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volume 3, Chapitre 3 « Quatre Ecritures : Droite » volume 3, Chapitre 3

J’ai le choix, poil de mammouth, plume d’acier ou mine de crayon. J’ai le choix et je ne l’ai pas. Je soupire, tandis que mes doigts courent sur la feuille, vierge et lisse.

– Que fautes-vous ? m’interroge une voix contrefaite.

Soupir d’agacement, je ne regarde même pas la créature, pardon la chose, qui me coupe ainsi dans mon élan. Ce serait lui donner bien plus d’importance qu’elle n’en a déjà. Je préfère encore le contact rêche du papier déchiré sous mes doigts. Lui possède quelque chose que cette autre, qui m’interrompt sans cesse, ne possède pas ; une pureté presque virginale. De nouveau ma main flotte au-dessus du bureau, entre trois hésitations.

– Pourquoi ne répondez-vous pas ? Je ne comprends pas.

La voix éraillée reprend de plus bel. Si je le pouvais, je lui flanquerais mon poing dans sa gueule d’acier. Mais après, il me faudrait payer des pénalités, car mon assurance ne couvrira pas cette fois la casse volontaire de ce gardien, aux faux airs d’ange.

Je soupire et prends une longue inspiration qui ralentit mon pouls. Je pourrais agonir d’injures ce tas de boulons graisseux, injures qu’il ne comprendrait pas plus si je lui expliquais combien sa présence m’est odieuse. Ce n’est pas tant d’une compagnie mécanique que je veux, mais une compagne organique, faite de chair, de sang et de sentiments.

D’un geste rageur, je balaye le bureau. Ma main heurte l’encrier répandant une eau aux reflets mordorés sur la surface vernissée.

– Vous ne m’avez pas répondu. Faut-il que je lance la procédure d’appel ?

– Inutile, lui réponds-je d’une voix lasse et traînante. Je le ferai moi-même.

Dégoûté, je m’écroule sur mon canapé à demi défoncé, sans un regard pour la boîte de conserve qui me fait office de compagne. Roulant sur moi-même, je m’entortille dans le drap qui me sert de couverture. Il fait si chaud. Les yeux fermés, mes mains se déploient aux pieds du canapé, tâtonnant pareilles à des crabes aveugles. Elles heurtent des boulettes de tissus sales et puantes, des fragments de métal déchiqueté, ou encore un carré de carton où repose une chose froide et gluante.

Je grogne.

– Où l’as-tu fichu, satané tas de ferraille ? grommelé-je en moi-même.

Mes mains poursuivent inlassablement, faisant se contorsionner mon corps en tous sens, jusqu’à heurter l’objet de mes désirs. Mes doigts se referment autour, tandis que je sens une présence pesante, au-dessus de ma tête.

– Que me veux-tu ? grogné-je à l’attention de la figure de plastine, aux yeux bien trop gris.

Ses pupilles se rétractent. Je me demande ce qui peut bien se cacher derrière, tant son regard est muet.

–…

Si elle dit quelque chose, car je suis trop occupé à téter les dernières larmes de ma liqueur, que refermait il y a peu encore la bouteille. Vide, celle-ci vole au travers de la pièce, avant de rebondir un fauteuil, duquel elle retombe avec un bruit mou.

– Que faites-vous ?

– Tu ne devines pas ? ricané-je, en m’extirpant du canapé.

Ses yeux clignotent. Je suis sûr qu’elle est en train de calculer toutes les probabilités. Je l’observe d’un sourire niais.

– Vous allez sortir et vous chercher une bouteille de whisky.

– Ouaip ! Mais pas seulement.

J’éclate d’un rire incoercible. Pour eux, on ne fera jamais rien qui sorte du cadre.

– Laisse tomber. Je t’expliquerai quand je serai revenu… ou pas. Ch'ai pas.

Et sans lui laisser le temps de la réflexion, ni de la discussion, je sors.


Texte publié par Diogene, 15 juin 2016 à 22h07
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