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tome 1, Chapitre 12 tome 1, Chapitre 12

L'entrée inopinée du soldat arrêta net la conversation. Visiblement, quelque chose le dérangeait. Il fit plusieurs allers et retours dans l'espace réduit de la tente, s’arrêta, fixa Doricien puis Azeo et il recommença à faire les cent pas. La blessée jeta un regard interrogateur au noble, mais celui-ci haussa les épaules, signe qu'il n'en savait pas plus qu'elle. Voulant éclaircir la situation, Azeo prit la parole.

— Que se passe-t-il ?

Guasdrul s’arrêta de nouveau et se mit à gesticuler, ouvrant parfois la bouche, mais aucun sons n'en sortit. Le spectacle déstabilisa la jeune femme qui ne sut comment réagir. Ce fut Doricien qui prit les choses en mains.

— Oula, du calme.

Le soldat poussa un profond soupir puis se laissa tomber au sol. Le désespoir qui s’échappait de lui, provoqua un pincement au cœur d'Azeo. Elle demanda au noble de l'aider à s'asseoir, ne voulant pas poursuivre la conversation allongée, signe flagrant de faiblesse. Ce ne fut qu'une fois installé le dos droit, a la même hauteur que les deux hommes assis, qu'elle se sentit bien. Elle prit une profonde inspiration puis, d'une voix calme, demanda :

— Guasdrul, êtes-vous muet ?

L'homme fit un pauvre hochement de tête, mais garda son regard rivé au sol. Elle avait pourtant essayé de ne laisser aucune émotion filtrer à travers sa voie, ne voulant porter aucun jugement. Toutefois, une note de scepticisme avait réussi à percer. Elle s'en voulue. Un long silence s'ensuivit. De nouveau, Doricien intervient.

— Comment faites-vous pour communiquer avec les autres normalement.

Le soldat tendit les bras et secoua les mains, déconcertant de nouveau les deux jeunes gens. Voyant qu'il ne parvenait pas à se faire comprendre, Guasdrul levant le bras en l'air en signe d'abandon. Azeo voulait tellement comprendre ce qui lui arrivait, mais tant qu'elle ne parviendrait pas à ce que l’échange soit possible dans les deux sens, cela ne mènerait à rien.

La position qu'elle avait adoptée n'avait rien de confortable et sa blessure à la cuisse la tiraillait. Elle tenta de bouger pour se soulager, mais elle ne fit qu’aggraver les choses. Elle baissa les yeux et vit du sang commencer à maculer le drap. Percevant son mouvement, Doricien commença à appuyer légèrement sur ces épaules, l'obligeant à se rallonger, lorsqu'elle s'écria:

— C'est ça !

Sa soudaine exclamation fit sursauter les deux hommes.

— Est ce que vous savez lire et écrire ?

Le hochement de tête affirmatif se fit de plus en plus vigoureux lorsqu'il comprit où elle voulait en venir. Elle reporta son attention sur Doricien.

— Puisque vous avez décidez d’êtres mon chevalier servant, pourriez-vous aller nous chercher de quoi écrire ?

Il grommela son mécontentement, mais s’exécuta. Lorsqu'il revint, Guasdrul s'était installé sur le tabouret et tenait la main d'Azeo. Elle était allongée et quelques gouttes de sueur perlaient sur son front. Il s'en inquiéta, mais elle répondit que ce n'était que le contrecoup de la réouverture de sa plaie.

Sans lui demander son avis, il souleva les draps, lui faisant émettre glapissement de protestation, et secoua la tête de désapprobation.

— Voilà ce que l'on obtient lorsqu'on ne suit pas les consignes. Votre plaie s'est rouverte et il va falloir de nouveau changer les bandages. Sauf que cette fois, ce ne sera pas les mains expertes de la guérisseuse qui s'en occuperont.

Puis, légèrement railleur, il ajouta :

— Enfin, je ne suis pas si nul que ça. La dernière personne que j'ai aidée n'a que seulement perdu sa jambe. Mais bon, il faut voir le côté positif, elle est toujours en vie. Si jamais cela vous arrive, vous n'aurez qu’à vous en prendre à vous-même.

Lorsqu'il voulue défaire les bande de tissus imbibé de sang, Azeo lui agrippa fermement le bras et secoua la tête.

— Dite moi que vous plaisantez...

Son regard apeuré ravie un moment Doricien, obtenant enfin un semblant de revanche. Il éclata d'un rire franc.

— Détendez-vous, je blaguais.

— Ce n'est pas drôle !

— Pour moi, si. Ayez confiance.

— Très bien, mais attention à vous. Je suis sûr que vous ne voulez pas savoir ce qui est arrivé à la dernière personne à m'avoir fait mal.

Doricien prit place près de sa jambe, tandis que Guasdrul prenait la plume, l'encrier et des morceaux grossiers de papier. Il commença à écrire. Le noble commença par nettoyer la plaie puis prit le pot qu'avait utilisé la vieille femme un peu plus tôt, contenant l’onguent. Il le renifla et le retira vivement de sous son nez. Il s'en dégageait une odeur atroce, rappelant les feuilles en décompositions à la fin de l'automne.

— J'espère que c'est aussi efficace que l'odeur en en est insupportable.

Il en préleva une bonne quantité du bout des doigts et fit une grimace.

— Pourvue que l'odeur s'en aille rapidement.

Il approcha sa main de la blessure et Azeo serra les dents d'avance. Une vive brûlure se propagea dans toute sa cuisse, puis se propagea à tout son corps. Heureusement qu'elle savait ce remède efficace. Guasdrul émit un bruit de gorge, attirant l’attention de la blessée. Le soldat avait fini et lui tendait la feuille. Elle l'attrapa d'une main tremblante puis la positionna à hauteur des yeux et la lut à voix haute, de façon à ce que Doricien l'entende, en prenant garde toutefois à ne pas faire porter sa voix trop loin. On dirait bien que les murs ont des oreilles, alors pourquoi pas les tentes ?

— Lorsque je suis allé prendre des nouvelles de Dame Astrid, on n'a pas voulue me laisser passer. J'ai beau eu essayé de me faire comprendre, on m'a renvoyé. Je ne comprends pas pourquoi l'on m'a traitée ainsi. Jusqu’à maintenant, on ne m'a jamais refusé l'entrée de sa tente et tous savent que je suis à son service. J'ai alors insisté, mais je n'ai eu comme résultat que des moqueries. On m'a ri au nez et expliqué que vue ma tare, je ne pouvais pas être sous les ordres de Dame Astrid.

Azeo tourna la tête dans la direction du soldat. Il avait un regard qu'elle connaissait bien. C'était le même regard que celui qu'elle avait vu plus jeune, lorsqu'elle côtoyait les enfants des rues. Ils étaient coriaces et scrutaient le monde qui les entourait les yeux emplis de colère. Colère qui prenait son origine dans le fait d’être rejeté par les autres. On leurs reprochait toute la misère du monde, pourtant ils n'avaient rien fait qui mérite un tel abandon. Oui, elle décelait clairement cet éclat de rage, luisant au milieu de l’incompréhension. Peu importe ce que cet homme avait traversé, il n'en était pas ressortie sans blessures.

Guasdrul reprit le papier des mains d'Azeo et recommença à écrire, alors que Doricien attachait le nouveau bondage. Jetant un coup d’œil discret à l'ouvrage, elle trouvait qu'il ne s'était pas mal débrouillé. Ce fut le noble qui lit la suite, ne faisant que conforter les soupçons de la jeune femme.

— Ce n'est vraiment pas normal. J'ai peur qu'il ne lui arrive malheur...

Elle serra les dents. Ils n'avaient pas réussis à échapper aux brigands pour qu'ils leurs arrives malheur maintenant.

— Je te donne ma parole qu'elle regagnera le fort de Reanach sur ses deux jambes.

Doricien approuva d'un hochement de tête. Il ne restait plus maintenant qu'à trouver un moyen d'infiltrer la tant ou se reposait la chef des chevaliers, et cela sans se faire voir.

Puisqu'elle ne pouvait pas se déplacer, elle due laisser Doricien s'en charger. Or, elle détestait ne pas pouvoir participer aux plans qu'elle mettait sur pieds. Ils se mirent d'accord sur le fait que Guasdrul allait de nouveau se présenter à l'entrée de la tente et essayer d'entrer. Si, par chance, cela lui était accordé, alors tout serait réglé. Mais le groupe ne comptait pas là-dessus. Puisque le soldat s'était vue refuser l'entrée une première fois, il en irait de même lorsqu'il se représenterait. C'était le but recherché. Il s'indignerait et déclencherait une rixe, détournant ainsi l'attention de tous.

C'est alors que Doricien entrerait en jeu. Il se glissera discrètement à l'arrière de la tente et se faufilerait sous l'un des pans. Il ne restait plus qu'à espérer qu'il n'y aurait pas d'autre signe de présence qu'Astrid. Le cas échéant, il leurs avait assuré qu'il pourrait se débrouiller et neutraliser la personne. Ce n'est pas qu'elle ne le croyait pas capable de régler son compte à l’hypothétique individu présent, mais elle grinçait des dents de devoir laisser sa place. En temps normal, cela aurait été elle qui se serait infiltré, prenant tous les risques. Alors que dans la situation actuelle, elle devrait rester spectatrice, cloué au lit.

L'attente fut un vrai calvaire. A peine l'avaient-ils quittés qu'Azeo commença à penser à tout ce qui pourrait mal tourner. Elle se remémora aussi l'échange peu flatteurs des soldats qu'elle avait intercepté. Ainsi, plusieurs chevaliers n'étaient pas content de la façon dont leur chef gérait les choses, et ne se cachait pas vraiment pour s'en offusquer. Elle se rappela soudain la rouquine. C'était elle qui avait les propos les plus virulents du groupe, mais aussi elle qui avait attaqué Azeo.

Ce fait l'alarme, maintenant qu'elle avait l'esprit reposé. Quand bien même la soldate aurait été dans le feu de l'action et l'aurait attaqué par erreur, elle aurait dû se ressaisir lorsqu'Azeo ne cherchait pas à l'attaquer. Qu'avait-elle dit déjà ? Azeo força le souvenir à refaire surface, lui provoquant un mal de tête, mais les paroles qu'avait prononcées la rouquine lui revinrent. La soldate avait fermement répliqué que seule Azeo pensait être son allié. Ce fait amena alors de nouvelles questions. Était-ce seulement Azeo que ces propos visaient, ou bien cela concernait-il aussi Astrid ?

Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus en avant, des bruits de courses recouverts par le braillement de voies lui parvenaient de l'extérieur. Le plan entrait donc en action. Elle voulut se lever et passer la tête par l'ouverture afin de suivre ce qui allait se passer, mais elle risquait plus de tout faire échouer. Elle prit donc son mal en patience, néanmoins, c'était loin d'être son fort dans la situation actuelle. Les minutes qui s’écoulèrent lui parurent durer des heures et l'attente ne faisait que renforcer son mécontentement.

Le tumulte cessa enfin et elle eut la surprise de voir deux soldats trainer un troisième homme à l'intérieur. Il saignait abondamment du nez et, déjà, l'un de ses yeux prenaient une vilaine couleur violacé. Cela devait faire mal. Quelqu'un hurla dehors :

— Mais c'est pas possible ! Bande de crétins, vous ne valez pas plus qu'une crotte de niuf ! Si vous voulez taper sur quelque chose, rendez-vous utile et coupez du petit bois à la place.

L'insulte provoqua un petit sourire à Azeo. Les niufs étaient des sortes de petits pachydermes doté de défenses enroulés sur elles même, lents et peu intelligents. Les paysans se servaient principalement d'eux pour tracter les chariots, coûtant moins chères que les chevaux ou les bœufs. De plus, leurs excrément étaient d’excellent combustibles, brûlent lentement mais dégageant beaucoup de chaleur. Malheureusement, aussi bien les animaux que leur déjections dégageaient une odeur pestilentielle.

D'un geste rageur, Satra écarta la fourrure qui bouchait l'entrée de la tente tout en bougonnant sur l'inutilité des hommes. Elle jeta à peine un regard à Azeo et marcha d'un pas vif vers le nouveau blessé. Sans ménagement, elle lui agrippa la mâchoire et fit basculer sa tête en arrière. L'homme poussa un petit gémissement, qui se transforma en virulente protestation lorsqu'elle lui palpa le nez.

— Oh ! Ne fait pas ta fillette. Ce n'est rien du tout un nez cassé.

Elle lui avait donné une petite tape sur l'épaule et examina ensuite son œil et conclu :

— Pour ton nez, garde juste la tête penchée en avant, de manière à ce que le sang s'écoule bien et ne reste pas coincé à l’intérieure. Quant à ton œil, il n'y a rien à faire. Tu auras un bel hématome, mais ça partira naturellement avec le temps.

Elle se releva et croisa les bras sur la poitrine. Elle n'avait visiblement pas fini de le réprimander.

— Quelle idée aussi de se battre avec lui.

Elle secoua la tête en signe de désapprobation.

— Il est bien plus fort que toi, et peu importe ce qu'en pense ton égaux, ce fait ne changera pas.

La critique fit vivement réagir le soldat, lui faisant relever la tête. La guérisseuse appuya fermement sur son crâne tout en faisant claquer sa langue. Ce fut l'un des soldats qui avait accompagné le blessé qui expliqua la situation.

— C'est lui qui nous a cherché ! Il ne voulait pas comprendre que personne ne pouvait voir le chef tant que son second si oppose. On était en train de le lui expliquer quand il nous a poussés pour forcer le passage. Nous avons naturellement répliqués et il a alors envoyé son poing s'écraser contre sa face.

Il désignait le soldat blessé. Azeo laissa la conversation se poursuivre sans plus y prêter attention, Satra les réprimandant pour leurs bêtises.

Le plan avait donc fonctionné, du moins jusqu’à maintenant. Il ne restait plus qu'à Doricien de réussir à effectuer sa part dans cette mission. Elle ressentit tout de même une pointe d'inquiétude vis à vis de Guasdrul. Elle espérait que cet incident n'aurait trop de répercussions sur le soldat. Il n'était pas prévue qu'il aille jusqu’à déclencher une bagarre, mais elle ne pouvait le brimer. Elle aurait bien aimé pouvoir parler avec lui, mais il ne serait jamais accepté sous la tente maintenant qu'il y avait celui qu'il avait agressé. De nouveau, il ne lui restait plus qu'à attendre.

Seul le grognement de son ventre lui indiqua le temps passé. L'obscurité régnait en permanence à l'extérieur, la seule touche de lumière du camp étant des torches disséminées un peu partout. Elle décida de patienter encore un peu et de voir si quelqu'un venait s'occuper d'elle. Son ventre protesta de nouveau. Ne pouvant pas bouger pour aller chercher à manger, elle joua donc la carte du malade jusqu'au bout.

— Hey ! Il y a quelqu'un ?

Aucun signe d’activité proche. Seul le silence lui répondit. Elle recommença, criant plus fort encore. Sa tentative échoua et lui déclencha même une quinte de toux tellement sa gorge était sèche.

Ni tenant plus, elle se redressa et fit basculer ses jambes par-dessus le lit de fortune. Elle enroula le drap comme elle put afin de cacher son intimité. Non pas qu'elle soit pudique, mais le fait de déambuler dans un camp de soldats sans rien sur le dos ne l'enchantait guère. Elle fit lentement basculer son poids sur ces pieds, prête à tout moment à se laisser basculer en arrière si sa jambe blessé s'avérait trop faible. Elle parvint à se mettre debout, la plaie à sa cuisse la tiraillait, mais elle pouvait faire avec.

Elle progressa avec lenteur, ayant parfois du mal à garder l’équilibre. Elle atteignait enfin l'entrée de la tente lorsque la fourrure qui faisait office de porte fut brutalement rabattue sur le côté. Doricien se tenait là, le regard tourné vers l'extérieur, en train d'aboyer sur un pauvre malheureux, lui reprochant son incapacité. Il tenait dans ses mains un bol remplis d'une mixture étrange mais qui sentait bon.

Lorsqu'il posa enfin les yeux sur Azeo, il posa précipitamment le récipient sur un petit tabouret et se plaça à ses côtés, la soutenant doucement.

Il réprima difficilement un commentaire réprobateur et poussa à la place un soupir. Elle lui en fut reconnaissante. Il l'aida à retourner s'allonger et, se faisant, elle le bombarda de questions.

— Tous c'est bien passé ? Vous avez pu parler avec Astrid ? Comment va-t-elle ? L'avez-vous informé de ce que nous soupçonnons ?

Il lui plaqua la main sur la bouche afin d’interrompre le flot de paroles qui en sortait.

— Chaque chose en son temps.

Et il lui tendit le bol.

— On ne dirait pas comme ça, mais c'est...bon.

Azeo leva un sourcil sceptique face à son hésitation.

— Essayez.

Il abaissa son bras, libérant sa bouche. Elle prit la cuillère qu'il lui tendait et gouta. Cela avait une saveur horrible. Elle s'efforça a avalé ce qu'elle avait déjà en bouche et repoussa ce qui restait.

— C'est immangeable !

— Peut-être, mais c'est tout ce qu'il y a. Et vous devez reprendre des forces le plus vite possible.

— Pourquoi ?

— Les soldats lèveront le camp demain matin.

La nouvelle lui fit froid dans le dos.

— Ils ne peuvent pas ! Astrid n'est pas encore en état d'être déplacée.

Une idée se fraya un chemin dans son esprit.

— Ils ne comptent pas l'abandonner tout de même ?

Le noble leva les mains en signe d'apaisement et émit un petit rire.

— Loin de là. C'est Astrid qui a donné cet ordre. Elle veut rentrer le plus vite possible à Reanach. Apparemment, l'air d'ici ne réussit pas bien à sa boulle d'écaille blanche.

Azeo mit un moment avant de comprendre que cette appellation faisait référence à Ceriba. De plus, d’après ces dires, elle en déduisit qu'il avait pu parler à la chef des chevaliers. Elle ouvrait de nouveau la bouche pour poser les questions qui la taraudait depuis qu'elle s'était réveillé, mais la referma bien vite lorsqu'elle croisa le regard noir que lui jetait Doricien.

— Vous finissez de manger d'abord, ensuite je répondrais à vos questions.

Elle ne se le fit pas dire deux fois. Elle avala le plus rapidement possible l'espèce de soupe. Moins longtemps elle l’aurait en bouche, plus vite le goût disparaîtrait. De plus elle pourrait enfin l'interroger. Elle ne put toutefois s’empêcher de grimace. Le liquide laissant sur sa langue gout semblable a de la vase.

— Avouez que ça vous a fait plaisir de me voir ingurgité cette infection.

— Je ne peux pas le nier.

Il arborait de nouveau se petit sourire en coin qui faisait s'accélérer le cœur d'Azeo, bien malgré elle. Elle décida de ne pas y prêter attention et se focalisa sur la situation actuelle et à venir.

— Ainsi, vous avez pu voir Astrid.

— Effectivement. Et avant que vous ne commenciez votre interrogatoire, elle va étonnamment bien compte tenu de sa blessure. Je suis même plutôt surpris d’ailleurs. Je lui aie rapporté nos soupçons et elle m’a avoué avoir les même depuis un moment déjà. Elle m'a aussi confié que cette mission avait pour but, en plus de traquer ceux qui ont attaqué ce qui est maintenant le siège des chevaliers du dragon blanc, de tester la fidélité de certain homme. Nous sommes tous deux d’accord sur le fait que ces bandits devaient avoir été renseigné sur nous pour chacun de leur raides. Au vus de leurs tactique et du fait qu'ils aient attaqué à chaque fois que les défenses étaient au plus bas, il paraît logique qu'un espion nous a infiltré.

Tandis qu'elle écoutait patiemment les paroles du noble, elle trouvait que quelque chose n'allait pas. Elle s'exclama soudain :

— Attendez ! Si j'ai bien compris tout ce que vous avez dit jusqu’à maintenant et en tenant compte de votre réaction face à Ceriba, dois-je en conclure que vous êtes déjà au courant pour...

Elle baissa la voix, ne produisant plus qu'un murmure.

— Les dragons ?

Il secoua la tête.

— De tout ce que j'ai pu dire, c'est tout ce que vous avez retenu ?

— Ne cherchez pas à détourner la conversation.

Elle avait croisé les bras sur sa poitrine et le regardait fixement. Il bougonna dans sa barbe puis repris.

— Ecoutez, je suis à la cours du roi de Reanach et j'y occupe une place importante. On peut dire que je suis les yeux et les oreilles de mon seigneur. Alors, oui, je suis au courant pour eux et ce qui s’est passé. Il y a encore bien d'autre chose que je sais, qu'à cela ne vous déplaise. Ce qui, par contre, me contrarie, c'est que vous, vous sachiez à leurs propos et que, de plus, je n'ai jamais rien entendus sur vous, ou plus exactement sur une fille non reconnue du roi de Kinaroc. Pourtant j'ai un réseau d'informateur très étendus... Je peux imaginer plusieurs explications, mais j’attends la vôtre avant de vous les révéler.

— Je rêve ou vous m'accusez de mentir sur mes origines et, en plus, d'être la traîtresse infiltrée ? Non ! Pas la peine de chercher à vous expliquer. Je vais le faire. Premièrement, je suis bien la fille du roi de Kinaroc, je vous aie montré le pendentif qui le prouve. Il s'agit d'un des plus grands secrets de la couronne et seul mon père, son chancelier et moi le connaissons. Rien d'étrange, donc, à ce que vous n'en sachiez rien. Si cela ne vous suffit pas, allez donc demander audience auprès de mon père, vous serez vite fixés. A moins qu'il ne vous fasse décapiter, mécontent que vous remettiez ma parole en doute. Ensuite, j'ai moi aussi une position publique haut placé et pourtant, je n'ai jamais rien entendus à propos de vous savez quoi. Je m'étonne donc que ce ne soit pas votre cas.

Elle fit une pause afin de donner plus de poids à ces propos.

— Parlons maintenant de ce dont vous m'accusez. Je vais vous rafraichir un peu la mémoire puisque vous semblez être sénile avant l'âge. Je n’avais encore jamais mis les pieds dans votre fort que l'attaque avait déjà eu lieux ! J'aimerais bien que vous m'expliquiez comment j'aurais pu faire pour savoir quoique ce soit à propos de vos défenses. De plus, croyez-vous vraiment que je serais ici, si je n’étais pas votre allié ? C'est vrai que c'est un réel plaisir de se faire charcuter juste pour me donner un alibi !

Elle fulminait. Comment osait-il ne serait-ce que la suspecter ! De colère, elle serra les poings. Il se tenait trop loin pour qu'elle lui colle un bon direct sans s’appuyer sur sa jambe blessé. Doricien ne réagit pas à ses déclarations. Il récupéra le bol et se leva. Il sortit sans même jeter un regard en arrière.

Azeo ne put s’empêcher de se reprocher son manque de délicatesse. Elle aussi se serait suspectée si elle était à sa place. Elle était prête à s'excuser lorsqu'elle entendit de nouveau quelqu'un entré mais déchanta bien vite. Il s'agissait de Guasdrul. Maintenant que l'autre soldat était parti, il pouvait enfin venir la voire. Il tenait dans ses mains un morceau de papier qu'il lui tendit.

— "Votre ami m'envoie pour vous aider. Il n'avait pas l'air bien. Il s’est passé quelque chose ?"

Elle secoua la tête.

— Rien qu'un peu de temps ne puisse arranger. C'est bien aimable à vous de me tenir compagnie. Vous a-t-il aussi raconté sa conversation avec Astrid ?

Il esquissa.

— Bien. Vous savez donc que l'on part demain.

De nouveau un hochement de tête affirmatif.

— Alors pourriez-vous m'aider à me lever ? Je voudrais marcher un peu afin de faire fonctionner les muscles de ma cuisse blessé. Il faut que je m’habitue à la douleur si je veux pouvoir progresser au même rythme que vous lors de la marche du retour.

Il griffonna rapidement et tendis un nouveau papier

— "Ce ne sera pas la peine, je me chargerais de vous porter jusqu’à ce que nous soyons sortie de la Forêt Noire".

— Alors ça, il n'en est pas question. Je n'ai jamais été un poids pour quiconque, ce n'est pas maintenant que je vais commencez. Allez, approchez.

Et c'est ce qu'il fit. Pendant plusieurs heures elle arpenta la tente de long en large, se reposant sur le soldat lorsqu'elle était sur le point de s'écrouler. La douleur, qui était vive au début de l'exercice, ne représentait plus qu'une simple gêne à présent. C'est le corps recouvert de sueur qu'elle alla se coucher. Malheureusement, un brin de toilette était un luxe que personne ne pouvait s’offrir en ce moment.

Avant de prendre congé, Guasdrul lui avait apporté ses vêtements. Le pantalon de cuir avait été recousu au niveau de la cuisse et sa tunique avait visiblement connue un passage dans l'une des flaques d'eau. Le sang qui la maculait avait disparue, remplacé par de fort relent d'eau croupie. Au moins elle ne devrait pas porter l'une de ces armures inconfortable, ni même continuer à porter la tunique de fortune constitué de drap.


Texte publié par Lorelei, 16 décembre 2016 à 20h35
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