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tome 1, Chapitre 21 tome 1, Chapitre 21

“Je suis rentrée !” crié-je, tout en retirant mon trench-coat noir que je pose ensuite sur le porte-manteaux.

Je m’étire longuement, en levant les bras et en gémissant de douleur en sentant mes muscles ankylosés tirer. Je penche ensuite la tête de gauche à droite, résultant sur un désagréable craquement d’os, avant de sourire avec satisfaction.

Depuis maintenant deux mois, je vis dans un studio dont le lit fait office de canapé. D’ailleurs, il s’y trouve allongée la femme-chat, en pleine lecture d’un énième roman que je suppose être à l’eau de rose. Elle n’a pas dû m’entendre ou alors m’ignore délibérément puisque mon annonce n’a trouvé aucun écho, aucun miaulement accueillant.

De fait, après avoir retiré mes rangers, je saute sur le lit et je m’allonge sur elle en riant. Elle gesticule, émet des sons incompréhensifs puis elle abandonne.

Elle ne parle toujours pas mais, ensemble, nous avons appris le langage des signes. Je lui ai aussi appris à lire et à comprendre l’anglais, le français et l’espagnol : les langues de base, en somme.

Et depuis, elle dévore chaque livre se trouvant à sa portée. Combien de fois m’a-t-elle suppliée de ses petits yeux d’anges de lui acheter tel ou tel roman ? Je ne les compte plus.

Étonnamment, après trois années passées ensemble, je ne lui ai toujours pas donnée de prénom. Cela ne semble pas la déranger et je ne vois pas quel nom lui siérait. Elle est un être si spécial et difficile à cerner… comme un chat, en fait. Alors il m’arrive de l’appeler “Le Chat”.

J’ébouriffe ses cheveux puis je quitte le lit pour rejoindre la salle de bain.

Je me lave et je me change rapidement en pyjama, comptant m’octroyer quelques heures de sommeil bien méritées.

J’étais au beau milieu d’un rêve lorsque le chat, la femme-chat sous sa forme féline, me mord les pieds. Je ne sais combien d’heures j’ai dormi, probablement pas suffisamment puisque je me sens d’humeur massacrante. J’agrippe sa nuque et je l’envoie paître au loin, hors du lit, en grognant avec une certaine méchanceté.

“Quel geste plein de gentillesse et de bonté !” murmure une voix masculine, reconnaissable entre toute : Satan. J’ouvre grand les paupières et je me redresse si brusquement que je suis prise d’un vertige. Je fais apparaître un cercle lumineux, protecteur, devant moi, que je dessine dans l’air mais il balaye tout d’un revers de la main, tout en me projetant contre le mur à ma droite. Je m’écrase contre la surface dure et plane, puis je tombe lamentablement sur le vieux parquet gondolé.

“Penses-tu réellement pouvoir me vaincre, Cristal ?”

Je lui adresse un regard noir, emplit d’une incommensurable haine qui semble ne lui faire ni chaud, ni froid. Au contraire, il sourit avec joie, tout en tapant dans ses mains.

“Quelle jeune femme adorable tu fais ! Ma chère et tendre… Je sais ce que tu te dis ! ‘Ils m’ont trahie, je suis seule au monde, bla bla bla’. Je me trompe ? Non, bien sûr, je ne me trompe pas. Je ne me trompe jamais !”

Je cesse d’écouter son monologue pour me concentrer sur le discret mouvement de ma main gauche dans mon dos. Je ne vais pas me laisser faire, quand bien même je ne suis pas de taille. Je peux toujours fuir, partir. Mon regard se pose sur Le Chat, qui me regarde de ses petits yeux brillant d’intelligence. Elle flêchit ses pattes avant, sur le quivive. Elle sait ce que je vais faire, ce n’est pas la première fois que nous avons affaire à une telle situation, une situation aussi critique.

“Tu penses sincèrement pouvoir créer un portail sans que je ne m’en rende compte, Cristal ? Je ne suis pas stupide et puis… je te connais bien. Nous étions amants, autrefois ! me lance-t-il gaiement.

- Pas avec vous ! Je l’étais peut-être avec Lucifer, mais pas vous ! Et ne vous méprenez pas, je sais pertinemment ce que vous êtes : tous les défauts qu’elle possédait sont en vous ! Vous êtes son côté noir ! Diabolique et maléfique ! crié-je tout en plaçant mes mains devant moi tandis qu’il porte les siennes sur son cœur pour faire mine d’être blessé.

- Je ne suis pas aussi mauvais que vous le pensez… Je possède une part de lumière, moi aussi !”

Je le regarde fixement, dubitative. Et tout en faisant cela, j'exécute quelques gestes compliqués et torsions de mes poignets et de mes doigts, jusqu’à ce que mes tatouages se mettent à scintiller d’un vert intense. C’est alors que mon corps se multiplie et ce n’est non pas une, ni deux mais bel et bien trois Cristal qui confrontent maintenant l’importun.

“Comme c’est charmant, deux illusions ! s’exclame-t-il.

- Que me voulez-vous ? Pourquoi me chassez-vous ?! le questionné-je avec une certaine agressivité dans la voix.

- Pourquoi ? La réponse est pourtant si évidente… Vous êtes puissante, plus puissante encore que tous les mages humains que j’ai jamais rencontrés. Le paradis vous veux, c’est un fait que vous avez pu… constater il y a quelques années… Mais l’enfer également. Et puis… qui dit puissance, dit destruction. Vous n’êtes pas une simple Enchanteresse, vous êtes la dernière à ce jour, mais en plus, vous possédez des capacités que vous-

- Je vous arrête tout de suite, je sais pertinemment de quoi je suis capable ! Je suis-

- Non, justement ! Vous n’êtes encore qu’à l’état d’élève. Vous apprenez, vous vous abreuvez de savoir inutile et encombrant, alors que la source même de votre pouvoir se trouve là ! me renseigne-t-il en tapotant sa tête. Votre esprit, votre âme, son l’essence même de votre pouvoir. Et Il est d’une force incommensurable ! Il est… titanesque ! Aucun ange, aucun démon, ne pourrait vous arrêtez si vous saviez faire usage de cent pour cent de vos capacités.

- Et qu’est-ce que cela peut vous faire ?

- Vous êtes la clé pour vaincre le royaume des cieux. Je vous veux… murmure-t-il, tout en s’approchant de moi. Je vous désire si ardemment… ma belle, ma jolie Cristal…” susurre-t-il ensuite d’une voix un tantinet trop… sensuelle ? Mes clones et moi-même reculons à mesure qu’il avance.

Son regard, ses prunelles vertes ne me disent rien qui vaille. Je fais donc apparaître un bâton lumineux comme toute arme, en sachant pertinemment que je n’ai aucun chance face à lui.

“Je refuse !” tenté-je cependant, sans grand succès.

Mon cœur s’affole et la panique me gagne. J’ai peur de cet homme et de ce qu’il pourrait me faire… ou faire avec moi. Je suis hypnotisée par son dangereux regard et le désir d’être sienne envahit mes veines. Il est comme Lucifer. Il est Lucifer. Alors je l’aime.

Mais lui m’aime-t-il ?

Et qu’en est-il des sentiments de Lucifer ?

Je ne préfère pas y penser. Trois ans sans nouvelles… je ne veux plus avoir affaire à elle.

Les deux autres Cristal, mes doubles, lui foncent dessus hargneusement et disparaissent dans une opaque fumée violette.

Je lui tourne ensuite le dos, et je saute par la fenêtre, n’ayant nul autre choix.


Texte publié par Fiorthnir, 19 mai 2017 à 12h39
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