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tome 1, Chapitre 5 « Une fille dans la ville, seconde partie » tome 1, Chapitre 5

Thomas et Charlie empruntèrent le passage, qui donnait sur d’autres plus étroits. Très vite, ils furent rejoints par des dizaines de personnes sachant parfaitement où elles allaient, tandis que Charlie se sentait comme une souris dans un labyrinthe. Elle avait parcouru de nombreux plans d’Argan. Elle pouvait s’enorgueillir de connaître la ville par cœur mais elle n’avait jamais lu de cartes concernant ces souterrains.

Les inconnus se souriaient, certains serrèrent la main de Thomas lui lançant des clins d’œil.

— Première fois ? glissa une dame. Tu verras, c’est grandiose mais secret absolu hein ? Pas un mot au monde du dessus.

Elle gloussa.

— Et si je parle ?

— Les illusionnistes te feront arracher la langue. Elle avait pris un ton tout à fait sérieux.

Thomas tira sur la manche d’une Charlie sonnée. Elle voulait faire demi-tour, mais il la poussa en avant en riant.

Ils arrivèrent enfin dans une vaste salle circulaire et voûtée. Éclairés de torches comme le reste des Arrêtes, les contreforts lançaient les ombres flottantes, tels des animaux craintifs.

Disposés le long des murs, des chaises et des bancs délimitaient une piste.

Au bout de la salle, face l’entrée, une belle tente dorée avait été montée. Pour le moment, les rideaux restaient tirés.

Thomas et Charlie prirent place presque au premier rang. Thomas souriait et adressait des signes de mains. Jamais Charlie ne l’avait vu si détendu, à croire que le Thomas de la bibliothèque n’existait plus.

Rapidement, la lumière des torches baissa sans intervention humaine. Une femme apparut littéralement au centre de la piste. Elle leva les bras et salua profondément l’assemblée. Entre deux âges, elle avait ramassé ses cheveux dorés en chignon. Elle portait un justaucorps noir sur lequel elle avait glissé un gilet rouge aux galons dorés, des collants et des talons. Charlie n’avait jamais vu quelqu’un d’aussi peu habillé. La dame passa devant Thomas, agita sa petite main et dévisagea un bref instant Charlie. Au fur et à mesure des déplacements de la danseuse, des volutes rouges et dorées apparaissaient sur le sol, la suivaient, virvoltantes. Si Flamme était belle, cette femme était magnifique. La foule installée applaudit de plus en plus fort.

La danseuse prit la parole :

— Mesdames et messieurs bienvenue ! Ce soir, vous verrez des illusions grandioses, des artistes aériennes, des créatures magiques, un combat du feu contre la glace et si vous êtes sage, je lirai l’avenir de l’un de vous !

Le public jubilait.

— Pour commencer nos danseuses, Mallie et Nor !

Deux jeunes filles sortirent de la tente, toutes deux corsetées de rose, d’énormes fleurs dans les cheveux. Deux cercles descendirent du plafond, qu’elles firent tournoyer avant s’y accrocher. Les cercles montèrent doucement, Charlie chercha en vain le mécanisme. Les acrobates tordaient leur corps avec grâce, arc-boutaient leurs dos, enchaînaient les écarts. Un violon pleurait.

A la fin de leur numéro, elles lancèrent les fleurs de leurs cheveux.

Lorsque les fleurs atterrirent sur le public, elles avaient grossi de dix fois leur taille, assommant à moitié les spectateurs hilares.

Pendant plus d’une heure, toute une compagnie d’artistes plus bigarrés les uns les autres enchaîna les numéros. Charlie tordit le cou pour comprendre comment autant de personnes pouvaient sortir d’une si petite tente, avant de conclure qu’elle devait être plus grande à l’intérieure qu’à l’extérieure. Son soupir exaspéré attira le regard noir de son voisin.

Des lapins sortirent des chapeaux, des dizaines, des centaines même. Le magicien fit mine d’être débordé et désolé, quand ils s’enfuirent par les galeries.

On riait. Charlie trouva le numéro drôle, elle avait un faible pour les lapins (cuisinés comme vivants).

Entre chaque numéro, la présentatrice annonçait les numéros, toujours entourée de ses volutes colorées de lumière.

Le dernier artiste fit apparaître les lapins évadés sur les genoux des spectateurs. Ils bondirent dans tous les sens galvanisés par les applaudissements et les cris de joie.

La présentatrice réapparue.

— Mesdames et messieurs, la fin du spectacle approche. Pour que nous puissions continuer à vous faire rêver dans cette citée oppressive, un petit sous, s’il vous en plaît, un léger billet pour nos amis artistes. Bien sûr, vous pouvez aussi vider votre portefeuille !

Le public rit. Mallie et Nor passèrent avec des paniers et même Charlie ouvrit son porte-monnaie.

Les torches s’éteignirent puis la salle fut en feu. Les spectateurs hurlèrent, certains tentèrent de s’échapper avant de se rendre compte que le feu… Ne brûlait pas.

Mû d’une volonté propre, il se rassembla pour former un dragon rougeoyant semblable à celui de la bibliothèque. Il cracha, se cabra, fixa de ses yeux brillants le public. Même s’il ne brûlait pas, il restait effrayant et tout le premier rang recula vivement.

Charlie distingua à côté de la tente, la présentatrice en retrait, les yeux rivés sur le dragon. Elle tendait vers lui sa main droite, paume vers l’avant et serrait le poing gauche, non… Elle pianotait avec le pouce ses phalanges dans un ordre précis. A intervalle régulier, la main gauche se refermait , tournait, puis s'ouvrait vers le plafond, et le pouce reprenait sa promenade des doigts.

« Alors c’est cela un sort. C’est comme cela qu’on fait de la vraie magie », se dit Charlie.

Elle n’eut pas le temps de prolonger la réflexion qu’un galop formidable et des hennissements en provenance des galeries résonnèrent. Apparurent derrière les spectateurs, deux gigantesques licornes. Elles tapaient de leurs sabots et de la glace sortait de leurs naseaux. Leurs yeux étaient vides.

Elles bondirent sur la piste et le combat contre le dragon s’engageât. Les assaillantes ruaient et caracolaient. Le dragon faiblit très vite. Dans un sursaut ultime, il cracha de longues flammes. Elles traversèrent les spectateurs. Certains protégèrent leurs visages avec leurs bras lutte se poursuivit brutale, intense. À plusieurs reprises des spectateurs reculèrent de peur d’être piétiné. Charlie avait du mal à suivre tellement cela allait vite : feu, glace, feu, encore de la glace de l’autre côté. Comment s’était-elle déplacée si vite ? Feu encore et gerbe de glace au-dessus de sa tête.

Le dragon acculé à la tente se recroquevilla sur lui-même pour ne devenir pas plus gros qu’un chien.

Toujours à côté de la tente, la magicienne plissait le front sous la concentration. Elle suait à grosses gouttes.

Le dragon se transforma en boule d’or qui grossit, grossit pour exploser en mille étincelles brisant les licornes comme du verre. Elles retombèrent sur le public en doux flocons bleues, tandis que les torches se rallumèrent.

Ce fut une ovation. Toute la salle se leva, applaudissant à tout rompre.

Les artistes et les lapins sortirent un à un de la tente pour saluer. Les spectateurs criaient, Thomas sifflait. Charlie se surprit à faire de même, des étoiles pleins les yeux.

Lorsque le calme revint et que les artistes s’assirent sur le rebord de la piste, la magicienne proclama :

— Merci à tous… Maintenant place à la divination ! Non, non pas de volontaires ce soir – quelques spectateurs grognèrent – j’ai déjà choisi ma victime.

Rires.

— Et c’est cette demoiselle-là, qui cherchait partout nos trucs et astuces !

Du doigt, elle pointait Charlie.


Texte publié par Fabienne19, 18 mars 2017 à 23h28
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