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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Sommaire de Errance :

D'errances en errances, le chemin est parfois douloureux, mais il peut parfois offrir ceux qui l'empruntent une nouvelle chance, un nouveau départ. Le récit commence au 5x10 et suit les errements de Shaw après la mort de Root. Puis il comble les ellipses du 5x13 et recommence au moment ou Shaw répond au téléphone lors de la scène finale...et ce n'est pas un message de l'au-delà.

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Tous mes remerciements à TaTchou pour son éclairante relecture (et ses subtiles remarques...).

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CHAPITRE I

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Reese se retourna, la regarda.

« Mais pourquoi a-t-il besoin de prendre son putain d'air de chien battu ? »

C'était ridicule, de toute façon elle savait déjà... C'était tellement évident...Ce connard de Samaritain ne perdait rien pour attendre.

Il fit doucement non de la tête...

Que fallait-il dire ? Que fallait-il faire ? C'était trop tard de tout façon, le destin était scellé. Elle détourna le regard puis dit comme s'il n'y avait plus que ça à dire :

« Il faut récupérer Finch. »

Ils n'eurent pas trop mal à le retrouver, Reese travaillait avec Harold depuis longtemps et Shaw n'avait pas besoin de trop réfléchir pour savoir que Finch utiliserait la carte aveugle et rentrerait directement au QG. S'il y avait quelque chose à faire c'était bien là-bas. Il savait de plus que le reste de l'équipe viendrait le retrouver là.

Reese et Shaw mirent peu de temps à rentrer. Ce crétin de Reese ne décrocha pas une parole, ils avaient pris la direction de la station sans même se concerter, ils avaient toujours su se comprendre et agir sans avoir besoin de se perdre dans des bavardages inutiles. Pas comme Root...Pff, tous ses discours à dormir debout, ce qu'elle pouvait être insupportable parfois...Enfin là, ce n'était pas le moment d'y penser.

À la station ils retrouvèrent Finch et Fusco. Tous les deux se retournèrent à leur entrée. Dévisagèrent Shaw. Non, mais c'était pas vrai, ils se foutaient d'elle ou quoi ? Elle les regarda froidement, Harold ouvrit la bouche puis se ravisa et détourna le regard. Fusco connaissait Shaw, il trouva vite quelque chose à faire, à dire :

« C'est quoi le plan maintenant ? »

Silence.

« Harold ? tenta Reese

- Je...il faut que je réfléchisse, je...Miss Groves m'a dit que...

Il s'arrêta soudain, fixa Shaw. Reese regardait dans le vide, Fusco s'aperçut tout à coup de la présence de Bear :

« Alors mon gros ? Viens par-là. »

Shaw soupira excédée :

« Bon, ça va vous prendre longtemps ? Il n'y a rien à faire là ? Descendre quelqu'un ?

- Miss Shaw, je...

- Arrêtez Harold, vous avez besoin de moi, oui ou non ?

- Non pas pour le moment, il faut que La Machine voit où nous en sommes, réfléchir à notre prochain mouvement.

- Bon, très bien, je peux partir alors ?

- Shaw... commença Reese

- Quoi Shaw ?

- Euh... Tu ne veux...

- Non, je ne veux rien, bon allez salut. Vous savez comment me joindre si vous avez besoin de moi et j'espère que vous n'allez pas mettre trop de temps à m'appeler, sinon je me chargerai seule du problème de Samaritain et de ses sbires. Je me garderai personnellement pour la fin, Greer et je retrouverai ce salaud de tireur.

- Miss Shaw... »

Mais Shaw avait déjà tourné les talons et ils la regardèrent partirent consternés.

« Monsieur Reese ?

- Ce n'est pas une bonne idée Harold, il vaut mieux la laisser seule.

- Ben je n'aimerais pas être le pauvre gars qui va croiser son chemin ce soir, déclara Fusco. »

Dehors, la pluie avait commencé à tomber. Shaw se sentait vide. Elle partit d'un pas décidé... vers nulle part. Elle savait plus trop si elle était encore dans le monde réel ou dans une simulation. Une simulation bien pourrie : on lui avait concocté un scénario de cauchemar, elle ne savait pas si elle trouverait les ressources pour s'échapper encore une fois, si elle pourrait faire bugger le programme, leur fichu programme de merde.

Il fallait qu'elle boive ou qu'elle éclate quelqu'un, ou les deux à la fois pourquoi pas.

Elle regarda autour d'elle ne sachant plus très bien où elle se trouvait, ni combien de temps elle avait marché. Il faisait sombre. Plus loin, une enseigne brillait. Un bar. Elle y dirigea ses pas. Vu la devanture il avait l'air miteux, mais cela lui était égal, du moment qu'ils avaient à boire, même le pire tord-boyaux lui conviendrait. Elle poussa la porte. Ouais c'était bien glauque comme elle s'y attendait, la clientèle était un ramassis de piliers de bar et de gars plutôt louches et bien sûr, pas une femme dans les parages. Le bar était sombre, pas très propre, une odeur d'alcool, de poussière, de sueur aigre et de moisi prenait à la gorge et on devinait même des relents d'urines et de vomi. Mais on se fait toujours à toutes les odeurs, il suffit de quelques minutes et la pire des senteurs disparaît, devient familière au point qu'on l'oublie. Et puis Shaw en avait connu de pires... Rien que sur elle. Entre certaines missions pour l'USMC où elle était partie des jours sans avoir une chance de se laver même après avoir rampé dans des égouts ou des bourbiers, dans un charnier même une fois, quelques expériences peu ragoûtantes au service de Contrôle et puis...il y avait eu le centre de détention en Afrique du Sud. Ces salauds l'avaient parfois tellement droguée qu'elle s'était réveillée plusieurs fois empestant l'urine, la merde et la sueur. Une fois sur deux, elle était attachée et avait mariné plusieurs heures dans ses propres souillures. Il fallait alors qu'elle attende d'être délivrée par une infirmière ou un médecin pour avoir une chance de se laver. Plusieurs fois Lambert, Greer ou des gardes étaient entrés, l'avaient regardée ou pire, lui avait parlé sans la libérer. Greer avec son air suffisant et protecteur.

« Allons, ma chère Sameen, voyez dans quel état vous vous mettez, soyez un peu raisonnable. »

Elle le haïssait.

Et Lambert qui souriait, les gardes qui la regardait dégoûtés, qui l'insultaient. Et bien sûr, elle n'était jamais libéré de ses liens sans avoir été une nouvelle fois droguée...Elle inspirait une peur mortelle aux médecins et elle avait fait passer de vie à trépas quelques infirmières.

Alors l'odeur d'un bar, même pourri...

Son entrée fit sensation, ils devaient n'avoir jamais vu une femme rentrer seule ici ou du moins, pas son genre de femme. Elle détonnait un peu dans le décor : petite, habillée sobrement de noir de pied en cape, plutôt bien chaussée. C'était Root qui lui avait acheté ces bottines la semaine dernière, elle l'aurait fait elle-même ou ne l'aurait pas fait, mais Root était rentrée un midi et lui avait montré un paquet comme elle lui aurait rapporté un sandwich avec juste un :

« Tiens, pour toi, mon cœur, je pense que ça te plaira. »

C'était exactement le genre de modèle qu'elle aimait, pratique, joli avec des talons pas trop haut, pas trop bas. Parfait pour des opérations en ville.

« Root. »

Elle s'avança jusqu'au bar, un gars affalé sur une chaise devant une bière lui fit une remarque salace, elle regarda et il replongea vite fait son regard de bœuf abruti dans sa chope. Elle tira un tabouret et se jucha dessus. Le barman s'approcha.

« Et pour la petite dame, ce sera quoi ?

- Un Whisky.

- D'accord »

Il attrapa un verre et le plaça sous la bouteille retournée qui se trouvait suspendue contre un pan de mur à côté de plusieurs autres.

« Non, donnez-moi une bouteille.

- Waoh... »

Il la regarda un peu surpris, mais attrapa une bouteille dans les étagères. Il hésita :

« Une préférence, pour la marque ?

- Non, n'importe laquelle fera l'affaire. »

Il plaça la bouteille et un verre devant elle.

« Vous voulez que je vous l'ouvre ?

- Non.

- Vous voulez de l'eau ? De la glace ?

- Non.

- Vous n'êtes pas très bavarde. »

Elle ne se donna pas la peine de répondre, ne lui jetant pas même un regard.

« Okay, chacun ses affaires »

Il retourna s'occuper de ses verres et de voir si quelqu'un d'autre voulait quelque chose.

Elle dévissa le bouchon et remplit son verre. Elle le but cul-sec et s'en resservit un autre aussitôt, puis elle recommença, jusqu'à ce que la bouteille soit vide, les yeux fixés devant elle sans qu'aucun trait de son visage ne bougeât. Quand elle s'aperçut que la bouteille était vide, elle appela le barman

« Hey, donnez-moi en une autre. »

Il l'observait prudemment du coin de l'œil depuis qu'elle était arrivée. Drôle de fille, elle était gonflée de venir ici seule. Mais il se dit que si cela tournait mal, elle était le genre de fille qui saurait prendre les choses en main. Elle avait l'air dangereux, il avait vu assez de mauvais garçons, de plus ou moins hommes de mains, défiler dans son bar pour reconnaître quelqu'un à qui il ne fallait mieux pas chercher de noises. Elle avait aussi l'air furieux pire, habité par la rage. En fait, elle lui faisait peur.

« Euh... »

Elle sortit de la poche de son sweet-shirt quelques billets qu'elle fit glisser vers lui.

« Une autre, s'il vous plaît »

Elle prononça la formule de politesse lentement, détachant chaque mot et puis elle leva les yeux, plantant son regard dans le sien.

C'était idiot, mais il commençait à avoir des sueurs froides. Il prit les billets, attrapa une autre bouteille et la plaça devant elle, évitant son regard.

Elle ouvrit la bouteille et recommença à boire, se servant comme un automate verre sur verre, le regard à nouveau perdu. Il se demandait s'il arriverait jamais à la faire partir. Il espérait qu'aucun gars n'aurait la mauvaise idée de venir lui faire du gringue. Il n'osait même pas imaginer comment cela tournerait. Un habitué l'appela de la salle, mal à l'aise, il sortit de derrière son comptoir et alla voir ce qu'il voulait. Quand il revint un homme se tenait aux côtés de la femme en noir. Il le connaissait, c'était un gars gentil, il était docker d'après ce dont il se souvenait et venait de temps en temps. Un gars bien bâti, jeune, souriant. Il héla le barman.

« Gus, donne-moi une bouteille à moi aussi. Je vous accompagne, dit-il à la jeune femme sans vraiment la regarder.

- Okay. »

Le barman donna sa bouteille au jeune docker. Il se servit et commença à boire, sans un mot de plus. Quand ils eurent tous les deux fini leur bouteille respective, le barman eut la surprise de les voir partir ensemble sans échanger un mot. Ils franchirent la porte, elle claqua derrière eux. Le barman se surprit à lâcher un long soupir comme si son cœur venait tout à coup d'être libéré d'un danger mortel.

Le jeune docker guida Shaw jusqu'à un vieil immeuble à quelques blocs du bar. Il la précéda dans une cage d'escalier noire de crasse, aux murs lépreux. Ils montèrent plusieurs étages puis le docker s'arrêta devant une porte, il y avait un numéro inscrit dessus : le 444. Elle rit intérieurement en le remarquant. Ce genre de numéro n'existait même pas dans certaines cultures, il portait malheur, c'était risible vraiment. Il ouvrit la porte et pénétra à l'intérieur de l'appartement, Shaw lui emboîta le pas.

L'appartement était petit, mais bien tenu, elle repéra en un clin d'œil deux pièces, une cuisine, une salle de bain et un toilette, une fenêtre sans barreaux dans la pièce où ils se tenaient, les autres devaient être de même. La porte était de mauvaise qualité, les serrures rudimentaires, le genre qu'on brisait ou qu'on forçait en quelques secondes. Le docker se débarrassa du blouson qu'il portait, Shaw retira son sweet-shirt trempé par la pluie et le lança sur le dos d'une chaise. Il se dirigea alors vers une porte ouvrant sur la deuxième pièce. La chambre. Il ouvrit la porte et entra dans la pièce sans la regarder. Elle le suivit.

Après ce fut comme ça l'était toujours quand elle avait repéré un homme et qu'il avait allumé son intérêt, son appétit. A vrai dire ce soir elle ne savait pas très bien pourquoi elle avait suivi ce gars, il n'était pas dépourvu d'attraits et plutôt sexy, mais elle ne sentait pas en appétit. Elle ne comprenait pas trop pourquoi elle était là. Elle le regarda se déshabiller, il laissa tomber ses vêtements à terre les uns après les autres, puis il se retourna et la regarda. Il s'approcha, elle le repoussa brusquement, ses jambes heurtèrent le lit et il tomba à plat dos dessus. Elle retira son pull, vira ses chaussures, détacha son arme de sa ceinture et la glissa dans son sweet, puis fit glisser son pantalon et se débarrassa de ses sous-vêtements. Elle le regarda un instant, il attendait immobile, attentif, son visage ne trahissant aucune émotion. Elle tendit la main pour éteindre la lumière et vint le rejoindre, s'allongeant sur lui.

En refermant doucement la porte de l'appartement elle fixa le numéro. 444...Pourquoi pas 4 444 ou même 44 444 ou des quatres à l'infini. Elle n'était pas superstitieuse, pas comme l'avait été sa mère pourtant professeur d'université, mais ces 4 brillaient dans le couloir sombre comme un signal maléfique, comme brille n'importe quel horrible symbole dans un cauchemar...ou dans une simulation sortie du cerveau pervers de cette maléfique IA qu'était Samaritain. Mais Root avait dit… Elle secoua la tête détacha son regard des trois chiffres inquiétants et s'éloigna rapidement. La nuit reprit possession d'elle, elle semblait glisser sur son corps, l'enlacer, s'insinuer sous son pull, recouvrir peu à peu sa peau entière, et lentement pénétrer dans sa chair. Elle sentit comme une griffe lui serrer les entrailles, elle suffoqua, s'arrêta les mains crispées sur sa poitrine. Et la nuit continua son chemin, ses pensées s'embrumèrent, elle fut prise de nausées, hoqueta et vomit ses entrailles sur le trottoir.

« Houa, les gars regardez !

- Putain ! Elle en tient une la gonzesse !

- Beurk ! C'est dégueulasse, elle a gerbé partout !

- Ouais, ça pue d'ici... Hé ! Mais elle est … bien roulée !

- C'est pas possible Johnny. Arrête quoi ! Rien ne te dégoûte, vraiment t'es crade !

- Bah, du moment que je peux baiser une pute chuis content. »

Ils s'esclaffèrent à la dernière réplique, contents d'eux, Shaw en compta cinq, entre deux âges, des gueules de petit truands sans envergure, des secondes mains paumés qui se croyaient les rois de la rue. Elle se tenait encore pliée par la nausée une main appuyée sur le mur. Un gars bougea.

« Alors ma belle, une petite tournée ça te dit ? »

Shaw se retourna :

« Si tu fais un pas de plus je te descends. »

Un voile rouge lui tomba sur les yeux, la fureur l'envahit et elle se retrouva dans cet état second où elle pouvait tout faire sans peur, sans entrave, sans douleur, se donnant toute entière à la violence, l'esprit affûté, tous ses sens en éveil.

L'homme, Johnny a priori, eut un temps d'arrêt, puis il sourit méchamment,

« Je vais te fermer ta jolie petite gueule poupée. Et tu vas demander grâce. Mais tous mes copains vont en profiter ça je te le ju... »

Il n'eût pas le temps de finir sa phrase elle avait sorti son arme et lui avait tiré une balle en pleine tête. Les autres n'eurent pas le temps de réagir, l'arme hurla encore quatre fois, les détonations se suivant, les unes derrière les autres, comme un métronome bien réglé et mortel. Shaw rengaina son arme et reprit son chemin. Derrière elle ne restait qu'une légère odeur de poudre, du vomi et cinq corps baignant dans des mares de sang s'étendant lentement sur l'asphalte gris.

Elle marchait les mains enfoncées dans les poches de son sweet-shirt, elle avait rabattu sa capuche. Elle avait l'impression d'être une ombre, d'être rien, de se mouvoir dans le néant. Le pire c'est qu'elle ne comprenait pas ce qui pouvait bien l'oppresser, elle se sentait bizarre. Toute cette soirée était bizarre. Ces deux bouteilles bues solitairement dans un bar miteux, ce docker, le passage dans l'appartement, les deux heures qu'elle y avait passé, les cinq abrutis morts bêtement. Elle ne savait même pas pourquoi elle les avait tués. Ils n'étaient même pas dangereux, du moins pas pour elle, à mains nues elle en aurait eu raison sans problème. Mais il avait fallu qu'elle les tue. Elle y avait pris plaisir, elle avait adoré même. Comme elle avait adoré l'alcool lui brûler les entrailles...Comme elle avait adoré baiser avec ce type inconnu.

Elle déconnait complètement. Elle avait laissé ce genre de comportement depuis des années, depuis qu'elle était rentrée à l'ISA pour être exact. Enfin à l'ISA elle tuait encore sans se poser de question. Mais après...Harold lui avait fait comprendre que ce n'était pas envisageable si elle travaillait pour lui. Et elle avait voulu travailler pour lui, avec lui, avec Reese qui était un bon compagnon d'arme, avec ce bon gros Fusco, avec...

Root.

Elle avait atteint les bords de l'Hudson et se mit à longer les quais. Le fleuve était noir, à sa surface brillaient incertaines les lumières de la ville. Shaw s'arrêta et se mit à contempler le fleuve.

Elle était revenue pour ça ? Sans rire !

Elle avait tout supporté, elle avait lutté au-delà de ses forces, souffert. Un jour elle n'en avait plus pu. Ils avait gagné : elle ne savait plus distinguer la réalité de ce qui était virtuel, mélangeant les deux. Ses souvenirs se télescopant la torturaient plus encore que tout ce que Samaritain avait pu lui faire subir avant...et Greer et son ton mielleux, le médecin... Sans rire elle savait ce que c'était un médecin. Elle l'avait été et ça ne ressemblait pas à ça. À un bourreau. Elle avait abandonné et puis...Il y avait eu un bruit dans les ténèbres, pas une lumière, un bruit. Un message. Complètement idiot d'ailleurs. Mais il lui avait donné la force de continuer, de souffrir encore plusieurs semaines et de se préparer.

Pour ça.

Pour regarder l'Hudson sur un quai, la nuit, seule, perdue.

Perdue, c'était stupide elle ne se perdait jamais. Nulle part... Du moins elle n'aurait jamais cru se perdre encore une fois, une deuxième fois.

Elle serra les poings dans ses poches. Mais qu'est ce qu'elle foutait, là seule sur les bords de l'Hudson à regarder ce stupide fleuve couler ?

Son téléphone sonna, elle l'ignora, elle n'avait aucune envie de voir Reese, encore moins de lui parler. Elle n'avait plus envie de voir personne.

Elle n'aurait jamais dû les rejoindre, pourquoi avait-elle écouté Root ? Elle ne supporterait pas de les voir avec leur gueule désolée, voir le chagrin et le regret dans leurs yeux, des remords aussi peut-être. Depuis longtemps Finch aurait dû écouter Root. Elle était peut-être folle, mais on pouvait compter sur elle. Du jour où Shaw avait décidé de lui faire confiance elle ne l'avait ensuite jamais déçue et Shaw ne l'avait jamais regretté. C'était une bonne partenaire, sûre, efficace, intelligente, elle parlait un peu trop, mais on pouvait vraiment lui faire confiance. Sameen lui faisait confiance. Voilà pourquoi elle l'avait écoutée. Pourquoi elle l'avait suivie quand elles étaient tombées, enfin quand Shaw lui était tombée dessus dans le parc, il y avait maintenant un peu plus d'une semaine. Une semaine.

Voilà pourquoi elle était là.

Le téléphone sonna une fois encore. Shaw regarda le fleuve sombre et profond, il ressemblait à son esprit.

Ce téléphone l'énervait : elle arrêta la sonnerie. Regarda encore une fois le fleuve et prit sa décision. Elle repartirait seule et les tuerait tous, un par un comme elle l'avait dit au beau gosse suffisant qui avait voulu une fois de trop lui embrouiller l'esprit. Il avait pris une balle en pleine poitrine, c'était tout ce qu'il méritait et simulation ou pas, elle espérait qu'il avait beaucoup souffert.

Elle sortit son cran d'arrêt, le téléphone sonna encore une fois, c'était énervant cette sonnerie insistante, elle fit sortir la lame. Elle allait maintenant sceller une fois pour toute son serment et personne ne se mettrait plus en travers de sa route, ne la prendrait dans ses bras pour lui faire elle ne savait plus trop quoi et elle ne voulait surtout pas s'en souvenir. Cette histoire de serment par le sang était un peu infantile, elle se souvenait d'en avoir fait un avec son père un jour où elle était revenue à la maison plus fermée, plus sombre encore que d'habitude. Son père l'avait suivi dans sa chambre puis lui avait demandé de le suivre dans le petit jardin qui entourait leur pavillon.

« Sameen, qu'est- ce qui ne va pas ? »

Elle n'avait rien répondu, juste baissé la tête.

« Okay, c'est ton secret, mais nous allons faire quelque chose aujourd'hui, quelque chose juste entre toi et moi. Un truc de soldat, de frères d'armes, de combattant, de héros. »

Le soldat avait réussi à toucher quelque chose chez la petite fille, elle releva la tête et le regarda interrogative.

« Un serment...sceller par le sang. Tu ne pourras jamais le trahir et moi non plus. »

Il sortit son couteau et la regarda l'air interrogateur. La petite fille hocha la tête. Il tendit son bras, retroussa sa manche de chemise, la regarda puis fit passer d'un coup sec la lame sur son avant-bras. Le sang se mit à couler. Il leva les yeux sur sa fille, elle tendit son bras et il lui fit une entaille sur le bras. Sameen ne sourcilla pas, il savait qu'elle ne broncherait pas, elle ne serra même pas les mâchoires, elle resta impassible et attentive.

« Je promets de ne jamais laisser personne penser que je suis faible, que je peux être une proie. Je promets d'être fort et de ne jamais cesser le combat. »

Les yeux de la petite fille brillèrent, il la regarda sérieusement.

« À toi Sameen.

- Je promets de ne jamais laisser personne penser que je suis faible, que je peux être une proie. Je promets d'être forte et de ne jamais cesser le combat.»

Alors, son père s'était accroupi à sa hauteur et ils avaient collé leur deux bras ensemble, leur sang se mêlant, scellant leur serment.

Shaw n'avait jamais oublié ce serment et elle avait toujours tout fait pour le respecter. En fait, elle ne l'avait jamais trahi jusqu'à ce que Samaritain la fasse douter. Elle le haïssait pour cela... pour autre chose aussi, pour beaucoup de choses en fait. Elle avait failli abandonner, mais quelqu'un au dernier instant l'avait sauvée et elle n'avait pas trahi le serment partagé avec son père quand elle était enfant.

Elle voulait en refaire un ce soir, elle en avait besoin. Son père était mort. Peut-être aurait-elle pu partager un nouveau serment avec quelqu'un, elle savait qu'elle aurait aimé le faire, sans savoir si elle aurait osé le proposer, mais elle y avait pensé plusieurs fois la semaine dernière ou même avant peut-être, elle ne savait plus et cela n'avait plus d'importance. Maintenant elle était seule et elle ferait ce serment avec elle-même face au fleuve.

Elle affermit sa prise sur le manche du couteau, releva sa manche. Elle était déjà prête à s'entailler profondément le bras, quant au serment il était simple.

« Je promets de tuer tous les agents de Samaritain un par un jusqu'au dernier, de détruire Samaritain que cela me prenne un an ou cent ans je ne m'arrêterai jamais et personne ne m'arrêtera jamais. »

Elle allait s'entailler l'avant-bras quand le téléphone sonna encore une fois.

Hors d'elle, elle le sortit décrocha sans regarder qui l'appelait et siffla furieuse :

« Reese, arrête de m'appeler, je m'en vais de toute façon.

- Je sais Sameen, c'est pourquoi je t'appelle. »

Shaw se figea...

« Root ?

- Non, pas Root, mais je connais Root Sameen, elle ne serait pas d'accord avec ce que tu t'apprêtes à faire.

- Quoi ?! Mais qu'est-ce que c'est...mais bon Dieu, Root est morte.

- Pas vraiment

- Comment ça, pas vraiment ? Tu te fous de ma gueule ?!

- Elle vit en moi Sameen... Elle vit en toi.

- N'importe quoi !

- Arrête Sameen, tu sais que c'est vrai.

- C'est débile et pourquoi...Pourquoi, merde, as-tu pris sa voix ?

- Tu ne sais pas pourquoi ?

- Non et c'est flippant.

- Tu ne vas pas me dire que tu as peur d'une voix Sameen ?

- Si c'est flippant. Je ne veux pas l'entendre. Je ne veux pas t'entendre.

- Entendre qui Sameen ?

- Toi... Elle.

- Pourquoi ?

- Je ne sais pas. Je ne veux pas.

- Tu veux que je te dise pourquoi j'ai choisi sa voix, Sameen ?

- Non.

- Tu changes d'avis comme de chemise mon cœur.

- Ne m'appelle pas comme ça ! hurla Shaw.

- Calme toi ma belle, je vais te dire pourquoi j'ai pris sa voix. »

Shaw eut la furieuse envie de jeter le téléphone dans le fleuve, mais sa main était si crispée dessus qu'elle en était presque paralysée.

« J'ai pris sa voix parce que je l'aimais, parce que je l'aime. Et je t'appelle parce que Root t'aime et qu'elle n'aurait pas voulu, elle ne veut pas, que tu partes seule mener une croisade vouée à l'échec. Tu ne peux pas lutter seule contre Samaritain Sameen. Finch, Reese et Fusco ont besoin de toi à leur côtés, c'est ensemble que vous battrez Samaritain Sameen. Ne pars pas. J'ai besoin de toi à mes côtés... Et Root aussi. Elle, toi, moi, ensemble nous sommes invincibles.

- Mais elle est morte bordel !

- Pense à ton serment Sameen, celui que tu as partagé avec ton père. Crois-tu faire preuve de force en partant ? Qui fait preuve de faiblesse Sameen ? Celui qui continue à combattre auprès de ceux qu'il aime ou celui qui les abandonne pour aller jouer vainement au héros ? Celui qui vit nourri par sa haine ou celui qui vit nourri par l'amour que les autres lui portent et par l'amour qu'il a pour eux ? Réfléchis bien à ça. Ensuite tu pourras faire ce que tu veux. Tu es libre.

- Mais...

- Une dernière chose Sameen, que tu dois prendre en compte. Je sais que tu n'as pas envie de l'entendre, mais c'est seulement parce que tu es butée et que ça t'arrange de ne pas y penser, mais moi je vais te le dire. Je ne veux pas que tu partes parce que je t'aime.»

Shaw tendue à l'extrême se figea encore un peu plus si cela était possible.

« Non...ne...

- Et Root t'aimais, t'aime. Tu le sais très bien, n'est-ce pas ?

- Oui, concéda-t-elle en baissant la tête.

- Bien. À toi de décider maintenant. Au revoir, mon cœur.»

Le téléphone redevint silencieux. Shaw le remit dans sa poche. Cette boîte de conserve était tarée, merde… Comment osait-elle ?

Elle regarda son couteau toujours ouvert, elle replia la lame et le garda dans sa main. Elle regarda le fleuve, ses eaux noires. Sa main se contracta douloureusement sur le couteau qu'elle tenait. Elle sentait sa gorge se nouer, ses yeux lui faire mal.

« Merde. »

Elle était seule et avec un peu de chance il n'y aurait même pas de caméra dans le secteur. Peut-être était-elle dans un coin aveugle ? Et puis qu'importait en fin de compte.

Seule face aux eaux noires, elle laissa ses larmes couler. Elle avait envie de tout casser, de tuer tout le monde.

« Merde, merde, merde. »

Elle resta longtemps, laissant couler quelque chose qu'elle ne comprenait pas bien, mais qui lui faisait mal, qui lui avait fait mal.

Longtemps après, elle passa le dos de sa main sur ses joues, remit son couteau dans sa poche. Un petit sourire se dessina sur ses lèvres

« D'accord, c'est complètement taré, mais d'accord, je reste. »

Elle repartit le long du quai vers les lumières de la ville, l'aube n'allait pas tarder, elle espérait que les autres avaient mis leur nuit à profit : elle n'avait pas envie de rentrer pour faire du tricot. Elle marchait doucement, le cœur encore pesant, pas très sûre de ce qu'elle avait appris.

« Tu me manques. »

Cela lui avait échappé, c'était une pensée débile, mais elle l'étouffait. Son téléphone sonna, elle décrocha.

« Ne t'inquiète pas, je serais toujours avec toi mon cœur. Cette fois, personne, plus jamais ne pourra nous séparer. Et... un peu plus haut, prends la Laith Street, va au bout et tourne à droite dans Canal Street. En arrivant à Broadway, tourne à droite va jusqu'à Spring Street et prends encore à droite, tu y trouveras un restaurant français, le Balthazar. Ils ouvrent à huit heures et servent d'excellents steaks... Il faut que tu manges ma belle, tu tires mieux quand tu as le ventre plein et j'adore quand tu dégommes les vilains... Tu es si sexy ! »

Shaw n'eut pas le temps de répondre avant que La Machine ne raccroche. Elle leva les yeux au ciel.

« Même morte tu me dragues encore...ou je me fais draguer par une IA, je ne sais pas...Je suis complètement tarée moi aussi. En tout cas merci pour le tuyau... et moi non plus je ne t'abandonnerai jamais. Promis. »

La sonnerie retentit encore, Shaw soupira, plutôt amusée pourtant

« Qu'est-ce que tu veux encore ?

- Tu ne voudrais pas investir dans une oreillette ?

- Et pourquoi pas un implant pendant que tu y es ?

- L'idée est à étudier !

- Tu peux toujours rêver.

- Tu dis toujours ça Sameen... susurra La Machine avant de raccrocher. »

Shaw allait vraiment devenir folle, mais elle sourit. Bien sûr qu'elle l'achèterait son oreillette, une oreillette dernier cri même, qu'elle mettrait quand elle en aurait envie. Souvent.

Elle accéléra le pas, salivant déjà à l'idée de manger. Le jour était venu, Shaw regarda le fleuve une dernière fois, les eaux se teintaient des ors du soleil levant. Shaw regarda le fleuve et le trouva beau, elle sentit son cœur se gonfler elle ne savait pas trop pourquoi, mais elle se sentait bien et elle sourit. Elle décrocha son téléphone et composa le numéro de Reese

« Reese, je vais manger et j'arrive. »


Texte publié par Mélicerte, 21 septembre 2016 à 10h42
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