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tome 2, Chapitre 2 « Carpe diem » tome 2, Chapitre 2

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Je remercie une fois de plus TaTchou pour sa relecture et ses remarques qui viennent parfois heureusement m'apporter quelque réconfort.

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Shaw se réveilla baignant dans un total et merveilleux sentiment de bien-être et de sécurité.

C'était si inattendu qu'elle pré-sentit un piège. Elle garda prudemment les yeux fermés et tous ses sens en alerte, commença à analyser son environnement. Elle était couchée dans un lit. Le matelas était ferme comme elle les aimait, les draps légers et doux, l'endroit où elle se trouvait, silencieux, de dimensions réduites sans qu'elle ne se sente oppressée par celles-ci, il se dégageait au contraire de la pièce, une grande quiétude. La température était agréable aussi. Elle passa à son environnement plus proche et elle comprit pourquoi elle se sentait si bien. Elle était lovée dans les bras de quelqu'un, à l'odeur elle sut tout de suite de qui il s'agissait. Root.

Dans un mouvement animal, elle frotta son front contre son épaule, grognant de contentement. Elle se demanda un instant si elle était plongée dans une simulation, puis décida qu'elle s'en fichait, simulation ou pas il y avait longtemps qu'elle ne s'était pas sentie si bien. Root dormait, sa respiration était calme et profonde. Elle tenait Shaw entre ses bras, une main reposait sur une de ses épaules et l'autre était passée par-dessus sa taille et pendait mollement dans son dos. C'est alors que Shaw réalisa qu'elle était nue.

Merde.

Elle chercha à se remémorer comment elle avait pu atterrir nue dans le lit de Root. C'était carrément flippant, gênant, pas possible. Elle n'osait plus bouger, à peine respirer, si Root se réveillait, la situation deviendrait parfaitement horrible. Elle délibéra un moment pour savoir quelle attitude adopter. Elle n'avait aucune envie de partir, mais ne pouvait imaginer affronter Root dans cette tenue. Le reste elle s'en foutait, mais nue ce n'était pas envisageable. Elle commença lentement à bouger, repoussa doucement le bras passé par-dessus sa taille, puis la main sur son épaule et commença à se dégager, mais Root gémit dans son sommeil et ses bras revinrent prendre leur position initiale, elle resserra même son étreinte. Elle ne s'en sortirait jamais. Elle s'immobilisa un instant n'osant plus faire un geste de peur de la réveiller. Puis elle recommença à manœuvrer prudemment. Elle fut récompensée de sa patience au bout de dix minutes, Root l'avait enfin lâchée et s'était retournée sur le ventre en soupirant. Shaw sortit du lit, chercha ses affaires dans la chambre.

Elle fit une moue en récupérant son short et son débardeur, ils étaient trempés et quand elle les porta à son nez il s'en dégageait une odeur forte faite d'un mélange aigre d'urée et plus doux, presque sucré de transpiration plus saine. Elle détestait l'odeur malsaine provoquée par la peur, la fatigue ou l'énervement, mais elle adorait son odeur, sa vraie odeur, celle de son corps quand elle avait fait un effort, qu'elle avait couru. Souvent, après s'être changée et avoir pris une douche, elle ne pouvait s'empêcher de plonger son visage dans le tee-shirt ou le débardeur qu'elle avait porté et de s'enivrer de sa propre odeur. Elle y trouvait toujours beaucoup de plaisir et un sentiment réconfortant : celui de s'aimer, de s'apprécier, de reconnaître la valeur de son corps, de sa personne et elle pouvait rester de longues secondes à respirer ainsi comme un animal s'assurant que son propre territoire était bien sous contrôle.

En tout cas, elle ne pouvait pas remettre ces vêtements trempés. Elle les prit à la main et sortit silencieusement de la chambre. Elle ne savait pas trop quoi en faire, hier elle avait posé, après sa douche, la tenue qu'elle portait sur un fauteuil du salon et avait négligé de demander à Root où elle pouvait les mettre. Elle plia sommairement le short et le débardeur et les glissa sous ses autres vêtements restés dans le salon. Elle verrait quoi en faire demain matin ou au pire les balancerait à la poubelle. Elle leva son bras replié et enfonça son nez dans le creux de celui-ci. Elle inspira longuement et eut une moue de satisfaction. Elle ne puait pas, elle sentait même plutôt bon. C'était bien, elle n'avait pas envie de prendre une douche, ni de s'attarder plus longtemps debout. Elle sortit du salon et alla prendre un change dans le dressing.

Les placards, fermés à clef, lui firent de l'œil. Elle ignora son désir de tenir un flingue dans la main et le plaisir tentant qu'il lui donnerait de faire quelques cartons. Elle n'avait pas vraiment envie de sentir l'adrénaline monter. Elle se sentait bien, une sensation qui l'avait abandonnée depuis de nombreuses semaines. Elle voulait retenir ce moment, ne pas le gâcher, en profiter et en jouir le plus longtemps qu'elle pourrait. Depuis qu'elle s'était évadée... ou pas, parfois elle en doutait, bref, disons que tout ça était réel, là maintenant… la survie avait été son seul objectif, la survie et la traque. Elle avait fui Samaritain pour se transformer en franc-tireur toujours sur la défensive, toujours fixée sur un objectif, tuer un agent. Et quand cet objectif était atteint, elle passait à un autre, tuer un autre agent et ainsi de suite sans fin.

Mais là, en se réveillant tout à l'heure, elle s'était retrouvée ailleurs. Plus de traque, plus de survie, plus de danger, plus de surveillance attentive de son environnement. Elle s'était… elle s'était quoi en fait ? Elle secoua la tête et se dit que ce n'était pas la peine de tenter d'analyser quoi que se soit, qu'il suffisait de ressentir, que cela suffisait amplement à son bien-être et que penser était une perte de temps que ne pouvait se permettre un soldat en pleine guerre. Il fallait profiter, vite et avec le plus de profit, de ce que la vie à un moment donné pouvait offrir et surtout ne pas gâcher ce moment, parce qu'ils étaient souvent éphémères et qu'on ne savait jamais s'ils dureraient longtemps ou si un jour ils se représenteraient.

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Un capitaine des Marines lui avait donné cette leçon un jour alors qu'elle regardait avec morgue des gars, et des filles, de son unité en train de se lancer dans une soirée qui allait, à son avis, vite dégénérer en vaste orgie d'alcool et de sexe. Le capitaine l'avait repérée appuyée debout contre un chambranle de porte, il s'était dirigé vers elle et l'avait traînée au bar. Il avait commandé une bouteille de mauvais rhum, demandé un verre et l'avait rempli à raz-bord. Elle l'avait regardé avec suspicion.

« Buvez-le cul-sec ! »

Elle s'était renfrognée. Qu'est-ce qu'il voulait ? Un caporal la percuta, il tenait une fille dans ses bras, ils étaient tous les deux ivres et riaient comme des échappés d'asile. La fille s'excusa.

« Oh, désolée Lieutenant ! »

Elle la connaissait, elles avaient été en mission ensemble. La fille, emportée par son caporal faillit tomber, se raccrocha à elle en ricanant, lui planta un baiser mouillé sur la joue et repartit en dansant avec son galant. Du revers de la main, Shaw s'essuya la joue avec dégoût.

« Vous êtes vraiment coincée, observa le capitaine. Alors vous l'avalez ce verre ? »

Il l'énervait ce con, elle avait la furieuse envie de lui balancer son poing dans la gueule, mais elle décela qu'il ne plaisantait pas, qu'il n'était pas venu fraterniser avec elle, qu'il ne cherchait pas à être familier, au contraire il jouait à fond la carte hiérarchique. Il était LE capitaine et ELLE était sous ses ordres. Shaw était assez intelligente pour savoir qu'elle avait intérêt à faire profil bas et à suivre sans moufter les ordres de son supérieur si elle ne voulait pas se voir infliger de désagréables mesures disciplinaires. Le capitaine n'était pas connu pour son indulgence.

« Lieutenant, vous avalez ça cul-sec, tout de suite, c'est un ordre ! lui gueula-t-il dans les oreilles.

- À vos ordres mon Capitaine. »

Elle avait bu cul-sec comme il le lui avait demandé, c'est alors il lui avait sorti son petit laïus.

« Je vous le dis avant que vous soyez bourrée. Et je veux que vous ne l'oubliez pas. Ce soir c'est permission et c'est sous-entendu ordre de se détendre et de profiter de ce dont vous pouvez profiter, sans retenue. De tout ce dont vous pouvez profiter. Et vous allez le faire, même si vous êtes une putain de dure-à-cuir complètement coincée. Compris ?

- Oui, mon Capitaine.

- Vous ne vous posez pas de questions et vous obéissez aux ordres, compris ?

- Oui, mon Capitaine.

- Bien, on fera peut-être vraiment quelque chose de vous Shaw. »

Après, il l'avait forcée à boire toute la bouteille verre après verre et de les boire tous cul-sec. Au dernier verre, elle avait l'esprit un peu embrouillé, elle n'avait pas beaucoup mangé au mess et elle revenait d'une mission assez éprouvante. Il en avait profité pour appeler un soldat, un gars de l'US Air Force.

- Hendricks, viens par là !

- Qu'est ce que tu veux Pete ?

- Il vous plaît Shaw ? lui demanda le Capitaine en se tournant vers elle.

- Hein ? Quoi ? répondit-elle l'air hagard.

- Pfff, soupira-t-il, ce que vous pouvez être débile parfois ! Ce gars-là, il vous plaît ?

- Euh ben, je ne le connais pas mon Capitaine.

- Non mais c'est pas vrai ! Oh, Shaw ! dit-il en lui donnant un coup de poing au défaut de l'épaule. Vous le regardez là et vous vous imaginez en train de vous faire baiser par ce mec… Comment c'est ?

- Je préfère baiser plutôt qu'être baisée mon Capitaine.

- Vous êtes trop con, lui dit-il en souriant. Bon d'accord. Alors, vous vous voyez en train de le baiser, vous croyez que vous prendrez votre pied ?

- Euh… oui ça pourrait être pas mal.

- Bien, alors allez-y ! »

Et il la balança dans les bras du mécanicien d'une violente bourrade dans le dos et adressa une grimace entendue à celui-ci.

« Hé Shaw ! la rappela-t-il. Si après ça, une petite bagarre vous tente, venez me voir, je me ferais un plaisir de profiter d'une petite séance d'entraînement en votre compagnie, sans gants cette fois. »

Le Capitaine avait eu raison, elle avait pris son pied. Ensuite après s'être repris un ou deux verres, elle avait filé le retrouver. Il ne dormait pas, avait souri à son arrivée, attrapé un trousseau de clefs et tous les deux s'était rendus à l'endroit qui servait aux combats organisés le week-end. Il s'était mis torse nu et avait enlevé ses Rangers, Shaw s'était mise en débardeur et pieds nus elle aussi. Puis ils s'étaient mis en garde face à face.

« Je vous connais Shaw, je vous ai observée. Vous aimez la bagarre, la traque, affronter le danger, repousser vos limites, les tester. Mais vous devez lâcher prise de temps en temps. Vous détendre. Ne ratez jamais une occasion quand elle s'offre à vous. Ça fait combien de temps que vous jouez aux nonnes ? Vous ne pouvez pas garder le contrôle vingt quatre heures sur vingt-quatre et trois cents soixante cinq jours sur trois cents soixante cinq. C'est pour ça que je vous prends là… Histoire de finir la soirée, attrapez-ça, dit-il en lui lançant un protège-dents. Vous allez déguster, ça fait trop longtemps que vous avez besoin d'un peu de détente et d'une bonne leçon. »

Il l'avait massacrée, elle était ivre et en manque de sommeil et même s'il avait pris son temps, elle ne faisait pas le poids cette nuit-là. Il l'avait laissée sur le carreau, une arcade explosée, la mâchoire endolorie pour cinq jours et des bleus sur tout le corps. Mais il ne s'en était pas sorti indemne pour autant, elle avait sa fierté. En tout cas elle n'avait pas oublié la leçon et elle avait par la suite, parfois croisé l'œil goguenard de son capitaine, lors de soirées de « détente ». Ils avaient aussi à ces occasions, échangé d'autres coup de pieds, et d'autre coup de poings, mais ils n'avaient jamais couché ensemble, il n'avait jamais tenté d'approche et elle lui en gardait beaucoup de respect.

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Elle enfila un short et un débardeur propres et regagna la chambre. Root dormait toujours. Sur le ventre. Elle s'allongea à côté d'elle, la repoussa doucement pour qu'elle roule sur le côté et reprit sa place comme tout à l'heure.

« Shaw ? balbutia Root dans son sommeil. »

Shaw ne répondit pas, elle chercha une position confortable et emmêla ses jambes dans celles de Root. Root ferma machinalement ses bras autour d'elle dans son sommeil, Shaw s'agrippa à son tee-shirt d'une main et lui posa l'autre main sur la taille et la serra contre elle. Elle enfouit son visage contre son épaule, et s'emplit avec contentement les narines de son odeur. Un sentiment de plénitude monta et elle s'endormit l'esprit en paix.

Root se réveilla deux heures plus tard. Elle chercha instinctivement Shaw et n'eut pas à aller bien loin. Elle était pelotonnée contre elle, son souffle régulier lui procurant une chaleur troublante à travers son tee-shirt. Root nageait en pleine félicité. Et elle atteignit le comble du bonheur quand elle s'aperçut que Shaw était habillée. Si elle était habillée, c'est qu'elle s'était levée pour le faire, les vêtements étaient secs, donc elle avait été en chercher de nouveaux dans le dressing. Elle était partie et… elle était revenue. Mieux, elle s'était recouchée dans la même position que celle qu'elle avait adoptée tout à l'heure quand elle s'était déshabillée.

Décidément Shaw lui réservait bien des surprises. Déjà hier soir elle avait failli mourir de joie quand elle l'avait reçue dans ses bras, mais alors là... Si hier, on pouvait à la rigueur mettre son comportement sur le compte de son désarroi et sa souffrance, ce n'était certainement pas ce qui avait motivé son retour dans ses bras une fois qu'elle se fût levée et changée. Mais alors quoi ? Root s'en fichait à vrai dire, tenir Shaw dans ses bras suffisait à son bonheur. Elle était partagée entre le désir de sautiller partout en chantonnant et… le désir tout court.

Elle sentait son trouble augmenter au fur et à mesure qu'elle prenait conscience du souffle insistant de Shaw contre son corps, de la chaleur de sa main posée sur sa taille, de la présence de ses jambes mêlées aux siennes, de leur peaux nues en contact l'une avec l'autre. Root s'efforça de ne pas bouger. Elle ne savait pas trop quel était l'état d'esprit de Shaw et n'avait pas envie de la voir soudain lui échapper si elle esquissait un geste qui serait mal interprété. Elle ne résisterait pas longtemps, cette constatation la désola, elle prit conscience qu'elle ne pouvait pas rester sans bouger. Elle avait trop désiré Shaw, depuis trop longtemps, elle lui avait trop manqué, depuis trop longtemps, elle avait trop envie de succomber à son désir. Il fallait qu'elle trouve une distraction, tout de suite, avant de commencer ce qu'elle risquait de regretter par la suite si Shaw ne répondait pas à ses avances et se braquait. Elle ne saurait en plus jamais comment rattraper cela et ne voulait pas risquer de perdre Shaw à jamais.

« Quelle heure est-il ?

- Je n'ai pas de montre. »

Root se figea, la Machine lui répondit aussi, mais elle écouta à peine, si Shaw prenait conscience que la Machine pouvait les entendre ou les voir, elle n'osait même pas imaginer quelle serait sa réaction. Shaw en général ignorait superbement la Machine et Root pensait que ce serait une bonne chose qu'elle continue à le faire pour le moment.

Elle tira sur le débardeur de Shaw, celle-ci la sentit sourire.

« Root, la prévint-elle sans changer de position. Si tu sors une de tes plaisanteries pourries, je m'en vais.

- Tu ne peux pas.

- Ah non et pourquoi ?

- Parce que tu me l'a promis, Sameen.

- Bon d'accord, je t'étrangle alors.

- D'accord Sam, je ne dis plus rien.

- Ouais, c'est ça, tais-toi. »

Shaw se serra plus étroitement contre Root et elle affermit sa prise sur sa taille. Root commençait à être vraiment troublée, mais savait qu'elle ne devait rien tenter, Shaw ne la provoquait pas, elle se comportait plutôt comme un enfant ou mieux comme un animal, un chat, qui cherchait chaleur et confort le plus innocemment du monde. Elle s'attendait même à l'entendre ronronner. Elle ne le fit pas, mais lâcha un grognement, ce qui revint au même.

« Shaw ?

- Mouais.

- Les simulations... »

Elle sentit Shaw se raidir, mais continua, elle pensait que la situation permettrait à Shaw de peut-être, se confier et de lui raconter un peu plus de choses que ce qu'elle lui avait dit la veille au soir. Et parler lui ferait oublier son trouble.

« Elles se passaient toujours de la même façon ? Comme tu me l'as raconté ?

- Non.

- Sameen, s'il te plaît. »

Shaw se recroquevilla dans les bras de Root.

« La plupart avait comme objectif de me retourner, de m'amener à vous trahir, à vous tuer. Mais d'autres...

- D'autres ?

- Ce que je t'ai dit hier soir. Leur but était de me brouiller l'esprit, de ré-écrire ma mémoire, ma vie. Root parfois je ne sais plus ce qui est réel ou pas dans ma vie. Ce que j'ai vécu ou pas, ce que j'ai fait, pensé. Je ne suis plus sûre. Une fois j'ai tué une femme, une scientifique. J'en avais rien à foutre, je suis rentrée dans son labo, lui ai tiré une balle en plein cœur et me suis barrée en haussant les épaules parce que c'était encore une putain de merde de simulation et que j'en avais marre de voir ce putain de sourire suffisant affiché en permanence par ce salaud de Lambert. Je l'ai tuée sans même la regarder. Mais ce n'était pas une simulation. J'avais tué une femme sur les ordres de ce connard de Samaritain. Ce jour là Root, j'avais servi comme agent de Samaritain. J'ai réalisé que je ne savais plus différencier le réel du virtuel, et puis j'ai pensé à mes parents, à mon passé et me suis aperçue que des événements ne correspondaient pas entre eux. Root je ne suis plus sûre de savoir qui je suis, ni qui j'ai été. »

Root ne trouva rien à lui dire, elle aurait pu lui mentir et lui assurer que tout irait bien, mais elle aimait trop Shaw pour ça, elle la respectait trop. Elle la connaissait trop aussi pour savoir qu'elle ne serait pas dupe. Elle préféra se taire et juste la serrer doucement dans ses bras.

« En fait... »

Elle se tut. Root attendit qu'elle continue sans la brusquer.

« Tant que je n'ai pas tout à coup l'envie de te tirer dessus, je... »

Une longue minute s'étira dans le silence avant que Shaw ne finisse par dire ce qu'elle voulait avouer.

«Je… J'arrive… si tu restes… Root, j'ai résisté tout ce temps à Samaritain parce que… à chaque fois que tu es apparue j'ai fini par me tirer une balle dans la tête et la simulation a été arrêtée. Tu n'étais pas toujours présente dans les simulations, mais suffisamment souvent pour que je ne sombre pas définitivement. Tu m'as sauvé la vie aussi avec ton message à la con et...

- Tu as reçu l'alerte ? Tu as su que c'était moi ? »

Root était aux anges, elle n'avait jamais su si son message avait atteint Shaw malgré ses prières et là, elle en avait la confirmation. Quand elle pensait que Harold était furieux qu'elle eût pris ce risque. Elle avait eu raison d'écouter la Machine, de faire équipe avec elle. Elle lui adressa une pensée pleine de reconnaissance et d'affection.

« Évidemment que j'ai su que c'était toi, qui d'autre peut envoyer un truc aussi absurde ?

- Si tu savais ce que je suis contente.

- Il est arrivé juste au bon moment. J'avais renoncé, je n'en pouvais plus, c'était après le meurtre de la scientifique pour le compte de Samaritain. Mais avec tes conneries, je me suis retrouvée connectée à la réalité, je me suis dit que je pouvais m'en sortir et leur faire tous payer jusqu'au dernier ce qu'ils m'avaient fait, à moi ou aux autres. Ce que je voulais te dire c'est que... »

Shaw hésita, puis elle se dégagea de l'étreinte de Root et s'assit sur le bord du lit. Root la laissa aller, elle contemplait son dos, elle la vit s'affaisser. Elle aurait voulu la prendre dans ses bras, mais s'en abstint. Shaw avait besoin d'espace qu'elle veuille ou non achever ce qu'elle avait commencé à lui dire. Elle se redressa, se retourna vers Root et la regarda dans les yeux.

« Quand tu es là, je… j'arrive à surnager, si je sombre et que tu es là, je me sens mieux. C'est… Hier, je suis désolée, j'ai l'air tarée, j'ai peur et je… ne sais plus parfois ce que je fais, mais hier, cette nuit… ça… ça m'a fait du bien que tu sois là. »

Root se releva à demi et mit la main sur son épaule la tirant légèrement.

« Viens Sam. »

Shaw se laissa faire et se retrouva dans les bras de Root. Elle s'y abandonna complètement. Root se contenta de la maintenir gentiment contre elle. Shaw était vraiment quelqu'un de surprenant, chaque nouvelle facette qu'elle mettait à jour augmentait l'affection qu'elle ressentait pour elle. Elle se demandait comment elle avait pu avoir la chance de croiser quelqu'un d'aussi extraordinaire. Elle était magnétique et elle l'aimait passionnément.

La Machine se rappela alors à son bon souvenir. Elle l'écouta attentivement et sourit.

« Sameen, que dirais-tu d'un bon café et d'un petit déjeuner ? Qu'est-ce que tu manges le matin ?

- N'importe quoi.

- C'est à dire ?

- Des œufs, des saucisses, des pancakes, des céréales, des toasts, des yaourts, n'importe quoi, des restes du dîner de la veille même.

- J'ai des œufs, des yaourts et du pain, je ne mange pas de céréales, ça ira ?

- Oui oui.

- Bon et tes œufs tu les veux comment, brouillés ou au plat ?

- Au plat, pas trop cuits… et mais attends, tu ne vas pas faire...

- Tu es mon invitée Sameen, tu es reçue en conséquence… A moins que...

- Root ! »

Root se leva en riant et s'éclipsa avant que Shaw n'ait rien trouvé à dire ou à faire.

Shaw resta seule. Elle fronça les sourcils. C'était quand même bizarre toute cette histoire. Puis, un sourire se dessina sur ses lèvres. Elle verrait bien, pour l'instant elle se sentait plutôt bien et elle n'allait pas gâcher cette sensation en commençant à se poser des questions qui en amèneraient d'autres, puis d'autres et dont les réponses seraient de plus en plus inquiétantes.

Elle se retourna sur le ventre et s'enfonça la tête dans l'oreiller dont se servait Root pour dormir. Ce qu'elle était bien quand elle était dans ses bras, pensa-t-elle. Ouais enfin bon, ça c'était un peu débile aussi comme idée. Mais elle s'en foutait. Après tout, en croisant Root sur son chemin hier soir, peut-être lui avait-on donné une nouvelle chance. La chance de pouvoir prendre un nouveau départ, enfin si elle avait assez de force pour surmonter tout le reste. Mais elle ne pouvait pas ne pas essayer. En plus, Root semblait prête à l'aider et c'était peut-être la seule personne dont elle accepterait jamais de l'aide. Et puis, elle n'était pas complètement bornée.

Les simulations l'avaient mise face à elle-même et, elle ne pouvait le nier, face à ses désirs et ses sentiments. Elle ne savait pas comment elle allait gérer ça maintenant et, en y repensant, elle se sentit gênée et rougit. Elle soupira et décida que le mieux était de laisser les événements arriver d'eux-même, et peut-être aussi de s'en remettre à Root. Elle rougit plus encore et se frotta vigoureusement les yeux pour tenter de se cacher sa propre gêne.

« Sameen ! »

Elle se leva et se passa énergiquement les doigts dans les cheveux. Ils étaient emmêlés et elle détestait ça. C'est bien parce qu'elle ne supportait pas qu'on lui touche les cheveux qu'elle ne les portait pas courts, rien que l'idée d'aller chez un coiffeur la hérissait. Elle rejoignit Root à la cuisine.

« J'espère que tu ne m'en veux pas de toujours te faire manger sur le bar, j'aime mieux les tabourets que les chaises de la table à manger. »

Shaw haussa les épaules et prit place devant le café et l'assiette que Root lui avait servis. Le café était un peu fort pour le matin, Root nota sa grimace et lui proposa de l'eau chaude pour l'allonger, Shaw la remercia du regard et se jeta avec avidité sur son petit déjeuner. Elle mourait de faim. Root sourit.

« Je vois que ça va mieux, heureusement que j'ai prévu large. »

Shaw lui dédia une grimace.

Tandis que Shaw traînait au lit et qu'elle préparait le petit déjeuner, Root avait eu une petite discussion avec la Machine. Elle avait deux trois affaires à régler aujourd'hui, mais elle ne voulait pas laisser Shaw seule. De plus, elle voulait au plus vite la ré-réintégrer à l'équipe. Elle pensait que le plus tôt serait le mieux.

Elle avait rapidement téléphoné à Harold et lui avait appris le retour de Shaw. Il avait pris aussi le temps de lui dire que Reese avait enfin parlé de la Machine à Fusco et elle s'en était en silence félicitée. Elle n' avait jamais compris pourquoi ils n'avaient pas voulu mettre Lionel plus tôt dans la confidence. A cause de leur atermoiement, ils avaient manqué de perdre un allié sinon indispensable du moins dévoué et honnête. Ils avaient convenu d'un rendez-vous en ville. Root avait expliquer succinctement à Finch que Shaw ne voulait pas se rendre à la station. Elle avait écourté leur conversation. Elle avait appelé des toilettes et ne voulait pas que Shaw la surprenne en train de téléphoner derrière son dos. Elle avait l'air calme et sereine ce matin et elle ne voulait pas que ça change. Ils avait convenu de se retrouver vers huit heures. Il était sept heures cela leur donnait le temps de finir de déjeuner, de s'habiller et de rejoindre les autres… après en avoir parlé à Shaw.

« Sameen, j'ai téléphoné à Harold ce matin. »

Shaw leva les yeux sur elle.

« Fusco sait pour Samaritain, pour la Machine aussi. Nous devons nous retrouver dans une heure. Tous ensemble.

- Je ne viens pas. »

Exactement ce à quoi Root s'attendait. Autant Shaw pouvait être imprévisible parfois, autant d'autres fois…

« Oh si, tu vas venir, parce que tu fais partie de cette équipe et que tu en feras toujours partie que tu le veuilles ou non.

- C'est trop dangereux Root. Personne ne peut savoir ce qui me peut me passer par la tête. Je ne viendrai pas.

- Moi je sais, Shaw.

- Qu'est-ce que tu sais ?

- Ce qui peut te passer par la tête. Je te jure que je te garderai à l'œil et que tu n'auras pas une chance de faire un pas de travers. Tout comme tu n'as pas eu une seule chance hier soir. »

Elle pencha la tête et lui envoya un sourire entendu en relevant les sourcils. Shaw s'était renfrognée et Root la voyait en train de peser le pour et le contre.

« Tu ne me fais pas confiance Sameen ?

- Tu me promets de m'arrêter si je dérape ? Par tous les moyens. Pas avec un simple taser si c'est nécessaire. Root es-tu prête à me tirer dessus s'il le faut ?

- En douterais-tu mon cœur ? »

Root plaisantait, mais Shaw vit qu'elle avait pris sa demande au sérieux et attendit qu'elle lui donne une réponse satisfaisante.

« C'est d'accord Sameen. Je ne te laisserai aucune chance de faire quoi que ce soit qui mette un membre de l'équipe en danger ou qui indique que tu obéisses aux ordres de Samaritain. Si cela arrive, je te mets immédiatement hors service, même si je dois te tirer dessus. Par contre, ne m'oblige pas à te promettre de te tuer, ça c'est une promesse non envisageable.

- Oui, mais si c'est la seule solution.

- Fais-moi confiance Sam, il y a toujours une solution moins radicale, et elle se tapota l'oreille droite en souriant, alors c'est bon tu es rassurée, tu m'accompagnes ? »

Shaw hocha la tête en signe d'acquiescement.

« Bon, puisque nous sommes d'accord, tu vas te préparer pendant que je range tout ça et on y va.

- Root ?

- Oui ?

- Euh, mes affaires, qu'est-ce que j'en fais ?

- Tes affaires, quelles affaires ? demanda Root prudente. »

Elle redoutait que Shaw lui sorte tout à coup une nouvelle histoire abracadabrante du style de celle des enfants. Elle ne voyait pas du tout à quoi elle faisait allusion en parlant de ses affaires dont elle ne savait a priori que faire.

« Ça là, celles qui sont sales, expliqua Shaw en montrant un tas de vêtements pliés sur un fauteuil. »

Root reconnut les vêtements que portait Shaw le soir précédent, ceux qu'elle avait sur elle quand elle l'avait retrouvée au parc et ceux qu'elle avait pris dans le dressing. Elle avait aussi dû plier avec, sa tenue de nuit trempée. Elle était vraiment incroyable. Elle semblait vraiment embarrassée de laisser traîner quelques vêtements sales sur un fauteuil dans un salon. Elle nageait en pleine confusion, déclarait ne pas savoir si elle évoluait dans un monde virtuel ou pas et s'inquiétait sérieusement pour son linge sale.

C'était inattendu et dénotait d'une éducation où rien n'avait été laissé au hasard ou d'un sens du respect de l'autre très développé. Shaw lui avait toujours semblé sinon mal élevée ou grossière, du moins assez cavalière, s'embarrassant peu de manières ou de politesse. Il était vrai aussi que Root n'avait jamais vraiment partagé sa vie. Il y avait bien eu quelques missions, parfois de plusieurs jours, mais Shaw s'était toujours efforcée de maintenir une certaine distance avec elle, quoi qu'elle ait pu tenter et ce n'était pas faute d'avoir essayé, et en dehors du plaisir que Shaw manifestait à faire équipe avec elle quand il y avait de l'action, elle n'avait jamais été ni familière, ni n'avait permis que ne s'installât une certaine complicité. Décidément, avoir Shaw auprès d'elle était une aventure très excitante, qui réservait beaucoup d'heureuses surprises.

« Il y a un panier à linge sale dans le meuble à côté de la machine à laver dans la salle de bain, tu peux mettre ton linge dedans si tu veux.

- Hum, okay merci.

Shaw descendit de son tabouret, ramassa ses vêtements sur le fauteuil et partit dans la salle de bain. En la regardant s'éloigner, Root se dit qu'elle avait pêché le gros lot. Elle n'avait jamais vécu avec personne dans sa vie, jamais partagé un appartement ou une maison sinon avec sa mère. Elle pensait même qu'elle serait incapable de supporter vivre avec quelqu'un, mais alors là, après une seule nuit, et à la lueur de ce qu'elle avait vécu et découvert durant cette nuit, elle était prête à jeter ses certitudes aux orties et à vivre le restant de ses jours avec Shaw.

Shaw fourgua son linge sale dans le bac que lui avait indiqué Root. Elle ne put s'empêcher de se sentir quand même un peu mal à l'aise. Le dîner hier, la soirée, la nuit, le réveil, le petit déjeuner... et comble de tout, elle, en train de mettre ses vêtements au sale au milieu de ceux de Root...

« Pff... C'est vraiment n'importe quoi, merde. »

Elle recommença à douter, à analyser méthodiquement les événements les uns après les autres, une fois, deux fois, d'une façon quasi-névrotique. Elle s'assit sur un tabouret, les coudes posés sur les genoux, sa respiration devint difficile. Elle ferma les yeux.

« Non, non... »

Elle prit son visage entre ses mains, s'enfonça les doigts dans le front, martyrisant ses tempes, puis se passa les mains sur la nuque et se massa douloureusement les trapèzes. Elle respira profondément. Elle avait besoin de frapper, de se faire mal ou de boire. Elle se leva et se mit à se frapper le front sur un mur, un coup léger d'abord, puis de plus en plus fort, adoptant un rythme régulier et violent.

« Sameen ! Tu es folle, arrête ! »

Root était entrée en trombe dans la salle de bain, l'avait saisie fermement à bras le corps et tirée violemment en arrière.

« Laisse-moi Root ! »

Root avait l'avantage de la situation, elle avait pris Shaw par surprise, et celle-ci était focalisée sur son mouvement obsessionnel. Avant que Shaw n'ait pu réagir, elle la déséquilibra et la jeta à terre, la retourna face contre terre, lui attrapa fermement un avant-bras des deux mains, lui passa un pied sous l'épaule, puis tira sur son bras tout en le vrillant et exerça une pression dessus avec sa jambe. Shaw résista, Root accentua la pression.

« Si tu continues, je te brise l'articulation. »

Shaw gémit sous la douleur, lutta un moment, mais elle était bloquée et finit par abandonner la lutte.

« Root, tu me fais mal, râla-t-elle.

- Tu l'as bien cherché. À quoi joues-tu Sameen ? Tu peux m'expliquer ?

- Je.. rien, lâche-moi maintenant. »

Root vrilla son bras.

« Root, s'il te plaît... »

Root relâcha un peu la pression, mais maintint sa prise.

« Qu'est-ce que tu comptes faire Shaw ?

- Quoi ? Rien, rien.

- Si je te lâche qu'est-ce que tu vas faire ?

- Rien, promis.

- Okay. D'ailleurs tu n'as pas intérêt. »

Root lâcha son bras, mais elle plaça son pieds entre ses omoplates et fit porter tout son poids dessus.

« Root, se plaignit Shaw.

- Respire Shaw. Calmement. Tu te relèveras quand tu te seras calmée et que tu n'agiras plus comme une hystérique. Pas avant. »

Shaw était furieuse. D'abord parce que Root l'avait arrêtée dans son auto-mutilation, ensuite parce qu'elle s'était encore une fois fait surprendre et enfin parce qu'elle se sentait affreusement humiliée. Elle était plaquée face contre terre et Root la maintenait sous son pied comme elle aurait maintenu un trophée de chasse ou un esclave. Elle fulminait littéralement.

« Shaw ! Tu me cherches vraiment ? Tu n'es pas en position de force là. Alors, soit tu reprends tes esprits, soit je te calme et d'une manière que tu n'apprécieras vraiment pas, l'avertit Root, insistant fortement sur le « je ». »

Elle accentua cruellement la pression de son pied. Shaw ferma les yeux et s'efforça de juguler sa fureur. Elle se concentra sur sa respiration tentant de lui donner de l'ampleur et de la profondeur.

Le temps s'étira en longueur, Root avait l'impression de tenir un animal sauvage sous sa botte qui, si elle le laissait échapper, lui sauterait à la gorge, dans le meilleur des cas ou s'auto-détruirait d'une façon ultra-violente dans le pire. La Machine l'avait prévenue dès qu'elle avait vu que Shaw menaçait de déraper, elle s'était précipitée au signal d'alerte et en entrant, quand elle avait vu Shaw prête à se fracasser la tête contre le mur, elle avait décidé que seule une action violente aurait raison d'elle.

Elle sentit Shaw se détendre peu à peu sous son pied, sur son visage elle vit passer un nombre incalculable d'expressions qui alla de la rage au calme, en passant par la colère, la frustration, la concentration, l'effort et l'humiliation. Root exécrait la situation, avoir Shaw littéralement sous sa botte la révulsait. Elle éprouvait beaucoup de respect pour elle, elle l'aimait aussi et elle avait l'impression de se retrouver dans un mauvais film sado-masochiste qui la dégoûtait. Elle haïssait Samaritain et elle le rendait responsable de l'état de Shaw. Il était responsable. Elle allait lui griller les circuits et le torturer jusqu'à ce qu'il ne soit plus qu'un immonde tas de mémoires défaillantes. En plus, elle avait envie de pleurer, voir Shaw ainsi lui était insupportable.

« Root ! C'est bon tu peux me lâcher. Je suis désolée. »

Root ne répondit rien et se contenta d'examiner Shaw attentivement.

« S'il te plaît, Root, plaida Shaw »

Root retira son pied, Shaw roula sur le dos et la regarda.

« Je... »

Root, ne la laissa pas continuer, elle lui tendit la main et l'aida à se relever.

« Il faut que tu te dépêches de te préparer Sameen, on va être en retard et tu sais qu'Harold n'aime pas qu'on soit en retard. »

Shaw hocha la tête, attrapa ses affaires, se déshabilla et se changea rapidement sous le regard vigilant de Root.

« Va m'attendre sagement dans le salon Sam, lui demanda-t-elle quand elle eut fini de se préparer.»

Shaw partit s'asseoir dans le canapé sans moufter, tandis que Root se dirigeait vers sa chambre. Elle en sortit deux minutes plus tard habillée, vérifia que Shaw était tranquille, passa dans la salle de bain se brosser les dents et se maquiller puis disparut dans le dressing. Elle revint quelques minutes plus tard et se planta devant Shaw.

« Sameen ! »

Shaw leva les yeux, Root lui lança son couteau, celui qu'elle lui avait demandé le soir précédent, puis posa deux boîtes de munitions sur la table, quatre chargeurs et lui tendit ses armes.

« Remplis les chargeurs et garde des munitions avec toi, on risque d'en avoir besoin un peu plus tard.

- Tu es sûre de toi ?

- Évidemment. »

Shaw regardait avec méfiance ses armes et les boîtes de munitions.

« Okay Shaw, lança Root d'une voix cassante. Tu restes ici à glander et à broyer du noir toute la journée, je me débrouillerai toute seule et si ça tourne mal et que je me fais descendre, j'aurais une amoureuse pensée pour toi et louerai la sagesse qui t'as fait rester bien au chaud dans mon douillet appartement. »

La physionomie de Shaw s'assombrit, elle attrapa une des boîtes et se mit avec dextérité et rapidité à remplir les chargeurs.

« Tu n'as rien pour transporter les chargeurs et les munitions ?

- Les poches de ton blouson devraient suffire pour un ou deux chargeurs, après tu peux prendre un sac à dos, tu en trouveras dans le dressing, prends celui que tu veux. ?

- D'ac, merci.

- Va le chercher et on s'en va. »

Tandis que Shaw s'éloignait à pas rapide, la Machine mit Root en garde, elle trouvait sa décision de lui rendre ses armes très imprudente.

« Je préfère prendre le risque.»

Elle ne supportait pas de voir Shaw indécise et hagarde. Elle avait besoin qu'elle redevienne l'arme vivante affûtée, déterminée et calculatrice qu'elle avait été, de retrouver Shaw avec tous ses défauts et toutes ses qualités qu'elle aimait toutes autant qu'elles étaient. Shaw aimait ses armes, elle savait qu'elle se sentait nue sans elles et lui retirer était comme lui refuser d'être ce qu'elle aimait, ce qu'elle était, de lui prouver qu'on ne pouvait avoir confiance en elle, et de la conforter dans son idée qu'elle était dangereuse, qu'elle faisait partie des ennemis, qu'elle devait être éliminée. Et Root voulait qu'elle se sente bien, appréciée et aimée, qu'elle sache qu'on lui faisait confiance. Root lui faisait confiance, l'appréciait et l'aimait et elle n'allait rien faire qui puisse lui faire croire le contraire, tant pis si cela lui faisait courir des risques, elle comptait sur propre capacité à gérer Shaw, ses problèmes et ses traumatismes, et sur l'aide de La Machine.

Quand Shaw revint, Root enfila son blouson, ajusta son arme derrière son dos et fit signe à Shaw qu'elles partaient.

« Tu ne prends qu'un flingue ?

- J'ai ce qu'il me faut dans le coffre de ma voiture. »

Root évita l'ascenseur, remarqua le coup d'œil qu'y jeta Shaw en passant devant et elles descendirent par les escaliers. Elle pensa qu'elle devrait essayer de savoir d'où venait cette soudaine phobie des ascenseurs, on était à New-York, et refuser de prendre un ascenseur risquait de vite s'avérer être un handicap majeur dont Shaw ne pouvait se permettre de souffrir.

« On va où ? demanda Shaw en entrant dans la voiture »

Elle aimait bien cette voiture, elle était confortable et promettait une conduite assez sportive, pas autant qu'un vrai modèle sport, mais assez pour pouvoir s'amuser... Si elle avait une chance un jour de la conduire.

« Au Queensbridge Park sous le pont de Queensboro, ce n'est pas trop loin nous y serons vite. »

Elles y arrivèrent un peu avant huit heures, Root avait garé la Bentley à proximité et elles continuèrent à pied. Shaw était plongée dans ses pensées, plutôt sombres à voir sa tête, elle n'était pas très sûre que ce soit une bonne idée de revoir les autres. Elle se morigénait, ne comprenant pas pourquoi elle cédait à toutes les demandes, toutes les exigences de Root depuis qu'elle lui était tombée dessus. C'était ridicule.

« Shaw ! Ça ira, arrête de t'inquiéter. »

Shaw répondit par un grognement, Root avait l'air de très bonne humeur, souriait aux anges et elle se demanda comment elle pouvait être aussi optimiste, elle était vraiment tarée en fait, mais elle devait avouer que son assurance était contagieuse et... qu'il était difficile de résister à quelqu'un qui dégageait autant de charme. Ouais bon, pff ! Ce n'était quand même pas une raison. Enfin peut-être pas. Enfin si peut-être, en fin de compte.

Quand elle arrivèrent au pont ils étaient tous déjà là, Finch, Fusco et Reese. Shaw s'arrêta, tandis que Root les rejoignait. C'est Finch qui la vit en premier, il avait l'air heureux, Root se retourna pour la regarder et un sourire illumina ses traits, elle était folle de tout façon, puis Fusco et Reese la remarquèrent. Reese avait l'air soucieux, il savait très bien ce que c'était que d'avoir passé des mois en détention soumis à la torture. Quant à Fusco, son visage affichait clairement son inquiétude. Elle les regarda et ne put s'empêcher de se passer les doigts derrière l'oreille gauche, là où elle avait été opérée pour recevoir un implant qui faisait d'elle une marionnette de Samaritain. Mais il n'y avait rien derrière son oreille, ni rondeur suspecte, ni cicatrice. Elle avait beau palper minutieusement la chair, elle n'y décelait que ce qui devait être présent, rien de plus. Alors elle s'avança, prit place à côté de Root assez proche pour y trouver un sentiment de confort et c'est ainsi qu'elle ré-intrégra l'équipe, en silence, sans qu'une parole ne soit prononcée. Ils regardèrent le fleuve couler pendant un long moment.

« Je suis content de vous revoir Miss Shaw.

- Harold, avez-vous besoin de nous aujourd'hui ? demanda Root.

- Non Miss Groves, rien ne nécessite votre présence auprès de moi ou à la station, d'ailleurs j'ai un cours à dix heures et je crains que mes étudiants ne me retiennent toute la journée.

- Bien, vous ne verrez donc pas d'inconvénient que je vous emprunte votre gorille ? J'ai un petit travail à faire et j'aurais besoin de son aide et de celle de Shaw. John, ça te dirait une petite virée en notre compagnie ?

- Pas de problème Root. »

Finch regarda Root un peu inquiet.

« Ne prenez pas de risques inconsidérés Miss Groves.

- Harry vous me connaissez ! Et puis que peut-il m'arriver en compagnie des deux meilleurs chiens de gardes qu'on puisse trouver dans tout New-York ? Allez les enfants, on y va ! »

Finch les regarda s'éloigner, Root était imprévisible et son rapport fusionnel à la Machine l'inquiétait et le mettait toujours un peu mal à l'aise. Il trouvait aussi incroyable le retour de Miss Shaw. C'était une donnée qu'il n'avait pas prise en compte dans sa lutte contre Samaritain ces derniers temps. Ça ne l'étonnait même pas que ce soit Root qui ait mis la main dessus. Elle n'avait jamais perdu espoir... Pas comme lui.

« Le grand retour de l'équipe des tarées. Elles sont aussi folles l'une que l'autre. Ce qu'elles peuvent me foutrent les jetons parfois, lâcha Fusco avec une grimace.

Il les observa s'éloigner.

«En tout cas il y en a qui vont déguster, finit-il sombrement. »


Texte publié par Mélicerte, 14 novembre 2016 à 10h47
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