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La balle de trop

Le coup de feu part. Elle s’arrête et tourne la tête vers son origine, juste à temps pour voir un homme s’écrouler dans une ruelle adjacente. Elle a bien entendu qu’on y haussait le ton quelques secondes plus tôt, cependant elle a continué de marcher. Ce quartier est bruyant ; chaque soir ou presque, une dispute se déclare dans un coin ou un autre. Rares sont ceux qui se retournent encore aux premiers éclats de voix. Cette fois, c’est différent.

Elle doit reculer, elle le sait, mais elle est tétanisée, figée sur place. Et ce qui doit arriver arrive : le meurtrier pivote et la remarque. Son instinct de survie s’enclenche aussitôt. La lueur dans le regard de l’homme est claire : il ne veut aucun témoin. Elle court.

Il la suit. Elle ne prend pas la peine de se retourner pour le vérifier : elle entend très distinctement ses pas sur le bitume. Un signal résonne dans sa tête tel un hurlement.

Danger. Danger. Danger.

Il est tard, elle ne croise personne sur sa route. Les larmes se déversent sur ses joues.

Un second coup de feu retentit. Elle crie sans s’arrêter. Elle doit à tout prix lui échapper, elle a conscience qu’elle ne peut compter que sur elle-même. Elle ne veut pas mourir. Elle sait que personne ne remarquerait sa disparition, hormis peut-être Nina.

Nouveau coup de feu. La balle la frôle. Son cœur tambourine si rapidement dans sa poitrine qu’elle ne peut plus en dénombrer les battements.

Sa hanche la brûle. La balle a déchiré le tissu de sa robe à cet endroit. Elle ne saigne pas, mais il s’en est fallu de peu. Son cœur manque de lâcher. Elle se glisse dans une venelle tout en se rendant compte trop tard de son erreur.

Non, peut-être pas !

Là, une porte entrouverte d’un garage, chichement éclairé par la lumière d’un lampadaire sur le point de rendre l’âme. Elle s’y précipite. Peut-être que son poursuivant la suivra, mais si elle trouve un moyen de s’immiscer dans la maison, elle sera sauvée. Elle prie pour que ses propriétaires ne la chassent pas.

Le tueur n’osera pas tirer dans un espace aussi réduit où il ne pourra même pas la voir.

Elle passe à côté d’une voiture, cherche la porte à tâtons. Et si elle s’est trompée ? Et si ce garage est indépendant de l’habitation ? Pourquoi n’y a-t-elle pas réfléchi avant ?

Elle entend la respiration lourde de son poursuivant ; il est entré, lui aussi. Une envie sauvage de hurler la prend à la gorge tandis que des sanglots étranglent sa poitrine. Non, ne pas faire de bruit, continuer à traquer une sortie dans les ténèbres…

Sa main se pose sur une poignée de porte. Elle réprime un cri de victoire. Elle l’ouvre, s’y engouffre, puis referme violemment derrière elle.

Un nouveau coup de feu. La balle traverse la cloison fine et frôle son crâne. Cette fois, elle crie et se rue dans le couloir de la demeure. Elle a peut-être réveillé le propriétaire, elle mettrait sa vie en danger, mais elle a tant besoin d’aide !

Elle ne veut pas mourir !

Soudain, la lumière jaillit. Elle aveugle la jeune fille, qui continue de courir. Un craquement sourd surgit derrière elle.

— Bordel !

Une voix féminine, juste devant. Elle couine lorsqu’elle sent une main chaude s’abattre sur son poignet et la tirer en avant. Elle se retrouve avec la propriétaire de la maison dans la cuisine, tout de blanc et de jaune, qui pousse la table contre la porte avec sang-froid.

— Fuyons par la fenêtre.

— Et… la… poli…

— Le temps que nous appelions, il nous tuera.

Elle pâlit tandis que l’autre femme ouvre le battant de la fenêtre. Ses courts cheveux blonds semblent voleter autour de sa tête.

— Allez, viens.

— Pour aller où ?

— En gendarmerie. Ce n’est pas loin.

— Vous avez l’habitude de ce genre de situation ?

La propriétaire lui adresse un sourire amusé.

— Plus ou moins. Moi, c’est Noémie.

— Grâce. Je…

Des coups violents résonnent contre la porte de la cuisine. Noémie s’empare du poignet de sa protégée.

— Allez.

L’une après l’autre, elles enjambent la fenêtre, heureusement de plain-pied. Elles atterrissent dans un petit jardin entouré de haies et d’un muret.

— Par là.

Elles atteignirent un portillon. Grâce soupire de soulagement. Elle qui pensait devoir escalader ! Avec sa hanche douloureuse, cela aurait été difficile…

— Vite !

Elles se précipitent dans la rue et courent à en perdre haleine. La jeune fille gémit intérieurement ; cela n’en finira-t-il donc jamais ?

Soudain, un bang ! surgit dans la nuit. Noémie s’exclame :

— Bordel, il est rapide !

Grâce a un point de côté. Elle ralentit. L’autre jeune femme grogne :

— Ah non ! Pas maintenant !

Grâce se sent traînée. Le feu au sein de sa cage thoracique s’amplifie. Elle ne tiendra pas, non, elle...

— Il se rapproche !

Elle trébuche. Noémie la rattrape. Elles n’y arriveraient pas. Sa vue est trouble.

Sous la lueur d’un lampadaire, un panonceau familier. Elles y sont presque. Des véhicules bleu marine stationnent devant un bâtiment dont la façade est sertie de drapeaux. Un regain de courage s’empare d’elle et chasse la douleur de son corps.

Elles poussent la porte, atterrissent dans un couloir sombre, puis à l’accueil, devant un jeune homme éberlué. Noémie s'égosille :

— À l’aide ! On nous tire dessus !

Aussitôt, plusieurs hommes et femmes en uniforme les encerclent, tandis que d’autres sortent pour voir ce qu’il en est. Un des gendarmes s’adresse à Noémie plutôt froidement :

— Est-ce une manière de parler aux gens ?

— Oh, je vous en prie, cette jeune fille est blessée !

Des coups de feu interrompent leur échange ; Grâce tressaille. Elle sent qu’on la force à s’asseoir et entend qu’on lui ordonne de ne pas bouger. Noémie reste silencieuse. Des cris surgissent de l’extérieur. Grâce se bouche les oreilles. Ses paupières se ferment.

Combien de temps demeura-t-elle ainsi, prostrée sur sa chaise ? Elle ne le sait. Soudain, une main se pose sur son épaule. Elle tressaute. Un homme aux cheveux poivre et sel et aux yeux bruns lui jette un regard rassurant.

— C’est fini. Nous l’avons maîtrisé. Vous ne risquez plus rien, mademoiselle.

Grâce fond en larmes après avoir observé Noémie, qui lui adresse un pâle sourire.


Texte publié par Aislune S., 6 mars 2017 à 10h45
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