- Jour de la Lune -

Il s'est produit aujourd'hui quelque chose de tout à fait curieux :

Ce matin, Astéisme a proposé que je l'accompagne pour une partie de chasse. J'en aurais été ravi, mais hélas Mère s'y est opposée car elle me juge encore trop jeune pour un divertissement aussi dangereux. Je ne suis pas d'accord avec elle, mais comme il n'est pas correct de contredire ses parents, je n'ai pas pu protester. J'ai été renvoyé à mes leçons et en ai été fort marri car d'ordinaire je n'ai pas à étudier pendant la semaine du solstice.

Cependant, quelques heures plus tard, Le Blanc est venu m'annoncer que mon père et mon frère m'attendaient pour partir chasser et que je devais me presser de me préparer. Je lui ai répondu que Mère m'avait défendu d'y participer mais il me dit qu'il serait malvenu de ne pas obéir à Sa Majesté et j'ai pensé qu'il avait raison. Coué m'a donc aidé à passer mon habit d'ésh'litation car, comme je n'avais encore jamais chassé, je n'avais point d'habit de chasse. Puis j'ai suivi le valet de Père en hâte.

Mais, alors que nous étions dans le grand hall et nous apprêtions à sortir, Mère survint et me dit de rester, et elle me disputa car elle m'avait ordonné de rester à étudier. Je pensais devoir retourner à mes appartements, mais à ce moment-là, Astéisme arriva à son tour. Il venait aux nouvelles car Père s'impatientait. Mère l'a alors renvoyé en lui disant que je n'irais point chasser; mais comme Le Blanc était entretemps allé le prévenir de la situation, Père est entré en personne dans le grand hall, sur son sh'la.

Certes, il est notre roi, mais tout de même cela m'a choqué car on n'entre point ainsi dans une demeure monté! Cela a d'ailleurs effrayé les domestiques et Mère en a été, il me semble, fort contrariée. Père me dit d'aller dans la cour car un sh'la m'y attendait mais Mère répondit encore une fois que je n'en ferais rien. J'étais fort embarrassé car je ne savais plus à qui obéir. Père me dit encore "Tout de suite." sans crier, certes, mais sur un ton très autoritaire qui me fit forte impression, cependant que Mère me lançait des regards à me glacer le sang. Ce fut Astéisme qui me tira d'affaire : il me prit par la main et m'entraîna dehors.

J'en fus bien soulagé mais j'avais tout de même peur d'être grondé par Mère. Père sortit quelques instants plus tard. Je n'étais pas encore sûr de pouvoir partir aussi ai-je demandé ce que je devais faire et il me dit qu'il était mon chef de famille et mon roi, que c'était à lui que je devais obéissance avant tout autre et qu'il s'étonnait que je ne le sache point. Il semblait si contrarié que j'ai eu grand peur qu'il ne me corrige mais fort heureusement, il n'en fit rien et nous partîmes enfin.

Et ce soir, lorsque nous sommes rentrés, Mère ne m'a rien dit non plus, si bien qu'en fait, la journée fut tout à fait intéressante, car je dois dire que même si les études sont très importantes et permettent de devenir une personne honorable, la chasse est bien plus amusante.