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tome 1, Chapitre 15 tome 1, Chapitre 15

Le regard féroce du dragon fit place à l'amusement et à la fierté, ce qui la déconcerta.

— "N'aie peur, petite humaine."

— Je ne suis pas...

Elle avait réagi par impulsion et haussé la voie, sa taille étant l'un des rares sujets qui la faisait sortir de ses gonds à tous les coups. Elle avait toujours eu un complexe à ce propos, toutes les autres Dames de la cour la dépassant d'une tête et la regardaient ainsi de haut. Que n'aurait-elle pas donné pour que les places soient inversées ne serait-ce qu'une fois afin de leur rabattre leurs caquets.

Réagissant comme une enfant fautive, elle se mit à bégayer.

— J-Je veux dire... C'est que... Heu...

A chaque fois qu’elle ouvrait la bouche, elle ne faisait qu’aggraver son malaise. Elle décida donc que la plus sage solution était de fermer une bonne fois pour toutes ses lèvres et d'attendre sagement.

— "Vous autres, humains, me faites bien rire. Pourquoi vous taisez-vous alors que vous mourrez d'envies d'exprimer votre pensée ? Cela éviterait bien des complications."

Azeo c'était déjà fait cette remarque une fois, lorsqu'elle était plus jeune. Elle avait fini par poser la question a cet homme qui lui avait alors expliqué que, parfois, toutes choses n'étaient pas bonnes à dire, et que de plus certaines personnes ne supportant pas d’être contredites réagissaient avec trop d'empressement. Il avait conclu que les gens avaient fini par n'exprimer que ce qui plaisait à leurs interlocuteurs d'entendre, gardant leurs pensées cacher.

Plusieurs minutes s'écoulèrent dans un silence pesant, le dragon continuant de la fixer. Ce regard braqué sur elle lui donnait l'impression d'être mise à nue. Non pas physiquement mais mentalement. Elle avait l'impression que la créature savait tout ce qu'elle pensait et cela lui déplaisait. Azeo se mit à se tordre les doigts pour évacuer son anxiété, ce qu'elle ne faisait jamais habituellement.

— "N'ai crainte, je ne te ferais aucun mal. Pose donc les questions qui taraudent ton esprit."

La demande la surprit. Même dans ces rêves les plus fous, elle n’aurait jamais imaginé échanger tranquillement avec un dragon. Néanmoins, Azeo avait effectivement des dizaines de questions qui se pressaient dans son esprit, mais elle préféra d'abord analyser ce qui lui était arrivé jusqu'ici afin de poser celles qui lui apporteront de réelles réponses, l'aidant à mieux comprendre la situation dans laquelle elle se trouvait. Elle commença par une question banale, testant les réactions du dragon face à ses interrogations.

— Où sommes-nous ?

— "Dans mon reperd."

— Plus précisément ?

— "Dans le territoire que vous appelez le Domaine de la Forêt Noire. Et pour devancer ta prochaine question, nous sommes exactement dans une grotte naturelle dont la seule issue se trouve là-haut."

Il leva la tête et indiqua le trou dans le plafond. Mince, il avait deviné où elle voulait en venir. Azeo cherchait un moyen pour sortir d'ici, mais, visiblement, cela allait s'avérer bien plus difficile que prévue. Elle poussa un profond soupir et se laissa tomber au sol. Elle ne tenta pas de dissimuler son abattement, le dragon semblant lire en elle comme dans un livre ouvert. Elle se demandait bien comment il faisait, mais n'osa pas poser la question.

— "La réponse est pourtant simple. Nous sommes liés."

Elle releva la tête de surprise et fixa la créature.

— Quoi ?

Elle n'osait pas croire ce qu'il venait de dire.

— "Nous avons échangé nos sangs. Nos âmes sont donc liées à présents. Tout ce que tu penses, je le sais aussi. Tout comme plus tard l'inverse sera aussi vrai."

Elle leva les mains et les agita dans sa direction.

— Ou-la, doucement ! Nous sommes quoi ? Non, plus important. C'est quoi cette histoire de sang ? D’accord, la vielle bique là-bas ma faire boire ton sang, mais quand as-tu bu du mien ?

Face à la colère et l'indignation qui se livrait bataille en elle, Azeo avait laissée tomber les formulations respectueuses. Elle s'adressait à la créature comme si elle l'avait toujours connue. Elle avait aussi tendus le bras en direction de la vieillarde et elle comprit quand ses yeux se posèrent sur son bras. Il avait dû boire son sang lorsqu'il l'avait mordu et transporté dans sa gueule.

—"Effectivement. L'échange de sang est un ancien rite sacré que nous utilisions lorsque nous ne nous étions pas encore entre déchirer dans la guerre. Il nous servait à désigner les humains sous notre protection. C'est de ce rituel que se sont inspiré les Nitoumb, les Renégats, pour lier non pas des dragons adultes, mais des œufs."

— Tu veux plutôt dire que vous massacriez les humains. Il est bien connu que les dragons nous chassaient comme du vulgaire bétail. En aucun cas il n'est fait mentions de dragons aidant les Hommes.

— "Tout comme il est connu que nous avons disparu ?"

Azeo ouvrit la bouche pour répliquer, mais la referma bien vite. Il n’avait pas tort. Pas plus tard que la semaine dernière, si quelqu'un lui avait rapporté avoir vu un dragon, elle lui aurait répliqué de réduire sa consommation d'alcool.

— Admettons.

Elle réfléchissait encore à ce qu'il venait de dire quand un détail lui fit froid dans le dos.

— Que "vous" utilisiez ? Ne me dis pas que tu as...

— "J'ai connue 743 saisons chaudes".

Azeo émit un petit rire nerveux. Ce n'était pas possible. Elle ne pût s’empêcher de lancer un sarcasme.

— Et moi je suis la reine de Kinaroc.

— "Pas encore, mais ton jour viendra, petite princesse."

— Comment...

Elle secoua la tête, refusant de croire le moindre mot qu'avait prononcé le dragon. Tout cela était tout bonnement impossible. Elle ne pouvait croire ce qu'il racontait. Alors que la panique s'emparait d'elle, Azeo prit une lente et profonde inspiration qu'elle bloqua un moment avant d’expirer tout aussi lentement. Ce geste l'avait toujours d'étendue et l'aidait à faire le vide dans son esprit. Elle recommença plusieurs fois jusqu’à ce qu'une douce quiétude envahisse son esprit maintenant vide de toute pensée parasite.

— Pourquoi m’avoir enlevé ?

— "Car il le fallait."

— C'est-à-dire ?

— "Mon instinct me criait de te trouver."

— Pourquoi nous avoir liés ?

— "Si je ne l’avais pas fait, tu serais morte."

— Que cela aurait-il changé ?

— "Je ne sais pas, mais je ne pouvais laisser cela arriver."

— En quoi le fait de partager nos sangs m'a empêché de mourir ?

— "Mon sang t'a aidé à guérir plus vite en refermant tes plaies et activant ton système. Si je n’avais pas procédé au lien, mon sang n'aurait pas agi ainsi. Il ne peut guérir que ceux qui me sont liés."

— Tu es donc lié à d’autres personnes ?

— "Plus depuis des années."

— Et elle ?

— " Zrul ! (1) . Elle m'aide et je la protège, c'est tout."

— Qui est cette femme ?

— "L'une des esclaves qui c'est enfuit d'un village plus au Nord."

Cette information intéressa Azeo, mais elle n'en laissa rien paraitre. Elle évita même d'y penser et continua comme si de rien était.

— Que va-t-il m'arriver maintenant ?

— "Tes sens vont se développer davantage. Cela pourra être déconcertant pendant un moment, mais ce ne sera que l'affaire de quelques jours, le temps que tu t'y habitues."

— C'est tout ?

— "Tu seras aussi plus forte qu'une humaine moyenne et plus rapide, mais cela te fatiguera plus vite. Tu guériras plus rapidement, comme tu as déjà pût le voir."

— Devrait-je boire à nouveau de ton sang ?

— "Non, le lien est déjà en place."

— Peut-on briser ce lien ?

— "Seulement lorsque l'un de nous mourra."

— Suis-je libre ou bien t'appartiens-je ?

— "Nous sommes peut être liés, mais en aucun cas tu n'es ma chose. Tu peux continuer à vivre comme bon te semble. Mais sache que je serais toujours là, avec toi, dans ton esprit."

Azeo poussa un profond soupir. Sa gorge la brulait, n'étant plus habituée à parler autant. La majeure partie du temps elle était seule. Lorsqu'elle conversait avec une personne c'était soit à la cour, et elle ne participait guère aux commérages avec les autres Dames, soit lorsqu'elle endossait le nom de Faucon de la Nuit, alors ces échange se limitaient au strict minimum. Elle mourait de soif. Le dragon se leva, ce qui dégagea un nouveau tunnel derrière lui. Il s'engouffra dedans, et elle eue peur qu'il y reste coincé tellement le passage était étroit. De nouveau il lui demanda de la suivre, ce qu'elle fit.

Étrangement, le tunnel n'était pas si sombre que ça. Elle ne savait pas d’où venait la lumière, mais le long couloir était baigné dans une douce lumière. Alors que l'endroit aurais dû être austère, Azeo s'y sentie bien, apaisé. Soudain tout devint noir, la prenant par surprise et elle se prit de nouveau les pieds dans quelque chose.

— "Attention à ne pas marcher sur ma queue, tu pourrais te faire mal."

En tombant, elle avait instinctivement tendus les bras en avant afin d'amortir sa chute. Résultat, ses paumes l’élançaient. Azeo n'y voyait toujours rien et cela l'agaça.

— Pourquoi fait-il sombre tout à coup ?

— "Comment ça ?"

Elle leva les yeux au ciel, sa question n'était pourtant pas si compliqué. La façon qu'avait ce dragon à ne pas lui donner de réponses claires commençait vraiment à l'énerver.

— Pourquoi, alors que je voyais où je mettais mes pieds il y a même pas cinq minutes, tout est devenue noir en un claquement de doigts ?

— "C'est juste tes sens qui s’adaptent, comme je te l'ai dit plus tôt."

Azeo réfléchit un moment puis, voulant vérifier si sa déduction était bonne, interrogea :

— Donc tu peux voir dans le noir ?

— "C'est très pratique pour voir la nuit. Voir sa proie aide grandement pour chasser. Mais attention, il faut toujours une source de lumière quelconque pour cela. La nuit, la lune suffit amplement."

— Et ici ?

Elle n'avait vu aucune torche ou puits permettant à la lumière de la surface de parvenir jusqu’à eux.

— "Je te montrerais plus tard."

Quelque chose de dur et rugueux lui tapota le bras.

— "Attrape ma queue afin de ne pas te perdre."

Même si l'idée de s'accrocher à un dragon, créature réputé pour avoir dévoré les humains sans pitié dans le passé, lui faisait horreur, elle ne voulait pas se retrouver seule, perdu et assoiffé dans ses couloirs. Elle ne comprenait pas comment elle connaissait cette information, mais elle savait qu'il y avait tout un réseau de souterrains qui couraient à partir de cette galerie. Elle obéit donc. A peine sa main c'était-elle refermée sur l'appendice qu'elle poussa un cri de douleur.

— "J'ai oublié de te dire de faire attention aux pointes, elles piquent."

— Je m'en suis rendu compte !

Elle porta son doigt meurtrit à sa bouche. Le gout de son sang lui rappelait ce qui lui était arrivé un peu plus tôt. Elle doutait de ne jamais parvenir à oublier ce moment.

Ils débouchèrent finalement dans une vaste salle dont l’écho d'un doux clapotis provint jusqu’aux oreilles d'Azeo. Malheureusement elle n'y voyait toujours rien, et le fait que de l'eau se trouve non loin ne faisait qu’accentuer sa soif, la mettant au supplice. Toutefois, elle n'osait s'aventurer plus en avant tant qu'elle n'y verrait pas mieux. Le dragon s’approcha de la paroi et, de ses puissantes pattes avant, frotta la couche qui recouvrait la pierre.

Aussitôt, une douce lueur bleuté apparue. Azeo s'approcha de plus près et eu la surprise de découvrir que la lumière provenait de la mousse qui recouvrait la paroi. Elle avait déjà entendu parler de ce végétal si rare qui ne poussait que dans certaines zones très précises d'Ataria. Une fois, sur le marché noir, un marchant avait dit en possédé, mais Azeo lui avait ri au nez et c'était éloigné.

Azeo passa la main sur la paroi à son tour, curieuse. La mousse était humide et dégageait une odeur de terre semblable aux senteurs qui flottaient dans l'air après un orage, ce qui était loin d’être désagréable. Sous ses doigts, les minuscules feuilles étaient douces.

— "Les algues qui se sont développés au fond du bassin ont les mêmes propriétés. Il suffit de les toucher pour qu’elles s’illuminent. Fait attention toutefois de ne pas les abimer, il faut des années pour qu'une nouvelle plante se forme."

Elle se retourna. Devant ses yeux émerveillé se trouvait une source dont l'eau s'écoulait paresseusement jusqu’à un bassin. Ce dernier occupait pratiquement tout l'espace et semblait profond. Le dragon s'avança dans l'eau et s'y enfonça lentement jusqu’à ce que son ventre soit à son tour immergé. Ce faisant, des lueurs bleues, vertes et blanches apparurent dans son sillage.

Azeo emprunta une petite avancée qui suivait la paroi et menait jusqu’à la cascade miniature. Elle tendit le bras, sa main courbée afin de recueillir de l'eau. A son contacte, un frisson la parcourue tant elle était fraiche. Elle la renifla puis la porta à sa bouche. Le liquide dévalant dans sa gorge lui fit un bien fou, apaisant les tiraillements qu'elle avait ressenti jusque-là. Elle recommença plusieurs fois, jusqu’à temps que sa soif soit étanchée.

Elle fixa ensuite les ondes à la surface du bassin, produites par le déplacement du dragon. Azeo n'avais plus qu'une envie, se jeter tête la première dans l'eau. La boue et le sang qui maculaient ses vêtements dégageaient une odeur désagréable. De plus, elle était prête à parier qu'elle ne devait pas sentir bon, elle aussi, après ses jours passé a crapahuter dans la forêt, à suer sang et eau.

Se tournant vers le dragon qui était maintenant roulé en boule dans un coin elle se demandait si elle pouvait se le permettre. Elle ne voulait pas risquer de déclencher la fureur de la créature en faisant quelque chose de travers. Néanmoins, elle doutait qu'il lui fasse du mal. Il avait l'air de l'apprécier, même si c'était un grand mot pour un animal avec une telle réputation. Ce qui était également son cas, a sa plus grande surprise. Elle devait avouer qu'un lien c'était effectivement noué entre eux. Pas de ceux formés après des années passées à se côtoyer, ni même ceux crée par la famille, bien qu'elle ne sache pratiquement rien à ce sujet. C'était quelque chose de plus profond, de plus sacré.

— "C'est que qu'on appel le Barzat, le lien. Il n'y a pas de mot pour le décrire."

Il entre-ouvrit un œil, qui se balada sur le corps d'Azeo, puis se releva.

— "Profite bien de ton bain, je vais aller demander à Kazli si elle a quelque chose pour toi."

— Kazli ? Qui est-ce ?

— "Celle que tu appelles la folle. Bien que tu n’as pas complètement tort, évite de le dire devant elle."

Azeo baissa la tête. Elle n'avait jamais aimé que les autres la jugent sur son apparence. Que savaient-ils d'elle ? Rien. Pourtant, il se permettait de condamner ces actes sans chercher à connaitre la raison qui l'avait incité à agir ainsi. Elle s'était promise de ne jamais faire de même, pourtant, c'était bel et bien ce qu'elle avait fait avec la vieillarde.

Elle releva la tête et, avant que le dragon n'ait disparu, lui demanda :

— Au fait, comment dois-je t'appeler ? Parce que m'adresser à toi en disant : Hey le dragon, ce n’est pas vraiment ce qu'il y a de mieux.

— "Kordah."

— Je suis...

— "Azeo, je sais."

Elle ouvrit la bouche pour lui demander comment il savait quand elle perçue une pensée qui ne lui appartenait pas.

— "Za barzat dir srot. (2)"

Effectivement, le lien se renforçait. Elle découvrit que Kordah voulait dire rage. Elle se demanda ce qu'il avait fait pour mériter un tel nom, mais une autre découverte lui glaça le sang. Pour lui, elle n'était pas Azeo, mais Azae. La précieuse.

Une fois ses vêtements balancés dans un coin, Azeo s'avança dans l'eau, centimètres par centimètre, laissant à son corps le temps de s’habituer à la faible température. Une fois immergé jusqu’à la taille, elle s'amusa à deviner de quelle couleur allait s'illuminer telle algue avant de l’effleurer. Elle poursuivie son petit jeu, s’éloignant un peu plus du bord. Bientôt ses pieds ne touchèrent plus le fond et, basculant en arrière, elle se laissa flotter. Profitant du silence, elle ferma les yeux.

Elle se souvint de la première fois qu'elle s'était baigné dans quelque chose de plus grand qu'une bassine, lors de son voyage en Lorendi avec son maitre. Elle n'était alors encore qu'une gamine d'une dizaine d'années et, intrigué par l’océan qui s'ouvrait non loin, avait courue jusqu’à la plage la plus proche. D'autres enfants s'y trouvaient. La voyant seule, ils l'avaient invité à venir jouer avec eux.

Tout d'abord apeurée, cherchant si « il » était là et ne lui faisait pas signe de revenir, elle s'était finalement laissé tenter. Elle courue avec les autres sur le sable, escalada les rochers et les aida à chercher des coquillages. Puis, alors que le jour commençais à décliner, l'un des garçons avait jeté sa veste et avait courue vers la mer. Bien vite tous les autres enfants le suivirent, laissant Azeo seule.

Voyant qu'elle ne les rejoignait pas, une fillette aux yeux verts et aux cheveux d'un brin clair cascadant dans son dos en dessinant des volutes, lui avait demandé ce qui la dérangeait. Lorsqu'elle eut compris qu'Azeo ne savait pas nager, elle s'en était fait un défi personnel de parvenir à lui apprendre les bases avant la nuit. Dès que ses pieds avaient perdu le contact du sol, elle s'était mise à paniquer, s'agitant en tous sens.

La fillette était parvenue à la calmer par elle ne savait qu'elle miracle, puis lui avait expliqué qu'elle ne risquait rien, son corps flottant naturellement. Elle lui en avait fait la démonstration puis l'avait encouragé à faire de même. A la fin de la journée, Azeo parvenait à nager tant bien que mal, mais parvenait à garder la tête hors de l'eau.

Lorsqu'elle avait voulue remercie la petite fille, celle-ci était entourée par un groupe de soldats visiblement énervé, mais soulagé. Azeo c'était discrètement enfuit. Elle avait longtemps regretté de ne pas être allée défendre cette fille, mais elle savait que son aide n'aurait rien changé à la situation. Cependant, elle n'avait jamais compris pourquoi des hommes d'armes en avaient après elle.

Laissant ses souvenirs s’estomper, Azeo prit une profonde inspiration en plongea. Elle nagea ensuite jusqu’à la petite cascade et se plaça en dessous. L'eau coulant librement sur sa peau lui fit un bien fou, mais regrettait de ne rien avoir pour se nettoyer plus méticuleusement. A peine avait-elle eu cette pensée qu’un son rauque résonna dans son dos. Elle se retourna vivement et découvrit la vieillarde.

Elle portait dans ces bras un petit baquet en bois tout simple et un morceau de tissu. Elle les déposa au bord de l'eau, les pointa de son doigt crochu, puis releva son bras en direction de la jeune femme. Une fois qu'Azeo eu hoché la tête comme quoi elle avait compris que c'était bien pour elle, la vielle femme et recula vivement, comme si elle allait être attaqué.

Azeo se remémora ce que lui avait dit Kordah. Comment avait-il dit qu'elle appelait ?

— Merci Kazli.

Azeo vit une étincelle de joie briller dans les yeux aveugles avant qu'elle ne s’engouffre dans le tunnel.

Traversant de nouveau le bassin en nageant tranquillement, Azeo examina ce que Kazli lui avait apporté. Elle trouva un petit savon fabriqué à partir de cendres et de graisse animal parfumé à la lavande. Cette découverte la ravie, elle allait enfin pouvoir se débarrasser de cette couche de saleté qui la recouvrait et commençais à la démanger.

Seulement, un problème se posait. Elle n'allait pas pouvoir utiliser le savon dans le bassin sous peine de détruire la végétation fragile. Elle sortit de l'eau, garda le savon en main et marcha jusqu’à la cascade en passant par la passerelle qui longeait la paroi. Le pas assuré, comme si elle avait reproduit le geste mainte fois, elle passa sous le ruisseau d'eau, sautant de pierre en pierre.

Une fois de l'autre côté, Azeo continua de longer le mur et s’engouffra dans une petite faille qu'elle n'avait pas distinguée jusqu’à présent. Elle atterrie dans une salle nettement plus petite. Ici aussi, une cascade s'écoulait, plus rapide et tumultueuse que la précédente. A ses pieds s'étendait un bassin peu profond de la taille d'un baquet.

Elle clignât plusieurs fois des paupières, légèrement perturbée. Dans sa tête la voie désincarnée de Kordah résonna. "J'ai pris la permission de guider ton corps." Relevant vivement la tête et s'adressant à la voute du plafond elle s'écria :

— Ne touche pas à mon corps sans me le demander avant ! C'est répugnant !

Elle n'obtint aucune réponse mais sut qu'il l'avait entendu.

Azeo s’immergea de nouveau dans l'eau, qu'elle eut la surprise de découvrir tiède, et fit mousser le savon dans ses mains. Elle se délecta du doux parfum qui s'en échappait et se réjouit de sentir la même odeur se dégager à présent de sa peau. Elle fit ensuite courir ses doigts dans ses cheveux et les démêla tant bien que mal. Elle ne fut satisfaite que lorsqu'elle put passer ses mains tout du long sans rencontrer le moindre nœud.

Elle se rinça et s'abîma dans la contemplation d'un petit monticule de mousse flottant doucement. Étrangement, elle trouvait qu'il illustrait bien sa vie. Bien qu'elle se soit persuadée du contraire, elle n'avait fait que suivre le chemin qui était déjà tracé pour elle. Que ce soit en tant que noble à la cours du haut roi, faisant au final tout ce que son père lui avait conseillé de faire, c'est-à-dire de cacher sa véritable identité, ou bien en tant que Faucon de la Nuit, n'ayant fait que marcher dans les pas de son maitre. Ce constat l’accabla. Elle se sentit l'équivalent d'une poupée sans défense aux mains d'un destin parfois bien cruel.

Toute perdue dans ses réflexions, sa main s'était baladée le long des cicatrices qui constellaient son corps. Personne, la voyant nue, ne pourrait penser qu'elle est la princesse héritière que Kinaroc. C'est gens n'aurait pas tort. Que savait-elle vraiment de ce rôle ? Rien. Strictement rien. Encore une fois elle n'avait fait qu'obéir sans se poser de questions.

Ses doigts finirent leurs courses sur sa cuisse. La plaie laissée par la rouquine était refermée, mais une légère boursouflure persistait. En repensent à ce combat, un sourire fleuri sur les lèvres d'Azeo. Pour la première fois elle avait fait quelque chose d'elle-même. C'était elle qui avait décidée de ne pas rentrer au château, mais de se lancer à la poursuite d'Astrid. Oui, elle n'était pas un pantin. Elle pouvait prendre ses propres décisions. Et c'est ce qu'elle ferait à l’avenir.

C'est fort de ses résolutions qu'elle regagna la salle au grand bassin et enfila la tunique en toile et le pantalon de cuir que lui avait donné Kazli. D'un pas vif et sûr, elle parcourue les tunnels qui formaient un véritable labyrinthe. Grâce au lien établit avec Kordah, elle savait lesquels emprunter pour parvenir jusqu’à lui. Il était temps qu'elle lui dise le fond de sa pensé. Enfin, s'il ne le savait pas déjà...

(1) = Non !

(2) = Le lien se renforce.


Texte publié par Lorelei, 16 mars 2017 à 14h37
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