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tome 1, Chapitre 11 « L’étreinte de la peur » tome 1, Chapitre 11

— Amaranthe ! Amaranthe !

Non. Non, non, non, laisse-moi tranquille Toriel ! Je veux encore dormir ! Tu dois rêver, ce n’est pas encore l’heure de se lever, va donc te rendormir.

— Amaranthe !

Je gémis, me tourne et enfouis ma tête sous l’oreiller dans l’espoir de ne plus l’entendre. Ma couverture disparaît tout à coup et je me sens tirée hors de ma tente, emportant le drap avec moi pour me protéger. Je crie, mais il n’y a rien à faire. Cette fille est beaucoup trop énergique pour moi.

— Allez, debout la feignasse !

Je crois que nous avons l’air de deux gamines. Non, je ne crois pas. En fait, c’est sûr, vu la manière dont Elya nous dévisage après s’être arrêté à côté de nous. Il secoue la tête. Ce regard je le connais, il veut dire : « Vous êtes pires que des gamines. Vous êtes pitoyables ». Il lance un regard froid à sa sœur, marmonne quelques mots à son oreille puis s’éloigne. Je ne cache pas qu’elle le fixe curieusement jusqu’à ce qu’il disparaisse de son champ-de-vision. Moi, pendant ce temps, j’en ai profité pour m’esquiver et me réfugier sous ma tente. Je me rhabille et rejoins Toriel.

Plus de la moitié des tentes sont déjà remballées.

— Il est l’heure d’affronter le marais.

— Quel marais ? Oh, le marais ! Oui, mais non. Elya a cédé à mon caprice, nous nous rendons directement à la mer pour y rester toute la matinée, nous longerons ensuite la côte pour éviter le marais avant de remonter.

— Donc on évite le marais ? Ah, c’est cool !

— Oui, surtout que la mer n’est pas très loin. Deux petites heures de route à peine.

— Magnifique !

Je suis contente. Je vais voir la mer et me baigner ! J’adore me baigner, c’est devenu un de mes passe-temps favoris.

Je mange un morceau avec Toriel, pendant que Shou dévore un os qu’il a sûrement dû déterrer quelque part. Je préfère ne pas savoir d’où est-ce qu’il vient, cela vaut mieux ainsi. Une fois le camp complètement démonté et les chevaux scellés, nous partons. Cette fois, Shou décide de rester avec moi, mais je crains que sa décision ne soit vue d’un mauvais œil par son maître.

— Habituellement, Shou n’aime pas la compagnie des autres, me confie Toriel. C’est surprenant qu’il t’ait adoptée si vite.

— C’est peut-être parce que je viens de l’autre monde, je suggère.

— Non. Il ne peut pas encadrer Mélisandre et tente de le mordre dès qu’il s’approche un peu trop près.

Oh, le pauvre. Il m’avait pourtant semblé assez gentil avec lui lorsque nous n’étions que deux. Pourtant, le comportement de Shou ne manque pas de m’attendrir. C’est peut-être la première fois qu’un animal m’apprécie autant. Même mon chat ne pouvait pas rester présent dans la même pièce que moi.

Mon cœur s’emballe tout à coup lorsque je pense à lui. Même s’il ne supportait pas vraiment ma compagnie, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour lui. J’espère qu’il va bien et qu’il a trouvé un moyen de quitter l’appartement ou alors que ma porte a été forcée par les forces de l’ordre, voir si je suis encore en vie, en espérant qu’ils soient intervenus avant que mon pauvre chat ne meurt de faim. Il sait ouvrir les portes, avec un peu de chance il aura ouvert celle du frigo. Je l’espère.

Shou ressent peut-être ma détresse, car il s’empresse de me lécher le visage et je continue de le caresser, mais d’un geste plus distrait.

Nous cheminons à travers la forêt pendant presque deux heures et puis, tout à coup, Toriel revient vers moi à grande vitesse, le regard illuminé.

— Tu es lente ! Elya est arrivé depuis trente minutes déjà ! Je t’attends, moi !

Je talonne alors mon cheval et nous quittons la forêt. Nous arrivons sur un petit chemin de terre et Toriel me suggère de laisser les chevaux là. La mer n’est plus qu’à quelques mètres, un peu plus bas. Je ne vois pas grand-chose de là où je me tiens, en vérité. Un pan d’une falaise et une bâtisse toute en pierres construite m’empêchent de voir au loin. Une centaine de mètres plus loin se tient Elya.

Les chevaux piaffent, nerveux, et je descends du mien en le dévisageant, les sourcils froncés. Il ne semble pas très à l’aise, c’est étrange. Plusieurs fois, je le vois qui racle le sol de son sabot, les yeux grands écarquillés. Il s’agite. Il a peur. Mais de quoi ?

— Tu ne trouves pas le comportement des chevaux étrange ? je demande à Toriel.

— Un peu… Allez, on va se baigner !

Elle me tire avec elle jusqu’à son frère qui ne bouge pas et lorsque nous atteignons le haut des marches, mes pieds sont trempés. Étonnée, je baisse la tête pour voir que l’eau de la mer nous atteint. Elle est froide et très foncée. Je croyais pourtant qu’elle devait être bleue ou transparente. Toriel m’avait assuré qu’il s’agirait probablement de la plus belle mer que j’ai jamais vue. Je ne demande qu’à voir, mais il semblerait qu’elle se soit trompée.

— C’est la marée haute ? je demande, intriguée.

— Peut-être, mais habituellement elle n’est pas si haute, me murmure Toriel.

Je remarque alors une agitation inhabituelle pour une mer. Des vagues. De trop nombreuses vagues et peut-être un peu trop hautes. Elles se fracassent contre le mur de la bâtisse et celui qui sépare la plage du petit chemin que nous avons traversé. Étonnée, je me tourne vers Elya. Il fixe l’horizon, le regard pâle. Il ne cille pas. Ne bouge pas. En fait, je me demande même s’il respire.

— Elya ?

— C’est un tsunami, murmure-t-il.

Oh, merde, il sait parler ma langue ! Mais quand ? Comment ? Je suis littéralement sous le choc, mais plus encore lorsque le mot « tsunami » atteint enfin mon cerveau. Il plaisante. Ce doit être ça.

— Non, c’est impossible. Quand il y a un tsunami, l’eau se retire à des kilomètres à une vitesse importante. Là, elle est haute et agitée.

— Beaucoup de choses diffèrent de ton monde, Amaranthe, me confesse Toriel. Les tsunamis en font partie. Elya a raison.

— Tu as lu le dictionnaire en une nuit ? Et comment se fait-il que ton frère sache parler ma langue ?

— Il faut s’en aller ! s’affole-t-elle. Il faut partir, vite !

Elle crie, hurle des ordres, et Elya l’imite aussitôt après avoir repris ses esprits. Ils ne plaisantent donc pas, il va réellement y avoir un tsunami. Oh mon Dieu. Un tsunami ! Une vague géante va déferler sur nous et nous engloutir tout entier !

Je déglutis péniblement et me recule, les jambes flageolantes. Elles ont peine à me soutenir et il me faut me concentrer pour éviter de dégobiller le petit-déjeuner. Je remonte en selle alors que les soldats rebroussent chemin à vitesse grand V. Toriel me presse et je talonne mon cheval, paniquée. Voilà pourquoi les chevaux étaient nerveux. Shou doit à présent le ressentir, car il va se cacher dans mon sac à dos. Moi, je ne pense plus à rien que cette vague qui va venir se fracasser contre la forêt et nous emporter avec elle si nous ne fuyons pas le plus loin possible.

— Combien de temps avons-nous devant nous avant qu’elle n’arrive ? je m’écrie.

— Environ deux heures, mais elle pourra vite nous rattraper !

— Sérieusement ? Elle va si loin ?

— Tu veux que je sois honnête ? Si nous n’étions pas allés à la mer, nous serions tous morts d’ici deux heures !

Alors nous avons bien fait. Nous avons peut-être une chance de survivre, mais elle est maigre. J’ai peur. Je suis complètement terrorisée. J’aurais pensé que ce serait par la main d’un bandit que je serais tuée, et non par une catastrophe naturelle. C’est affolant. C’est complètement délirant.

— Un tsunami ! On parle réellement d’un tsunami ? je crie par-dessus le brouhaha et le bruit des sabots.

— Oui !

Toriel m’encourage d’un regard à poursuivre ma route, mais je commence sérieusement à perdre toute confiance. J’ai même l’impression de me sentir me liquéfier. La peur que je ressens me fait complètement perdre la raison et c’est Toriel qui me disait, pas plus tard que la veille au soir, que j’étais courageuse. Si elle savait comme elle se trompait ! Je ne suis courageuse en rien.

Bien malgré moi, je jette un regard par-dessus mon épaule. Parfois, j’ai l’impression d’entendre le bruit de l’eau derrière nous, mais Toriel m’a assurée que nous avions deux heures devant nous. Deux heures. À moins qu’elle ne se soit trompée, mais en ce cas, je pense que nous sommes tous morts. Mes mains tremblent et tirer sur les brides du cheval pour nous éviter de nous heurter à un arbre devient plus compliqué que cela n’aurait dû.

Avant même de réaliser ce qui se passe, je suis complètement saisie d’effroi et je me fige, sans plus être capable de diriger mon cheval. Heureusement pour moi, il est futé et évite les obstacles sans que je n’ai à le diriger. Il accélère même le pas de la course en piaffant et en s’ébrouant. Shou commence à pousser un bruit suraigu.

— Amaranthe ! Amaranthe !

Je me reprends, déglutis difficilement en essayant de ne pas penser à ce que j’entends derrière moi et je me tourne alors vers Mélisandre.

— Il y a une fiole de magie dans votre sac ! me crie-t-il. Vous devez l’utiliser !

Quoi ? Il plaisante ?

Malgré moi, je fouille à l’intérieur du sac et en extirpe une fiole qui contient un liquide bleu azur phosphorescent. De la magie liquide. Qui aurait cru qu’une telle chose puisse exister ? Pour moi, la magie est invisible. Elle est comme l’air et le vent, la lumière et les nuages. Elle n’est pas palpable.

Quand je montre le flacon, Mélisandre acquiesce.

—  Et comment je l’utilise ? Qu’est-ce que je dois faire ?

— Versez-en sur vos mains, frottez et agissez !

Agir ? Il se fout littéralement de moi cet imbécile heureux ! Mais comment veut-il que j’agisse si je ne sais pas comment utiliser la magie ? J’ouvre la fiole et Shou vient se poser devant moi, m’observe de ses grands yeux.

Shou.

Je ne veux pas le perdre, ce serait trop cruel. J’observe Mélisandre du coin de l’œil. Il se frotte les mains, de la poussière bleue étoilée l’entoure et il transmet de la magie à Toriel, Elya, et quelques soldats qui ont le réflexe de venir vers lui. Je me souviens de ce qu’il m’a dit. Nous sommes des conducteurs, nous pouvons augmenter la puissance de la magie et c’est ce qu’il fait pour protéger les autres. Je verse alors un peu de magie sur Shou et le frotte comme si je le lavais. Il se laisse faire, sans me quitter des yeux. Je lui souris.

— Ne t’inquiète pas, Shou, ça va aller, d’accord… ? Tout va bien se passer.

Il hoche d’un signe de la tête et je vois son regard qui veut dériver.

— Non, non, regarde-moi ! Regarde-moi ! je lui ordonne tout en versant de la magie sur mes mains pour les frotter.

Nous dépassons la ligne de soldats qui s’est formée. Je ne daigne pas même leur jeter un regard. Si je fais ça, Shou va paniquer. Je ne veux pas qu’il panique, ça me briserait le cœur. Je continue de lui murmurer quelques mots doux, mais le son devient plus fort, plus puissant. Finalement, je le serre contre moi avec force. Une curieuse lumière nous enveloppe, une bulle l’entoure et une force brutale nous éjecte du cheval.

C’est la dernière chose que je sens avant de perdre connaissance.

— Amaranthe ? Amaranthe ?

Quoi ? Qu’est-ce qu’il y a ?

— Eh… Amaranthe, vous m’entendez ?

— Mmh…

J’ouvre lentement les yeux quand je sens une petite langue me lécher la bouche, accompagnée par quelques gémissements fébriles. J’avale difficilement ma salive et la lumière du soleil m’aveugle. Je me sens complètement vidée de mes forces, j’ai du mal à respirer et mon corps me paraît incroyablement lourd.

Tout à coup, le visage inquiet d’Elya apparaît devant mes yeux et me fait de l’ombre. Je n’ai plus besoin de froncer les sourcils. Je tourne doucement la tête pour tenter de voir où nous sommes, mais je sens la main d’Elya se poser sur ma joue pour m’éviter de faire le moindre mouvement.

— Ne bougez pas, il faut que je vous inspecte…

— Elya ? je bredouille, encore groggy. Où… Mais où avez-vous…

— C’est Toriel qui m’a appris.

Elle lui a appris. Pourquoi ? Est-ce qu’il voulait seulement apprendre ou l’y a-t-elle forcé ? Venant d’elle, ça ne serait pas vraiment étonnant.

Toriel !

— Toriel !

Je me redresse tout à coup et je suis prise d’un violent vertige. Les bras d’Elya me rattrapent avant que ma tête ne heurte le sol.

— Est-ce que… Est-ce qu’elle va bien ? je bredouille, hagarde.

— Je n’en sais rien, nous ne sommes que nous deux…

— Quoi ?

Avant qu’il ne puisse m’en empêcher, je tourne la tête pour regarder autour de moi. Nous sommes revenus sur la plage, c’est incroyable. L’eau nous a ramenés sur la plage. Et les autres, où sont-ils ?

— Amaranthe, nous devons poursuivre notre route vers Septuna, vous y serez en sécurité.

— Nous devons retrouver les autres, savoir s’ils sont encore en vie !

— Vous êtes une priorité. Et s’ils sont en vie, je suis persuadé qu’ils vont suivre le même itinéraire et s’en sortir.

Je baisse les yeux vers lui et l’horreur me saisit quand je vois un énorme bout de bois lui traverser l’épaule.

— Elya, vous êtes blessé !

— Je vais tenir le coup, ne vous en faites pas.

Je me redresse une fois de plus, paniquée, et lutte difficilement contre les vertiges. Les mains d’Elya me maintiennent et je l’entends marmonner à côté de moi, exaspéré par mon entêtement.

— Je suis probablement en meilleure forme que vous, je murmure.

— Vous avez davantage protégé Shou que vous-même.

Mon regard se baisse sur Shou. Effectivement, il semble regorger d’énergie et remue frénétiquement sa queue en penchant la tête d’un côté puis de l’autre. Il paraît heureux, mais moi je suis surtout soulagée de le savoir en vie, tant et si bien que je sens quelques larmes perler à mes yeux.

— Je… Je ne pouvais pas… Je ne pouvais pas le laisser comme ça…

Elya acquiesce d’un signe de la tête et je me concentre à nouveau sur l’objet qui lui traverse le corps.

— Nous devons retirer ce bout de bois.

— C’est trop dangereux, je risque de perdre beaucoup de sang…

— C’est un don que vous possédez tous, par chez vous, d’apprendre et comprendre rapidement une langue ?

— C’est dans les gènes des Sylphiens.

Je me relève lentement et observe les alentours. Il y a tout un tas de débris sur la plage. Et je reconnais certains objets que contenait mon sac. Je demande à Elya alors de m’attendre là et je récupère quelques bricoles. Il y a même mon sac, mais il est vide. Après quelques minutes, je reviens vers Shou et Elya avec l’impression de me trouver sur le pont d’un navire tant le sol tangue sous mes pieds.

— Vous devriez vous reposer, me conseille Elya.

Finalement, il a l’air bien plus aimable que ce que je croyais, moi qui le pensais ronchon. Mon cœur s’emballe, mais je l’ignore et m’affale à côté d’Elya.

— Vous aussi. Vous avez un bout de bois planté dans l’épaule je vous signale ! je le rabroue. J’ai trouvé quelques pansements et bandages, ça fera l’affaire. Je vais m’occuper de vous et ensuite je chercherai quelque chose à manger. Nous devons reprendre des forces.

Je n’ai jamais fait une telle chose de toute ma vie et, en toute honnêteté, j’ai peur de faire une bêtise. J’ai peur de le tuer accidentellement. Je ne suis pas médecin, mais je suis la seule apte à pouvoir le soigner.

— Vous ne vous êtes pas protégé avec la magie pour avoir reçu ce bâton, je grommelle. Qu’est-ce que vous avez fait ?

— J’ai signalé notre situation au chef d’escadrille afin qu’il puisse nous localiser et venir nous porter secours.

C’est intelligent et stupide à la fois. Il aurait pu y perdre la vie, cet abruti. Quel idiot. Je soupire et referme les doigts autour du bâton, puis j’inspire profondément. J’ignore lequel de nous deux est le plus paniqué à l’idée de ce qui va suivre. Il paraît curieusement serein. Tant mieux. Moi, je ne suis pas du tout certaine de ce que je fais, mais je vais quand même le faire et advienne que pourra.

— Vous êtes prêt ?

— Aussi prêt que je puisse l’être…

— Même avec les accords vous vous en sortez incroyablement bien, c’est stupéfiant.

— De quoi ?

Je ne lui réponds pas et tire d’un coup sec. Il hurle et s’effondre par-terre sous les cris angoissés de son animal. Il gesticule faiblement en gémissant, puis ferme les yeux et sa tête bascule de côté.

— Elya ? Elya !

Oh, bon Dieu ! Je l’ai tué ! Je l’ai tué !

J’essaie de garder mon calme et fouille nerveusement à l’intérieur de mon sac pour en sortir les compresses. J’appuie avec force sur la plaie pour tenter d’arrêter le saignement, complètement affolée et troublée.

— Merde, merde, merde ! Il perd du sang ! Il perd trop de sang !

Shou court tout autour de moi en piaillant et moi je commence à perdre mon sang froid. Je crois que j’ai fait une bêtise. Une énorme bêtise.

— Je ne sais pas comment faire pour arrêter l’hémorragie ! je crie en direction de Shou. Ça ne veut pas s’arrêter ! Ça ne veut pas !

Je suis obligée de changer les compresses et le regard d’Elya devient peu à peu blanc. Livide. Cadavérique.

C’est la fin.

Tout est fini. Je l’ai tué ! Je soulève légèrement les bandages. Le sang semble coaguler. Il coagule ! Je souris et des larmes coulent sur mes joues. Des larmes de soulagement. Je maintiens la pression et une fois certaine que l’hémorragie est arrêtée, j’applique un bandage serré mais pas trop. J’ai récupéré un drap sur la plage, il est encore trempé mais à défaut, il peut servir de coussin. Je le roule en boule et le place sous la tête d’Elya.

Il y a d’autres débris sur la plage.

— Shou, va récupérer cette couverture là-bas et étends-la au soleil, elle doit sécher. Je vais chercher du bois et des pierres.

Aussitôt, Shou s’éloigne et moi aussi. Trouver du bois n’est pas très compliqué, mais il est complètement trempé. Je ne pense pas que le feu va prendre, je dois attendre qu’il sèche. Je dépose le bois au soleil pour qu’il sèche assez vite, en priant pour que la nuit soit encore assez loin. Après une heure de recherche, je reviens avec quelques pierres que je dépose près d’Elya. Je ne manque pas de lui jeter un regard, mais il est toujours inconscient. Shou, pendant ce temps, ramasse les débris et les ramène un après l’autre.

La plage est bien nettoyée, mais les autres débris sont trop éloignés et je refuse que Shou s’épuise inutilement. J’aurais voulu chasser, mais je pense que les environs doivent être désertés par les animaux, à moins de trouver leur cadavre. J’envoie donc Shou nous chercher un petit écureuil ou toute autre bête qui se présente à lui, pendant que je cherche un arbre fruitier, sans espoirs d’en dénicher un. Si j’ai le miracle d’en trouver, les fruits auront probablement dû être arrachés par la force de l’eau. J’ignore comment je vais faire pour trouver de la nourriture et je commence déjà à désespérer.

Je marche depuis une dizaine de minutes déjà et je ne vois rien. Rien d’autres que des branches à terre qui m’écorchent les pieds, des feuilles, de la boue… Je pense que je vais devoir faire demi-tour. Il n’y a plus rien, l’eau a tout détruit.

Et puis, tout à coup, j’aperçois ce qui ressemble à des noix de coco jaunes tout au sommet d’un arbre. Elles ont tenu le choc et il y en a des dizaines ! Le hic, c’est que je ne sais pas grimper à un arbre et le secouer ne servirait pas à grand-chose. Ce n’est pas avec ma force de poulpe morte que je parviendrai à en décrocher une seule, déjà qu’un tsunami n’y est pas parvenu. Il me faudrait un couteau pour les décrocher et une échelle pour monter là-haut. Je n’ai ni l’un, ni l’autre.

— Et merde !

Je crie, exaspérée, et donne un violent coup de pied dans le tronc. Malheureusement, c’est lui qui gagne et moi qui perds. Je grimace en sautillant sur une jambe. Bon, il faut que je trouve quelque chose au plus vite avant de mourir de faim ou de soif, ou peut-être même des deux ! Je tourne les talons et retourne à la plage. Quand j’aperçois le sac, je décide alors de fouiller à l’intérieur et y trouve un couteau. Parfait. Maintenant, ne me reste plus qu’à tenter de grimper à ce maudit arbre ! Ou… pêcher. Mais les poissons sont sûrement trop rapides pour moi, je ne pense pas réussir à quoi que ce soit. Comment diable vais-je faire ? Je m’assois, complètement dévastée et apitoyée. Elya n’a pas l’air en très grande forme, il faudrait que je puisse au moins le faire boire mais l’eau de la mer est trop salée.

— C’est la fin, Shou…

Il baisse les oreilles. Je soupire. Je ne vois aucune solution, tout me semble perdu. Je dois renoncer, tout du moins pour aujourd’hui, car le jour ne devrait pas tarder à décliner.

— Il faut que je prépare le feu de camp…

Je me lève et vais récupérer les morceaux de bois. Ils sont encore mouillés, mais pas autant que lorsque je les ai récupérés. J’espère pouvoir réussir à allumer un feu. Je réunis les morceaux et place les pierres autour, puis cherche une des feuilles que Mélisandre m’a déjà montrées pour créer l’étincelle. Je dois m’acharner pendant trente minutes environ avant d’obtenir quelques braises. Ce n’est pas grand-chose, mais c’est un bon début et la chaleur va sécher le bois pour le brûler. Ravie d’être parvenue à quelque chose, j’aperçois seulement maintenant la carcasse d’écureuil que Shou a apportée.

— Tu es un amour !

En revanche, je ne sais pas comme faire pour cuisiner un animal. Déjà, je ne pense pas que sa tête et sa queue se mangent, je les coupe donc. J’ai déjà regardé des séries à la télévision où des personnes dépeçaient des animaux. Je suppose qu’ils doivent faire une entaille pour retirer la peau.

Après une demi-heure d’acharnement à retirer la première couche, je perds encore quelques heures à créer un moyen pour suspendre l’animal mort au-dessus du feu sans que je n’ai moi-même besoin de le maintenir.

Le ciel commence lentement à s’assombrir et la couverture que Shou a étalée n’est pas encore tout à fait sèche. Tant pis, je vais faire avec. Je devrais peut-être dresser une tente pour Elya, si tant est que j’ai le matériel… Fouiller la plage à cette-heure ci n’est peut-être pas très recommandé et je ne vais sûrement rien y voir, il commence à faire sombre. Mais j’ai soif. Et je suis sûre que ces trucs qui ressemblent à des noix de coco contiennent de l’eau ou du moins un liquide buvable. Il faut que j’y arrive…

Je prends mon courage à deux mains et retourne près de l’arbre, puis coince le couteau dans ma ceinture. Je m’acharne, j’essaie toutes les positions et tous les moyens pour atteindre la cime. Quand j’y arrive enfin, il fait nuit noire. Je décroche toutes les noix de coco et quand je tente de descendre, mon pied dérape, je lâche prise et je tombe. Je heurte le sol de plein fouet et j’en ai le souffle coupé. Je grimace de douleur en me relevant et ramasse les noix. Malheureusement, je ne peux pas toutes les emporter. Je retourne sans trop de difficulté à la plage et pose les noix de coco au sol, puis retourne l’écureuil.

— Bon, comment s’ouvre ce truc ?

J’essaie de planter le couteau, mais la noix de coco roule. Je l’enterre alors à moitié dans le sable et recommence, puis forme un trou. J’avoue que c’est difficile et compliqué, mais qu’il n’y a rien de mieux pour se muscler les bras ! Une fois le trou fait, je secoue doucement de gauche à droite et j’entends un bruit de liquide. Merveilleux !

J’en bois une grosse gorgée. Ça a le goût d’une boisson tropicale, c’est merveilleusement délicieux, je n’en reviens pas ! Une fois rassasiée, je m’approche d’Elya et soulève délicatement sa tête, puis verse le jus dans sa gorge tout en douceur pour lui éviter l’étouffement. Voilà, je pense qu’il va pouvoir tenir la nuit.

Une fois l’écureuil cuit – paix à son âme – j’en mange la moitié et laisse le reste pour Shou. Je verse également le reste de jus dans un petit récipient pour qu’il puisse boire. La couverture est sèche à présent. Elle sent la fumée, mais elle est sèche. Je me colle à Elya et nous enveloppe à l’intérieur, puis ferme les yeux. Le sommeil vient tout de suite à moi.


Texte publié par Nephelem, 12 juillet 2017 à 09h11
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