brigands.

Nous arrivons au-devant d’une large rivière dont le courant est très fort, nous obligeant à la contourner ou à trouver un pont pour la traverser, mais le général Erestos nous assure qu’en aucun cas nous n’allons perdre de temps, car nous suivons toujours la bonne direction pour nous rendre en Tarbenar. Il envisage de nous faire quitter le plus tard possible Dolomen pour raser ensuite les côtes des plaines d’Alumen. De là, nous entrerons en Tarbenar et nous nous dirigerons vers Tigranor, la troisième capitale. Elya sera probablement déjà sur les lieux et l’assaut sera sûrement déjà terminé. J’ose espérer qu’il a raison. Malheureusement, ce voyage va durer un peu plus d’un mois et le temps va me paraître terriblement long jusqu’à notre destination. J’espère sincèrement qu’il ne va rien nous arriver de malheureux entre-temps. A tous les voyages que j’ai effectué, j’y ai rencontré un souci dont je suis presque certaine d’être toujours à l’origine. Je veux dire, ils sont provoqués à cause de moi, par ma faute, car je suis humaine et donc convoitée. Être l’un des deux seuls humains de ce monde, c’est compliqué. Finalement, j’aurais voulu qu’il y ait plus de mes compères mais, en même temps, ça aurait provoqué une guerre totale j’en ai peur.

Nous traversons la rivière après quelques heures de marche et franchissons plusieurs champs et petits villages. Lorsque la nuit commence à tomber, nous abordons un village un peu plus grand que ceux que nous avons eu l’occasion de traverser. Le général Erestos nous propose gentiment de passer la nuit dans une auberge. Ainsi, nous économisons nos ressources alimentaires et nous sommes assurés de pouvoir nous reposer.

Moi, je suis plutôt ravie de cette décision. Quand nous entrons dans l’auberge, une des plus grandes que j’ai eu l’occasion de voir, il n’y a que très peu de bruits. Disons plutôt que toutes les personnes sont attentives au spectacle qui est donné. Il y a une petite scène avec un artiste qui raconte des blagues. C’est à ce moment que je ne regrette pas d’avoir appris quelques langues de ce monde, car je peux comprendre tout ce que le dolomenian dit et c’est une agréable soirée que je passe en compagnie d’Edgard et des soldats qui nous escortent.

Nous nous faisons vite remarquer, à ce propos, tellement nous rions fort aux blagues. Le sketch est parfois coupé par des chansons dont une ou deux m’ont forcée à verser une petite larme. Les dolomenians sont exceptionnellement doués dans l’art du spectacle et de la chanson, c’est une chose que je ne leur connaissais pas mais que je suis ravie d’apprendre.

Après un bon repas et encore quelques fous rire à m’en faire pleurer, je sens la fatigue poindre. Le général Erestos me tend alors une clé de chambre et m’ordonne de me coucher. Puisque c’est un ordre, je ne peux le contester et je me rends donc dans la chambre, un peu déçue mais également soulagée. J’entends encore les rires des gens en bas.

Quand j’entre dans la chambre, la température est agréable mais la pièce vide me fait frissonner. Il manque de tout ici. Il manque de décoration, de personnalisation et de chaleur humaine. Je sens un sentiment de vide et de solitude s’emparer de moi et je traverse lentement la pièce pour me rendre jusqu’à la fenêtre. J’observe un instant la rue illuminée par quelques lampadaires et je souris. Elya m’avait dit qu’il avait stocké la magie, mais je vois qu’il s’en est quand même un peu servi et ce n’est pas plus mal. Les villageois doivent être heureux de pouvoir voir correctement la nuit.

Je reste un long moment à la fenêtre, la tête remplie de souvenirs et de regrets, mais quand la fatigue commence à être trop importante, je finis alors par me dévêtir et me coucher.


Texte publié par Nephelem, 3 mai 2019 à 12h12
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