Swan repoussa quelques boucles que le vent rabattait sur son visage, laissant son regard errer sur le paysage devant ses yeux : le soleil brillait sur les eaux du Bosphore, allumant des éclats de diamant sur les eaux. La lumière du soir dorait les façades des bâtiments cossus qui longeaient le détroit. Il était douloureusement conscient du silence qui pesait entre son compagnon et lui, même s'il était persuadé de sa bienveillance. Cela faisait une bonne heure qu'ils se promenaient dans les rues de la ville, parlant de tout et de rien. Il lança un coup d’œil discret en direction de l'ésotéricien, constatant qu'il s'appuyait un peu plus que de coutume sur sa canne ; celle-ci ne le quittait jamais depuis qu'il avait été blessé lors d'une mission, pendant la Grande Guerre.
« Peut-être devrions rentrer à présent ? proposa le jeune homme avec sollicitude.
— Peut-être, en effet. Mais nous n'avons pas encore abordé les choses sérieuses. »
Swan sentit ses mains trembler légèrement :
« Les choses… sérieuses ? hasarda-t-il. Vous voulez parler de la raison de notre présence à Istambul… ou bien... »
Les yeux de son interlocuteur brillèrent avec amusement derrière ses verres fumés :
« Nous devront effectivement aborder cet aspect des choses. Certains de nos contacts pensent qu'il y a de bonnes chances pour que nos adversaires aient établit un réseau en ces lieux. Il était intéressant d'explorer un peu les choses avec… un certain regard, et comme Vesper se trouve sur une autre piste, je me suis proposé pour reprendre du service. »
Swan hocha la tête, un peu déçu :
« Je comprends, John. Vous pensez vraiment…
— Non, je ne crois pas. Istanbul est une ville emplie de secrets invisibles aux yeux du commun, mais rien qui concerne les Titans ou leurs suivants. À vrai dire, je m'en doutais, mais il me semblait intéressant de faire équipe avec toi, même brièvement, avant que tu ne retravailles officiellement avec Evy. »
Swan sentit son cœur plonger dans sa poitrine :
« C'est votre épouse qui…
— Oh non, ne t'inquiète pas. Je l'ai décidé seul. Je voulais voir comment tu concevais les choses afin de considérer…
— Si j'étais digne de faire de nouveau équipe avec elle ? demanda-t-il nerveusement.
L'esotéricien le regarda avec surprise :
« Ben sûr que non… pourquoi ? Je voulais juste déterminer comment vos dons respectifs pourraient se compléter plus efficacement. »
Swan s’apprêtait à répondre, quand il réalisa que quelques ombres s'étaient insinuées tout autour d'eux : avec la tombée de la nuit, des détrousseurs avaient jugé intéressant de s'en prendre à ces deux étrangers dont l’apparence n'avait rien de bien imposant.
« Eh, vous ! lança le chef en mauvais anglais. Videz vos poches... »
L'éclat de lames brillait dans les dernières lueurs du soir. Avec lassitude, Swan retira ses lunettes et les glissa dans sa poche avant de langer un regard vers l'Esotéricien, qui lui répondit d'un léger sourire. Mais avant qu'il puisse agir, une voix se fit entendre de l'autre côté du rang :
« Eh, mais qu'est-ce que vous faites ? »
Une voix de jeune garçon, qui parlait en turc. Un peu surpris, Swan tenta de détailler le nouveau venu, en vain. Deux des agresseurs se retournèrent :
« Vous allez les détrousser, comme ça ? Vous êtes vraiment des lâches, de vous en prendre à des gens aussi faibles ! »
Swan hésitait entre hurler de rire et manifester son indignation : avec son costume impeccablement coupé, ses boucles blondes tombant sur son col, sa minceur et ses allures de dandy, il n’était pas vraiment impressionnant. Mais de là à le croire sans défense...
« Mêle-toi de ce qui te retarde, si tu ne veux pas d'ennuis ! lança le chef de la bande.
— Justement. Ça me regarde ! »
Enfin, Swan put apercevoir leur bienfaiteur : un adolescent sans rien de remarquable sinon un certain air teigneux.
« Vous devriez avoir honte d'attaquer un vieux et un...
— Un vieux ? répéta John à mi-voix, avec un amusement non dissimulé.
— Sauf votre respect, milord, remarqua Swan avec amusement, vous avez une canne, des lunettes, des tempes grisonnantes…
— Par pitié, évite de m’appeler ainsi… Et tu as mal regardé, je n'ai pas un seul cheveu blanc... »
Le jeune homme blond ne put s'empêcher de rire, mais son hilarité fut stoppée net quand il vit le garçon foncer vers l'un des attaquants, les poings serrés. Il ne put s'empêcher d'admirer son courage – ou son inconscience, en se demandant s'il ne cherchait pas à se faire tuer. Il échangea un regard avec John, qui lui répondit d'un léger hochement de tête.
L'une des choses que Swan avait apprises sur cet îlot de malheur, c'était à se battre. Son assaillant, certainement persuadé que le dandy blond ne faisait pas le poids face à lui, n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. Il se retrouva à terre, perclus de contusions – et peut-être de quelques fractures. Celui qui s'en était pris à l'ésotéricien reçut le même traitement : depuis qu'il était ralenti du fait de sa blessure, ce dernier s'était appliqué à s'entraîner au maniement de la canne. Son opposant rejoignit en un clin d’œil son compagnon déjà à terre.
Les deux agents de Gladius Irae échangèrent un coup d’oeil entendu. Et quand le jeune héros qui leur était venu en aide vit son propre opposant s'effondrer, il ne réalisa pas que c'était du fait des coups efficaces et discrets portés par deux combattants confirmés.
Quant au quatrième larron, il prit la fuite sans demander son reste.
Le garçon se tourna vers les deux étrangers, un peu surpris de voir qu’ils s'en étaient tirés avec un tel brio. John prit immédiatement les devants :
« Merci beaucoup pour votre aide. Grâce à vous, nous étions presque à nombre égal et cela a fait toute la différence... »
Le visage de l’adolescent s'empourpra de confusion – plus encore quand une voix l’interpella :
« Erkan ? »
Une jeune fille fit irruption sur la scène du combat : blonde et élégamment vêtue, elle avait tout d'une touriste étrangère ; il était surprenant qu'elle puisse connaître un garçon qui n'appartenait visiblement pas à son monde. Swan songea qu'il devait y avoir une histoire intéressante derrière tout ça. Elle ouvrit de grands yeux en voyant les trois malfrats gisant sur le sol :
« Que s'est-il passé ? Ne me dis pas que tu t'es battu ? »
Le dénommé Erkan baissa le nez, confus.
« Ce jeune homme nous est venu en aide, expliqua John. Ce qui est une attitude tout à fait louable, même si ce n’était pas sans risques... »
La jeune fille ouvrit de grands yeux, mais se ressaisit immédiatement :
« Des risques ? Tu t'es mis en danger, Erkan ?
— Euh… Eve, je peux tout t'expliquer... »
Swan dressa l'oreille en entendant le nom de jeune blonde : même si elle ne lui ressemblait en rien, cette Eve n'était sans lui rappeler son Evy dans son attitude aussi protectrice qu'inquisitrice. Il frémit légèrement et décida qu'il valait mieux les laisser régler leurs affaires seul à seule. Il entama une retraite prudente, sous le regard doublement amusé de John.

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