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tome 3, Chapitre 19 tome 3, Chapitre 19

- Vas-y, montre-moi ce que tu as fait.

Avec un soupir de résignation, Ambrelune fait glisser le cahier vers son ami qui s'installe à son côté pour lire. Elle plonge le nez dans son thé aux pommes pour éviter son regard mais elle l'entend marmonner des paroles incompréhensibles avant de se décider à l'affronter.

- Alors, tu en penses quoi ?

- Je vais être honnête, tu dois tout reprendre depuis le début.

- Tout est faux, je le savais. chuchote-t'elle.

- Je n'ai pas dit ça. C'est seulement...bancal. Mais nous allons redresser tout ça. Pourquoi de l'amose flamboyante dans un sortilège pour réparer rapidement un estomac perforé...demande le sorcier en dardant ses yeux vert émeraude sur elle.

- C'est antihémorragique, j'ai pensé...

- Tu as mal pensé. Ton estomac est perforé, l'hémorragie, tu la traiteras après. L'important, c'est de combler le trou pour éviter que le contenu de l'estomac se déverse là où il ne doit pas, non ?

- Je n'y avais pas pensé. Dans ce cas, je dirais du lezil étoilé en poudre pour colmater la plaie au plus vite.

- Oui, en cas d'urgence, ça vaut mieux. Ensuite, tu arrêtes l'hémorragie, tu nettoies le tout, tu...

- Trouves la source du problème et tu le règles. termine Ambrelune en remuant sa cuillère dans sa tasse d'une main nerveuse.

- C'est ça. Allez, tes devoirs sont finis, c'est une bonne nouvelle. Sinon, comment vas-tu ? Tes études ?

- C'est toujours pareil, je pose des questions stupides, on me regarde comme une bête curieuse et on me traite comme une imbécile.dit la jeune fille en levant les yeux au ciel.

- Qu'importe, tu es là pour te former, non ? dit Andrea d'un ton assuré.

- Oui mais... commence la sorcière avant de s'arrêter.

- Je ne suis pas comme toi, toi, tu agirais ainsi mais pas moi... songe-t'elle en haussant les épaules.

Un gloussement se fait entendre et avant qu'Ambrelune se retourne une voix railleuse s'élève :

- C'est ton cavalier pour le bal ? Un peu vieux, tu ne trouves pas ? Nous, on y va avec les chanteurs du groupe Chire, tu sais les stars de la ville. A ce soir, j'ai hâte de voir avec qui tu viendras.

Les quatre jeunes filles toisent Ambrelune et quittent les lieux en gloussant de rire. Celle-ci, les lèvres pincées ne dit rien.

- Ce ne sont pas tes amies à ce que je vois.

Elle croise le regard inquiet de son ami et elle ajoute à mi-voix :

- Il y a un bal ce soir pour les neuf cent ans de la création du prix du sorcier. On est supposés être accompagnés. Certains y vont avec un élève, un petit ami, quelqu'un de la famille ou juste une connaissance.

- Et toi, personne ne t'a invitée ?

- Pour ça, il faudrait déjà que quelqu'un me parle. Et qui j'inviterais ? Rune est au loin, Raya n'a pas laissé un bon souvenir à l'université...

- Et moi ? la coupe Andrea.

- Toi ? Mais tu as trop de travail avec la boutique...

- Si j'ai pu venir jusqu'ici pour t'aider dans tes devoirs, je peux bien rester pour cette soirée. Et Raya ne cesse de me dire de sortir un peu de mon laboratoire, elle n'a pas tout à fait tort, je suis forcé de l'admettre. Tu présentes un sort ?

La jeune fille tourne la tête vivement et son regard assassin renseigne le jeune homme avant qu'elle ne lui réponde par la négative.

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Rune se rend à Roupounaï pour visiter le pays. Il a lu la mention d'une île sous-marine et c'est là qu'il se rend en tout premier. L'île sous-marine d'Ombrale est située à mille mètres sous le niveau de la mer, de hautes murailles de granit la séparent des flots de l'océan. D'après certaines légendes, elle se serait enfoncée peu après sa création sous le pied d'un dieu trop pressé. Au pied des hautes murailles, le jeune garçon se sent minuscule et fragile. Il songe à la masse d'eau de l'autre côté du mur qui le protège. L'envie le prend de monter sur le mur d'enceinte pour voir la mer de ses propres yeux. Des escaliers permettent d'accéder au sommet en plusieurs endroit et au pied des marches, le visage levé vers le ciel, Rune sent son cœur défaillir à l'idée de la montée qui l'attend. Mais avec courage, il commence à gravir les marches qui serpentent le long du mur. Les mains sur la fine rambarde de bois et sur le mur de l'autre côté, il tente de se rassurer. Enfin, il parvient au sommet et face à lui, cinquante mètres plus bas, la mer s'étend à perte de vue et vient s'écraser paresseusement contre le mur de pierre qui semble inébranlable et éternel.

Le jeune homme marche un long moment le long du mur avant de décider de se rendre dans l'île. Il descend lentement les innombrables marches, heureux de ne plus être en proie au vent du large. Parfois, il songe à la mer de l'autre côté du mur et à plusieurs reprises, il s'arrête pour plaquer son oreille contre le mur, il lui semble entendre la mer mugir mais il songe que ce pourrait bien être le vent ou son imagination. Il ne croise personne en cette matinée froide et grise.

Devant lui, il voit l'île nettement divisée en trois sections : une plaine d'herbe rase, une partie cultivée et la troisième où il se trouve est composée de sable. Au centre, Ombreline, la capitale se détache sous la lumière rasante du soleil. Rune traverse rapidement la partie sableuse qui ne présente aucun intérêt, il interroge un homme qu'il croise qui lui apprend que cette partie de l'île est essentiellement utilisée pour les loisirs, des jeux, des repas et des rassemblements qui y ont lieu de manière régulière, les enfants viennent y jouer lorsque le temps est beau. Rune remercie l'homme et poursuit sa route. Une plaine à l'herbe rase succède au sable, quelques villages font des taches de couleur sur le vert de la plaine. Des chevaux, des moutons et des chèvres paissent, éparpillés sur l'étendue herbeuse. Rune reprend sa marche, la tête baissée, il presse le pas pour arriver au plus vite à la section suivante qui est plus intéressante. Des champs complètent le tableau, le jeune homme n'identifie pas toutes les cultures mais il reconnaît les fruits et les légumes courants dans le royaume. Il se demande comment quelque chose peut pousser sans lumière mais il suppose que les plantes se sont adaptées aux conditions particulières de l'île. Face à lui, une immense ville composée de hautes tours qui arrivent au-dessus du niveau de la mer lui fait face. Rune ne comprend pas comment il a pu ne pas la remarquer auparavant. Il court vers la ville toute en pierre blanche qui étincelle dans le soir qui commence à tomber, il doit trouver un abri pour la nuit. Sa cape serrée contre lui, Rune erre longuement dans la ville d'Ombreline avant de se décider à entrer dans la première auberge qu'il trouve sur son chemin. L'établissement est une petite bâtisse en pierre de deux étages où une foule avinée s'est rassemblée dans la grande salle. Rune se glisse au fond et il commande à manger. Son voisin de table engage la conversation avec lui, ravi de voir une nouvelle tête. Il apprend que juste devant les grandes portes de la ville, un immense puits sans fond mène directement à la mer. On entend la mer en furie hurler comme une bête prise au piège les soirs de tempête. Puis son repas terminé, l'adolescent monte à sa chambre où il se couche, heureux de sa nouvelle vie.

Le lendemain matin, le jeune garçon se rend auprès du puits, le vaste trou le déçoit car il ne voit que du noir même s'il se penche autant que les rambardes le lui permettent sans danger. Il passe le reste de la journée à visiter les environs mais rien ne l'intéresse et il envisage de partir dès le lendemain. Il trouve des grimoires qui traitent de la magie du rêve qui consiste à entrer en transe pour tenter de modeler ses rêves et modifier l'avenir. Rune n'y croit guère mais il en prend des exemplaire pour les lire durant les longues soirées qui l'attendent et enrichir la bibliothèque royale et celle de ses amis.

xXxXx

- Mes chers amis, le prix du sorcier va bientôt commencer, cette année, ils sont vingt à se présenter pour cette soirée exceptionnelle qui sera comme vous le savez tous suivie d'un bal.

Les prestations se succèdent et Ambrelune mesure l'étendue de son ignorance. Elle voit les étudiantes plus jeunes qu'elle exécuter des sorts qu'elle se sait incapable de réaliser. La gagnante n'a que quinze ans et elle a donné vie à de la fumée aux couleurs de l'arc-en-ciel qui ondule sur la scène.

- Tu crois que je pourrais faire ça un jour ? chuchote Ambrelune à son compagnon.

- Si tu travailles dur et que tu as assez de connaissances et d'imagination pour créer un sort semblable.

- Et après, il se passe quoi ?

- Le bal va commencer et le buffet sera ouvert.Va rejoindre tes camarades le temps de te changer, on se retrouve au bal ?

En tremblant un peu, elle acquiesce.

L'ouverture du bal se profile et Ambrelune doute de plus en plus du choix de son ami. La robe turquoise bordée d'un liseré cuivré lui va à ravir mais elle n'est pas certaine de parvenir à marcher avec une robe aussi longue et le style médiéval de la robe ne lui inspire pas confiance. Avec résignation, la jeune fille se rend dans la salle de bal et elle se poste près du buffet dans l'espoir de rester à l'abri des regards. Du coin de l’œil, elle observe la tenue des filles qui passent en riant auprès d'elle et elle est surprise par la profusion de styles et de couleurs. Rassurée, elle attend un peu plus sereine. Les minutes passent et elle cherche son ami du regard sans le trouver. Les groupes se forment et elle hésite à se fondre parmi les étudiants de sa classe mais elle ne les voit pas et elle sait qu'ils l'ignoreront. Un murmure se fait entendre qui parcourt la salle et Ambrelune se retourne, intriguée. Elle soupire de soulagement, Andrea est enfin arrivé. Elle s'avance à sa rencontre et elle détaille son costume simple qui se compose d'une chemise bleu marine aux motifs de plume argentées et d'une sorte de kilt d'un bleu outremer. Ce costume rendrait ridicule n'importe qui d'autre se dit la jeune fille en masquant son fou rire.

- Tu vas bien ?

- Oui, je t'attendais, je commençais à me sentir seule.

Le jeune homme sourit et il l'entraîne vers le buffet pour leur servir un verre le temps que le directeur finisse son discours de bienvenue. Peu après, le bal s'ouvre et Ambrelune se retrouve à tenter de suivre des pas de danse qu'elle est seule à ne pas connaître sous la direction d'Andrea qui tente au mieux d'anticiper les pas et de les lui expliquer simplement. L'étudiante imagine la manière dont on les voit et elle songe combien ils sont ridicules et combien venir était une mauvaise idée. Un peu plus tard, elle laisse son ami discuter avec des professeurs de sa connaissance et elle sort prendre l'air frais du soir.

- Tu le connais ? lui demande une fille à la longue mèche bleu électrique qui contraste avec ses cheveux cuivrés coupés aux épaules.

- Qui ?

- Andrea Sorcery, voyons.

- Oui, c'est un ami... Pourquoi tu le connais ?

- Tu veux rire ? C'est un des plus jeunes gagnants du prix du sorcier.

Ambrelune la regarde et elle hausse les épaules, son ami a gagné le concours du meilleur sorcier de l'école parmi ceux qui se sont présentés, quel exploit ! La fille qui lui fait face lui semble très jeune et elle la regarde comme si elle se trouvait face à une enfant de cinq ans à qui il faut expliquer des évidences.

- Il a inventé le sortilège de brittation !

- Et c'est quoi ?

- Il permet de changer de l'eau en n'importe quel alcool connu !

Ambrelune hausse un sourcil en se demandant à quoi cela peut bien servir.

- Ca nous permet de boire au nez et à la barbe des professeurs, tu sais bien que c'est interdit mais ils semblent ne pas connaître ce sortilège. Je te laisse, à plus tard.

Ambrelune sourit à l'idée que son ami n'est pas aussi sage qu'il en a l'air. Lorsqu'il revient, elle ne peut se retenir de lui en parler.

- Le sortilège de brittation, ça te dit quelque chose ?

Andrea rougit avant de bafouiller que ce n'était que des amuseries d'adolescents.

- Il semblerait que les élèves d'aujourd'hui eux n'ont pas oublié et qu'ils t'en remercie. Mais je suis déçue, je te croyais un élève modèle.

- Bien sûr mais il faut bien se faire des amis et tester ses limites, non ? Allons danser, tu veux ? C'est une danse simple qui ne dure pas longtemps.

Peu après, serrée contre son ami, Ambrelune se laisse aller à observer autour d'elle. Tout le monde discute et semble s'amuser, elle est heureuse que son ami ait fait le déplacement pour lui permettre de profiter de la soirée. Elle sait que sans lui, elle serait rapidement remontée dans le dortoir pour cacher son amertume et sa solitude. Elle relève la tête vers le jeune homme qui fredonne la mélodie, leurs lèvres se frôlent un bref instant et Andrea recule aussi surpris qu'Ambrelune.

- Merci d'être venu, je crois que je me serais sentie seule sans toi.

- Avoue que tu serais restée dans ta chambre...

- Je crois que je serais remontée rapidement, oui.

- Alors profitons de cette soirée même si je me lève tôt demain et que je ne vais pas rentrer bien tard, nous avons encore le temps de nous amuser. D'ailleurs, j'ai vu un assortiment de thés et de pâtisseries qui m'ont l'air divins, ça te tente ?

Ambrelune sourit et elle acquiesce.

Lorsque son ami repart, elle sent l'émotion l'envahir, elle a touché du doigt ce qu'aurait pu être sa vie à l'école sans l'ostracisme dont elle est victime. Andrea hésite avant de la serrer un moment contre lui.

- Tiens bon, tu as passé la moitié de l'année scolaire! Les vacances arrivent ! Ecris-moi, enfin, écris-nous ! lui murmure-t'il à l'oreille avant de partir.

xXxXx

Quelques jours plus tard, Ambrelune décachette avec impatience le parchemin qu'elle vient de trouver dans son casier. Elle met de côté la lettre de Raya pour approcher de la lampe celle d'Andrea. Le sorcier répond à sa missive que le sortilège qu'elle a tenté de réaliser est faux et ne peut fonctionner car son raisonnement n'est pas bon. La jeune fille soupire et elle reprend ses notes pour les relire et les comparer aux observations de son ami. Elle corrige sa formule et une illumination se fait, elle n'a pas pris en compte le fait que la racine de guiswite diminue l'effet de la fiente d' apivila globuleux dont elle doit doubler les doses. Elle reprend sa lecture et elle sourit aux reproches de son ami qui lui conseille de se pencher sur ses études au lieu de lui faire perdre son temps à répondre à ses questions sur des notions hors programme en lui rappelant qu'elle doit réviser ses examens de fin d'année dès maintenant car son programme est chargé et qu'elle rencontrera sans nul doute des lacunes à combler. Il lui conseille de les anticiper en se plongeant dans l'étude durant son temps libre. La jeune fille sourit et elle se demande quel genre d'étudiant il pouvait bien être ; elle l'imagine bien passant ses soirées le nez plongé dans des livres théoriques ennuyeux. La lettre de Raya lui narre les dernières nouvelles et les dernières facéties de la sorcière ainsi que ses dernières créations qui font sourire la jeune fille. Elle songe qu'elle devrait prendre le temps d'aller les voir mais comme ses camarades passent généralement leurs jours de congé hebdomadaires à l'université, elle a fait de même car elle ne voulait pas se démarquer d'eux et que la masse de travail qu'ils reçoivent chaque semaine ne lui laisse guère de temps pour les loisirs. Pourtant ses amis lui manquent mais elle préfère avoir à portée de main les livres dont elle a besoin pour ses devoirs aussi nombreux que variés. Elle se rappelle alors qu'elle a un devoir à rendre pour le lendemain qu'elle a négligé jusqu'ici. La cloche du dîner sonne et elle délaisse son travail pour manger rapidement. Elle rejoint la salle d'étude aussitôt son assiette avalée pour s'atteler à son analyse détaillée d'un sortilège pour traiter les déchirures musculaires. Elle doit détailler chaque ingrédient utilisé avec ses propriétés et les recommandations d'usage avant de donne son avis sur le mélange et proposer une meilleure solution si elle la juge insatisfaisante. Elle mordille sa plume en tournant les pages de son manuel sur les plantes à la recherche de la partie consacrée aux plantes courantes pour ne rien oublier. Elle remarque qu'en effet, rien n'a été prévu pour traiter la douleur d'une telle blessure, elle le note pour ne pas l'oublier avant de se pencher sur la formule. La lune est haut dans le ciel quand elle estime avoir terminé et c'est épuisée qu'elle rejoint son lit. Elle ferme ses paupières en enviant ses anciens camarades de classe qui passent leur baccalauréat cette année, elle est certaine qu'ils ont moins de travail.

Noyée sous le travail, Ambrelune craint de ne pas pouvoir s'en sortir. Elle comble ses lacunes au fur et à mesure mais elle ne sait pas bien comment faire. Elle flâne dans les réserves lors des cours pratiques à la recherche d'ingrédients inconnus. Peu à peu, elle se familiarise avec la faune et la flore de son pays d'adoption et elle envie Rune qui voyage et s'imprègne en douceur de son nouvel environnement. Elle passe des heures dans la bibliothèque à lire des livres au hasard prenant des notes qui amènent d'autres questions et lui font prendre conscience de ses lacunes. Souvent, elle pleure la nuit venue même si elle finit par se dire pour se rassurer qu'elle pourra toujours redoubler son année si nécessaire. Ses lettres à Andrea la rassurent, son ami prend le temps de lui expliquer les notions que ses professeurs se contentent de survoler et elle regrette sa légèreté. Elle avait pensé qu'elle n'avait manqué qu'une année de cours mais elle a manqué toute l'éducation commune à la jeunesse de Berethiel-Nienor.


Texte publié par Bleuenn ar moana, 6 mai 2019 à 12h43
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