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Chapitre 4

Drake prit la lourde valise de l’hypothétique calice du Comte, puis il l’entraîna avec lui jusqu’aux calèches, à l’extérieur de la propriété.

Il fut étonné de la voir pleurer : les précédentes filles qu’il avait rencontrées, elles, étaient au contraire impatientes et heureuses de rencontrer le Comte Black. Il était aussi surpris de sentir de la peur émaner de ce corps si frêle. A côté de lui, elle donnait l’impression de pouvoir tomber au premier coup de vent qui passerait. Elle lui paraissait si fragile qu’elle éveillait, en lui, l'irrépressible besoin de la protéger. Il voulut la prendre dans ses bras, blottir son corps contre son torse, le protéger de son imposante stature et, finalement, la réconforter.

D’où lui venait cette nécessité de la dorloter comme une enfant, ou comme une... compagne ? Il ne cessait de se poser la question et ce constat le frustrait.

Que m’a-t-elle fait ?

« Drake ! C’est la dernière ?

- Oui, Vitus. Peux-tu ranger sa valise avec les autres ? »

Althéa détailla le fameux Vitus.

Il s’agissait d’un vieil homme rachitique, chauve et possédant une impressionnante barbe poivre et sel cachant ses lèvres. Il portait un élégant costume noir, à moitié caché par un long trench coat en cuire. Althéa constata alors que Drake portait exactement le même, ainsi qu’une autre femme qui s’approchait d’eux.

« Tu as fini, Valeria ? » questionna Drake auprès de la nouvelle arrivante.

En réponse, celle-ci hocha la tête.

Althéa la trouvait renversante, avec ses cheveux de feux coiffés en une longue natte dorsale et entièrement vêtue de cuir. Elle se sentait intimidée, notamment lorsque le regard ambre de cette autre vampire se posa sur elle. Inconsciemment, elle se rapprocha de Drake, avant de baisser la tête.

Valeria haussa l’un de ses longs sourcils et se permit de dire :

« Elle est plutôt réceptive, celle-là. Elle plaira au maître. »

Le maître… ?

Althéa n’osait plus relever la tête, tant elle se sentait effarouchée. Elle préféra se perdre dans ses pensées et ne plus prêter aucune attention à ce qu’il se passait autour d’elle.

Elle se demandait à quoi ressemblait le Comte Black. Que savait-elle de lui ? Pas grand chose, hormis peut-être le fait qu’il était un vampire de sang pur, l’héritier d’une puissante famille.

Elle avait envie de creuser un trou et de s’y cacher pour ne plus en ressortir. Elle voulait fuir, partir loin de ce destin qu’on lui imposait.

Drake la fit monter dans une diligence, puis il s’installa à ses côtés. Elle ne disait rien, elle se laissait faire et n’osait désobéir aux rares ordres qu’ils lui soumettaient. L’autre vampire, la femme, s’assit face à elle et au plus âgé. Elle pouvait sentir trois paires d’yeux sur elle, ce qui ne l’aidait nullement à se détendre.

« Que savez-vous sur les calices ? »

Althéa sursauta au ton dur de la voix de l’autre femme dans le véhicule. Elle releva sa tête et vit qu’elle la dévisageait. Ses mains se mirent à trembler, mais elle garda la tête haute et elle réprima les quelques larmes qui brouillaient sa vue.

« Je… je sais qu’ils ont pour rôle de..., commença-t-elle à bredouiller, de nourrir le vampire jusqu’à leur mort.

- En effet, ils se doivent de les nourrir et de les satisfaire de quelque manière que ce soit. Vous sentez-vous prête à jouer ce rôle… elle hésita quelques secondes, ...d’esclave ?

- Prête, je ne saurais vous le dire. Je n’ai pas le choix. Si cela doit arriver… j’aviserai. Je n’ai que peu de chance de réussir. Combien de filles serons-nous ? Une centaine ? Peut-être plus ? »

Drake la regardait fixement, la curiosité se reflétait dans ses prunelles.

Sa camarade reprit :

« Vous ne voulez pas devenir le calice du maître Black ? » la questionna-t-elle en semblant surprise par ce fait.

Althéa secoua sa tête avec énergie, signifiant ainsi son refus catégorique à ce sujet.

Valeria ne comprenait pas cette infirmation. Elle, comme la majorité des femmes de ce monde, rêvait de se trouver dans les bras d’un vampire aussi important que Black. Elle enviait Althéa et son humanité. Elle enviait cette race, autant qu’elle la détestait.

« Je rêve de devenir calice, lui apprit-elle en la regardant dans le blanc des yeux, mais je ne peux pas.

- Pourquoi ? s’inquiéta alors son interlocutrice.

- Je suis un vampire. Mon sang ne possède aucune saveur, contrairement au vôtre. Je ne présente aucun attrait aux yeux de mes congénères. Hormis, peut-être, celui de servir et de protéger. »

Althéa se sentait désolée pour elle. Elle aurait volontiers troqué sa place contre la sienne, si une telle chose eut été possible. Devenir un calice l’inquiétait, l’angoissait. Elle prit une grande inspiration, tout en fermant les yeux, pour réprimer un sanglot.

Drake, remarquant un changement dans l’attitude de la jeune femme, posa une main sur la frêle épaule de la demoiselle.

« L’on dit que devenir le calice d’un vampire est la plus belle chose qu’il peut vous arriver, lui apprit-il.

- Ma tante me disait la même chose, lui confia Althéa dans un souffle. Son vampire la couvre de cadeaux et la chérit comme si elle était la plus belle chose au monde…

- Le Comte Black fera la même chose avec vous.

- Peut-être, mais ce n’est pas la vie que j’escomptais vivre… »

Althéa posa sur lui ses iris café, brillants de par les larmes qui menaçaient de s’échapper de ses globes oculaires. Drake sentit son cœur se serrer douloureusement à cette vision et il détourna prestement son visage.

Mais que m’arrive-t-il ?

Valeria observait silencieusement la scène. Elle se tourna vers Vitus qui semblait aussi perplexe qu’elle : la tension entre les deux protagonistes ne leur avait pas échappés. Un mauvais goût lui vint en bouche, celui de la jalousie : à la fois amer et âcre.

« Drake. » prononça-t-elle sèchement.

Ce rappel à l’ordre sortit le vampire de la léthargie dans laquelle il s’était enfermé. Il retira sa main de l’épaule de l’humaine, puis il croisa ses bras. Il était à présent sur la défensive et Valéria savait que lui parler, lorsqu’il était dans cet état, était vain. Aussi, se contenta-t-elle de le foudroyer du regard.

Althéa se blottit dans son plaid, tout en tournant la tête vers l’extérieur.

Ce n’était, en effet, pas le destin qu’elle espérait avoir. Elle le savait cruel, elle l’avait lu dans les livres et le prêtre, le dimanche, ne cessait de le lui répéter. Mais jamais elle n’aurait cru qu’il le serait à ce point.

Si le Comte Black choisit une autre fille, que vais-je devenir ?

Elle ne pouvait rejoindre sa famille, si elle échouait. Sa mère l’avait mise en garde, l’avait prévenue que sa présence ne serait point désirée en cas d’échec.

Je n’ai plus rien… plus personne… Angelina… Mère… Mes soeurs… Je suis…

Elle ferma les yeux, préférant le noir derrière ses paupière au majestueux coucher du soleil, face à elle.

Seule…


Texte publié par Fiorthnir, 7 juillet 2017 à 11h38
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