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Je ne sais pas combien de temps je suis restée immobile, dans un coin du couloir, à me répéter inlassablement que ce que j'avais vu n'était qu'une illusion. Mais ma logique prit le dessus. Je ne pouvais pas rester ici. Sinon, dès que je m'endormirai, je mourrai aussi de froid. Je me suis relevée en m'appuyant sur le mur. Je devais partir.

Je me suis rendue dans la cuisine et j'ai vidé au sol tout ce que contenaient les placards. Ignorant les conserves, j'ai pris un pain entier, plusieurs paquets de gâteaux secs et remplis une bouteille d'eau que j'ai mis dans un sac. Je suis ensuite partie dans ma chambre pour enfiler un second pull et une nouvelle paire de chaussettes. Puis je me suis dirigée vers la porte mais une pensée m'a traversée. Je ne savais pas combien de temps je devrais marcher, ni le nombre de jours que ce périple prendrait. J'ai surmonté ma peur et suis retournée dans la chambre de mes parents. En évitant de les approcher, j'ai cherché le trousseau de clés de mon père. Une fois le trousseau trouvé, je me suis emmitouflée dans mon manteau, j’ai pris le sac contenant mes vivres et suis sortie sous la neige.

De mémoire, je me suis dirigée dans ce qui me semblait être la direction du parking où était garé notre voiture. En voyant une bicyclette attachée à un tronc d’arbre, j’ai su que j’approchais. Même si je n'avais jamais conduit de ma vie, je ne pourrais pas couper à travers la montagne. J'ai finalement atteint mon objectif et me suis soustraite à la bise glacée en montant dans la voiture. Machinalement, j'ai sorti mon téléphone. Aucun réseau. J’ai regardé devant moi. Heureusement que la voiture était suffisamment récente pour ne pas avoir d'embrayage. En touchant à plusieurs boutons, je suis parvenue à allumer les phares. Il me fallait à présent distinguer le frein de l'accélérateur. N'ayant aucune idée, j'ai commencé par allumer le moteur, cependant celui-ci s'arrêta après deux secondes. Pensant que le moteur devait être trop froid, j'ai continué et, à la cinquième tentative, le moteur a rugi sans s'arrêter. Avec hésitation j’ai légèrement appuyé sur une pédale et le véhicule s’est mis à avancer. Je me suis assurée que l’autre pédale permettait de freiner, puis je me suis immobilisée un instant en pensant à ce que je m’apprêtais à faire.

J’allais conduire une voiture pour la première fois aveuglément sans connaître ma destination. Mais avais-je seulement le choix ? J’ai expiré calmement avant d’enfoncer l’accélérateur. Lentement, avec la faible vision que me procuraient les phares, j’ai suivi la piste jusqu’à atteindre la route. J’ai choisi une direction au hasard et bifurqué.

Au bout d’une vingtaine de minutes, j’ai été contrainte de m’arrêter. N’étant pas habituée à conduire, rester concentrée sur la route m’avait donné mal à la tête. J’en ai profité pour boire un peu et manger un biscuit. La neige tombait sans arrêt depuis combien de jour à présent ? Trop pour que je ne puisse les compter. Avec un soupir, j’ai repris ma route. Finalement, cinq heures après mon départ, je n’avais toujours croisé personne. Le seul point positif était que je m’habituais à conduire.

En arrivant sur une portion de route que les arbres avaient un petit peu protégé de la neige, j’ai décidé de rouler plus vite. J’ai réussi plutôt facilement le premier virage, ce qui me réconforta un peu. Plus vite je roulerais, plus mes chances de trouver de l’aide augmentaient. J’ai passé les deuxièmes et troisièmes virages sans problèmes et j’ai attaqué le quatrième quand j’ai vu qu’un autre, serré lui succédait. J’ai écrasé la pédale de frein mais les roues patinèrent sur la neige. La voiture a plongé dans une descente et j’ai tourné le volant dans toutes les directions pour éviter les arbres sur mon chemin mais finalement, un coup de volant trop fort fit se renverser la voiture qui a roulé sur elle-même et s’est immobilisée. Par chance, j’ai réussi à ne pas perdre connaissance, mais mon premier mouvement m’a arraché un cri de douleur. Vu l’angle que formait mon bras droit, il était probablement cassé. J’ai brisé la vitre du conducteur à coup de pied et me suis extirpée de la carcasse en prenant mon sac. La voiture était fichue. Et je n’avais aucun espoir de retrouver la route tout en haut.

Je me suis retournée et j’ai contemplé la forêt devant moi. L’écorce pourtant marron des arbres autour de moi paraissait noire comparé à la blancheur pure de la neige, comme l’annonce d’un mauvais présage. J’ai avancé dans la même direction pendant une dizaine de minutes avant de m’arrêter. Pourquoi voulais-je à tout prix survivre tout d’abord ? Mes parents étaient morts. Il ne me restait plus rien. J’ai lâché mon sac avant de m’allonger par terre. Je n’avais plus froid. Au contraire, une chaleur étrange m’envahissait. Sans un regret, je m’y abandonnais et fermait les yeux. Alors c’était ça mourir ? J’avais pensé que ce serait plus douloureux. Mais c’était … sans doute … mieux ainsi.

Une sensation. Je suis allongée sur une banquette qui bouge. Quelqu’un me tient la tête. Je crois entendre des mots. Tiens bon. Je sens une main serrer mes doigts. N’abandonne pas. Je me rends compte que je me noie. Mes poumons se remplissent d’eau mais je n’essaie pas de remonter à la surface. N’abandonne pas. Ces mots résonnent dans ma tête. Je dois survivre. Ma tête creva la surface et je ne vis ni eau, ni être humain autour de moi. Juste une salle blanche. Mais je suis sûre d’une chose. Je ne suis pas morte.

-Comment va-t-elle ?

-C’est vous et votre fille qui l’avez amenée ici ? Elle a un bras cassé, plusieurs contusions et des signes importants de gelures, mais ses signes vitaux sont stables à présent. Elle devrait reprendre conscience d’une minute à l’autre. Mais c’est téméraire pour une fille de sortir dehors avec une tempête pareille.

-Avait-elle le choix ?