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tome 1, Chapitre 18 « Septuna » tome 1, Chapitre 18

Tout est calme et silencieux, mais peut-être un peu trop noir et trop froid. Il n’y a rien. Rien hormis les ténèbres et le vide. Je n’aime pas. Si c’est à cela que ressemble la mort, alors je ne veux pas être morte. Je veux revenir à la vie, pouvoir à nouveau contempler un coucher de soleil, sentir la chaleur des rayons sur ma peau, respirer le parfum exotique des fleurs, écouter les aboiements des chiens, admirer les yeux vert forêt d’Elya, entendre le timbre de la voix de Toriel… Mais je ne veux pas de ça.

Tout à coup, il me semble percevoir quelque chose. Un son. Un son très faible, mais un son. Il a brisé le silence, mais je ne parviens pas à l’identifier, à savoir s’il s’agit d’une voix ou d’un bruit. J’essaie de me concentrer et le son semble se rapprocher. Je crois distinguer quelques éclats de voix, mais ils sont encore lointains, déformés, et je ne parviens pas à les reconnaître. J’ignore à qui appartiennent ces voix. Elles se rapprochent, deviennent de plus en plus claires et j’arrive enfin à comprendre certains mots. « Amaranthe », « poison », « morte », « justesse », « soulagement », « peur ». Et puis les mots commencent à former des phrases alors que j’entends d’autres bruits en fond et que toutes les sensations me reviennent lentement. Finalement, je sens à nouveau chaque membre de mon corps, je peux bouger mes doigts ou me tourner, mais je décide plutôt d’ouvrir les yeux.

La lumière m’agresse aussitôt et je fronce les sourcils en grimaçant. Un faible gémissement s’échappe de mes lèvres. Il me faut résister pour garder les yeux ouverts et il me faut du temps pour m’habituer à la lumière. Quand enfin je peux observer les environs sans avoir à plisser les yeux, je me rends compte que la lumière n’est pas si forte en vérité, car les épais rideaux sont tirés et laissent très peu filtrer la lumière du soleil. Je suis couchée dans un lit, je me trouve dans une chambre. Elle est très sobre et très jolie. Je suis allongée dans un magnifique et somptueux lit à baldaquin, situé juste en face d’une imposante cheminée. Le feu brûle dans l’âtre, il fait agréablement bon.

Je me tortille légèrement et m’étire à la manière d’un chat en sentant les draps de soie glisser sur mon corps. Je les relève aussitôt et m’aperçois que j’ai été changée. Je porte une chemise de nuit en satin, avec quelques motifs en dentelles. Elle est superbe, mais je ne pense pas mériter tout ça. En revanche, toute cette richesse qui m’entoure me laisse supposer que nous sommes arrivés à destination. Nous y sommes arrivés et je suis toujours en vie.

— Elle est réveillée !

Je tourne la tête et vois Toriel qui se précipite à mon chevet, accompagnée par Elya et Mélisandre. Tous trois me sourient, mais je constate qu’Elya est pâle. Il semble fatigué.

— Nous croyons t’avoir perdue ! s’exclame Toriel en m’enlaçant.

— Nous avons failli la perdre, nota Elya. Le médecin a vraiment cru que tu y passerais, c’était de justesse.

— Oui, mais j’ai survécu, je souris.

— Et c’est une chance incroyable. Les Guanes ont ralenti la progression du poison mais… tu es résistante, Amaranthe, poursuit Elya. N’importe qui aurait succombé après cinq jours. Tu as tenu huit jours.

— Quand tu t’es effondrée, Elya t’a prise avec lui sur son cheval et a foncé vers Septuna. Il s’est seulement arrêté pour changer trois fois de cheval à trois points de relais différents, mais il n’a pas mangé ni dormi.

Ce qui explique son état.

— Et depuis combien de temps sommes-nous là ?

— Une semaine environ. Le médecin avait déjà un flacon d’anti-poison tout préparé.

— Elya s’est effondré en arrivant, il a dû se reposer trois jours et a été forcé de manger, poursuit Toriel. Mais il n’a pas quitté ton chevet dès qu’il a retrouvé des forces.

— Toriel, si tu pouvais éviter les détails… la supplie Elya, gêné.

— Et quoi ? Elle est en droit de savoir, je te signale ! Moi, si j’aimais quelqu’un, je voudrais tout savoir sur lui durant les jours où j’ai été inconsciente… s’exclame sa sœur, outrée.

— Toriel…

Cette fois, c’est à moi de la rappeler à l’ordre. Je sais bien que les sentiments que j’éprouve ne sont plus vraiment un secret, Toriel est plus maligne que l’on y croit, mais je n’ai pas vraiment envie que tout le château soit au courant.

— D’ailleurs, continue-t-elle en faisant fi de mon avertissement, l’attention que te porte Elya n’est pas passée inaperçue auprès de son père. Il l’a déjà convoqué une fois pour lui rappeler son mariage.

Oui, merci de me le rappeler Toriel. C’est très aimable de ta part. Je détourne le regard en affichant une moue.

— Ce n’est pas grave puisque de toute manière je n’éprouve rien pour lui…

— Tu ne la fais pas à moi, Amaranthe. Tu as beau mentir, tenter de le dissimuler, tu crois vraiment que je ne l’ai pas deviné ?

— Toriel, il est destiné à quelqu’un d’autre !

— Je suis là.

— Et moi aussi, fait Mélisandre en nous adressant un signe de la main.

Je fusille Elya du regard et il détourne aussitôt les yeux.

— Toi, ne t’immisce pas dans notre conversation et va plutôt retrouver ta dulcinée.

— Amaranthe, ça ne se fait pas de l’envoyer sur les roses comme ça après ce qu’il a fait pour toi !

— Ce n’est pas grave, Toriel.

Elya affiche un regard froid et je me sens aussitôt coupable d’avoir prononcé des mots aussi tranchants. Il récupère Shou et sa couverture, puis quitte la chambre sous le regard interloqué de sa sœur, accompagné par Mélisandre.

— Je suis désolée, mais cette histoire de mariage me retourne complètement, je soupire, la gorge serrée. Dès que j’en entends parler, je sens la colère monter en moi et je suis incapable de la contrôler.

Le regard de Toriel se radoucit et elle s’assoit sur le lit, puis saisit ma main dans les siennes en me souriant.

— Il a changé depuis qu’il t’a rencontrée et il ferait la plus grosse bêtise de sa vie en épousant cette mégère.

— Mais il n’a pas le choix, Toriel, il a des obligations familiales. Il est l’héritier du trône, il ne peut pas se permettre d’épouser quelqu’un comme moi.

Elle me caresse le dos de la main pour me réconforter.

— Je vais tout faire pour annuler ce mariage, fais-moi confiance.

— Il risque d’y perdre énormément…

— Je crois qu’il préfère t’avoir.

— Comment peux-tu en être aussi certaine ? Nous ne nous connaissons pas depuis si longtemps que ça.

— Amaranthe, je te l’ai dit. Depuis qu’il t’a rencontrée, Elya s’est transformé. Tu ne le sais pas, car tu ne l’as jamais connu auparavant, mais moi je peux te l’affirmer. Il n’est plus le même homme.

J’espère qu’elle a raison. J’inspire profondément et me redresse péniblement. Aussitôt, Toriel s’occupe de replacer les coussins dans mon dos et remonte la couverture jusqu’à mon menton, puis me sourit avec tendresse.

— Je ne mérite pas tout ça, je soupire en lui désignant la chambre dans un ample mouvement de la main. C’est trop, je… Je ne suis qu’une humaine débarquée d’un autre monde et je ne crée que des problèmes.

— Justement, tu viens d’un autre monde, me dit-elle. Et tu représentes un nouvel espoir pour nous. Tu ne t’en rends pas encore compte pour l’instant, mais quand le père d’Elya apprendra ce que les humains sont en capacité de faire…

— J’espère que tu as raison…

Elle me caresse la joue et j’apprécie ce geste, mais il ne me réconforte pas pour autant. J’ai l’impression que trop de choses me pèsent sur les épaules et que les responsabilités sont lourdes. Je ne peux pas me permettre d’agir à la légère, chacune de mes décisions et chacun de mes gestes doit être calculé.

— Fais-moi confiance. Depuis que tu es entrée dans nos vies, tout a changé. Et je crois que le roi Peleth ne manquera pas de le remarquer…

— Est-ce qu’il… Est-ce qu’il est du genre plutôt cool et sympa, au point d’accepter d’annuler le mariage de son fils ? Ou alors il est plutôt du genre tyrannique et sans pitié ?

— Il est plutôt cool et sympa, réfléchi et posé, et il sait prendre les bonnes décisions.

— Alors ce mariage est une bonne décision, il est stratégique. Le roi Peleth ne voudra pas que son fils en épouse une autre.

Toriel hausse les épaules.

— À ta place, je n’en serais pas si sûre. Je ne crains rien de lui. En revanche, je m’inquiéterais plutôt pour l’autre mégère.

— Mais Toriel, la dernière fois que tu m’as parlée de Stella, quand tu m’as questionnée concernant mes relations avec Elya, tu semblais plutôt soulagée de savoir qu’il n’y avait rien. Tu semblais craindre l’annulation de ce mariage.

— Oui, car l’annulation aura forcément des répercussions, mais… j’ai changé et je veux que mon frère soit heureux ! Il doit savoir s’affirmer, il a déjà donné bien assez pour son père, je pense que le roi Peleth pourrait lui faire une faveur.

— Oui, mais… tu ne crois pas que l’annulation d’un mariage aussi important pourrait entraîner une… une guerre ?

Elle grimace et hausse les épaules.

— Je ne sais pas.

— Si c’est le cas, alors ce mariage aura forcément lieu. Et la façon dont tu m’as parlée de Stella, c’est une femme qui ne me laissera pas Elya. Elle va vouloir se battre pour le garder auprès d’elle. Elya est… Il est beau et incroyable. Il est doué dans pas mal de domaines et… et il se soucie vraiment de moi. Toriel, je me sens importante à ses yeux, je n’ai pas envie de le perdre, mais j’ai bien peur qu’il n’y ait pas d’autres issues face à ce dilemme.

Elle soupire et secoue la tête.

— Alors il va falloir faire tes preuves et prouver au roi Peleth que tu vaux mieux que Stella et que tu es un meilleur parti.

— Je ne suis pas un meilleur parti, Toriel ! Je… Je n’appartiens à aucune famille de ce monde, je ne possède pas d’argent, je n’ai rien. Rien, rien, rien !

— À part ta détermination.

Oh mon Dieu. J’ai l’affreuse impression qu’elle a une idée épouvantable derrière la tête et je n’ai pas vraiment envie de la connaître. Pourtant…

— Où est-ce que tu veux en venir ?

— Certains affirment que la magie liquide ou solide n’a pas tout à fait disparu.

— Solide ?

— Ils prétendent qu’elle est seulement ailleurs, dans un lieu lointain, inaccessible. Et pour cela, il faut affronter les créatures les plus terrifiantes et braver la nature elle-même ! En apportant d’énormes quantités de magie au roi Peleth, tu assures la sécurité de son royaume et plusieurs autres royaumes voudront alors s’allier avec lui pour bénéficier de sa protection. Le roi Goldorus, le père de Stella, n’aura alors plus qu’à se plier à sa volonté.

— Et donc, malgré tous les avertissements d’Elya concernant le danger que j’encours et que je représente, tu voudrais que moi, Amaranthe, simple humaine, j’aille défier la nature et les monstres les plus effroyables pour aller en des terres inconnues et des lieux reculés pour trouver de la magie solide et liquide ?

— C’est ça !

Elle semble tellement sérieuse, enthousiaste et déterminée, que je ne sais comment lui refuser cela. En revanche, je vais vite devoir à nouveau sacrifier le confort auquel j’aspirais tant. Ça va être un long voyage, sûrement aussi pénible et périlleux que celui-ci, voire plus, mais si cela peut me permettre d’obtenir Elya, alors je n’ai pas vraiment d’autres choix.

— Très bien, je concède. Je vais le faire.

— Je viens avec toi et Shou aussi !

— Non.

— Tu ne pourras pas nous faire changer d’avis et Shou t’a sauvée plus d’une fois.

Il est vrai qu’il m’a été très utile à plusieurs reprises et il est mignon, mais je refuse de mettre sa vie en danger.

— Elya voudra sûrement venir aussi.

— Toriel, il est l’héritier du trône, il a des responsabilités et sûrement d’autres projets. Il ne peut pas se permettre…

— Si c’est pour la sécurité du royaume, mon père acceptera que je t’escorte. Et je refuse de te laisser affronter seule autant de dangers.

Je me refroidis et tourne lentement la tête en direction d’Elya. Depuis combien de temps est-il là ? Pourquoi est-il revenu ? Il est adossé contre le battant de la porte, les bras croisés sur son torse, et son regard est on peut plus sérieux.

— Je sais parfaitement que je ne parviendrai pas à te faire changer d’avis, Amaranthe, et cette idée est la plus saugrenue que tu aies eue Toriel. Tu mets en péril des vies, mais je suis prêt à vous accompagner.

— Pourquoi tu es revenu ?

Ces mots m’ont échappé, je ne voulais pas lui poser la question mais c’est plus fort que moi. J’ai besoin de savoir. Il sourit.

— J’avais une question à poser à Toriel, mais ça attendra. En revanche, Amaranthe, nous ne partons pas tant que tu n’es pas entièrement remise. Me suis-je bien fait comprendre ?

— Oui.

Il s’éloigne et je peux enfin respirer. Toriel, elle, sourit stupidement en continuant de regarder la porte. Moi, je suis complètement anéantie et j’ai honte. J’espère qu’il n’a pas tout entendu de la conversation, sinon il va vite comprendre que ce voyage n’est qu’une compétition entre filles pour se l’approprier et j’ignore comment il pourrait réagir à cela.

— Tu as faim ?

J’acquiesce d’un signe de la tête et Toriel se relève, mais je m’empresse de lui saisir le poignet pour la retenir.

— Je préférerais me déplacer, je n’ai pas envie de rester dans le lit à ne rien faire.

— Amaranthe, ton état ne te permet pas…

— Toriel, s’il te plaît…

Elle soupire, mais cède finalement à mon caprice. Elle m’aide à me relever et je me dirige d’un pas mal assuré jusqu’à l’entrée de la chambre, surveillée de près par Toriel. Nous abordons alors un long couloir de plâtre blanc, longé par des portes d’un côté et bordé par de hautes fenêtres de l’autre, toutes encadrées par de lourds rideaux d’un bleu pâle très joli. Des tableaux aux couleurs claires et pastels décorent les murs et quelques chandeliers sont accrochés pour éclairer les lieux. Un long tapis de la même couleur que les rideaux, avec des motifs et des entrelacs complexes jaunes pâles, parcourt le sol et finit d’agrémenter le tableau, mais j’avoue être un peu surprise. Je m’attendais à quelque chose de plus moyenâgeux, quelque chose de plus rustique et peut-être un peu plus riche aussi. Oh, je ne doute pas que ces tissus et ces tableaux ont dû coûter une véritable petite fortune, mais j’ai atterri dans un monde où beaucoup de choses n’ont pas été développées semblerait-il, en comparaison de celui d’où je viens. Si l’électricité avait existé, des lampes seraient suspendues au plafond. Si la technologie avait été développée, des voitures remplaceraient les chariots, mais je n’ai encore rien vu de tout cela. Preuve en est qu’Elya a dû rejoindre Septuna en changeant par trois fois son cheval pour leur éviter une mort certaine. Si la technologie avait trouvé sa place dans ce monde, il aurait plutôt décidé d’utiliser un moyen de locomotion plus moderne et plus rapide pour m’amener jusqu’à Septuna.

— Tu sembles un peu surprise, me confie Toriel.

— Bah… Euh, oui…

— Pourquoi ?

— Je m’attendais à des murs en briques, des rideaux rouges, des portraits de famille avec des cadres en or, de plus grands chandeliers, un épais tapis vermeille, des statues à chaque extrémité du couloir et des animaux empaillés accrochés au mur.

— Tu nous prends pour des sauvages ?

— Non, les sauvages sont plus primitifs que ça.

Elle arque un sourcil mais décide de ne pas approfondir. Je me mets en marche pour atteindre la porte que je vois au bout du couloir, et Toriel préfère me soutenir en me tenant par le bras pour s’assurer que je ne perde pas l’équilibre.

— Amaranthe, je ne t’ai jamais demandé à quoi ressemble ton monde…

— À quoi il ressemble ? Les décors sont moins attrayants dans un bon nombre d’endroits, bien qu’il y ait de superbes paysages.

— Que veux-tu dire par-là ?

— Nos villes sont… elles se sont très bien développées. Elles sont très vastes, possèdent de très hauts bâtiments en verre, en acier, en béton… J’ignore s’il y a des matières que vous ne connaissez pas ici. Nous nous sommes également développé dans le domaine de la médecine et de la technologie.

— Vraiment ?

Je tique aussitôt à cette question et m’immobilise pour la dévisager, interloquée.

— Mais euh… Tu sais ce que c’est la technologie ? Enfin, je veux dire qu’il y a pas mal de mots qui changent par rapport à mon monde…

— Oui, mais je continue d’apprendre ta langue et j’essaie de rapprocher certains noms que vous donnez à des objets et que nous nommons autrement. Donc, quand tu parles de technologie je sais parfaitement de quoi il s’agit.

— D’accord…

Malgré tout, j’ai l’impression qu’elle ne me dit pas tout. J’ai une drôle de sensation et elle le voit parfaitement dans mon regard.

— Regarde par la fenêtre.

Je m’exécute aussitôt et m’approche de la fenêtre. Ce que je vois me laisse littéralement sans voix. Sous mes yeux se dresse une vaste ville qui s’étend à perte de vue. D’un côté, des maisons ont été construites en pierre et en briques, et de l’autre en parpaings, plâtre et béton. Les mêmes maisons modernes du monde duquel je viens, à la différence que le double-vitrage ne semble pas exister. Des rues pavées ou goudronnées traces les axes principaux et sont bordées par des larges et longs bacs en bois dans lesquels ont été plantées des fleurs. Quelques arbres ont été parsemés aux quatre coins de la ville et une place principale a été créée, au milieu de laquelle se trouve une grande et haute fontaine d’une magnificence improbable et ridicule tant la beauté qu’elle dégage est incroyable. Au milieu s’élève la statue de qui je suppose être le roi, mais elle est parcourue par des fleurs et des lierres. Sur la place principale s’est monté un imposant marché. Il y a de nombreux stands divers et variés : fruits et légumes, tissus, vêtements, épices, etc.

Cependant, ce qui m’interpelle le plus, ce sont ces rails au-dessus de la ville qui la traversent de part en part, ces stations surélevées tout de bois construites certainement pour embellir le paysage plutôt que de les construire en acier, ce qui aurait sûrement assombri cet incroyable tableau. Il me semble également deviner les formes d’une haute muraille en pierres, parfois coupée par des postes de gardes ou d’étranges pylônes, cette fois en acier, reliés les uns aux autres par d’étranges traits lumineux violets.

Et au milieu de tout cela, le plus grand et plus haut et plus vaste bâtiment de toute la ville, placé stratégiquement, construit tout en acier, ouvert de tous les côtés et qui relie tous les rails. Au-dessus de lui se trouve ce que je considère être un immense rocher bleu pâle très lumineux. Je suppose qu’il doit éclairer la ville d’une lumière féerique une fois la nuit tombée.

— Mais, Toriel… Qu’est-ce que c’est, tout ça ? je balbutie, époustouflée et impressionnée.

— Ça, ma très chère Amaranthe, c’est le début du développement de notre cité. Nous possédons cette rune depuis des siècles et nous ignorions comment nous en servir. Elle était simplement décorative. Et puis d’autres runes ont été découvertes à travers le monde, deux siècles plus tôt. C’est à cet instant qu’est née la magie. Cette rune est de la magie solide. Elle est une source de magie inépuisable.

— Et une source de convoitise, j’imagine.

— Oui, mais nous avons travaillé des années durant pour nous développer. Ce système de train, comme vous l’appelez par chez vous, nous l’avons conçu, monté et développé il y a près de cinquante ans maintenant, grâce à un technologue et forgerune. Il étudie encore les runes pour continuer de découvrir leurs capacités régénératrices, leur puissance énergétique et leur pouvoir conducteur… Les trains fonctionnent grâce à des runes que nous avons incrustées dans la coque à l’avant du premier wagon. Elles sont reliées entre elles et sont alimentées par la rune principale, mais sa capacité à produire de la magie et alimenter des runes ne s’étend pas après plus de cinquante kilomètres. Au-delà, son pouvoir est inefficace.

— Alors il reste donc de la magie dans ce monde ?

— Oui, mais elle se perd comme tu le sais et nous avons beaucoup d’ennemis sur le dos. Nous sommes peut-être l’une des puissances les plus importantes de ce monde, mais nous avons un rival de taille qui s’acharne à vouloir s’élever à notre hauteur pour nous écraser et s’emparer de la ville et donc de Dolomen. Il envoie bon nombre de chercheurs en quête de runes ou de magie liquide et force les jeunes hommes à introduire les rangs de son armée dès l’âge de quatorze ans. Pour éviter ce conflit, le roi Peleth a donc offert son fils, Elya, en mariage à sa fille Stella.

— Mais c’est épouvantable ! je m’offusque, sidérée. Toriel, nous ne pouvons pas faire annuler ce mariage à cause de moi ! Il va forcément mener tout droit à une guerre…

— Sauf si tu trouves les runes avant le roi Goldorus, Amaranthe.

— Et s’il en trouvait lui aussi ?

— La guerre serait inévitable.

Je m’appuie contre le rebord de la fenêtre, hors d’haleine et tremblante. Je n’en reviens pas… Mais dans quel pétrin je vais nous fourrer si je me mets en quête de ces maudites runes et si je les trouve ? Et s’il les trouvait lui aussi ? Je ne peux pas. Il faut que je renonce à Elya, je n’ai pas d’autres choix.

— Je dois refuser, Toriel.

— Pourquoi ?

— Je vais déclencher une guerre et je ne veux pas avoir la mort de milliers de personnes sur la conscience !

— Amaranthe, s’il y a bien une chose que tu dois savoir c’est que Sir Goldorus est le roi le plus hypocrite, le plus malsain et le plus tordu qui m’ait été donné de rencontrer. Le moindre prétexte pour livrer guerre est bon pour lui. Il retourne son manteau à chaque occasion et je serai prête à te parier qu’une fois sa fille mariée à mon frère, Amaranthe, mon frère, il va envoyer ses sbires pour l’assassiner et récupérer ce qui lui revient de droit, à savoir de l’argent. Beaucoup d’argent. Peleth en a parfaitement conscience mais refuse de voir la réalité en face. Elya le sait aussi et il trouve tous les prétextes possibles et inimaginables pour reculer ce mariage. Il aurait dû s’unir à Stella il y a un an déjà, et maintenant Sire Goldorus lui met la pression. Amaranthe, je t’en supplie. Il s’agit d’Elya, il s’agit de mon frère. Je ne veux pas qu’il meure à cause de cette fille trop prétentieuse et d’un roi qui ne mérite clairement pas son trône.

— Toriel !

À l’instant où elle termine sa phrase, Elya fait son apparition. Je ne les écoute pas, trop troublée et partagée entre plusieurs sentiments contradictoires. Ce monde dépasse toutes mes espérances, mais la situation est grave et c’est à moi de prendre une décision. Soit je laisse mourir Elya, l’homme que j’aime et le seul qui ait jamais été attentionné avec moi, soit je condamne des milliers de vies par ma faute, pour une histoire d’amour.

Je me redresse lentement. L’air me manque. J’ignore si c’est une illusion à cause de l’angoisse qui m’étreint ou si j’ai vraiment des difficultés à respirer, mais tout est confus dans ma tête et je ne parviens plus à réfléchir clairement à la situation.

— Amaranthe ? Amaranthe, tout va bien ?

C’est Elya qui m’appelle. Je me tourne vers lui, je suis prise d’un vertige et m’appuie contre le rebord de la fenêtre en essayant de récupérer un peu d’air.

— Toriel, appelle le médecin elle fait un malaise !

J’entends des bruits de pas précipités et je sens des bras se refermer autour de moi, avec douceur, alors que tout devient soudainement plus sombre. Et le silence s’impose.


Texte publié par Nephelem, 12 juillet 2017 à 09h17
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