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Frankenstein ou le Prophète Ressuscité
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tome 2, Chapitre 4 « Le Refuge derrière le Rêve » tome 2, Chapitre 4

« La résignation n’est qu’une démission et une fuite. »

Simone de Beauvoir ; Le deuxième sexe (1949)

J’ai fui. Devrai-je l’avouer ? Suis-je lâche ? J’ai fui. J’ai fui. Trois lettres, un verbe, son participe et son auxiliaire : « ai fui » ; il manque le pronom. Je, moi, première personne du singulier ; ma main tremble, elle tremble comme la flamme falote de ma lampe tempête à pétrole lampant. Maintenant, je me traîne loin des hommes vivants, j’ai trouvé refuge non loin des abattoirs, à côté des parcs où l’on amène les bêtes où leur sont offert un répit bien maigre et misérable. J’ignore si ce sont leurs cris de détresse ou d’effroi, le bruit infernal des lames que les rémouleurs affûtent à mesure de leur usure, ou encore la vision de ces cohortes humaines qui, chaque matin, marchent, le dos voûté, les pieds chaussés de lourds sabots, la mine basse et le regard terne, qui m’ont attiré en ces lieux de mauvaise vie. Pourtant, j’y trouve réconfort et apaisement. Je loge dans une chambre de bonne crasseuse située au dernier étage d’un immeuble délabré qui aura connu des jours meilleurs. Chaque matin, j’entends le petit crieur hululer, à qui veut l’écouter, les unes d’une obscure gazette dont je n’ai pas retenu le nom. Je sais qu’il est alors pour moi l’heure de me lever et de me rendre au chevet de mes patients. Gens de pauvreté, gens de basse condition, ou de basse extraction, ils s’en vont à l’hospice tenu par des sœurs carmélites où j’exerce mon art avec dévouement et résignation. Parfois, j’en oublie les causes de mon exil et rêve de rédemption, mais la consomption me ronge et mes nuits ne sont qu’une succession de cauchemars, où sa figure me revient sans cesse et me tourmente. Quand il en est ainsi, je me réveille en sursaut et descends alors en silence les marches de l’escalier branlant, avant de me perdre dans le dédale obscur des ruelles adjacentes. Dans ces quartiers, les becs de gaz sont absents et seules les étoiles dans le firmament, la lune, quand le vent chasse le gros temps, nous éclaboussent de leurs lueurs lugubres. Souvent, il m’arrive de me rendre jusqu’au quai d’où s’élèvent les sinistres clameurs des bêtes promises à une mort certaine, en même temps que s’échappent des funestes cheminées en briques les lourdes fumées âcres de la chair calcinée. Confondu dans l’obscurité, j’erre sans raison au milieu de bâtisses semblables au Moloch dont la bouche ardente engloutit son tribut d’âme. Quelques fois mes pas m’amènent non loin de tripots, dont les vapeurs fétides chargées de tabac et d’alcool se répandent le long de ruelles sordides et s’enroulent autour de filles de joie au visage fané. D’un geste las, je les salue sans les voir ; je ne peux, je ne veux, croiser leurs regards, pourtant il le faut. Passé sous un porche, mes pieds m’entraînent dans la cour d’un immeuble aux façades lépreuses, éclaboussées par la lueur falote et tremblotante d’une lampe tempête. Par endroits, je devine les formes grises de rats, dont les yeux sanglants luisent dans la pénombre. Mais je ne recule pas et m’enfonce toujours plus loin dans la fange. D’un geste las, elle m’invite à la suivre ; j’acquiesce d’un pâle sourire.

Journal de H.F.

Le 17 juillet 1901

Non ! Il n’est pas seul. Pourtant lorsqu’il regarde l’horizon de son avenir, il n’y découvre qu’un puits sans fond. Entre ses doigts, le verre tournoie, lentement, très lentement. Des yeux, il suit la courbe fragile de la lumière qui glisse dessus, avant de se diffracter et de lancer ses rayons décomposés dans la chambre obscure de son esprit. Perdu, il le contemple un long moment, puis le fait coulisser, tête en bas, le long d’une rampe d’acier.

— Hugo, susurre-t-elle.

Immobile, il suspend son geste. Le bras en l’air, il fixe l’extrémité de sa main cependant que des larmes roulent le long de ses joues.

— Est-ce que cela va me faire mal, docteur ?

Pâle, le jeune garçon fixe avec appréhension la fine tige métallique fichée sur un tube en verre, baigné d’un liquide rosâtre.

— Mal ? s’étonne l’homme avec un large sourire.

D’entre ses doigts, l’objet de son supplice a disparu. À la place, il tient un cornu d’où s’échappent des vapeurs mauves et parfumées. En face de lui, le garçon ouvre la bouche, puis la referme surpris.

— Mais…

Étonné, le docteur ouvre de grands yeux ahuris.

— Hé bien ? Pourquoi me fixes-tu ainsi ?

Le col de cygne s’est éclipsé et une seringue vide est posée dans une écuelle en fer. Surpris, le garçonnet regarde autour de lui.

— Je… C’est déjà fini ?

Silencieux, le médecin acquiesce, en même qu’il lui glisse, dans la main, un sucre candi emballé dans une faveur bleue. Hésitant, il s’en empare néanmoins, puis le fixe un long moment avant de le fourrer dans sa poche.

— Merci, docteur, murmure-t-il alors qu’il se tourne vers une femme qui l’attend, assise sur une chaise à quelques pas derrière lui.

Détaché, il le regarde s’éloigner puis se précipiter dans les bras de sa mère. Coiffé d’un chapeau de feutre entouré d’un ruban de soie, son rouge à lèvres discret rehausse son teint pâle, masqué par une couche de fard. Sa jupe, en laine grossière, dissimule des jambes qu’il devine maigres.

— J’ai même pas eu mal !

— Merci encore, docteur, s’exclame-t-elle. Combien vous dois-je ?

— Rien, rétorque-t-il d’un ton lointain, les yeux rivés sur l’enfant occupé à examiner la marque laissée par sa seringue.

— Vraiment ? Je… c’est généreux de votre part.

Un voile sombre pénètre son visage, mais elle ne le remarque pas et, ayant attrapé le poignet de son fils, l’emmène avec elle ; une porte claque. Son regard coule en direction de la petite armoire suspendue. Du plat de la main, il en effleure la surface rugueuse, puis s’attarde sur le verrou dont il tourne la clé, avant de la détacher et de la glisser dans la chaîne passée autour de son cou.

— Si vous le dites…

Derrière lui, les bruits de pas des impatients dans le couloir, les cavalcades des infirmiers ou des infirmières qui parent a plus pressé, les gémissements des patients, tout se mêle en un maelström sonore.

— Hyo-jin ?

Appuyée sur le manche d’un balai, elle l’effleure du regard. Derrière ses prunelles semblables à des yeux de chat, il lit le chagrin et l’inquiétude ; certaines plaies, jamais, ne se referment.

— Crois-tu en la rédemption ? Penses-tu que l’homme puisse racheter ses fautes ?

Troublée, elle papillonne un instant des paupières. Son instrument, posé contre l’accoudoir d’un canapé, elle s’avance. Dans l’obscurité, son corps ondule pareil à celui d’une panthère.

— Depuis quand crois-tu en les dieux ? Seuls les dieux peuvent accorder leur pardon aux hommes qui ont été possédés par le démon.

Les paupières closes, il sent le verre s’échapper de ses mains. Pourtant, il ne se passe rien ; ni cri ni bris de verre, seulement le silence troublé du bruit de leur respiration. Féline, elle l’enlace, cependant que du bout des doigts, elle a rattrapé de justesse l’objet de ses contrariétés.

— Hugo, tu es façonné de mystères, de toi je ne connais que les bribes que tu me laisses apercevoir. Pourtant, chacun d’entre elles est comme une minuscule fêlure qui, mise bout à bout sont une faille par laquelle j’entrevois une vérité obscure et ténébreuse. Aucun homme, aucune femme n’est infaillible et, tous, nous pouvons être la proie de nos démons. Comment s’appelle le tien ?

Depuis combien de temps fuit-il ? Depuis combien de temps vit-il ? Il a oublié ; le temps efface tout même les âges les plus reculés. Serrée contre lui, il referme ses doigts sur ses frêles poignets ; il ne se dérobera pas, il ne dérobera plus, cependant que des sanglots l’étreignent. Du bout des lèvres, il baise ses mains qu’il baigne de larmes amères.

— Hyo-jin, murmure-t-il d’une voix éteinte.

Du bout de l’index, elle trace des cercles sur ses joues rouges, tandis qu’elle cueille les perles de sel qui roulent sur son visage brouillé par le chagrin.

— Je… je…

Mais les mots s’étouffent dans sa gorge. Patiente, elle l’embrasse et le berce comme elle le ferait de son enfant.

De nouveau, il porte son regard vers la petite armoire et le miroir enluminé. Reflété dans la psyché, il fixe ses traits durcis de sévérité par le labeur et la discipline qu’il s’inflige. Lentement, il se retourne et ouvre son carnet, puis décroche le cornet en ébonite suspendu à son crochet.

— Mademoiselle, trouvez-moi l’adresse du petit Hans Schlaüber. Je dois m’assurer que l’injection de préparation vaccinale que je lui ai faite aujourd’hui n’entraîne pas de complication.

La commission achevée il repose le combiné et feuillette, d’un œil distrait, son carnet de rendez-vous.

— Je… Hyo-jin.

Son nom ; il le crie ; un cri de rage, un cri de désespoir. Le poing en l’air, il veut frapper une cible imaginaire, mais retombe ; membre mou et désarticulé.

— Hyo-jin. Je… je… je t’aime… accepteras-tu alors ma part des ténèbres.

Sa tête posée contre sa poitrine, elle passe une main dans ses cheveux désordonnés.

— Invite tes démons à ta table, mais garde-les à distance de toi et écoute ce qu’ils ont à te dire. Ils parleront la langue des songes ; une langue obscure et mystérieuse. Ensuite, tu leur offriras à manger et tu leur donneras de longues baguettes, ainsi tu les nourriras et ils ne te dévoreront pas.

Dans le lointain, la platine crache les décibels d’une chanson d’un siècle oublié :

Has he lost his mind ?

Can he see or is he blind ?

Can he walk at all,

Or if he moves will he fall ?

Is he alive or dead ?

*

Assis dans son fauteuil, figé dans une posture grotesque, il fixe la silhouette anonyme projetée sur le mur. Saccadées, les images défilent encore. Silencieuse, l’ombre le suit toujours, les mains enfoncées dans les poches ; elle semble préoccupée. Soudain, elle paraît s’éloigner, en fait elle ralentit le pas ; il ne l’intéresse pas. Quelques secondes plus tard, elle disparaît de son champ de vision et bientôt ce ne sont plus que les murs anonymes de l’institut qui découpent dans la pénombre. Las, Max se lève le compteur indique 21h43.

Debout, le bras appuyé sur le chambranle de la fenêtre détrempée, il contemple la rue. Noyée, des flots noirs remontent depuis les égouts, charriant avec eux ordures et autres détritus, chassant les rares piétons assez courageux pour s’aventurer sous l’averse. Quelques voitures sillonnent la chaussée, soulevant à leur passage d’immenses gerbes d’eau irisée, avant de s’écraser sur les trottoirs défoncés. Nerveux, il fouille ses poches et en sort un paquet froissé qu’il secoue en vain.

— Merde… jure-t-il entre ses dents, avant de le balancer dans la poubelle attenante à son bureau.

Sur le pare-brise, les gouttes s’écrasent à nouveau, toujours plus grosses, toujours plus lourdes, cependant qu’une fumée âcre emplit l’habitacle. Dehors, la dépanneuse blindée achève de monter le véhicule endommagé tandis que les pompiers finissent d’étouffer les vapeurs de dihydrogène dans un nuage d’azote. Concentré sur la circulation qui reprend sa marche, il tente d’oublier la morgue de son épouse.

— Qu’est-ce qui t’arrive ? Depuis que nous avons quitté le centre, tu ne desserres pas les dents, insiste-t-elle.

Les mains crispées sur le volant, il manque de peu d’accrocher une voiture qui déboîte soudain devant lui ; il n’a pas envie de lui répondre.

— Je te l’ai dit, rétorque-t-il un peu brusquement. Sans doute une déformation professionnelle.

« Des collaboratrices ? » « Tout à fait, monsieur Defrosse ! Nous accueillons dans le cadre d’un partenariat avec la Corée du Sud, des étudiants et des étudiantes, afin de les former à nos techniques ; en échange, elles nous offrent leurs propres savoir-faire. » Il tique ; ce ne sont que des jeunes femmes, aucun homme n’est présent.

Les yeux étrécis, elle lui jette un regard noir, mais n’ajoute rien.

— Et puis toute cette technique me rend un peu nerveux. C’est si froid, si artificiel, glacé… une morgue me paraîtrait plus chaleureuse encore.

— Maximillien ! Tu devrais avoir honte ! Tu oses comparer cet établissement, qui abrite la vie en devenir, à un lieu où l’on exhibe les corps des morts !

Soudain, une bouche d’égout recrache le cadavre gonflé d’un rat. Le ventre enflé comme une outre, il flotte entre deux eaux ; la queue coincée entre les interstices, il est ballotté de droite et de gauche, heurté par les immondices qui dévalent le courant ; personne ne le ramassera, sauf peut-être l’un de ces gamins décharnés aux yeux trop rouges qui hantent encore certains quartiers que la mairie laisse pourrir sur pieds.

Into this house we're born

Into this world we're thrown

Like a dog without a bone

An actor out on loan

Fatigué, il se détourne ; un logo blanc sur fond bleu navigue sur son mur. Le regard vide, il le fixe, hypnotisé par sa danse saccadée. Gauche, haut, diagonale droite, haut, bas, diagonale gauche, haut, gauche, diagonale gauche ; ses yeux suivent sans coup férir les mouvements impromptus. Agacé, il frappe de l’index sa souris qui réveille aussitôt l’ordinateur endormi ; 22h47 ; il soupire. Sous ses paupières, les images défilent à vive allure et les chiffres filent à un rythme infernal : 22h, 23h, 00H, 01h.

— Pourquoi Maximillien ? Pourquoi ?

Concentré sur sa conduite, il se réfugie dans le mutisme pour mieux affronter le démon qui s’invite. À mesure que le temps passe, il est des fêlures qui deviennent blessures et qui jamais ne se referment.

— Pourquoi n’adoptons-nous pas ? rétorque-t-il.

Elle lui lance un regard noir.

— Comme si tu ne connaissais pas déjà la réponse, crache-t-elle, venimeuse.

Devant lui, un espace se crée ; il se faufile et file.

— Non, bien sûr que non. Nous ne pouvons accueillir, au sein de notre foyer, un enfant fruit du pêché, soupire-t-il d’un ton sarcastique.

— Tu savais dans quoi tu t’engageais lorsque tu m’as épousée.

— Oui… je le savais, songe-t-il, et cela nous a coûté à tous les deux.

Sur le mur, inscrit en lettre, non de sang, mais de blanc, quelques mots laconiques :

01h47

Fin de l’enregistrement

Soudain rendu suspicieux, il fixe la dernière image projetée sur le mur, puis appuie sur l’un des boutons de son boîtier et la fiction se déroule à l’envers. Des yeux, il suit la démarche grotesque des protagonistes ; quelque chose ne colle pas. Fatigué, il met en pause le film, arrêté sur l’image d’ une silhouette qui l’observe en retrait. Elle est trop loin pour qu’il puisse en deviner les traits, mais à son allure, elle lui donne l’impression de ressentir de la pitié à l’égard de l’étudiant.

*

— Qu’est-ce que c’est ?

Nu, il a ouvert l’enveloppe glissée dans la poche de sa veste ; à l’intérieur, un cristal de la taille de la paume de sa main.

— Tu ne devines pas ?

Étendu dans le lit, Achille l’observe du coin de l’œil ; un sourire entendu dévoile ses dents fines et ivoirines.

— Alors tu as réussi à récupérer les mémoires de son implant.

Farouche, Achille laisse courir son index dans son dos et en marque le sillon.

— Bien sûr, même si cela n’a pas été sans peine, ronronne-t-il, cependant qu’il pose ses lèvres sur son épaule ; Franz frissonne.

Silencieux, il fixe le morceau de plastique. Agencé en fractale, il lui renvoie les lumières décomposées de la ville. Le bras tendu, il veut ouvrir le lecteur, mais Achille raffermit son emprise ; chair contre chair, il lutte contre le désir qui monte en lui, contre les ténèbres qui s’éveillent en lui.

— Pourquoi tant de difficultés, ces implants fonctionnent à la manière des boîtes noires ; il garde toujours un enregistrement des dernières minutes

— C’est là le problème, marmonne-t-il, occupé à l’embrasser, cependant que ses mains s’attardent sur sa taille. Les dernières minutes… Moi, je suis remonté plusieurs heures en arrière, jusqu’à le trouver.

« Les trouver », mais les mots meurent sur les bords de ses lèvres.

— Cesse donc de parler, lui intime Franz, les doigts refermés sur son sexe.

Lentement, la voile se gonfle ; bientôt, ils partiront. Adossé au bastingage, il observe son compagnon à qui leur capitaine fait ses dernières recommandations. Les yeux tournés vers le ciel, il contemple la lune pleine que quelques nuages bas voilent.

— Suivez-moi, lui ordonne d’une voix douce son compagnon.

Sur le ponton, les bruits de leurs pas sont étouffés par le clapotis de la houle qui heurte les flancs du navire. Assis à côté du gouvernail, un homme vêtu d’un chèche et d’une large djellaba le salue.

— Est-ce que vous lui accordé votre confiance, docteur ?

— Qui aurait confiance en le Diable ? rétorque-t-il dans un sourire. De l’argent l’attend sur un compte en Israël, mais il ne sera débloqué si quelqu’un en donne l’ordre et ce n’est pas moi ; je ne connais pas les mots de passe.

Franz sourit d’un air entendu.

— En effet…

Fendant les flots, l’embarcation sillonne en silence le bras de mer qui les sépare de la terre des enfants de Yahweh, cependant que dans les cabines deux hommes devisent.

— Achille ?

Lové encore contre lui, il s’écarte avec douceur, révélant en grande partie tout de son anatomie.

— Que contient ce film ?

— Si je te répondais tout de suite, où serait la surprise ? lui rétorque-t-il.

— Et avant que tu ne me poses la question, j’en ai fait parvenir une copie à Max et il en est arrivé aux mêmes conclusions que moi, ajoute-t-il dans un sourire.

Suspicieux, Franz lui jette un regard dubitatif, cependant qu’une étrange sensation de malaise lui nous les entrailles. Pendant ce temps, dans la chambre, devenue obscure, une tache opaline se dessine sur un pan de mur et grandit.

Dans le miroir, l’homme au chapeau claque ne montre aucun signe d’impatience

— Où est-ce le pays des merveilles ?

— Cela dépend, ronronne-t-il. Mais, si tu ne me suis pas, tu ne sauras pas.

Élégant, bel homme, son regard s’illumine dans les ténèbres, derrière ses verres d’ocre et de lumière. En fond, la fête bat son plein, ses amis sont là-bas, pourtant elle sent irrésistiblement attirée, attirée par cet homme aux yeux si étranges, si brillants qu’on les croirait faits d’argent.

— Est-ce que je vous connais ? l’interroge-t-elle, comme elle s’avance la main tendue vers la surface iridescente.

Derrière, il lui semble apercevoir une clairière, mais il y fait si sombre qu’elle ne saurait l’affirmer.

— Moi ? Non, s’esclaffe-t-il à demi-mot. Tu ne me connais pas, tu ne m’as jamais vu et pourtant tu me suivras, n’est-ce pas ; Nathalia.

Singulière réponse que lui fait l’étranger. Les pieds dans les herbes hautes, elle sent l’humidité s’infiltrer dans ses chaussures en toile. Elle ignore pourquoi, mais elle sait qu’il a raison, elle le poursuivra, elle franchira le miroir et elle l’accompagnera. Pensive, elle jette un regard en arrière ; quelqu’un l’appelle.

— Est-ce que je serai de retour pour le bal ? s’enquiert-elle.

De l’autre côté, l’énigmatique personnage lui sourit.

— Bien sûr, s’il n’y a que cela pour te faire plaisir. De ce côté, le temps coule s’il peut.

Derrière lui, quelqu’un allume un feu, un immense brasier qui illumine une clairière déserte.

— Pourquoi le Pays des Merveilles ? l’interroge-t-elle, tandis qu’elle s’enfonce dans la psyché.

Sa main dans la sienne, il la lui baise puis l’entraîne à sa suite.

— Parce que tu le désirais, murmure une voix en retrait. Je n’ai fait que répondre à ton appel, comme le ferai n’importe quelle créature du rêve. Si tu es ici, c’est afin que nous exaucions tes souhaits.

— Mes souhaits, répète-t-elle, surprise.

— Tes souhaits, renchérit le premier dans son dos.


Texte publié par Diogene, 21 juillet 2020 à 18h05
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tome 2, Chapitre 4 « Le Refuge derrière le Rêve » tome 2, Chapitre 4
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