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Je crois que Jon est prêt à tout pour me garder. Il ne réalise pas combien cette situation est absurde. Notre histoire est sans issue ! Il devrait le comprendre !

On dit que dans un couple, il y en a toujours un qui aime plus que l'autre, même si c'est négligeable. Dans le cas de Jon et moi, le déséquilibre est flagrant. Je pourrais le repousser, mais je n'ose pas... De toute façon, lors du réveil, toutes les relations doivent être reprises à zéro... c'est notre tradition. Qu'on le veuille ou non, ce long sommeil altère notre vision des choses. Nous « reboutons » en quelque sorte notre vie...

De après tout, qu'est-ce qui pourrait lui faire penser que je ne suis pas satisfaite de notre situation ? Alors même que j'essaye par tous les moyens de réunir l'autre homme auquel je m'intéresse avec la femme dont il est éperdument amoureux ?

Je forge le malheur de Jon pour qu'il forge le mien... Et tout cela pour les beaux yeux d'un homme qui ne voit que toi quand il me regarde.

Quel paradoxe.

Quel gâchis.

Quelques souvenirs de ma scolarité me soufflent que je vis « un drame shakespearien ». Bien entendu, cet auteur ancien n'a jamais rien su de l'étrange tournant que prendrait le futur, mais les méandres inextricables dans lesquels nous sommes engagés l'auraient sans doute inspiré. Enfin, je le pense...

Mais plus le temps passe, plus je me dis que mon rôle n'est pas de souffrir dans les affres d'une passion digne d'un vieux poète poussiéreux. J'aspire au bonheur ! Après tout, j'ai sacrifié la moitié de ma vie pour cela.

Quand Jon m'a annoncé qu'il avait parlé à Ilan et qu'il avait fini par obtenir son adhésion, en jouant sur sa fibre romantique, j'ai immédiatement prévenu JD. Après tout, c'était peut-être enfin l'occasion pour moi de lâcher prise. De mettre un point final à cet amour à sens unique, de reconquérir ma liberté émotionnelle.

Nous avons convenu de nous voir sur les bords du fleuve. Il faisait déjà un froid hivernal. Je ne pouvais m'empêcher de songer à la sortie dans le labyrinthe de glace, presque un an auparavant. Nous nous sommes promenés sur la berge, observant l'eau qui coulait telle la rivière du temps, qui bientôt nous emporterait dans le sommeil annuel qui est notre malédiction.

Quand je lui ai annoncé la bonne nouvelle, pour la première fois, j'ai eu le sentiment de le voir heureux. Es-tu donc importante à ce point, Y, pour qu'il ne puisse sourire qu'en songeant à toi ?

J'ai trouvé devant moi un homme nouveau. Un homme chaleureux, qui m'a serrée dans ses bras avec un enthousiasme dont je ne l'aurais pas cru capable. J'avais pensé aimer le poète maudit, l'amoureux transi... Et voilà que je me suis découverte plus troublée encore par ce JD qui m'était inconnu, si simple et naturel. Il m'a aussitôt entraînée avec lui pour prendre un café, histoire de fêter la bonne nouvelle.

Afin de gagner une certaine contenance, j'ai décidé de commander plutôt un cocktail, puis deux... De plus en plus fort, de plus en plus entêtant... Au départ, dans les brumes alcoolisées, il ne me parlait que de toi. Mais au fur et à mesure, il a changé de sujet. Sa main est venue caresser ma joue. Et il a prononcé ces paroles qui sont restées brûlées dans ma conscience :

« Tu sais... ce n'est pas tant ELLE que je ne veux pas perdre que ce sentiment que nous partagions... Encore deux ou trois réveils, et je pense que j'aurais fini par l'oublier... Pas totalement, mais bien assez pour l'asseoir sagement dans un recoin de mon esprit... »

Puis il a éclaté de rire. J'étais sans doute plus sobre que lui.

Ou plus désespérée.

Et quand nous nous sommes séparés, ces mots rougeoyaient encore sur mon âme à vif.

« Encore deux ou trois réveils et j'aurais fini par l'oublier... »

Moi qui pensais que l'amour était éternel. C'était ce que j'aimais, finalement, chez JD. Cette constance, cette fidélité, cette impression d'absolu qui se dégageait de lui à une époque où nous avons sacrifié tout ce qu'il y avait de stable et de profond dans notre vie, au nom du confort matériel.

Et je comprends aussi qu'il m'oubliera plus vite encore. Je n'aurais été qu'un outil, après tout.

Et progressivement, une idée prend racine dans mon esprit. JD a sans doute cherché en toi la personnification de ce fameux absolu... mais toi, qu'en pensais-tu ? Je ne me suis jamais demandé, en fait, si tu l'aimais en retour. Tu ne l'as pas mentionné dans les lettres que tu m'a laissées. À aucun moment. Tu as plus évoqué ton poisson rouge et de ta plante verte que cet homme qui a chamboulé mon existence. Pour protéger votre histoire ? Ou bien parce qu'après tout, il n'était pas si important pour toi ?

Après tout, ici, la seule et unique personne qui soit capable de parler d'absolu... c'est moi, finalement. Car quel que soit le nombre de mes réveils, je ne pourrai pas oublier JD...

Signé : Celle qui ne sera jamais toi


Texte publié par Beatrix, 25 septembre 2017 à 01h21
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