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tome 3, Chapitre 21 tome 3, Chapitre 21

Cette nuit-là, les cauchemars assaillent Andrea et il se retourne sans cesse dans son lit. Enfin lorsqu'il ouvre les yeux à l'aube, il se sent plus serein. La potion a fait son effet et il a trouvé ce qu'il cherchait. Il s'est vu dans une rue inconnue mais animée tenant quelqu'un par la main, son avenir ne se borne pas à cette petite île et aux catastrophes de Raya, il le sait désormais. Rassuré, il reste un long moment les bras croisés derrière sa tête à observer les rais de lumière de l'aube naissante emplir la chambre.

- Je dois me montrer patient, le moment viendra de lui-même où mon avenir se dévoilera. Même s'il peut changer.

Après un rapide petit-déjeuner, il tape à la porte de Raya pour la réveiller, elle est en retard. Le jeune homme fulmine en son for intérieur mais il se contient, il sait que commencer la journée par une dispute n'arrangera rien.

- Bonjour, est-ce bien ici que vit Raya la sorcière effrayante ?

Andrea lève la tête de son livre de comptes et il cherche Raya du regard. Sa mine rayonnante lui apprend qu'elle connaît la jeune femme qui vient de franchir la porte. Il lui sourit et il laisse son amie prendre la visiteuse inconnue en charge. Il se demande qui peut bien être cette femme qui trouve plutôt jolie avec ses longs bouclés cheveux rouge cerise et son air doux, il a eu le temps d'entrevoir une longue robe du même rouge que ses cheveux avant qu'elle ne disparaisse dans le laboratoire où travaille Raya. Le sorcier se remet à ses comptes et il n'y songe plus.

- Je suis Violine, nous sommes rencontrées à la rentrée de la Haute Université de Magie, tu te souviens de moi ?

- Oui, bien sûr que je me souviens de toi ! Comment vas-tu ? Je suis si heureuse que tu sois venue me voir.

- Bien, il est vrai que je n'ai même pas songé à t'écrire mais comme j'ai décidé de prendre quelques jours de vacances, je me suis dit que je pourrais venir jusqu’ici pour te voir.

- J'en suis ravie ! Allons nous promener, tu veux ? Nous serons plus tranquilles pour parler. dit Raya en jetant un regard vers son ami qui feint de ne pas écouter la conversation.

- Avec plaisir !

- Têtard, je vais faire un tour avec mon amie, ne m'attends pas, tu pourras te débrouiller sans moi ?

Andrea observe l'inconnue et il fait la moue, il n'a guère envie de se retrouver seul à tenir la boutique mais la journée est calme. Il voit Raya rayonner de bonheur et il ne dit rien de ce qu'il pense.

- Je dois faire les comptes, tu le sais bien, ça ne peut plus attendre. Et ne m'appelle pas comme ça devant des inconnus. s'énerve le sorcier.

- Pardon, bah, au pire, tu n'as qu'à fermer boutique pour l'après-midi pour faire tes comptes tranquillement. décrète Raya en sortant au bras de son amie.

Effaré, le sorcier ne peut que soupirer de la légèreté de son amie. Il regrette le temps où Rune et Ambrelune pouvaient l'aider, il est hors de question de fermer boutique en ce moment entre les commandes qui doivent être récupérées par les clients et le ménage qui ne peut plus attendre. Le jeune homme secoue la tête en marmonnant qu'il se débrouillera sans elle et il se remet au travail dans le bureau après avoir mis un panneau sur le comptoir pour prévenir qu'il est dans le bureau et qu'il faut l'appeler s'il n'a pas entendu la porte de l'entrée s'ouvrir. Malheureusement pour lui, il est sans cesse dérangé par des clients et au fil des heures, il éprouve de plus en plus de difficultés à rester aimable avec sa clientèle. Il fulmine en se demandant où peut bien se trouver Raya, ils doivent embaucher quelqu'un, cette situation ne peut plus durer. A l'heure de fermer la boutique, Raya n'est toujours pas revenue et Andrea sait qu'il va devoir passer la soirée et une partie de la nuit à finaliser les comptes.

Il a déjà dîné quand Raya rentre enfin, rayonnante et rieuse ce qui ne lui ressemble guère. Etonné, le sorcier tend l'oreille et il s'approche à pas de loup de la porte en haut de l'escalier qui délimite la partie de la maison où il vit. Il se dit qu'il n'est pas digne de lui d'écouter ainsi aux portes mais la curiosité est la plus forte, il entend les deux sorcières chuchoter et glousser. Un peu dépité, le sorcier songe qu'il devra passer la nuit seul contrairement à ce qu'il avait espéré. Un coup d’œil par la fenêtre lui apprend que l'aube se lève à peine et qu'il doit se rendormir rapidement s'il veut espérer être suffisamment reposé pour tenir la journée à venir. Il s'endort sur l'idée qu'il devra sans nul doute se débrouiller seul à la boutique le lendemain.

Au petit-déjeuner, les deux jeunes femmes dorment toujours et Andrea hésite un long moment à aller réveiller Raya mais il finit par y renoncer. L'idée de passer la journée avec elle en train de ronchonner et de faire des maladresses à cause de la fatigue lui semble pire que celle de tenir la boutique seul. Il court toute la journée en guettant l'arrivée de sa moitié-magique qui ne vient pas et au fur et à mesure que le temps passe, il fulmine et il peste de plus en plus. Enfin le soir venu, il rentre juste à l'heure du dîner. Son estomac crie famine et il espère qu'au moins le repas sera prêt. En poussant la porte, il tombe nez à nez avec Violine qui amène des assiettes. Mécontent de la voir toujours dans la maison, le sorcier grimace un sourire crispé et il cherche son amie du regard.

- Têtard, tu rentres tard, nous t'attendions pour manger !

- Et moi, je t'ai attendue toute la journée ! marmonne Andrea entre ses dents serrées.

-Pardon, tu aurais dû me le dire ! Je serais venue, tu le sais bien.

- J'ai pensé que tu viendrais de toi-même mais visiblement, l'idée que je me retrouve seul à tout gérer ne t'a pas posé problème. Tu pouvais au moins passer pour t'assurer que tout allait bien.

Face à la colère froide du sorcier, Raya propose de passer à table dans l'espoir de détendre l'atmosphère tendue. Le repas est bon, Andrea est bien forcé de le reconnaître et entendre les deux jeunes femmes glousser et rire à tous propos finit par le détendre un peu. A moins que ce ne soit le vin dont il se sert généreusement pour passer le temps car les deux jeunes femmes semblent l'avoir rapidement oublié. De mauvaise humeur, le sorcier se couche tôt et il s'endort aussitôt, épuisé après une pensée pour Rune et Ambrelune qu'il regrette de ne pas avoir eu à ses côtés ce soir-là.

Au fil des jours, la maisonnée se réorganise, Violine semblant partie pour s'installer. Andrea a rapidement évalué la sorcière qui est aussi peu disciplinée et gaffeuse que Raya. Avec un soupir, il prend conscience qu'une réorganisation du travail est nécessaire s'ils veulent honorer leurs commandes. Après une réunion de travail, il est décidé que les filles s'occuperont des clients et de la caisse ainsi que de la gestion des commandes et de l'administratif. Elles prendront également en charge la préparation des ingrédients et les sorts festifs qu'elles réussissent à la perfection. Andrea aura la charge des sorts de guérison et des sorts complexes. Cette décision ne change pas grand chose à l'organisation précédente mais souvent, Andrea espère le retour d'Ambrelune pour l'aider. Il sait qu'il doit se montrer patient, elle doit terminer ses études et peut-être qu'ils travailleront ensemble si elle souhaite rester sur l'île. Violine s'est rapidement intégrée à la maisonnée, son caractère jovial met de l'animation dans le logis et il arrive à Andrea d'aspirer à un peu de calme.

xXxXx

Ambrelune qui partage une paillasse avec un camarade pour une expérience de lévitation de graine de céleri tend la main pour prendre un ingrédient lorsque son acolyte repousse violemment sa main.

- Tu fais quoi, là ?

- Je voulais prendre une feuille d'achanthée et...

- Et quoi ?Tu ne sais donc pas qu'on ne mélange jamais cette feuille avec la liqueur de xarasque? C'est un piège tendu par nos professeurs.

- Et ça fait quoi ?

- Et bien, ça ferait exploser notre petit chaudron nous inondant au passage de potion brûlante et après avoir tout nettoyé, nous devrions recommencer ! dit l'adolescente en la toisant.

- Je suis désolée, je ne savais pas. dit-elle en se mordant la lèvre, un peu confuse.

- Tu devrais le savoir mais ce n'est pas grave, le pire est évité. On n'a plus le temps, réduis cette pierre en poudre pendant que je rassemble les derniers ingrédients.

xXxXx

Enfin de retour, Rune s'empresse d'aller porter les ouvrages traitant de la magie du rêve auprès des souverains. Au palais, on lui apprend qu'ils sont en voyage mais qu'il peut les déposer directement à la bibliothèque royale, ce qu'il s'empresse de faire. Une fois libéré de ses obligations et après avoir fait ses au revoir à ses compagnons de voyage, il rejoint l'île de Lathi où il espère trouver ses amis. Alors qu'il pénètre dans la boutique qui semble avoir prospéré en son absence, il tombe nez à nez avec une jeune femme inconnue dont les yeux rouge ne lui inspirent pas confiance. Mais son regard s'adoucit une fois la surprise passée et Rune se rassure.

- Bonjour ! dit-il Voulez-vous que j'aille chercher quelqu'un pour vous aider ?

- Non, merci, c'est gentil. Qui êtes-vous ?

- Je suis Rune, un ami des gérants, je rentre d'un long voyage.

- Ah, on m'a parlé de vous. Je suis Violine, l'amie de Raya, j'aide à la boutique. Je crois qu'ils sont dans le laboratoire. dit-elle avec un sourire en lui faisant un signe de tête.

Rune, un peu gêné par cette rencontre imprévue se dépêche de rejoindre le laboratoire où il trouve ses amis travaillant côte à côte sur des mélanges de poudre dont il n'ose imaginer l'usage au vu de leur couleur orange vif. Raya lève la tête à son entrée.

- Tu es de retour ? Enfin ! Tu as fait bon voyage ? Attention à ces poudres, nous tentons de fabriquer un feu portatif sans grand succès.

- Un feu portatif en poudre ? s'étonne le jeune garçon. Comment allez-vous ? D'ailleurs, j'ai croisé la personne qui vous aide, vous ne l'aviez pas mentionnée dans vos lettres...

- Ah oui, c'est récent, nous n'avons pas pensé à te prévenir, nous avons eu tellement de travail ces derniers temps. marmonne Andrea toujours penché sur sa table de travail. Nous en avons pour quelques instants encore et nous te rejoignons. Va donc chez nous avec Violine, il va être l'heure de déjeuner de toutes manières, tu dois avoir faim.

Heureux de retrouver le salon de ses amis, Rune s'installe dans un fauteuil, sur la table, il a posé les grimoires qu'il compte leur offrir et il se plonge dans leur lecture pour passer le temps. Quelques minutes plus tard, ses amis arrivent avec deux plateaux de victuailles qu'ils posent sur la table. Pendant qu'ils se restaurent, ils le mettent au courant des dernières nouveautés dans leur vie. Rune leur en veut un peu de ne pas lui avoir écrit pour le prévenir mais il n'en dit rien. Il songe une fois de plus que sa place ne sera jamais parmi eux. A les entendre s'extasier sur les sorts qui marchent le mieux dans la boutique, il sent qu'il ne pourra jamais se faire à cette vie. Il songe à Sabline et il se demande s'il ne pourrait pas se construire une vie au royaume de Nix mais cela veut dire vivre loin de ses amis qu'il n'a jamais quittés depuis son arrivée en Berethiel-Nienor. Le jeune garçon prend le temps de faire connaissance avec Violine et il lui apparaît bien vite qu'elle a le même goût pour les expérimentations de Raya, il sourit à l'idée que ses amis ne vont pas s'ennuyer avec les deux sorcières.

Puis Andrea l'interroge sur la magie du rêve et ce qu'il en sait tout en feuilletant le grimoire qu'il tient ouvert sur ses genoux. Rune est bien embarrassé, il avoue ne pas avoir tout compris même s'il a pris le temps de lire le lourd volume durant son voyage. C'est un peu contrit qu'il annonce à son ami ne pas avoir réellement testé cette forme de magie, il devine la curiosité et l'impatience du jeune homme aux cheveux vert émeraude qui pose le lourd recueil à regrets pour manger un peu.

- Quelles autres formes de magie as-tu découvertes lors de ton voyage ? interroge Andrea en se resservant de la purée de pomme de terre.

- Pas grand chose d'intéressant. C'est à croire qu'au fond toutes les magies se ressemblent. Hormis quelques variantes, en globalité, les choses se recoupent plus ou moins.

Le jeune sorcier fait la moue, il a du mal à le croire. Il allait interroger de nouveau son ami lorsqu'il se fait la réflexion qu'au fond, s'il voulait des informations, il pouvait aussi bien l'accompagner, peut-être qu'il s'est intéressé à d'autres domaines dignes de plus d'intérêt à ses yeux.

- Et sinon qu'as-tu vu d'intéressant lors de ton voyage ? Nous avons reçu tes lettres mais ce n'est pas la même chose.

Le jeune garçon réfléchit un moment avant de répondre.

- Je crois avoir tout mis dans mes lettres, plus ou moins en tous cas. J'ai tenu un petit journal dont je me servais pour ne rien oublier lorsque j'écrivais mes lettres. Vous savez donc tout.

Rune se remet à manger avant de se raviser.

- Ou presque...

Curieuse, Raya relève la nuance et elle l'interroge plus avant.

- Ou presque, que nous caches-tu ?

- Rien de bien intéressant. dit Rune en se rappelant la belle Sabline. Je repensais aux diamants de Nix, je ne pourrais jamais vous décrire ce que j'ai ressenti à la vue de ces purs cristaux.

Quelques jours plus tard, Ambrelune quitte la Haute Université de Magie pour quelques jours de repos auprès de ses amis. Avec Andrea, elle s'enferme de longues heures durant pour faire ses devoirs sous la direction exigeante du jeune homme mais elle lui sait gré de passer ce temps avec elle qu'il pourrait consacrer à ses recherches. Les récits de Rune lui font regretter d'avoir choisi de s'enfermer à l'école mais elle sait que si elle avait moins de travail, elle pourrait voyager un peu durant ses jours de repos par téléportation pour gagner du temps. Les deux adolescents envisagent de rentrer voir leurs parents mais ils peinent à trouver une date commune ; pourtant, ils savent qu'ils doivent le faire pour ne pas les inquiéter.

- Allons-y demain qu'est-ce que ça change de toutes manières ? décrète Ambrelune en reposant sa plume.

- Une journée, ce n'est pas grand chose. dit Rune en jouant avec un fruit qui traînait sur la table. Tu sais que notre pays d'origine me semble de plus en plus étranger, comme si c'était un rêve ?

- Nous vivons ici, c'est normal.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 30 mai 2019 à 13h42
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