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tome 1, Chapitre 3 « Henri Berliniac » tome 1, Chapitre 3

Bravant le froid qui avait fait basculer le pays dans l’hiver dès cette fin d’octobre, les deux hommes s’étaient retrouvés dans les larges allées du parc des Buttes Chaumont, entre les hauts rochers artificiels qui donnaient le sentiment d’avoir quitté la ville de Paris pour entrer dans une gravure romantique. Ou plutôt, tel aurait été le cas sans les visiteurs, peu nombreux par ce temps triste et glacé, mais qui portaient assez peu au rêve : nourrices et mères promenant leurs jeunes enfants, vieillards qui lançaient du pain sec aux pigeons, mais n’attiraient que les corbeaux, amoureux à l’attitude empruntée…

Ils formaient pour leur part un bien étrange duo. Le comte ne passait guère inaperçu, avec son riche manteau de lainage bleu, sur lequel se déversait sa longue chevelure gris-blanc, et sa canne à pommeau d’argent délicatement travaillé. Son compagnon n’était certes pas aussi voyant : il devait compter à peine la moitié de son âge ; tout en lui évoquait la vivacité et l’acuité, malgré sa mise savamment négligée de jeune dilettante, dans ce costume clair qui défiait la convenance et l’air glacé, auquel seul un foulard noué autour de son cou faisait obstacle.

« Mon cher comte, déclara le jeune homme avec une pointe d’amusement, voilà qui est assez inhabituel… D’accoutumée, le bureau fait directement appel à moi ! Et lorsque vous ne recherchez que ma compagnie, vous n’observez ni autant de mystères ni autant de formalités. »

Il marqua une pause, observant son ami d’un regard malicieux :

« Dois-je en déduire que vous avez besoin de mon aide pour une affaire particulière ? Et que vous n’avez pas pu l’avouer à ce cher capitaine ? Je n’ose croire que vos vastes connaissances se soient trouvées mises en défaut, au point que vous en êtes réduit à faire appel à l’amateur que je suis ?

— Ne vous sous-estimez pas, Henri, déclara le comte avec bonne humeur, ou plutôt, ne feignez pas de le faire. Quand vous êtes concerné, l’amateurisme prend une tout autre dimension.

— À vrai dire, je ne sais si je dois me sentir flatté, remarqua l’intéressé en levant les yeux au ciel. Bien, je suis tout ouïe. Quelle est cette affaire dont vous souhaitez tant me toucher un mot ? »

D’Harmont, du bout de sa canne, désigna un banc libre non loin de la pièce d’eau entourant le rocher central :

« Asseyons-nous un moment, je vais vous expliquer ce qu’il en est. »

Les deux hommes s’installèrent, regardant un moment les canards s’ébattre à la surface de l’étang. Après s’être assuré qu’il n’y avait personne alentour, le comte déclara :

« Il s’agit d’une série de vols qui ont eu lieu dans de beaux quartiers au cœur de Paris. Ils ont été très habilement menés, de sorte qu’aucune infraction n’a pu être constatée, juste la disparition de biens de valeurs…

— Voici une entrée en matière qui fleure bon le mystère !

— Je sens votre curiosité professionnelle enflammée, mon cher Henri… 

— Certes, je l’avoue, répondit gaiement le jeune homme, mais je ne révèle jamais que ce qu’il convient de divulguer. »

Le comte opina en dissimulant un sourire : celui qui se posait au regard du monde comme Henri Berliniac, journaliste à l’Hermès Parisien prenait un véritable plaisir à son métier de façade. D'Harmont leva les yeux vers la passerelle suspendue en hauteur au-dessus de leur tête, reliant deux des sommets créés de main d’homme :

« Pour poursuivre sur la question de ces vols, le seul témoignage dont nous disposons est celui d’une concierge épouvantée, que la police n’a pas vraiment prise au sérieux. Je pense qu’il pourrait être intéressant que vous entendiez son histoire. »

Berliniac alluma nonchalamment une cigarette avant de demander :

« Qu’a-t-elle donc de si incroyable ?

— M’en voudrez-vous si je refuse de vous le dire pour le moment ? Il vaut mieux pour vous l’entendre de sa bouche, plutôt que déformée par mon compte rendu d’un rapport de police au style incertain. Disons que les méthodes de notre voleur seraient pour le moins… inhabituelles… »

Henri jeta son allumette et prit une longue bouffée, ses yeux noisette mi-clos :

« Vous êtes habile à susciter ainsi mon intérêt, mon cher. Mais comment ces vols sont-ils parvenus à attirer celui du bureau ?

— Nos autorités n’apprécient guère que des personnes riches et puissantes soient visées : parmi les appartements qui ont été visités, figurent celui d’un sénateur et celui d’un magnat de l’acier… ainsi que le pied-à-terre d’une actrice célèbre qui s’en est longuement plainte à ses… connaissances… les plus huppées. »

Le journaliste rit doucement :

« Je crains qu’en la circonstance, mes sympathies ne se portent vers cet habile voleur ! Je pourrais bien décider que je n’ai aucune envie de vous aider ! »

Il tira une dernière bouffée avant de jeter le mégot à demi consumé. Le comte observa pensivement le vol d’un corbeau qui tournait autour du belvédère aux allures de temple grec dominant le parc.

« Jamais je n’aurais la prétention de réellement vous connaître, Henri, déclara-t-il, mais je sais que vous résistez rarement à l’attrait d’un mystère. Venez avec moi écouter ce que notre brave concierge a à dire et vous en déciderez par la suite ! »


Texte publié par Beatrix, 19 janvier 2017 à 14h07
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