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volume 9, Chapitre 2 « Quatre Guerres : Kami » volume 9, Chapitre 2

Il y avait longtemps, si longtemps qu’il lui semblait que le temps même n’existait plus. Autour de lui, tout n’était que silence et ténèbres. Une obscure clarté avait fondu sur les lieux ; au mieux il ne se rappelait aucun souvenir. Ou alors des bribes, semblables à des éclats luminescents qui sillonneraient la voûte céleste ; il sourit et ses dents se couvrirent de givre. Du regard, il cherchait le ciel, la lumière, mais il n’apercevait que des chimères, des ombres en devenir qui erraient au fond de la plaine. Ombres chinoises, elles avançaient sous les cris muets de l’une d’entre elle, dont le bras faisait des moulinets et tous tenaient entre leurs doigts cet étrange morceau de bois, terminé par une pointe qu’il savait de métal. Dans la plaine noire, ses yeux couleur poussière s’égaraient, au fond se reflétait la folie et elle des allures de mélancolie.

Appuyé sur l’une des pointes de métal, prolongée d’un étrange manche en bois dont il se demandait bien à quoi il servait, il contemplait ce corps soudain devenu étranger. Il leva un bras maigre ; les os saillaient et les veines noirâtres étaient constellées de cratères. Au bout se démenaient des doigts arachnéens qui tentaient d’accrocher le vide, en vain. Mais bientôt le membre retomba et il soupira ; une exhalaison blanche jaillit de sa bouche, pourtant il ne ressentait pas le froid. Ses yeux, d’un gris délavé, erraient dans l’obscurité et à l’intérieur se reflétait la folie, et elle avait la couleur du vide.

Soudain, il éclata de rire comme sous des doigts le métal tombait en poussière, ne demeurait plus qu’un minuscule anneau de cuir bouilli.

Où étaient donc passés ses camarades ? Étaient-ce ces ombres qui courraient là-bas ? Qui tombaient là-bas, fauchées dans leur élan par quelque invisible ennemi ? Qui disparaissaient là-bas ?

Un instant, un court instant, il se tut, puis le fou rire le gagna de nouveau, inextinguible, incoercible. Mais c’était un rire creux, un rire malheureux, un rire douloureux ; le rire d’un mort qui ignorerait qu’il est vivant ; le rire d’un mort qui aurait oublié d’être vivant. Sur son visage, les larmes roulaient le long de ses joues ; des larmes qui se changeaient en sel lorsqu’elles frappaient la pierre. Dans le lointain, une porte s’ouvrit ; une porte sur l’enfer, une porte sur l’hiver, ainsi qu’il le devinât quand elle le frappa. Le pluie glacée fouettait son visage et ses cheveux restèrent collés à son visage. Fauché, comme peuvent l’être les blés sous les coups de faux du moissonneur, il tomba à genoux, les mains jointes, dans la boue glacée. Ses yeux vert-de-gris avaient gelé et à la surface se mirait la folie et elle avait le visage d’une ondine.

Nue, sa peau argentée scintillait dans l’obscurité, elle se tenait face au chevalier. Une odeur ténue de sapin et de cèdre se dégageait de son corps, alors qu’elle se penchait vers le visage douloureux du malheureux. Dans ses yeux gris se reflétait la folie et elle avait épousé la forme d’un esprit. Il voulut sourire, mais ses lèvres étaient glacées, son visage aussi et il se fendit. En face de lui, l’esprit lui sourit, puis se sait de la tête qui se détacha. Posée contre son sein, elle le berça et, au fond de ses yeux gris, la folie s’était métamorphosée en une fée sublime.


Texte publié par Diogene, 23 décembre 2018 à 10h59
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