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Note de l'auteur: Ma petite histoire pour les fêtes. Aucun spoilers ici, que ce soit pour la Maison du Vampire Armstrong ou pour la Demeure de l'Oublié. Joyeux Noël à tous !

Il existe une nuit de l’insomniaque par excellence. Une nuit où la lumière de la lune, quelle que soit sa taille, vous tient éveillé aussi surement que la lumière du jour. Cette nuit-là est généralement celle qui lie entre eux le vingt-quatre et le vingt-cinq décembre. Il y a en gros deux écoles, l’une qui veut que les enfants aient leurs cadeaux le lendemain, l’autre qui veut que les présents soient distribués après minuit. Lorsque les Noëls se faisaient chez grand-mère, la famille faisait partie de la deuxième catégorie.

Nous étions donc le vingt-cinq à deux heures du matin. Tout le monde avait déballé les cadeaux, les papiers colorés gisaient éventrés aux quatre coins du salon, les boîtes de jeux sagement empilés sur la table pour être examinés plus en détail au petit matin. Bien entendu tout le monde s’était endormis, sauf les trois gamins. Après tout, comment pouvait-on se reposer une nuit pareille, surtout qu’on avait assigné les jeunes cousins dans la même chambre. Comment s’attendait-on à ce qu’ils dorment ?

À la lumière des lampes de poche, qui valaient ce qu’elles valaient, les enfants faisaient une partie de Cochon qui Rit, car quoi de plus amusant que de perdre les petites pièces dans le noir total. Attention, il ne fallait pas parler trop fort au risque de se faire démasquer. Pierre était probablement en passe de gagner, Noé s’arrachait les cheveux, car elle avait perdu un œil quelque part et Riri le chat trichait, comme d’habitude.

Attention, Riri n’était pas un vrai chat, c’était le surnom qu’on donnait à la petite sœur de Pierre. Celui-ci se plaignait constamment face à l’absence d’un quatrième joueur. Selon lui, c’était beaucoup moins drôle à trois. À un moment donné dans la partie, il décida de s’éclipser pour dénicher un paquet de chocolat, qu’il savait caché dans la cuisine, sous le gros pot à confiture en fonte. Comme il ne fallait pas être bruyant et que le sol de l’étage craquait, il y alla seul, marchant délicatement sur le parquet avant de descendre les grosses marches de bois avec autant de précaution que possible. Les deux autres attendaient la tête sortie hors de la chambre, comme des belettes passant la tête hors de leurs terriers. Puis il y eut un grand bruit très anormal. Et un long silence.

« Pierre ? »

Noé, la plus grande, fronça les sourcils. Curieuse, elle posa un doigt sur sa bouche et ordonna à la plus petite de ne surtout pas bouger. Elle s’avança lentement dans le couloir jusqu’à l’escalier et le descendit accroupie, presque sur les fesses. Après quelques marches, elle distingua le salon au travers de la barrière. Les lumières multicolores du sapin étaient restées allumées. Doucement, elle continua sa descente. Que se passait-il ?

Le garçon de huit ans était planté au milieu de la pièce et fixait bizarrement l’arbre de Noël, avec insistance. Au milieu de la pénombre chaleureuse, Noé depuis son perchoir, crut distinguer une silhouette longue et émaciée derrière son cousin. C’était un bras. L’horreur la saisit. Elle cria.

Pierre aussitôt tourna la tête et ne put apercevoir le bout de corps désincarné glisser sur le carrelage marron et quitter la pièce via le couloir qui menait à la porte d’entrée. Il y eut du remue-ménage et la petite eut la certitude d’entendre des voix, une langue qui lui était inconnue. Le garçon, qui n’avait rien compris, lui reprocha d’avoir fait du bruit. Et bien sûr, les parents ne tardèrent pas à rappliquer, Riri accrochée aux jambes de son Papa et qui devait se demander ce qu’avaient fichu les deux autres. Noé dut expliquer pourquoi ils s’étaient levés en pleine nuit. Embarrassée, elle murmura qu’ils avaient vu quelque chose de pas normal. Elle fut sermonnée par sa mère:

« Tu as encore fait un cauchemar ? À ton âge ?

— C’est pas vrai ! C’est parti vers la cuisine! »

Haussant les épaules, les parents s’en allèrent dans le couloir, Noé et Pierre sur leurs talons.

« Tu vois ! Ce n’est rien. C’est encore le chat qui est monté sur la commode et qui a fait du bruit. »

Effectivement, la frimousse rayée les observait depuis le haut du meuble, à l’aide de deux yeux noirs extrêmement dédaigneux.

« Mais je vous dis que j’ai entendu parler. »

La Mère de Noé commença à s’énerver et décida de les renvoyer au lit, puisqu’il n’y avait visiblement rien dans la maison. Son Oncle la réconforta d’une main sur l’épaule. Toutefois, en repassant par le salon, la fillette fut la seule à voir, dans le reflet de la porte-fenêtre, juste à la droite du sapin, une grande silhouette au visage blanc, portant un long manteau bleu et qui semblait la regarder avec le sourire. Puis un doigt passa sur ses lèvre et il lui fit signe de se taire. Il était juste là, à côté de son propre reflet dans la vitre. Elle le vit tourner les talons et s’en aller. Les volets étant fermés, Noé jeta un œil derrière elle, mais rien ne lui apparut dans la pénombre de la maison de Grand-mère.

Ce Noël-ci, les trois cousins passèrent leur nuit à rêver qu’il faisaient une partie de Cochon qui Rit avec plein d’autres enfants. Ils s’amusèrent pendant des heures, passant occasionnellement à d’autres jeux qu’ils avaient dans leur chambre. Il y eut quelques parties de cartes, un Labyrinthe avorté après que Riri ait triché trois fois, un Twister... Les autres gamins étaient particulièrement doués à ce dernier, l’un d’eux arrivait même à allonger ses membres, c’était rigolo.

Pendant tout ce temps, il étaient surveillés par un homme très pâle, en costume noir comme dans les vieux livres d’Histoire. Il avait une jolie veste brodée de fil d’or et les surveillait attentivement en décorant un sapin qu’il avait installé là. Noé alla le voir entre deux parties.

« Merci de nous avoir apporté d’autres joueurs, Monsieur.

— Au contraire, répondit-il avec un fort accent, c’est à moi de vous remercier. Ces enfants-là n’ont pas beaucoup d’occasions de jouer ainsi. »

La fillette fronça les sourcils. Maintenant qu’il le disait, il fallait à chaque fois expliquer les règles, comme si aucun d’entre eux n’avaient jamais touché à un seul de ces jeux pourtant populaires.

« Comment c’est possible ? demanda-t-elle.

— C’est qu’ils sont tous morts depuis longtemps, vois-tu. Alors ils ne jouent pas aux mêmes jeux que les vivants.

— Oh. »

En effet ceci expliquait cela. Le groupe avait l’air si enthousiaste. S’ils n’avaient pas l’occasion de s’amuser souvent, alors c’était normal qu’ils profitent. Les rires s’enchaînèrent jusqu’à ce que la lumière de jour vienne les réveiller.

Tout trois descendirent prendre le petit-déjeuner en famille. Il y avait les tartines, la confiture maison, les bols de chocolat chaud ou de café au lait, les Cracottes, le Nutella, le pain d’épices, les figues séchées... Et Pierre qui ne voulait jamais arrêter de dessiner à table et qui par conséquent, se le faisait constamment reprocher. C’était le matin de Noël, on était en famille, on était heureux.

Et le souvenir de l’étrange réveillon s’estompa avec le retour à la réalité.


Texte publié par Yon, 25 décembre 2016 à 16h57
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