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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Mauvais pas

© Rose P. Katell (tous droits réservés)

Le code de la propriété intellectuelle interdit les copies ou reproductions destinées à une utilisation collective. Toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite par quelque procédé que ce soit, sans le consentement de l’auteur est illicite et constitue une contrefaçon, aux termes de l’article L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.

Le coup de feu part.

Elle s’arrête et roule la nuque juste à temps pour apercevoir un individu s’écrouler dans une venelle adjacente.

Son sang se glace. Elle a bien entendu qu’on y haussait le ton quelques secondes plus tôt ; cependant, elle a continué de marcher. Le quartier est bruyant. Chaque soir ou presque, une dispute se déclare dans tel ou tel coin, et rares sont ceux qui se retournent encore aux premiers éclats de voix.

Cette fois pourtant, c’est différent. Il lui faut reculer, elle en a conscience. Hélas, elle est tétanisée, incapable de remuer d’un pouce…

Le meurtrier pivote, puis la remarque. La lueur dans son regard est claire : il ne désire aucun témoin. Son instinct de survie s’enclenche. Poussée par une force invisible, elle se met à courir, mais l’homme la talonne : elle perçoit le bruit de ses pas sur le bitume. Un signal résonne dans sa tête.

Danger. Danger. Danger.

Les larmes se déversent sur ses joues.

Un second coup de feu retentit. Elle crie sans ralentir. Il est impératif qu’elle s’échappe, personne ne lui viendra en aide au beau milieu de la nuit. Oh, elle ne veut pas disparaître ainsi !

Nouvelle détonation.

La balle la frôle. Son cœur tambourine tant dans sa poitrine qu’elle ne parvient plus à en dénombrer les battements. Elle doit fuir plus vite.

Les habitations et rues défilent devant ses yeux lorsque soudain, elle reconnaît la ruelle où elle se trouve. Une idée lui effleure l’esprit et amène l’espoir en son sein.

Elle n’hésite pas. Tandis que le chuintement des semelles de son assaillant se rapproche, elle fonce à hauteur d’une grille en fer forgé dont l’un des barreaux est déformé. L’espace entre lui et son voisin est mince, mais elle est en mesure de le franchir, elle est souple et fine.

Elle se concentre, se dépêche. Miracle, elle est passée !

Les pas de son poursuivant se font plus lourds ; il n’est plus loin. Par chance, la pénombre est son alliée. Elle se cache derrière le mur adjacent au portail, puis retient sa respiration en espérant que sa ruse fonctionne.

Un souffle rauque lui apprend que le criminel se tient de l’autre côté de la pierre. Ses muscles se raidissent. Les secondes s’apparentent à de longues minutes.

Enfin, il s’éloigne. Ses genoux s’entrechoquent.

Tremblante, elle chute au sol, puis avise un mince filet de sang sur sa cheville…

— Grâce ? Grâce, tu m’entends ?

La ballerine sort de ses pensées. Elle essuie une fine pellicule de sueur sur son front et s’efforce de sourire. Par bonheur, Nina ne s’alarme pas de l’état dans lequel l’ont plongée ses souvenirs – sans doute le met-elle sur l’effort qu’elle a fourni.

— Excuse-moi, j’étais dans la lune. Tu disais ?

— Je te demandais comment allaient tes pieds ? Tu es penchée dessus et les masses depuis une éternité. Il me reste du produit apaisant, je te le passe ?

— Ça ira, merci.

Grâce grimace. Il est vrai que ses appuis ne sont pas beaux à voir… mais qu’importe. Il s’agit du prix à payer pour s’améliorer, pour devenir une étoile. Elle les panse avec soin, puis enfile ses bottes fourrées. L’hiver se montre glacial et le froid la mordra dès qu’elle mettra le nez dehors.

Elle se lève de son tabouret, puis se glisse dans son manteau. La plupart des filles sont déjà parties. Le vestiaire qu’elles partagent lui paraît grand. Elle se tourne vers son amie, sourit. De crainte que les séquelles d’une ancienne blessure se manifestent, Nina s’étire toujours.

— Tu serais ennuyée si j’y allais ? l’interroge-t-elle.

— Du tout. File te reposer. Surtout, sois en forme demain !

Grâce acquiesce. La représentation du lendemain sera l’une des plus importantes du mois. Nombre de personnalités politiques y assisteront, et leur directeur ne leur pardonnera pas la moindre faute. Elle refuse toutefois de s’inquiéter ; elle connaît ses pas par cœur et s’entraîne dur afin rester à niveau.

D’un pas rapide, elle quitte les lieux, puis s’engage dans les rues. Le couvre-feu ne tardera plus à poindre, regagner son domicile est une priorité.

Nonobstant la noirceur de la nuit, elle ne peut s’empêcher de constater à quel point les chaussées semblent désolées. Beaucoup de magasins ont fermé à cause de la crise. Les devantures closes et clouées par de larges planches de bois sont presque plus présentes que celles ouvertes…

Grâce soupire sans s’y attarder. Elle n’a pas le temps de flâner. Néanmoins, en marchant près d’une ruelle en particulier, son allure ralentit. Ses pupilles scrutent l’endroit avec panique et un poids lui tombe dans l’estomac.

Plus d’une semaine s’est écoulée depuis qu’elle a été témoin d’un acte affreux. Pourtant, l’appréhension la tenaille encore. Et si le meurtrier revient ? Et s’il la reconnaît ? Les premiers jours, elle n’a pas osé rentrer chez elle par ce chemin. Elle a effectué un détour et prit le risque d’être dehors après l’heure légale.

Elle n’a pas revu l’assassin dans le coin, mais elle n’a pas parlé de lui, même lorsque les autorités ont découvert le corps… Le couvre-feu était largement passée au moment des faits. Avouer y avoir assisté aurait signifié s’exposer à une lourde peine.

Grâce finit par atteindre sa résidence. La porte de l’immeuble n’est pas fermée, aussi n’a-t-elle pas besoin de sortir ses clés de son sac. Elle monte les trois étages qui la séparent de son appartement, puis croise son voisin de palier, qui l’observe avec un air désapprobateur. Consciente qu’à ses yeux une femme non mariée n’a pas à se promener seule quand le soleil est couché, elle choisit de l’ignorer.

Elle s’engouffre dans son deux-pièces, puis se laisse tomber sur son canapé-lit. La fatigue l’engourdit, les entraînements et les répétitions se sont enchaînés.

Elle souffle quelques minutes avant de se lever et de se diriger vers son plan de travail, à côté du frigo. Certains jours, la petitesse de son logement lui pèse. Il lui faut cependant reconnaître qu’avoir tout dans une pièce et à portée de main est pratique.

Épuisée, Grâce se concocte un repas léger et rapide. Pressée de rejoindre Morphée, elle se rend ensuite dans la salle de bain, où elle actionne le robinet de sa douche, puis hoquette. Elle n’a pas d’eau chaude : les autres locataires en ont profité durant son absence…

Résignée, elle se jette malgré tout sous le jet. N’en est sa froideur, l’eau lui procure un bien fou. Elle détend ses muscles et chasse sa langueur.

Grâce ne s’accorde pas le loisir de revêtir sa robe de nuit. Elle marche vers son divan, qu’elle déplie. Sa couette et son cousin extirpé de la penderie, elle remonte son réveil et se couche.

La tête posée sur l’oreiller, elle ferme enfin les paupières lorsqu’un bruit capte son attention. L’écho d’un murmure frôle ses oreilles tel un bourdonnement… Elle en déduit que l’un ou l’autre de ses voisins discute.

Toutefois, lorsque le son gagne en intensité, Grâce se redresse. Il est trop proche, ce n’est pas normal. Elle se concentre, cherche à comprendre d’où il provient.

— Grâce…

Elle sursaute, puis se retourne avec violence, mais personne ne se tient derrière elle. Un rire nerveux s’évade de sa gorge. Elle doit être plus harassée qu’elle ne l’imagine !

— Grâce.

Un cri lui échappe. Est-elle folle ?

— Grâce !

D’un mouvement, elle se cache sous sa couverture. Ses membres tremblent, son cœur tambourine dans sa poitrine. Que lui arrive-t-il !?

— Grâce…

Elle se bouche les oreilles, se répète que ce n’est pas réel. Terrorisée, elle n’ose plus bouger et prie afin de s’endormir rapidement.


Texte publié par Rose P. Katell, 19 janvier 2017 à 11h40
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