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tome 2, Chapitre 3 « Reprise du service actif. » tome 2, Chapitre 3

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Je remercie Tatchou pour sa relecture attentionnée.

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Un peu d'action et une petite surprise pour Shaw cette fois...

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Chapitre III.

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« John, tu es bien équipé, ou as-tu besoin que je te fournisse en armement ?

- J'ai mon Baby Eagle et un chargeur de rechange.

- J'ai d'autres chargeurs du même type dans mon coffre, tu devrais en prendre un ou deux, ils sont tous pleins.

- Tu nous emmènes où Root ?

- Juste faire un petit tour à Harlem vers la 119ème entre Morning Side Avenue et Manhattan avenue, quelques paquets d'héroïne à récupérer.

- Tu as décidé de te lancer dans le trafic de drogue ou tu es en manque ? demanda Shaw l'air dubitatif.

- Sameen, tu sais bien que je n'ai pas besoin de ça pour avoir de l'argent, quant à me droguer pour planer, je connais des moyens bien plus efficaces et nettement plus agréables... répliqua-t-elle, haussant les sourcils l'air provoquant.

- Très drôle !

- Bon les filles, on y va ? »

Reese les regarda un peu interloqué, non par la réplique de Root qui lui rappelait celles dont elle avait gratifié Shaw pendant des mois avant que celle-ci ne disparaisse, mais par la réaction de Shaw.

Elle avait répliqué sur un ton vif, mais pour une fois, il ne l'avait pas vue afficher l'air excédé qu'elle prenait toujours quand Root tentait de flirter avec elle. C'était assez curieux. Il s'abstint de toute réflexion et encore moins d'avoir l'air surpris.

Arrivée devant une belle Bentley, elle avait toujours de ces voitures, pensa-t-il un peu jaloux, Root lui ouvrit le coffre et souleva un plaid. Dessous se cachait un petit arsenal, des armes de poings, des munitions, des chargeurs en vrac, deux pains d'explosifs et un fusil de précision. Shaw reconnut un Ludis, un modèle Comando 1 ou 2, c'était une arme française assez sympa, mais mono-coup. Root avait dû le choisir pour son poids. Il était plus léger que beaucoup d'autres fusils à lunettes, mais Shaw n'aimait pas trop l'absence de chargeur sur ce modèle. N'empêche se dit-elle, Root savait quand même bien choisir ses armes. Reese s'empara de trois chargeurs et d'un Baby Eagle.

- Je peux ? demanda-t-il en se tournant vers Root.

- Décidément tu apprécies ce modèle. Vas-y, je t'en prie, prends ce qui te plaît John. Bon, toi Sam, tu as tout ce qu'il te faut, conduire te ferait plaisir ? proposa-t-elle à Shaw.

- Euh non, pas cette fois.

- Comme tu veux. Tout le monde est prêt ? Alors en avant ! lança-t-elle joyeusement »

Ils s'installèrent dans la voiture et roulèrent, aussi vite que le leur permettait la circulation, jusqu'au Morningside Park où Root se gara dès qu'elle trouva une place.

« Bon, c'est assez simple. Il y a un petit gang qui tient son quartier général dans un petit immeuble plus loin. Hier soir, ils ont récupéré une livraison d'héroïne, elle a déjà été coupée, mais elle doit être mise en sachet-dose. Si tout se passe comme prévu, quand nous arriverons, un quart de la marchandise aura déjà été empaqueté pour être prête à la vente, le reste sera encore sous forme de gros pains d'un kilo chacun. Donc on rentre, on discute un peu et on récupère le tout. Des questions ?

- Root, tu veux entrer dans le quartier général d'un gang et leur piquer leur drogue comme ça ? Aussi simplement que si on allait acheter un paquet de chips dans une supérette ?

- Oh, Sameen tu ne vas pas me dire qu'un peu de bagarre te ferait peur ? »

Shaw lui dédia une grimace.

« Shaw a raison Root. Tu comptes vraiment faire comme tu nous l'as expliqué ? Rentrer dans le tas, t'emparer de la drogue et repartir ?

- À peu près, en fait j'ai un rendez-vous avec leur « boss », vous ferez office de gardes du corps.

- Quel genre de rendez-vous ?

- Je suis censée lui offrir de nouveaux débouchés pour son petit trafic. J'ai su le convaincre qu'il gagnerait beaucoup d'argent grâce à moi. L'appât du gain ferait accepter n'importe quoi à ce genre de petits malfrats. »

Elle abaissa son pare-soleil et ouvrit le cache du miroir qui s'y trouvait, elle vérifia son apparence, arrangea une ou deux mèches de ses cheveux et se tourna vers Shaw.

« Comment me trouves-tu ?

- Irrésistible, affirma Shaw l'air sérieux. »

Un grand sourire s'épanouit sur le visage de Root, Shaw était vraiment adorable quand elle le voulait.

Shaw se traita de débile d'avoir sorti un truc pareil, devant Reese en plus, mais ça lui avait échappé et puis en plus, c'était vrai. Root était irrésistible, elle devait bien le reconnaître. Mouais c'était surtout que... Shaw avait un faible pour elle, plus qu'un faible à vrai dire. Elle la dévisagea et se dit que sous peu le monde virtuel et le monde réel avaient de grande chance de se télescoper et qu'elle commençait à avoir une furieuse envie que cela arrive vite.

Root sortit de la voiture, Reese et Shaw la suivirent.

« Restez derrière moi, à deux pas et prenez vos têtes de tous les jours, ça suffira à vous rendre crédibles comme grosses brutes engagées comme hommes à tout faire par une charmante et vénéneuse jeune avocate sans scrupules.

- Tu es avocate là ?

- Oui, Maître Chandler pour tout t'avouer, du célèbre cabinet Chandler et Staw, déclara Root très fière d'elle-même. »

Pour le coup Shaw leva les yeux au ciel. Ce que Root pouvait paraître gamine quand elle se gargarisait du plaisir qu'elle éprouvait à incarner les personnalités parfois improbables que lui fabriquait la Machine. Shaw ne comprenait pas trop sa joie. Elle, n'aimait pas particulièrement travailler sous couverture, se fondre dans une personnalité qui n'était pas la sienne. Root était un véritable caméléon, capable de tenir un rôle à la perfection quelles que soient les compétences nécessaires à la crédibilité du personnage qu'elle incarnait. Elle conduisait aussi bien un jet privé qu'un camion, parlait aussi bien avec l'accent d'Oxford qu'avec celui du Bronx ou du Texas, le Français comme le Russe. Elle pouvait soudain devenir une experte en numismatique, en philologie ou en cuisine française.

Ce n'était pas seulement la Machine qui lui permettait d'incarner ses rôles à la perfection, parce que si La Machine pouvait lui transmettre un savoir, elle ne pouvait lui transmettre le savoir-faire, et Root le possédait toujours, quel que soit celui exigé. C'était perturbant et fascinant.

Le siège du gang se signalait à cent mètres par la présence d'une demi-douzaine de jeunes loubards postés devant une entrée d'immeuble qui se donnaient des airs de durs. Quand Root fit mine de rentrer, ils l'arrêtèrent. Elle les regarda de haut, l'air offensé.

- J'ai rendez-vous avec Little Chuck.

- Ah ouais ? la provoqua un gars s'approchant d'elle. »

Il allait poser la main sur elle quand une main de fer la lui attrapa et il se retrouva instantanément et durement, plaqué face contre le mur. Les autres commencèrent à bouger. Shaw sortit son arme et la plaça contre la joue de l'homme qu'elle maintenait.

« Si vous bougez d'un pas, je le descends et je vous bute ensuite. Tous. Les uns après les autres »

Les hommes se figèrent, elle n'avait pas l'air de plaisanter, ressemblait à une furie et paraissait vraiment très dangereuse.

« Allons, allons, pourquoi s'énerver ? intervint Root avec nonchalance. Sam, lâche ce pauvre garçon et vous, vérifiez donc que je ne suis pas, impatiemment attendue. Oh, c'est vrai que je ne me suis pas présentée, quel véritable manque de courtoisie. Veuillez m'en excuser. Je suis sûre que le nom de Jennifer Chandler vous dira quelque chose.

- Ah, c'est vous l'avocate de East village ?

- Voilà, les présentations n'auraient pas dû être omises, cela nous aurait évité ce violent petit intermède. J'espère que vous me pardonnerez et n'en tiendrez pas rigueur à mon, un peu trop sanguin, garde du corps.

- C'est bon, montez, Little Chuck vous attend. Rick accompagne-les.

- Sam ! Rengaine ton arme et excuse-toi auprès du jeune homme s'il te plaît. »

Qu'est-ce qu'elle racontait ? Elle était sérieuse ?

« Sam, s'il te plaît, insista Root. »

Oui, elle était sérieuse.

« Désolée, marmonna Shaw entre ses dents. »

Elle donna une bourrade à l'homme qu'elle tenait en le relâchant et il se cogna la tête dans le mur. Il poussa un cri de douleur. Shaw se fendit d'une grimace satisfaite et emboîta le pas à Root. Reese laissa échapper un soupir de soulagement et les suivit.

Il avait été désagréablement surpris par la réaction de Shaw, la vitesse à laquelle elle avait bougé, sa violence, son manque de prise en compte de l'environnement dans lequel elle se mouvait. Les autres guignols auraient pu la descendre, même s'il veillait sur ses arrières. Sa réaction avait été animale, sauvage et hors de tout contrôle. Il hésitait à la mettre sur le compte d'un simple réflexe déterminé par une menace identifiée comme générale ou dirigée exclusivement sur la personne de Root. Avait-elle cherché à tous les protéger ou simplement à protéger Root ? Sa réponse, dans la seconde où elle avait vu l'homme prêt à porter la main sur Root, avait été si disproportionnée, qu'il penchait pour un sentiment exacerbé de protection uniquement dirigé vers l'interface de La Machine.

C'était curieux et assez inquiétant. Par contre, il avait aussi remarqué comment Shaw avait obtempéré sans protester aux exigences de Root, allant même jusqu'à présenter des excuses. S'il ne l'avait pas trouvée si hors de contrôle auparavant, il en aurait ri tant voir Shaw si obéissante lui semblait comique. Mais là, il n'avait vraiment pas envie de rire.

Il se rappelait avoir croisé à l'armée des soldats qui, après trop de temps passé sur le terrain, dans des conditions trop difficiles, étaient revenus de mission transformés en chien de guerre fou dangereux. Certains pris de folie meurtrière subite, avaient même dû être abattus, quitte à transformer leur mort ignominieuse en mort héroïque auprès de leur famille.

Comment avouer que l'armée avait transformé un être aimé en psychopathe débordant de haine et d'envie de meurtre ?

Shaw lui faisait penser à ces pauvres types sacrifiés sur l'autel de la Patrie. Mais à quoi Shaw avait-elle été sacrifiée et pourquoi ? À quoi croyait-elle ? Il ne l'avait jamais vraiment su. Elle était arrivée un jour et s'était mise à travailler avec dévouement pour Harold. Elle semblait heureuse d'être avec eux, mais était-ce parce qu'elle y trouvait l'excitation de se retrouver en opération et d'aligner des coups de poing, d'échanger des tirs, de manier des armes de pointes, d'infiltrer des organisations, de démanteler des complots ou parce qu'elle servait une cause qui lui tenait à cœur ?

Il n'aurait su le dire. En tout cas pour l'instant sa motivation semblait d'être d'exercer sa violence et de suivre Root au plus près. Elle lui faisait peur. Si Root n'avait pas été présente, il aurait refuser de continuer avec elle.

Il montèrent deux étages et le loubard leur demanda de l'attendre sur le palier.

« Little Chuck est dans le troisième appartement sur la gauche, expliqua Root. L'atelier d'empaquetage dans l'appartement d'à côté. Les deux appartements communiquent. Il y a quatre hommes et une femme, dangereuse, avec Little Chuck. Six hommes armés occupent l'appartement d'à côté, avec trois femmes en train de partager la drogue. Elles ne sont pas armées et pas dangereuses, ce sont juste des petites mains. Les hommes le sont par contre, mais seul l'un d'entre eux, celui en tee-shirt vert, sait vraiment bien se servir d'une arme, les autres sont des amateurs. Dans les deux appartements en face il y a respectivement trois et quatre hommes. Ils sont pour toi John. L'un des appartements, celui juste en face est fermé à clef, tu t'occuperas d'abord des hommes dans l'appartement qui est à sa droite. Le temps que les autres n'arrivent à ouvrir la porte, tu t'en seras débarrassé, après tu te débrouilleras avec les quatre autres, je te fais confiance. Par contre c'est toi Sameen, qui t'occupes de ceux en compagnie de Little Chuck et des six autres restants. Bien sûr, tu bénéficies de mon soutien inconditionnel en cas de problème.

- Root, tu as programmé un assaut ? Je croyais que tu voulais négocier ?

- Bien sûr John, que je veux négocier, mais tu sais bien comment vont les négociations avec ce genre de partie. Ces messieurs ne savent pas entendre raison, ils en veulent toujours plus et s'énervent si facilement. Je vous prépare seulement à toute éventualité fâcheuse. Au cas où elle arriverait.

- On devrait descendre tout le monde tout de suite.

- Je reconnais bien là ton farouche enthousiasme Sam, c'est charmant, mais laissons quand même une chance à nos amis, cela fera plaisir à La Machine.

- Bah, comme tu veux, répondit Shaw en haussant les épaules.

- Merci mon chou, lui déclara Root la gratifiant d'un gentil baiser sur la joue. »

Shaw fit un écart, surprise et jeta un regard noir à Root. Celle-ci lui répondit par un sourire et Shaw se détendit. Root était tarée mais... Shaw ne put s'empêcher de penser qu'elle était vraiment mignonne. Mignonne ! Non sans rire, quelle drôle d'idée. Root avait perçu son trouble et son sourire s'élargit.

Le loubard les appela leur faisant signe de venir le rejoindre.

« Little Chuck vous attend. »

Ils s'avancèrent, Reese alla nonchalamment s'appuyer contre le mur entre les deux appartements que lui avait indiqués Root.

Root passa la porte, mais quand Shaw fit mine de la suivre, le loubard qui les avait accompagnés lui mit une main sur l'épaule.

« Toi, tu restes dehors, la dame entre seule pour parler à Little Chuck »

Avant que Shaw n'ait eu le temps de réagir, Root avait attrapé le poignet de l'homme et retiré sa main de l'épaule de Shaw.

« Elle reste avec moi. Je ne rentre pas sans elle, sinon je m'en vais. Vous trouverez quelqu'un d'autre pour vous ouvrir le marché que je vous propose. Et je vous souhaite bien du plaisir, parce qu'en plus, vous me trouverez en travers de votre chemin. Et vous transmettrez, je vous prie jeune homme, mon message à Little Chuck. »

Root tourna les talons et fit un signe à Shaw et à Reese.

« Pierce ! Laisse-la entrer !

- Et bien voilà quelqu'un de raisonnable. Il faut avoir un peu plus de jujotte pour espérer monter les échelons mon brave, dit-elle au loubard en lui donnant une pichenette sur la joue. »

Shaw sourit en coin, elle adorait quand Root soufflait quelqu'un, surtout quand ce n'était pas elle à vrai dire, c'était assez jubilatoire.

La négociation tourna court. Root mena la discussion en se fichant ouvertement de la tête de Little Chuck le traitant comme s'il avait été un gamin de six ans. Ses exigences furent perçues comme une insulte par le boss imbu de sa personne. Mais il s'aperçut surtout qu'il était en train de perdre la face et quand il surprit la fille, juchée sur l'accoudoir du fauteuil dans lequel il trônait comme un roi nègre, sourire, il s'énerva et commença à se montrer très grossier avec Root. Shaw s'assombrit. Root continua à jouer l'avocate arrogante et quand le gars hors de lui exigea de savoir ce qu'elle voulait vraiment, elle ne trouva rien de mieux à dire, sourire enjôleur à l'appui, qu'elle voulait juste s'approprier sa livraison de drogue, qu'elle en avait besoin pour une affaire personnelle et qu'il se devait obtempérer au plus vite car elle était pressée.

« Tu ne doutes vraiment de rien connasse. Descendez-moi ces trois abrutis et virez-les hors de ma vue ! hurla-t-il à ses hommes.

- Bon, si vous le prenez comme ça, c'est bien dommage, mais la négociation est close, conclut Root. »

Avant d'avoir fini sa phrase, les cinq membres du gang présents dans la pièce et leur boss gisaient à terre. Trois se tordaient de douleur et trois autres ne se plaindraient plus jamais.

« Sam, les genoux ! Pas la peine de tous les tuer sauvagement »

Shaw grogna et poussa violemment Root, l'écartant de la trajectoire d'une balle tirée par un des hommes qui se trouvaient dans l'appartement adjacent. Elle braqua son arme sur lui dans un même mouvement et tira. Il s'écroula, la tête réduite à l'état de bouillie sanglante, Puis elle se précipita dans la pièce d'où il venait. Root rétablie son équilibre et la suivit. Elle espérait pouvoir éviter un massacre, mais Shaw était trop rapide.

Quand elle arriva dans l'atelier, trois femmes terrorisées hurlaient recroquevillées dans les bras les unes des autres sous une table, cinq hommes baignaient dans leur sang, et ne se relèveraient plus jamais, et Shaw échangeait des coups de feu avec un sixième, réfugié derrière un meuble dans une autre pièce. Root sortit de sa ceinture une grenade étourdissante et la lança par-dessus la tête de Shaw.

« Tes yeux Sameen ! »

Shaw se plaqua de l'autre côté de la porte, la grenade explosa, on entendit un râle.

« Sameen, tu l'assommes, tu ne le tues pas ! Shaw !

- Ouais, ouais, compris. »

Root entendit un bruit mat et un cri de douleur. Shaw réapparut.

« Ça va ? Tu n'as rien ? demanda-t-elle inquiète.

- Non. Merci pour tout à l'heure, je ne l'avais pas vu

- À ton service Root.

- Viens m'aider à ramasser tout ça, lui demanda celle-ci. Oh ! Et va voir où en est Reese.

- Je suis là, c'est bon.

- Bon, alors dépêchons-nous avant que les autres ne rappliquent. Nous pouvons passer par la sortie de secours un peu plus loin, il n'y a personne et le temps qu'il réagissent nous serons loin, mais il ne faut pas trop tarder. »

Reese avait été horrifié en entrant dans l'appartement, il y avait trois cadavres et trois blessés, il savait très bien à qui attribuer les uns et les autres. En débouchant dans l'atelier, il avait découvert un spectacle encore plus navrant. Il se dirigea dans l'autre pièce, puis revint l'air encore plus sombre.

« Tu les as massacrés Shaw.

- J'ai sauvé le dernier, elle l'a juste assommé, le rassura Root.

- Elle lui a fracassé le crâne, il est mort.

- Qu'est-ce que ça peut faire, ce ne sont que des malfrats, en plus ils vendent de la merde qui empoisonne la moitié de ceux qui la leur achètent, cracha Shaw la voix mauvaise. Vraiment on s'en fout complètement qu'ils crèvent ou pas. »

Root vit Reese s'assombrir encore.

« Shaw ! S'il te plaît, l'implora Root.

- Bon, okay, je me la ferme, râla Shaw.

- John ! le tança Root.

- Root, ce n'est pas possible, elle...

- Je sais je sais, le coupa-t-elle d'une voix apaisante. Mais ce n'est pas le moment d'en parler, il faut que nous emballions tout ça au plus vite et que nous filions. Les autres sont déjà en train de monter. Alors si tu ne veux pas que d'autres cadavres s'alignent encore, tu nous aides. »

Reese hocha la tête et les aida à ramasser tous la marchandise qu'ils rangèrent dans des sacs de sport qui traînaient. Une fois qu'ils eurent fini, ils filèrent vers la sortie de secours située au bout du couloir. Avant de quitter la pièce, Root se tourna vers les trois femmes toujours serrées les unes contre les autres.

« Vous devriez trouver un travail plus tranquille et moins dangereux »

Ils regagnèrent la voiture sans encombres et Root les conduisit vite hors du quartier.

« Et si nous allions prendre un petit café en attendant la suite ? »

Personne ne répondit, à vrai dire l'ambiance était glaciale dans l'habitacle. Shaw semblait perdue dans ses pensées et Reese contrarié et inquiet. Root soupira, cette matinée si bien commencée s'annonçait difficile. Elle n'aurait jamais dû prendre Reese avec elle. Maintenant elle se retrouvait à devoir gérer les errements de Shaw et les tourments de Reese. C'était épuisant et elle ne les supporterait pas longtemps s'ils continuaient sur cette voie. Ce serait complet si jamais ils en venaient aux mains. Reese était furieux contre Shaw et Shaw n'était pas en état de recevoir la moindre remontrance. S'il la cherchait, elle allait réagir violemment. Root n'était pas sûre d'avoir assez d'aplomb pour pouvoir s'interposer entre eux deux. Il fallait qu'elle désamorce la querelle qui s'annonçait violente et désastreuse.

Elle conduisit jusqu'au Hunters Point South Park et les traîna tous les deux à sa suite pour aller s'attabler au LIC landing. Elle aimait bien ce lieu ouvert sur l'East River au milieu du parc.

Il y avait déjà du monde, mais l'endroit restait tranquille.

« Shaw, tu peux aller passer la commande ? Un café Reese ? »

Il hocha la tête.

« D'accord. Donc un café, un thé vert sans sucre pour moi et toi, prends ce que tu veux, il doit y avoir aussi à manger si tu as faim.

- Tu ne veux pas que j'aille faire un tour aussi pendant que j'y suis ?

- Ah très bonne idée, nous sommes samedi, le Green Market est ouvert, si tu voulais bien acheter un kilo de pommes rouges, un kilo de carottes, une livre de tomates, du céleri en branche, une livre d'oignons, deux gousses d'ail, trois fenouils, du gingembre si tu en trouves, ça serait parfait. Tu veux que je te fasse une liste ?

- Tu me prends pour une demeurée ?

- Je n'oserais jamais Sam, vraiment ça ne te dérange pas ?

- Pfff, non, répondit Shaw en haussant les épaules.

- Merci Shaw, c'est très gentil.

- Je suis ton obligée Root, c'est le moins que je puisse faire. »

Si Reese n'avait pas été là et qu'elle l'avait osé, Root lui aurait sauté au cou et l'aurait certainement embrassée. Elle aurait adoré voir la réaction de Shaw.

« Tu sais où c'est ?

- Mouais.

- Tiens, voilà de l'argent. »

Root sortit un porte-feuille de la poche intérieure de son blouson et le lui tendit, quand Shaw le prit, Root lui attrapa les doigts et les serra furtivement entre les siens. Shaw leva les yeux sur elle et Root la vit rougir. Elle lui sourit discrètement et la regarda s'éloigner.

Elle était euphorique !

Reese avait regardé la scène avec attention. Il avait vu Root serrer les doigt de Shaw, celle-ci rougir en réaction, écouté leur échange inconcevable dix mois plus tôt. Voir Root envoyer Shaw faire des courses lui apparaissait complètement effarant. Quant à surprendre Shaw en train de rougir...

« Bon John, maintenant que Shaw est partie, tu lâches le morceau.

- Quoi ?

- Écoute, je sais que tu es furieux, mais j'ai encore besoin de vous deux pour une petite mission aujourd'hui et je n'ai pas envie que vous finissiez par vous écharper. Je peux gérer Shaw, mais pas si tu n'y mets pas du tien, ça ne sera pas possible

- Gérer Shaw ? Root ! Elle a complètement dérapé tout à l'heure, non seulement à notre arrivée, mais en plus, elle a tué neuf hommes sans sourciller. Tu ne gères rien du tout ! Elle est complètement hors de contrôle ! »

Reese était d'un naturel plutôt calme, mais il ne put s'empêcher d'élever la voix et vit Root avoir un mouvement de recul.

« Excuse-moi Root, je ne suis pas en colère. J'ai peur. Peur pour Shaw, peur pour toi, pour moi.

- Il faut lui laisser du temps.

- Je sais, mais tu l'envoies sur le terrain sans lui avoir laissé ce temps que tu me demandes de lui accorder.

- Elle ne peut pas rester sans rien faire et je ne peux pas la laisser chez moi toute seule à se morfondre. Elle déraille dès qu'elle est seule. Samaritain lui a fait subir des simulations, elle ne sait plus où elle en est, si elle vit dans un monde virtuel ou non. Elle s'était lancée dans une croisade stupide et mortelle. Et quand je l'ai retrouvée, elle a failli se tirer une balle dans la tête. Elle fait des cauchemars. Elle a besoin d'être avec nous, que nous lui fassions confiance.

- Et tu as confiance en elle ?

- Oui.

- Tu prends une grande responsabilité Root elle peut t'exploser entre les mains.

- Je suis prête à prendre le risque, je l'ai toujours été, et je ne vais pas l'abandonner maintenant. John, j'ai besoin de toi, j'ai besoin de Sameen. Tu es avec moi ou pas ? Je ferai attention, elle m'a prise par surprise tout à l'heure, mais je serai plus vigilante à partir de maintenant.

- Elle ne peut pas se mettre à descendre la moindre personne qui se met en travers de son chemin... ou du tien. »

Root le regarda attentivement, Reese n'était pas imbécile sous ses airs de gorille mal dégrossi. Il connaissait les sentiments que Root portait à Shaw. Il comptait sur elle pour contrôler Shaw et implicitement il l'assurait de sa confiance. Elle lui en fut reconnaissante.

« J'y veillerai.

- Okay, je te suis alors.

- Merci, John. »

Il lui adressa une grimace de sympathie et ils restèrent en silence à attendre le retour de Shaw.

Shaw était partie faire les courses… pour Root. En fait pour elle et Root. Elle ne put s'empêcher de sourire en y pensant, ouais c'était n'importe quoi. Bon de toute façon elle savait que ce n'était qu'un prétexte. Root voulait parler à Reese, ce dont Shaw n'avait aucune envie. Il n'avait pas du tout apprécié sa petite performance ce matin. Pourtant elle avait fait un joli carton et elle s'était bien défoulée.

Il était chiant, c'était vraiment débile toutes ces précautions, ce point d'honneur à ne tuer personne. En plus, c'était hypocrite. Tirer dans les genoux de quelqu'un pouvait le laisser handicapé à vie. Elle était médecin, elle savait de quoi elle parlait. Tout ça pour garder bonne conscience. Un salaud méritait d'être mort un point c'est tout.

Elle s'arrêta un moment. Pourtant elle avait adhéré à ces conneries avant. Avant de se retrouver sur un lit, le plus souvent attachée, droguée, méprisée, manipulée. Est-ce qu'elle avait vraiment accepté, avant, de tirer dans des genoux plutôt que dans le cœur ou dans la tête ? C'était un peu plus crade dans la tête, ça faisait gicler de la cervelle, du sang et des bouts de boîte crânienne partout, mais quand on était énervé, toute cette boucherie était plutôt une source d'apaisement. Elle fronça les sourcils et fit un effort de concentration.

Pourquoi pouvait-elle avoir accepté de laisser derrière elle des tas de corps se tordant sur le sol plutôt que morts ?

Parce que c'était d'abord, reconnut-elle, un excitant défi à relever. Tirer dans les genoux et atteindre sa cible à chaque coup, demandait une grande adresse. La cible était petite, basse et le plus souvent mouvante, bien plus dure à atteindre qu'un cœur ou une tête, et Shaw adorait les défis et surtout, elle adorait les relever avec brio. Et elle avait rarement raté son coup. Ensuite pourquoi ? Le défi suffisait à ce qu'elle se plie aux règles. Y avait-il une autre raison ? Celle de faire plaisir à Harold ? D'intégrer une équipe de cinglés qui s'amusait à sauver des numéros ? Mouais peut-être aussi.

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Après avoir quitté l'ISA elle s'était ennuyée, même quand elle avait travaillé à droite à gauche comme chauffeur pour des bandes de malfrats en mal de cambriolages spectaculaires. C'était marrant, mais trop répétitif. C'était trop facile aussi. Que ce soit n'importe où dans le monde, elle n'avait jamais eu aucun mal à échapper à la police, à déjouer ses pièges, contourner ses barrages ou les surveillances mises en place. C'était tous des amateurs. Et puis le maniement des armes lui manquait. Elle en avait bien une comme chauffeur au cas où… Mais elle ne s'en était jamais servie, elle n'en avait jamais eu besoin. Elle avait essayé plusieurs pays, plusieurs bandes, mais à chaque fois elle avait fini par se lasser.

Elle avait besoin d'autre chose. Elle était grillée pour l'armée aux États-Unis. Elle avait pensé un temps à la légion étrangère française, mais elle se faisait peu d'illusions sur ce qu'on lui proposerait comme affectation, si jamais ils l'acceptaient, ce qui n'était pas gagné d'avance. Alors ?

Mercenaire ? Elle détestait les mercenaires, elle en avait croisé en Afghanistan. C'était la plupart du temps des cons, pas toujours sérieux, ni courageux, ni compétents. En plus, ils servaient le plus souvent de plantons - merci bien - pour des installations classées sensibles, de gardes du corps ou d'auxiliaires auprès de services de police ou d'unités militaires pourries avec qui ils partageaient les débauches et les exactions. Très peu pour elle.

Et puis... elle avait repensé à l'ancien militaire, l'ex-agent de la CIA, et au gars à la tête de prof. Ils lui avait proposé de reprendre un job sensiblement comparable à celui qu'elle faisait pour l'ISA.

Elle s'était bien amusée à l'ISA. Les missions étaient variées, intéressantes. Elle avait du matériel dernier cri à sa disposition et pouvait mettre en pratique tout ce qu'elle avait appris au cours de sa vie : conduite, tir, survie, surveillance, interrogatoires, médecine, combat, enfin tout. Peut-être serait-ce la solution ? Elle était rentrée à New-York, avait trouvé la planque de Finch, cet idiot croyait être bien caché, et avait commencé à bosser pour eux, et puis voilà, elle s'était mise à dégommer des genoux.

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Maintenant... Ce matin, elle avait oublié tout ça. Ce gars qui avait voulu poser sa main sur Root, ce ridicule Little Chuck qui l'avait insultée. Ça l'avait prodigieusement énervée. Ils puaient tous en plus, la bière, le tabac, la transpiration. Ça lui avait soulevé le cœur et quand elle les avait tous butés, elle avait enfin pu recommencer à respirer, contente d'être là, d'être avec Root aussi.

Root ne lui avait fait aucune remontrance, c'était Reese qui posait problème. Elle reprit son chemin vers le marché. Root réglerait le problème et Reese ne viendrait pas lui chercher des noises. S'il le faisait, elle lui casserait la gueule et le problème serait réglé. Ou peut-être pas... Il valait mieux faire confiance à Root. Mouais ça, c'était une meilleure idée.

Elle se dépêcha de faire les courses, les gens avait tous l'air bizarre dans le marché, comme s'ils n'étaient pas réels. Elle avait l'impression de se mouvoir dans un jeu vidéo pour demeurés. Ils étaient trop beaux, trop propres sur eux, trop souriant, dégoulinant de bonheur et de sérénité. Elle commençait à transpirer et la panique plantait peu à peu ses griffes dans sa poitrine. Il fallait qu'elle sorte, vite. Elle bouscula deux-trois personnes aux caisses, ils râlèrent, elle leur lança un regard noir. Ils lui trouvèrent une tête de névrosée et la laissèrent passer sans plus protester. Elle régla ses achats en vitesse et se précipita dehors. Il fallait qu'elle retrouve les autres, rapidement.

Root la vit arriver pratiquement au pas de course, traînant ses paquets avec aussi peu de soin que si elle avait transporté des sacs de patates. Elle pensa tristement que ses malheureuses tomates, si Shaw en avait trouvé, allaient ressortir toute talées de leur paquet malmené. Shaw arriva si vite qu'elle faillit renverser la table.

« Zut, je n'ai pas commandé les boissons »

Root s'aperçut qu'elle transpirait et qu'elle avait l'air égaré.

« Ce n'est pas grave Sam, pose tes paquets et viens faire un tour avec moi, on passera la commande ensemble. John, tu veux bien nous excuser cinq minutes ? »

Elle n'attendit pas la réponse, passa son bras sous celui de Shaw et la tira avec elle. Elle s'éloigna un peu et repéra un endroit à peu près tranquille. Le parc ne regorgeait pas de lieux où on pouvait bénéficier d'une certaine intimité, mais tant pis, Shaw était en train de glisser et elle voulait l'arrêter avant qu'elle se mette encore, à faire n'importe quoi. Elle la tourna face à elle.

« Shaw. »

Pas de réponse ni orale, ni physique .

« Sameen, dit elle doucement »

Elle l'attira contre elle et le serra dans ses bras. Shaw resta inerte.

« Sameen, s'il te plaît »

Elle remonta une main sur la nuque de Shaw et commença à la caresser doucement. Shaw laissa tomber sa tête sur son épaule et referma ses bras autour de sa taille. Elles restèrent un moment immobiles. Tout à coup, Shaw la serra de toutes ses forces contre elle et Root la sentit lui enfoncer les dents dans le creux de l'épaule. Elle la mordit férocement. Root serra les dents pour ne pas crier et ne pas bouger. Shaw lui écrasait les vertèbres avec ses mains et elle sentait son sang couler sous la morsure à l'épaule. Elle continua à lui caresser doucement la nuque et attendit. Enfin, Shaw relâcha son étreinte et arrêta de la mordre pour revenir placer son front sur son épaule. Elle respirait amplement, Root la laissa récupérer patiemment. Quand elle pensa qu'elle était prête, elle l'écarta d'elle.

« Tu viens ? John va s'impatienter et j'aimerais vraiment boire un thé.

- Oui d'accord.

- Ça va mieux ?

- Oui merci. C'est euh… le marché, les gens, je...

- C'est okay Sameen, tu n'as pas à t'expliquer.

- Mais...

- Chuuuut, souffla Root.

Elle se pencha sur Shaw et lui posa un baiser sur les lèvres.

« Viens maintenant »

La sensation avait été fugace, mais… euh… réconfortante, décida Shaw.

Root quant à elle se demandait ce qui avait bien pu lui prendre de l'embrasser comme ça en plein parc, elle n'était pas très démonstrative, quoi que les gens puissent en penser et elle détestait les grandes effusions en public. Ça l'avait toujours énervée quand les gens s'y adonnaient et forçaient de parfaits inconnus à y assister. Mais Sameen lui avait semblé si vulnérable, si misérable, que cela avait été instinctif. Bah au moins Shaw ne l'avait pas jetée et elle semblait beaucoup plus normale que tout à l'heure quand elle avait percuté, tête baissée, leur table. Et Root devait s'avouer que la sensation d'embrasser Shaw avait été très agréable et qu'elle retenterait bien l'expérience dans un lieu plus propice, à un moment... plus propice aussi. Et quand ça arriverait, elle prendrait tout son son temps et prolongerait les sensations plus longtemps... du moins si Shaw la laissait faire...

Pfff, soupira-t-elle, il fallait qu'elle se calme avant de sauter imprudemment, là tout de suite, sur Shaw et de se prendre une châtaigne… ou pas, peut-être. Elle ne savait pas. Elle secoua la tête et remisa ses fantasmes au fond d'un placard bien dissimulé à la vue de tous... ou presque. Parfois en présence de Shaw, elle manquait de discrétion.

Elles passèrent commande et revinrent avec les gobelets s'asseoir en compagnie de Reese. Il eut la délicatesse de faire comme s'il n'avait rien remarqué de suspect et chacun but avec plaisir sa boisson. Shaw avait pris un grand café et des pâtisseries qu'elle mangea de bon appétit.

« Bon, tout le monde va bien ? Vous êtes prêts pour la suite ?

- Qu'est-ce que tu as programmé ? L'attaque d'un dépôt d'armes clandestin, le démantèlement d'un réseau d'esclavagistes, la libération d'un otage de la triade chinoise ? demanda Shaw sarcastique.

- Il y a un peu de ça. La Machine veut juste que j'aille récupérer quelqu'un retenu contre son gré dans un entrepôt à Newark.

- Qui est-ce, demanda Reese.

- Aucune idée. Elle m'enverra plus tard d'autres instructions. Pour l'instant, j'ai sa localisation. Il est retenu par un groupuscule d'extrémistes anti-gouvernementaux.

- Quel rapport avec l'opération de ce matin ?

- Hum, toujours l'esprit vif Sam, mais je ne peux pas te répondre pour l'instant »

Shaw grimaça à son intention, elle savait très bien que, même si elle agissait de façon erratique, Root suivait toujours un plan pré-établi où chaque mouvement prenait place après un autre et en précédait un nouveau. Que tout était, sous une fausse apparence illogique, parfaitement ordonné.

Root ne savait pas toujours pourquoi elle partait en mission, quel en était l'objectif réel et elle s'en fichait carrément. Elle suivait juste aveuglément et gaiement, la plupart du temps, les ordres de la Machine qui elle, savait parfaitement ce qu'elle faisait. Shaw ne comprenait pas que Root puisse ainsi aveuglement obéir à des ordres sans savoir de quoi il en retournait. Elle était injuste à vrai dire. Elle savait très bien ce que c'était que de suivre des ordres sans poser de questions, sans se, poser de questions. C'est ce qu'elle avait fait pendant six ans, à l'armée d'abord puis à l'ISA. Elle était vraiment mal placée pour traiter Root de fanatique… sauf que Shaw avait toujours obéi à des hommes ou des femmes, en chair et en os, et que Root obéissait à ce truc, ce robot, cette IA. Mais bien sûr Shaw, pensa-t-elle dans un élan de lucidité, parce que qui donnait réellement les ordres à l'ISA ? Ouais bon c'est vrai, c'était La Machine déjà, mais elle ne le savait pas, alors ce n'était pas pareil et...

« Bon Shaw, tu arrives ou quoi ? »

Elle sursauta et leva les yeux sur Reese. Root et lui étaient debout et l'attendaient. Reese portait même dans ses bras les paquets que Shaw avait rapportés du marché.

« Oui, oui, je viens.

- Tu te tritures trop l'esprit Sameen. Tu devrais penser à te détendre un peu, lui conseilla Root gentiment, un peu de distraction te ferait du bien. Je vais voir si je ne peux pas te trouver quelque chose à faire pour ce soir »

Shaw repensa à son capitaine en Afghanistan et se mit à rougir, l'air vraiment gêné. Cela n'échappa pas à Root.

« Sam ?

- Laisse tomber Root et épargne-moi tes sarcasmes. »

Root la regarda s'éloigner interloquée. Pour une raison qu'elle n'avait pas identifiée Shaw fuyait droit devant elle, l'air franchement confus, rouge comme une pivoine.

« Mais qu'est-ce que j'ai dit ? demanda-t-elle en regardant Reese, sans comprendre. »

Reese haussa les épaules en signe d'ignorance. Il préférait de toute façon ne pas savoir ce qui motivait parfois, les réactions de l'une ou de l'autre des deux jeunes femmes, quand elles étaient ensemble. Elles inter-agissaient parfois si étrangement, qu'il se doutait que les réponses qu'il pourrait trouver pour expliquer leurs attitudes l'une envers l'autre deviendraient vite embarrassantes. Qu'elles se débrouillent toutes seules !

Il se mit en marche laissant Root songeuse. Elle le rejoignit et lui proposa son aide pour porter les paquets. Il refusa galamment et Root ne put s'empêcher de le taquiner sur ses manières de chevalier-servant. Ils continuèrent à gentiment s'échanger des piques. Ils ne s'étaient jamais trop appréciés auparavant. Root trouvait que c'était une brute stupide et Reese l'avait classée depuis qu'elle avait enlevé Finch, comme élément incontrôlable, dangereux et psychotique. Plus tard, il avait reconnu qu'elle n'était pas dénuée de qualités et qu'on pouvait, dans une certaine mesure, lui faire confiance. Mais quand Shaw avait disparu, Reese avait découvert que Root n'était pas aussi folle qu'elle en avait parfois l'air. Il s'était surtout mis à l'admirer, pour son courage, sa fidélité, sa détermination et le respect qu'elle témoignait à Finch.

Elle était restée à ses côtés quand il était en danger et Root avait aussi cessé de le traiter en homme de Cro-Magnon sans cerveau. Ils s'étaient découverts bons compagnons et depuis leurs relations étaient devenues amicales. Il devait avouer qu'il l'aimait bien, même s'il se sentait plus proche de Shaw.

Shaw les attendait appuyée contre la Bentley. Elle s'était recomposé un visage impassible et à l'arrivée de Root, elle tendit la main.

« Je peux conduire ?

- Tu connais la route ? demanda Root en lui tendant les clefs »

Shaw vexée qu'on puisse mettre en doute sa connaissances de la ville lui arracha les clefs des mains sans un mot et ouvrit la voiture. Elle régla le siège et les rétroviseurs et démarra en trombe.

« Sam, conduis si tu veux, mais ce serait bien d'éviter le commissariat ou la fourrière.

- Reese nous arrangera le coup, répliqua-t-elle sèchement.

- Oui, enfin pas si tu écrases deux ou trois piétons ou que tu envoies des voitures dans le décor. Là, je ne pourrai rien faire.

- Vous n'êtes que deux rabat-joies.

- Tu veux que je t'emmène sur un circuit ce soir ?

- C'est naze les circuits, on n'y rencontre que des prétentieux qui se croient les rois de la route et qui ne savent même pas ce qu'est un moteur, qui n'ont jamais mis les mains dans le cambouis. Ils ne savent même pas faire une vidange, imagine, déclara-t-elle d'un ton sec et méprisant.

- J'imagine sans peine Sam, plaisanta Root lui tapotant la main posée sur le levier de vitesse.

- Tu saurais changer une courroie de transmission Root ? la défia Shaw. »

Shaw retira brusquement sa main, cette conversation l'énervait prodigieusement.

« Bien sûr Sam que je saurais, d'ailleurs j'ai déjà travaillé comme mécanicien dans un garage. »

Évidemment... comment Shaw avait-elle pu croire qu'elle allait avoir le dernier mot ?

Elle se renfrogna et pour faire passer sa frustration, elle appuya sur l'accélérateur, fit peur à un pauvre conducteur en costume-cravate en lui passant sous le nez et en klaxonnant au dernier moment. L'homme terrifié freina brusquement et la voiture derrière lui, s'encastra bruyamment dans la sienne.

Shaw grimaça méchamment un sourire de satisfaction.

Root et Reese s'abstinrent le reste du trajet de lui faire la moindre réflexion et se contentèrent de s'accrocher à leur siège en espérant qu'ils ne croiseraient aucune patrouille de police occupée à ne rien faire. Le dieu des chauffards devait s'ennuyer ce jour-là car ils arrivèrent sans encombre à Newark. Une fois dans la zone portuaire, Root guida Shaw, lui répétant les indications que lui donnait au fur et à mesure La Machine. Shaw finit par s'arrêter sur un petit parking.

« Tu t'es bien amusée Shaw ? lui demanda Root mi-figue mi raisin en descendant de voiture.

- Ouais, pourquoi ? La balade ne t'a pas plu ?

- Euh, les filles, vous ne voudriez pas remettre cette discussion à plus tard ? Ce n'est pas que je m'ennuie, mais j'avais cru comprendre qu'on nous attendait. »

Il ne voulait pas les voir entamer une querelle où Root finirait immanquablement par avoir le dernier mot comme elle l'avait toujours avec Shaw. En plus, celle-ci avait déjà l'air de très mauvaise humeur et il n'avait pas envie qu'elle se mette ensuite à tirer sur tout ce qui bougeait pour se passer les nerfs.

« Désolée John, s'excusa Root. Bon alors, La Machine n'a pas de données permanentes sur l'entrepôt. Il n'y a pas de caméra de surveillance. Ces données proviennent des ordinateurs ou des portables qui sont, ou ont été en service à l'intérieur du bâtiment. Actuellement, elle ne peut couvrir qu'une partie des lieux. Les occupants sont des paranos, pas aussi bien organisés que ne l'était Vigilance, mais ils sont comme eux adeptes des solutions radicales et violentes. Ils ont aussi la gâchette facile et sont bien équipés en armes légères et en armes lourdes. Il faudra être prudents. Nous pourrions prendre quelques grenades assourdissantes. La Machine pense que toi Shaw, tu pourrais t'équiper du Ludis, t'infiltrer par le toit et trouver un emplacement pour nous couvrir durant toute l'opération, John et moi nous chargerons de localiser notre cible et de l'extraire sans dommage. »

Shaw prit sa proposition comme une insulte, elle comprenait très bien que Root voulait l'écarter de la scène des opérations.

« Shaw, arrête de faire la tête, c'est toi la meilleure tireuse de nous trois, de plus c'est toi la plus agile. Je me vois mal monter en un temps raccord sur le toit, le Ludis dans le dos et passer par un minuscule vasistas, quant à John il est trop gros.

- Par où faut-il que je passe ? »

Root lui expliqua la configuration des lieux et lui remit une oreillette.

« Tu nous préviens quand tu es en position et tu restes bien en contact avec nous, d'accord ?

- Mouais. »

Elle s'éloigna le fusil dans le dos, pas très sûre que les arguments de Root aient été déterminants pour lui faire apprécier le rôle du tireur en couverture. Elle était contrariée que Root puisse ne pas lui faire confiance. En même temps, elle avait quand même un chouette fusil et Root avaient reconnu ses compétences. En plus l'air de rien, même si elle voulait l'éloigner, et ça, ça la rendait furieuse, elle mettait quand même sa vie et celle de Reese entre ses mains, au cas où ils seraient débordés. Mais si elle étaient venue avec eux, ils n'auraient jamais couru ce genre de risque.

« Sam, tu ne fais pas n'importe quoi une fois à l'intérieur. Je n'ai pas de visibilité sur une grande partie de l'entrepôt et je sais pas combien d'hommes sont à l'intérieur. J'ai vraiment besoin de toi, tu seras mes seuls yeux dans les zones d'ombres.

- Tu n'as pas confiance ?

- Je n'aime pas te savoir seule. Loin de moi.

- Pour me surveiller ?

- Ce n'est pas toi qui m'a demandé de le faire ce matin ?

- …

- Sameen ?

- Si c'est moi, désolée. Tu peux compter sur moi.

- Montre-moi ce que tu sais faire Sam, j'aime quand tu m'impressionnes, plaisanta Root.

- T'es débile !

- Où es-tu ?

- J'arrive sur le toit. Attends...Voilà, c'est bon je suis à l'intérieur. C'est juste un grand entrepôt avec des bureaux à l'étage, sur le côté opposé à l'entrée… Euh, il y a une porte de service sur la gauche.

- Tu vois des hommes ?

- J'en vois quatre en train de jouer aux cartes sur une caisse près des escaliers menant aux bureaux. Je distingue aussi deux silhouettes derrière les vitres.

- C'est bon ceux-là je les vois. Il sont trois de plus, c'est l'entrepôt qui est aveugle.

- Je ne vois pas tout Root. Il y a beaucoup de caisses et de containers, ma vision est partielle. Je ne suis pas sûre qu'il n'y ait pas d'autres gars disséminés ailleurs.

- Tu vois la porte principale et la porte de service d'où tu es ?

- Oui.

- Ça suffira. On arrive, tu couvres cette zone et tu nous communiques tout ce que tu vois.

- Je m'occupe des quatre avant votre entrée ?

- Juste à notre arrivée. Hé Sam ?

- Oui ?

- Évite de les envoyer au cimetière si ce n'est pas absolument nécessaire. Considère que c'est une faveur que tu me fais.

- Tout ce que tu veux, Root.

- À tout de suite. »

Root était capable de lui faire faire vraiment n'importe quoi. En fait, elle serait peut-être capable de faire n'importe quoi juste pour qu'elle lui adresse un sourire approbateur. Ou un sourire tout court, c'était bien aussi.

Shaw attendit le signal, puis se mit à aligner les gars. Ce n'était pas si facile. Le chargement du Ludis n'était pas rapide et elle perdait du temps entre chaque tir. Mais Root et Reese se déplacèrent rapidement et à eux trois ils mirent vite l'ensemble des hommes hors de combat.

Shaw tua quand même un homme. Root n'avait pas reçu d'instruction militaire et elle ne réagissait pas très vite à ses indications de position. À un moment, Shaw vit un homme en embuscade derrière elle, Root était occupée à échanger des coups de feu avec un autre type et elle n'avait pas remarqué l'autre homme arriver. Quand elle eut mit son adversaire à terre, elle se mit à découvert, l'homme derrière elle, surgit de derrière une caisse et la mit en joue. Shaw n'avait pas d'angle de tir.

« À cinq heures Root ! »

Root hésita commença à se tourner du mauvais côté, Shaw jura, sortit son arme de poing et arrosa l'endroit où se tenait le gars, elle savait qu'elle n'avait aucune chance de le toucher, mais c'était juste pour le forcer à se mettre à couvert et que Root fasse de même. L'homme avait tiré une fraction de seconde avant qu'elle ne tire, mais il avait été perturbé par la soudaine pluie de balles et son arme avait dévié. Shaw vit Root chanceler. Merde, elle avait été touchée !

« Root !

- Ça va ce n'est rien, Sam. »

Shaw passa le fusil en travers de son épaule gauche, sauta dans le vide, se reçut sur une caisse, roula sur son épaule droite, sauta plus bas, se remit en position et attendit. Elle était calme, concentrée et quand l'homme réapparut sa tête explosa.

- Root ?

- Où es-tu Sam ?

- À une heure, sur les containers.

- Okay, je te vois. Ne bouge pas, tu continues à couvrir les entrées. Tu les vois toujours toutes les deux ?

- Oui, mais...

- Shaw tu ne bouges pas et tu fais ce que je te dis, aboya Root.

- Okay reçu, se défendit Shaw.

- John ?

- Bureaux nettoyés.

- Tu as trouvé l'homme que nous cherchions ?

- Oui, mais il est dans un sale état. Il a une tête de junkie.

- Je sais, c'était pour ça aussi la drogue ce matin. Tu as placé les pains d'héroïne de notre ami Little Chuck dans leur coffre ? la combinaison que je t'ai donnée était la bonne ?

- Oui, pas de problème, tout est en place. Il n'y a plus qu'à emmener l'otage et à appeler les stups.

- On les appellera un peu plus tard. Emmène l'otage à la voiture. Je voudrais faire un petit tour, j'ai quelque chose à récupérer dans l'entrepôt. Je garde Shaw en couverture et la Machine me préviendra si quelqu'un vient.

- D'accord, je vous attends sur le parking, s'il y a un problème tu m'appelles. »

C'était agréable de travailler avec John, il était discipliné, efficace et ne posait jamais trop de questions.

Quant à elle, elle avait un petit cadeau pour Shaw. Elle avait demandé conseil à La Machine et elles avaient trouvé exactement ce qu'il fallait à Sameen pour s'amuser un peu. La Machine avait un peu rechigné, mais Root avait su se montrer convaincante. Se mettre en danger et violer la loi de temps en temps, n'avait rien de répréhensible, et là, c'était pour la bonne cause. La Machine avait fini par accepter et Root était très contente d'elle.

Elle navigua entre les containers, détourna la tête en passant devant le cadavre de l'homme que Shaw avait tué et finit par trouver celui qu'elle cherchait. Elle l'ouvrit. Oui, c'était une super idée, pensa-t-elle ravie. Shaw allait adorer.

« Sam ?

- Oui.

- Tu peux descendre et venir me rejoindre ?

- J'arrive. »

Root l'entendit progresser par bonds.

« Root où es-tu ? Je ne te vois plus.

- Tu es où ?

- Là, où tu étais tout à l'heure quand tu t'es fait tirer dessus.

- Attends-moi, je viens te chercher. »

Elle trouva Shaw qui l'attendait encore sur ses gardes. Elle frémit en la voyant. Shaw avait cette façon animale de dominer son environnement, de contrôler l'espace dans lequel elle se mouvait comme s'il était son territoire. C'était absolument fascinant. Vêtue de noir, le fusil en travers de l'épaule, les jambes légèrement écartées, les bras souples et disponibles, elle était prête à bondir. Elle avait l'âme d'un dangereux prédateur.

Root pensa que ses ancêtres perses devaient compter parmi eux un guerrier mythique ou une déesse sanguinaire qui avait choisi de transmettre une partie de son héritage à Shaw. Elle était exaltante. Vraiment. Root adorait la voir comme ça.

Shaw lui sauta dessus en la voyant.

« Root montre-moi, où as-tu été touchée ?

- Laisse tomber Sam, je...

- Arrête, je sais que tu as reçu une balle. Montre-moi ça tout de suite. »

Root soupira, mais écarta son blouson et leva son pull. La balle l'avait effleurée, elle saignait, mais c'était sans gravité. Shaw prenait son rôle au sérieux, elle examina attentivement la blessure et palpa les contours de la plaie.

« Okay, ce n'est pas grave, mais il faudra que je te mette quand même un pansement et une crème antibiotique. »

Root sourit. Shaw releva les yeux.

« Quoi ?

- Rien Sameen. Allez, laisse-ça. Viens, j'ai une petite surprise pour toi.

- Root, attends. Comment fais-tu avec la Machine ? Comment te désigne-t-elle tes cibles ?

- Par des sons, plus ou moins aigus.

- Vous êtes vraiment bizarres toutes les deux.

- Oh Sameen ! Commencerais-tu à éprouver un semblant de sympathie pour La Machine, elle va être ravie de l'apprendre.

- Toi et ta boîte de conserve !

- Ne sois pas jalouse, lança-t-elle en riant, et suis-moi. Je suis sûre que tu vas adorer ce que je t'ai réservé… Ce que nous, t'avons réservé. »

Shaw leva les yeux au ciel, mais Root lui attrapa la main sans lui demander son avis et la tira à sa suite, elle était sur-excitée. Shaw se demandait ce qu'elle, ce qu'elles, avaient bien pu lui préparer. Elle avait plus ou moins confiance dans le résultat. Root pouvait se montrer excentrique, fantasque, et le fait que La Machine soit de la partie ne lui disait rien qui vaille. Elle arriva devant un grand container. Root trépignait, son visage s'éclaira soudain.

« J'ai une super idée. Attends, viens par-là »

Elle la poussa un peu plus loin, dans un espace dégagé, et sortit un foulard de sa poche de blouson. Elle le replia pour lui donner lui donner la forme... d'un lien ? Shaw lui lança un regard de mise en garde.

« Ne t'inquiète pas, je ne vais pas t'attacher si c'est que tu crains, juste te bander les yeux.

- Mais n'importe quoi, c'est hors de question. Qu'est ce que tu fous Root ? Reese nous attends dehors avec un gars réduit à l'état d'une chique molle d'après ce qu'il en a dit, et toi, tu veux jouer à colin-maillard ?

- Personne n'est en danger, La Machine nous protège. Allez Sam, s'il te plaît. Je t'assure que tu vas être très contente. »

Shaw se rembrunit. Qu'est-ce que c'était que ce… scénario ? Elle sentit son estomac se nouer. Elle chercha les yeux de Root comme une bouée de sauvetage. Root avait senti son trouble, elle lui sourit gentiment et tenta de la rassurer.

« Ce n'est pas un piège Shaw, juste un cadeau, pour te remercier d'avoir veillé sur moi aujourd'hui. Et… aussi parce que je pense que tu as besoin de te distraire, de faire quelque chose qui te fera vraiment plaisir, qui chassera au loin, même si ce n'est que le temps d'une soirée, tous tes démons. Un truc grâce à quoi, pour reprendre les mots qui te viendraient à la bouche, tu vas vraiment prendre ton pied. Et ça n'a rien à voir avec le maniement d'une arme quelconque ou des ébats torrides. »

Root lui adressa une grimace encourageante pleine de promesses.

« Tu crois vraiment que...

- Sam, tu vas adorer. Si ce n'est pas le cas je m'engage à faire tout ce que tu voudras pendant vingt-quatre heures.

- Ah ouais, tu prendrais ce risque ?

- Parfaitement. »

Root semblait s'amuser comme une folle, elle n'arrivait même pas à tenir en place et passait d'un pied sur l'autre, Shaw voyait qu'elle luttait pour ne pas afficher un sourire encore plus grand que celui qu'elle arborait déjà. Elle ressemblait à une ado préparant un bon tour à ses copines.

Elle était fêlée, mais Shaw ne put s'empêcher de la trouver inoffensive et vraiment craquante. Comment pouvait-elle résister à une joie aussi communicative ? Elle sentait des vagues de pensées folâtres rouler vers elle, l'entourer, rendre l'air plus léger, plus frais, chasser peu à peu tout le noir qui enserrait son âme et son cœur. C'était complètement déstabilisant et elle était à deux doigts de céder à l'euphorie dégagée par Root.

« D'accord alors. Mais t'as intérêt à ce que ça me plaise. »

Root vint lui poser le foulard sur les yeux et le noua derrière sa tête. Elle posa ses mains sur les épaules de Shaw et se pencha pour lui parler à l'oreille.

« Tu ne bouges pas d'accord ? Je reviens et tu ne triches pas, quoi qu'il arrive. Tu attends que je vienne te retirer ton bandeau. Okay ?

- Hum, c'est bon Root, je t'attends.

- Super, s'exclama Root en lui déposant un baiser sonore sur la joue. »

Elle s'éloigna en courant. Shaw l'entendit monter les escaliers qui menaient aux bureaux. Elle fronça les sourcils, elle avait compris que sa surprise était dans le container devant lequel elles s'étaient arrêtées tout à l'heure, pourquoi Root était-elle partie dans les bureaux ? Elle l'entendit redescendre quatre à quatre les marches de l'escalier, passer devant elle. Elle s'arrêta, lui attrapa la tête et lui reposa un baiser sur la joue.

« Root, grogna Shaw

- J'arrive tout de suite ! »

Elle était folle. Ensuite Shaw reconnut le bruit d'une porte de container qu'on ouvre, puis plus rien, puis... Elle se figea et tendit l'oreille. Un bruit de moteur et pas de n'importe quel moteur, un moteur puissant, et vu le bruit même au ralenti, bien arrangé. La voiture approcha. Shaw s'impatientait, elle en piaffait d'avance. Root coupa le contact, ouvrit la portière et vint se placer près de Shaw.

« Alors ? Ça te plaît ? lui murmura-t-elle à l'oreille.

- Enlève-moi ce truc Root.

- Ce que tu peux te montrer impatiente Sam.

- Root.

- Et... très sage, je dois bien l'avouer. »

Oui c'était vrai, ragea Shaw, elle mourait d'envie de voir la voiture qui se trouvait devant elle et elle n'avait même pas bougé, pas même eu un geste pour retirer son bandeau. Elle se sentit stupide. Mais Root le lui retira et elle resta les bras ballants en découvrant la voiture.

Root l'observa amusée. Shaw était fascinée, elle s'approcha de la voiture, passa sa main sur la carrosserie, commença à en faire le tour, examinant tous les petit rajouts qui avaient transformer cette Nissan GTR en bête de la route. Et elle n'avait encore regardé ni dans l'habitacle, ni sous le capot.

« Shaw, tu m'excuseras il faut que je règle le problème de notre petit otage et John commence à s'impatienter. »

Shaw fit un vague signe pour lui signifier qu'elle avait entendu et continua son examen.

Root s'éloigna. Elle appela d'abord Jason Greenfield et lui demanda de venir récupérer l'otage. Elle lui expliqua que la Machine voulait qu'il prenne soin de lui, qu'il avait été forcé de devenir un junkie, mais qu'elle avait des doses d'héroïne, qu'il trouverait dans un sac posé sur la banquette arrière de la Bentley, pour le maintenir avant de se lancer plus tard, dans un programme de désintoxication. Elle ne savait pas qui était cet homme et pourquoi la Machine avait besoin de lui, mais Jason lui assura qu'il saurait s'en occuper. Il avait eu des parents accros aux drogues dures et il avait l'habitude de traiter avec ce genre de personne.

Ensuite, elle contacta Reese et lui dit qu'après avoir remis l'otage à Jason, il pourrait reprendre sa liberté et que La Machine se chargerait d'appeler les stups quand elle en aurait fini à l'entrepôt.

« Merci John... Pour tout.

- Je t'en prie Root. Comment va Shaw ?

- Ça va pour l'instant et je peux te certifier qu'elle ne posera plus aucun problème pendant un petit moment.

- Qu'est-ce que tu as prévu ?

- Une petite sortie entre filles. Rien de bien méchant.

- Fais quand même attention à toi et... prends soin d'elle.

- Tu sais bien que Sam est l'une de mes priorités absolues et je vais la dorloter comme un gros bébé.

- Mouais, sois prudente quand même.

- Merci John, je te revois lundi ou mardi.

- Amuse-toi bien.

- J'y compte bien ! »

Voilà, maintenant elle pouvait tout entière se consacrer à Shaw.


Texte publié par Mélicerte, 23 novembre 2016 à 10h53
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