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Sang ! Ce soir le ciel est rouge sang. Ce matin, il était ocre, encombré de fumée et saturée d’humidité.

Dans la journée, le sirocco a soufflé, charriant encore plus de fumée et chassant l’humidité.

– Ce soir la qualité de l’air est très médiocre. Si vous désirez sortir, n’oubliez pas de vous munir…

La voix crachotante du poste s’affaisse et à la place, c’est le refrain mercantile d’un quelconque fabricant de filtres.

La main s’abat sur le poste, violente, hargneuse, presque haineuse, et il devient taiseux.

Silence !

Il se savoure. C’est un met rare de nos jours.

Derrière la fenêtre en quadruple vitrage parviennent encore quelques bribes de sons urbains : sirènes de détresse ou d’ogresse, hurlements rageurs d'ivrognes privés de boissons, cris d’une morte agressée, dont on recueillera, peut-être à temps, le sang. À l'opposé, le fauteuil attend. Il est encore vide toute présence.

En contrebas, des fumées s’élèvent.

Encore ?

Grasse et luisante, de l’huile lourde a pris feu, masquant bientôt le ciel ruisselant de sang.

La fenêtre s’ouvre, faisant entrer à grandes brassées l’âcre et charbonneuse fumée. Et de nouveau s’étale le ciel incarnat, incandescent brasier agonisant, alors que le soleil s’enterre sous terre.

Le ciel s’éteint, trop opaque, trop épais pour laisser voir les étoiles. À la place, ce sont d’éphémères torchères qui jouent de la lumière, ou de fiers lasers qui ne seront jamais que des ersatz pour une profession de foi. En bas, le vacarme s’atténue à mesure que se révèle le ciel nu. Il ne restera que ces deux carcasses brûlantes et fumantes, qui bientôt viendront disperser les nuées. Le monde se terre, le monde s’enterre quand disparaît le sang du ciel.

Il est temps pour moi de déployer mes ailes, afin de m’en aller abreuver le ciel.