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Cela faisait déjà trois heures qu’ils roulaient. Trois longues heures qu’ils avaient quitté l’appartement de Kieran, dans la banlieue de Washington, pour se mettre en route. Brooke avait été la première à être prête et elle était directement allée chercher Hayden, son meilleur ami. Tous les deux s’étaient ensuite rendus chez le médecin, qu’ils avaient attendu sur le pas de la porte pendant quinze minutes avant que celui-ci ne les rejoigne. Le temps d’enlever son costume et de prendre sa valise, et ils avaient enfin démarré pour gagner la résidence que le clan Garderner possédait non loin du lac Moomaw, dans l’état de Virginie. Ils venaient de dépasser le grand panneau indiquant la « George Washington National Forest » lorsque Kieran avait éprouvé le besoin de lâcher le volant.

- Brooke ?

La jeune fille était tellement perdue dans ses pensées qu’elle n’avait pas entendu Kieran l’appeler.

- Brooke ? Répéta-t-il.

Toujours rien. Le menton appuyé dans le creux de sa main droite, son bras accoudé sur la portière, elle regardait la forêt défiler derrière la vitre sans vraiment y prêter attention.

Le médecin opta alors pour une autre technique. Tout en restant silencieux, il ralentit progressivement son véhicule pour finalement venir se garer sur le bas côté.

- La Terre appelle Brooke, recommença-t-il. Y a-t-il un passager du nom de Brooke assis à côté de moi ?

A l’entente de son prénom pour la énième fois, la jeune fille assise à l’avant secoua la tête et regarda son interlocuteur, le regard toujours absent. Ca ne lui ressemblait pourtant pas.

- Hé, ça ne va pas? Ses réflexes professionnels reprenant le dessus, il scruta son visage à la recherche d'un symptôme, d'une anomalie quelconque.

- Faisons demi-tour, répondit-elle brusquement.

- Qu'est ce que racontes?

- J'ai l'impression qu'on ne devrait pas y aller… Je ne sais pas pourquoi. J'ai juste… Un mauvais pressentiment.

- Un… pressentiment? Il aurait pu en rire s'il ne s'était senti aussi déconcerté. Tu parles sérieusement?

Elle se retourna, et pendant une fraction de seconde, il crut qu'elle allait éclater de rire et se moquer de sa crédulité. Au lieu de quoi elle sortit de la voiture, en fit le tour d'un pas rapide et vint ouvrit la portière du côté conducteur.

- Laisse-moi le volant.

- Brooke, tu es sûre que tu te sens bien?

- Laisse-moi le volant, je te dis!

Son ton véhément le poussa à obéir.

- Tu peux m'expliquer? Demanda-t-il en claquant la portière. Mais déjà, elle démarrait en trombe, comme à son habitude, et d'un coup de volant lançait la voiture dans la direction par laquelle ils étaient venus.

- Enfin, Brooke, qu'est ce qui te prend?

- Ecoute, je sais que ça va te paraître bizarre… Ou même complètement fou… Mais plus on approche et plus j'ai cet… espèce de malaise indéfinissable… Et en même temps… J'aimerais y aller mais je sens qu'il ne faut pas, surtout pas, qu'on soit tous là-bas en même temps. Et je sais que c'est absurde… J'ai l'impression de devenir dingue!

- Ok, calme-toi, et commence par ralentir. Je préfère arriver…

- … en retard à ton rendez-vous qu’en avance au cimetière, je sais. Soupira-t-elle en levant néanmoins le pied. Je vais respecter les limites de vitesse, c'est promis. Et faire attention quand je double.

Sur la banquette arrière, Hayden se redressa, tiré de son sommeil par leurs éclats de voix.

- …' ce qui se passe? Kieran, pourquoi tu lui as laissé le volant ?

Ils dépassèrent un panneau indiquant la direction de Washington.

- Hé, mais…! On va dans la mauvaise direction, là! Brooke, tu ne connais plus le chemin de la résidence d'été?

- On y va plus.

- Quoi? Les yeux d'Hayden, encore à moitié clos par le sommeil un instant auparavant, s'étaient arrondis sous le coup de la surprise. Comme Brooke ne répondait pas, il laissa le silence retomber, se laissant le temps d'analyser la situation.

- Si on s'arrêtait pour manger quelque chose? Je meurs de faim, pas vous? Finit-il par proposer. Si Brooke était sur les nerfs, mieux valait commencer par lui poser une perfusion de sucre. Et il serait plus facile de discuter pour éclaircir la situation autour d'une tasse de chocolat que dans une voiture.

- Volontiers, surenchérit Kieran. Mon déjeuner me semble loin à moi aussi.

Cette remarque arracha un sourire à Brooke, qui lui lança, sur un ton mi-amusé, mi-maternel:

- Normal, ton déjeuner, c’était le petit déjeuner, tu as encore oublié de manger ce midi !

- Je devais finir de voir mes patients avant de les abandonner pendant une semaine. Se justifia-t-il. Là! Je viens de voir le panneau d'un « Diner In ».

Quelques minutes plus tard, la berline se garait sur le parking d'un restaurant. Les trois jeunes gens allèrent s'installer dans un coin tranquille et, après avoir commandé puis dévoré avec appétit leurs collations – un sandwich « poulet crudités fromage sans mayonnaise » pour le médecin et un assortiment de milk-shakes, muffins et cookies au chocolat pour les deux étudiants- il fallut bien en arriver à la fatidique discussion.

Ce fut Hayden qui relança le sujet.

- Si vous m'expliquiez, maintenant? Pourquoi on a fait demi-tour?

Brooke soupira.

- Vous devez me prendre pour une folle… C'est juste… que j'ai… un très mauvais pressentiment.

Maintenant qu'elle l'exposait, là, dans le cadre d'un restaurant tout à fait normal, la raison de son brusque changement de direction lui semblait ridicule. Kieran la fixait avec intensité. Oui, il devait la croire folle, se dit-elle. Lorsqu'il ouvrit la bouche, elle s'attendait à ce qu'il rende un diagnostic lapidaire, mais ce fut d'un ton pensif qu'il déclara:

- C'est plutôt Ava qui nous a habitués à ce genre d'intuitions…

- Pour autant que je sache, elle a toujours eu raison de s'y fier, surenchérit Hayden.

Kieran acquiesca et jeta un coup d'œil dehors.

- Il est tard. Appelons Aislinn pour lui dire qu'on arrivera plutôt demain.

- Après-demain. Coupa brusquement Brooke sans le vouloir.

- … Ou après-demain. Ensuite, on se cherche un hôtel. Après une bonne nuit de sommeil… Ou deux, les choses nous apparaitrons peut-être plus clairement, non? Et on saura si oui ou non, il y avait lieu de s'inquiéter.


Texte publié par Leliel, 12 mars 2017 à 20h03
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