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volume 3, Chapitre 2 « Quatre Ecritures : Blanche » volume 3, Chapitre 2

J’ai le choix, plume irradiée, mine de rien ou poils de cochons, à chacun son usage, à chacun son ouvrage. Posé en retrait, au fond de sa cavité aménagée, un encrier, où clapote une eau azurée.

– Que fais-tu ? minaude une voix dans mon dos.

Un frisson remonte le long de mon échine. Je n’ose détourner le regard de mon ouvrage, de peur d’être happé par la créature qui s’épanche à côté de moi.

Elle ne dit mot, mais j’entends sa respiration, lente et profonde. À chaque inspiration, j’ai la sensation qu’elle va s’emparer de mon air vital et faire de moi son esclave. Alors, je me concentre sur la mienne, passant ma main sur le papier de soie, fragile et diaphane. Il me rappelle presque la surface de sa peau délicate ; souvenir électrique qui fait frémir mes doigts. Pince de crabe, ils essaient de se saisir du pinceau, mais ne rencontrent que le vide. Une main se glisse et un murmure se coule dans mes oreilles.

– Pourquoi ne me dis-tu pas ce que tu fais ? Est-ce que je te trouble à ce point ?

Sa main longe mon bras, avant de s’enchâsser dans la mienne.

– Peut-être, lui soufflé-je, tandis que je penche ma tête en arrière, lui offrant une vue étendue de ma gorge nue.

Je sens son souffle sur ma nuque. Son haleine chaude est pareille à du velours. Elle est mienne et je suis sienne. Ses cheveux terre de Sienne recouvrent mes yeux, m’enfermant dans une cage chatoyante.

– Tu ne m’as pas répondu, me glisse-t-elle dans le creux de l’oreille, tandis qu’elle se jette en arrière, étirant son corps souple de panthère.

Ses jambes nues fendent une robe écarlate, tombant mollement à ras du sol, l’une de ses mains, la droite, à moins que ce ne soit la gauche, désigne une bouteille vide couchée sur le sol, jouxtant deux verres, eux aussi renversés.

Tout cela m’ennuie. Je n’éprouve aucun désir, seulement celui de choisir entre les trois runes étalées sous mon nez.

Quel étrange dilemme. Choisir entre la femme, que j’aime et qui me réclame, et ces trois grâces faites de végétal, d’animal et de minéral. Je sens ses yeux d’azur lisérés de nervures me dévorer, ne laissant de moi que mon âme mise à nu. Délice ou supplice ? Je ne saurai trancher, tant la différence est subtile.

– Que veux-tu ? lui susurré-je, tandis que je me glisse à côté de ma femme-panthère, mon visage tête tête-bêche, ma bouche contre la sienne.

Échange de passion, échange de déraison, nous consumons nos émotions.

– Enfin, tu me demandes, me murmure-t-elle, en s’emparant de ma tête, dont elle fait son jouet.

–…

Silence, je sens ses dents explorer mon corps et sa voix, toujours plus suave, se fait entendre :

– Tu ne devines pas ?

Je sens ses mains à la surface de ma peau, plus douce encore que de la soie ou du velours. Je pointe du doigt la bouteille et les verres renversés.

– Oui, bruisse-t-elle. Mais pas seulement.

Un rire cristallin s’échappe de ma gorge.

– Qu’entends-tu par là ? songé-je en moi-même.

Inutile que je l’interroge, elle me renverra mon propre regard, celui d’un sphinx, qui partage sa vie avec celle d’une chimère. Son corps ondule sous le drap qu’elle a rabattu sur son corps délicat, dissimulant à mon regard ses parts intimes et charnues de son anatomie.

– Aucune importance, ronronne-t-elle. Il sera toujours bien assez tôt pour te le dire à ton retour, mon amour.

Elle fait rouler la bouteille jusqu’à mes pieds.

Je m’en empare et l’embrasse. Dehors, le couchant m’attend.


Texte publié par Diogene, 14 juin 2016 à 17h45
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