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tome 1, Chapitre 5 tome 1, Chapitre 5

Le trajet du retour jusqu’au château s’était déroulé sans encombre mais dans un silence pesant. Azeo avait finalement abandonné l’idée de régler son compte au Sire de Contespand. Tout du moins pour le moment… Arrivés devant les portes, sous le regard interrogatif des gardes, ils s’étaient séparés sans échanger la moindre parole, allant chacun de son côté. Mais le regard que lui avait lancé le Sire était lourd de sens. Il ne laisserait pas histoire s’arrêter là. Il reviendrait à la charge.

La jeune femme se dirigea vers les portes du château quand elle se souvint qu’il lui serait impossible de regagner sa chambre ainsi. Aussi, elle longea le mur extérieur jusqu'à se trouver sous sa fenêtre. Elle s'assura que personne le pouvait la voie et se mis à escalader la paroi. Après la nuit qu’elle venait de passer, elle se serait bien passée de ce petit tour d’acrobatie. Elle rêvait de se laissé tomber dans son lit et de se laisser bercé dans les bras de Dolicia.

Elle regagna finalement sa chambre, passant de justesse par la fenêtre quand elle entendit une servante rire en contrebas. Ce n’était pas passé loin. Elle maudit une fois de plus le noble prétentieux avant de regarder les lieux. Heureusement, personne ne s’était aperçu de son absence, l’armoire était toujours en place. Elle appuya son épaule contre le meuble et poussa pour la dégager du chemin. Elle se changea rapidement et, avec soulagement, s’accorda quelque heure de repos. Pourtant, elle mit du temps avant de s’endormir. Elle ne pouvait s'empêcher de pensé à Doricien. Qui était vraiment cet homme ?

La matinée se déroula sans que rien de notable n’ait lieu. Lors du repas de la mi-journée, elle fut conviée à la table du roi. Elle salua le couple royale avant de prendre place et d’échanger des formalités avec eux. Ils s'enquérir des nouvelles d’Ernel, le roi sur les dernière récoltes et l’économie, tandis que la reine s'intéressait plus aux derniers cancans de la cours et aux derniers critères de mode de Kinaroc. La jeune femme se fit une joie de leur répondre, retrouvant son rôle de noble Dame.

Elle y nota l’absence de Doricien, sa chaise vide ne cessant d’attirer son regard. Alors qu’elle avait prié pendant des heures pour ne pas le croisée, ne parvenant pas à savoir quelle expression elle devrait alors aborder, elle eut un petit pincement au cœur. La jeune femme se botta mentalement les fesses. Ce n’était pas le moment de penser à ses sentiments. Elle reporta son regard sur sa voisine. Azeo se réjouit de la présence d’Astrid. La chevalière l’avait diverti en lui rapportant les dernières nouvelles du royaume, puis en parlant de la petite dragonne.

Azeo fut alors surprise de voir la chevalière parler aussi librement de sa dragonne. Elle ne put s'empêcher de questionner la chevalière à voix basse. Celle-ci eu un rire franc qui, s’il déstabilisa un instant la jeune femme, ne dérouta pas les autres convives attablé. Ils devaient avoir l'habitude du rire sonores d’Astrid et n’y prêtaient pas plus attention que ça quand il résonnait. La jeune femme lui expliqua alors que tous ceux attablés ici étaient dans la confidence quant aux dragons blancs.

Alors qu’Azeo quittait la table, la chevalière la retint par le bras. Ses yeux jusqu’alors si joyeux étaient devenus froids. La jeune femme eut une poussée de panique. Doricien avait-il parlé finalement ? Le visage d’Astrid était figé, inexpressif. Puis elle lui sourit, dissipant le malaise qui avait envahi la jeune femme.

— Vous partez demain. Je n’ai rien de prévu pour le reste de la journée. Si c’est aussi votre cas, pourquoi n’irions-nous pas voir Ceriba ? Ainsi que l’œuf ?

— Ceriba ?

— C’est le nom de ma petite dragonne. Je ne vous l’avais pas dit ? J’ai dû oublier… Enfin, qu’en pensez-vous ?

— Oui, pourquoi pas …

— Très bien, alors c’est décidé. Allons-y !

Et le chef des chevaliers du dragon blanc l’entraina hors de la pièce puis le long de la pièce, la tirant par le bras. Leurs pas raisonnaient bruyamment. Azeo se laissa faire, amusé par la force de la nature qu’était ce petit bout de femme et curieuse de ce que cette visite lui réservait. Soudain, Astrid se figea, tirant Azeo en arrière par le bras qu’elle retenait toujours.

— Peut être devrions nous passer par votre chambre tout d’abord. Un pantalon serait plus pratique pour l’endroit où nous allons nous rendre…

Astrid dévisageait la jeune femme d’un air décidé. Soudain, le rire joyeux de la chevalière résonna. Décidément, Azeo n’arrivait pas à cerner cette femme.

Azeo, après avoir revêtu un pantalon de cuir souple, une tunique matelassée et des bottes adaptées à la marche, revint vers Astrid. La chevalière l’étudia d’un œil critique.

— Cela devrait faire l’affaire… Bien !

La femme claqua des mains et fit demi-tour, invitant Azeo à la suivre. La jeune femme fut soulagé de ne pas être à nouveau tirée par le bras. Astrid possédait une force insoupçonnée. Arrivées dans la cour, les deux femmes se dirigèrent vers les écuries.

— J’espère que vous savez bien monter à cheval, pas comme toutes ces Dames de la cour… Plus habiles à utiliser leurs langues pour colporter les ragots et pratiquer d’autres activités… plus personnels dirons-nous, que d’apprendre des choses utiles.

La jeune femme pouffa de rire, comprenant très bien l’allusion quelque peu salace de la chevalière.

— Je pense qu’il n’y aura pas de problème.

Azeo se rendit devant la stalle de sa jument. Un petit palefrenier accourut, mais elle le renvoya aussitôt. Personne d’autre qu’elle ne devait s’occuper de sa monture. C’était cet homme qui lui avait offert.

Il faisait nuit et la pluie tombait drue depuis le petit matin. Un vent frais venu de la mer de Lizori faisait se recroquevillé la jeune fille sur elle-même, tremper et transie de froid. Elle avait trouvé refuge sous un porche. Elle l’attendait, mais elle ne savait pas s’il allait revenir. A présent qu’elle avait réussi l’épreuve, elle faisait officiellement partie de l’Ordre de la Nuit. Suite à cette ultime épreuve en présence de plusieurs membre de l’ordre, elle avait été reçu par un ancien et avait reçu son nouveau nom : le faucon de la nuit. Elle avait été surprise de cette appellation. L’ancien lui avait alors expliqué que sa rapidité et son mépris pour les hauteurs les avait impressionnés.

A présent, il ne lui devait plus rien et pouvait très bien la laissé seule, livré à elle-même. Elle saurait continuer sa route, avancée, toujours avancé, comme il le lui avait appris. Mais elle ne voulait plus ressentir cette solitude. Elle chassa une larme solitaire quand une grande ombre qu’elle aurait reconnue entre milles se dessinât à l’horizon, souligné par les rares torches encore allumées. Il ne l’avait pas abandonné. La jeune fille se leva d’un bon et se précipita vers son maitre. Elle se retint de se jeter dans ses bras. Il lui avait expliqué être mal à l’aise avec ça, même si depuis peu ses démonstrations de tendresse augmentait. Là, il lui ébouriffait gentiment les cheveux.

La jeune fille fit un pas en arrière, replaçant une mèche derrière son oreille et se figea à la vue de ce qui se trouvait derrière son maitre. Il lui expliqua alors que c’était son cadeau pour elle, pour la félicité et pour la remercier d’avoir été une si bonne élève, mais la jeune fille n’écoutait que d’une oreille, trop intéressé par le petit palfront. L’animal avait une robe d’un noir profond, lui permettant de se fondre dans l’obscurité la nuit. Une petite tache blanche sur le front, en forme d’étoile, et des balzanes sur ces pattes arrière était les seules touches de couleurs. Elle l’avait alors prénommé Ziyah, la nuit noire. La jeune fille l’avait aussitôt adorée.

La jument, qui avait sorti sa tête par la petite ouverture, la poussa légèrement, ramenant Azeo au moment présent. Elle sella rapidement sa jument et attendit Astrid. Lorsqu’Astrid vit la jeune femme perché sur un palfront, elle sut aussitôt qu’Azeo devait être une bonne cavalière et eu un sourire ravit. Elle lui fit signe de le suivre et lança son cheval en avant. Les deux jeunes femmes se mirent en routes.

Elles croisèrent des soldats qui saluaient immédiatement Astrid, celle-ci leur rendant leurs salut, mais fixait Azeo d’un regard étonné ce qui qui la mit mal à l’aise. Une fois passé la porte du château, la jeune femme n’y tient plus et se pencha vers la chevalière.

— Pourquoi me regardent-ils tous ainsi ?

— Ho, mais parce que vous êtes une Dame et que vous vous déplacé sans escorte. Enfin, je peux être considéré comme une escorte, mais juste un garde pour protégé une noble Dame, cela n’est pas habituelle. Cela me chagrine de l’admettre, mais les routes ne sont pas si sûr.

Azeo mit de cote cette information avant de revenir sur un point plus important.

— Comment savent-ils que je suis une noble ? Je ne porte aucun atour qui pourrait traduire mes origines et comme vous l’avez si bien fait remarquer, je sais monter à cheval. Alors, expliquez-moi.

Astrid eu un de ses petits rires caractéristique.

— Rien de plus simple, ma chère. C’est justement votre monture qui vous trahis. Un palfron n’est pas donné et ils sont principalement réservé aux gens possédants un titre ou très fortuné.

La jeune femme lui lança un regard septique. Il ne pouvait pas y avoir que ça.

— Ca, et votre posture. Trop droite pour les habitants de ses terres. Un peu hautaine selon les dires de certain. Cependant cela peut facilement s’expliquer quand on sait que vous faites partie de la cours du Haut Roi. Le contraire aurait même été surprenant. Mais assez parler pour le moment.

Elles descendirent légèrement de la montagne pour prendre une petite vallée encaissée, plongé dans le silence, entouré par les bruits de la nature. Azeo parcourait le paysage d’un œil émerveillé. Elle avait parcouru bien des contrés, mais encore jamais de si hautes montagnes. Les arbres étaient d’une essence qu’elle n’avait jamais vue, encore vert et recouvert de fines aiguilles, s’élançant fièrement a l’assaut du ciel, et les fleurs, qui commençaient à s’épanouir, libéraient un parfum exquis. Astrid eut un petit sourire en observant les réactions de la jeune femme puis, jugeant s’être suffisamment éloignés, siffla pour appeler Ceriba.

Lorsque le bruit si caractéristique du battement des ailes de la petite dragonne se fit entendre quelques minutes plus tard, la jument d’Azeo fit un petit écart mais ne paniqua pas, ce qui surprit la chevalière. Habituellement les chevaux détalaient lorsque la dragonne arrivait, les dragons ayant été leurs prédateurs naturels il y a de cela bien longtemps. Si les dragons avaient en parti disparus, l’instinct de fuite était encore bien présent chez leurs proies. Cette maitrise éveilla encore plus les soupçons qu’elle avait sur la jeune femme.

Elles firent galoper leurs montures sur plusieurs lieux. Azeo compris rapidement que la chevalière essayait de lui faire perdre son orientation, soit en tournant en rond, soit en prenant de petits chemins tracés par les animaux qui ne possédaient pratiquement aucun moyen de se repérer.

Estimant avoir suffisamment tourné en rond, Astrid les fit s’arrêt dans une petite clairière. Azeo se demanda si elles étaient arrivé, observa autour d’elle, mais compris rapidement que ce n’était pas le cas. Ceriba vint se poser sur la selle que la chevalière venait que quitter, posant pied à terre et fouillant dans l’un de ses sacs de selle. La jeune femme se demanda si elle devait l’imiter, ne comprenant pas l’intérêt de cet arrêt.

La petite dragonne avait le regard braqué sur la jeune femme. L’intelligence visible dans son profond regard bleu déstabilisait Azeo. Il y avait quelque chose d’ancien et de sacré caché au fond de ses iris. Un frisson traversa la jeune femme, et Azeo reporta son attention sur la chevalière. Astrid se retournait alors vers elle, tenant un bandeau dans la main. Le cœur d’Azeo loupa un battement, pourtant ne laissa rien paraitre.

— A partir de là, il faut que je vous bande les yeux. Le reste du chemin doit rester secret afin de protéger l’emplacement des nids. Mais vous comprenez, j’en suis sûre.

Malgré la légèreté du ton employé, Azeo comprenait que sa réponse allait être déterminante pour la suite. La dragonne avait toujours le regard braqué sur elle. La jeune femme n’aimait pas la tournure que prenaient les choses, mais elle n’allait pas faire demi-tour maintenant. Sa curiosité avait été piquée et elle l’emportait sur sa méfiance.

— Allez-y.

La réponse sembla ravir la chevalière ainsi que la Ceriba. La dragonne poussa un grognement appréciateur. Astrid plaça le bandeau sur les yeux d’Azeo et serra le nœud, s’assurant qu’il ne s’enlèverait pas facilement.

La jeune femme se retrouva plongée dans le noir. Loin de paniquer, elle laissa la chevalière s’emparer des rennes de sa monture et la guider. Si Azeo ne pouvait plus se repérer, elle faisait confiance à sa jument pour la conduire a nouveaux jusqu’à ce lieux secret si besoin. La palfron savait toujours retrouver son chemin du moment qu’elle avait déjà parcourue les lieux. Les jeunes femmes traversèrent ensuite un petit bosquet. C’est tout du moins ce que déduisit Azeo du fait des branches qui venaient fouetter les bras et les jambes.

Plusieurs minutes plus tard, elles s’arrêtèrent à nouveau et Astrid lui enleva son bandeau. Devant la jeune femme s’élevait un immense front rocheux noir, qui s’élevant vers le ciel bleu sur plusieurs mètres de haut, plongeait tout ce qui se trouvait alentour dans la pénombre. Azeo lança un regard interrogatif à la chevalière, ne voyant aucun passage. Cette dernière lui rendit un petit sourire en coin, mystérieux. Astrid mit pied à terre puis entrava son cheval et posa la main sur la paroi. Azeo la suivie. La petite dragonne se glissa entre les jambes de la jeune femme, sauta sur la chevalière et s’enroula autour d’elle pour se blottir dans son cou.

Soudainement Astrid disparue. Elle fut comme engloutit par la roche. Une main sortit de l’obscurité et tira la jeune femme brusquement. Azeo découvrit une petite cavité, aussi sombre que la roche dans laquelle elle s’enfonçait.

— Surprise ?

— Un peu…

Plus que cela, mais elle refusait de le dire à voix haute.

— C’est un moyen naturel pour cacher l’entrée de la caverne. Il y a d’autres pièges tout du long du chemin mais je nous les ai fait contourner.

De nouveau, la jeune femme suivit la chevalière et elles s’enfoncèrent dans les profondeurs de la terre, seulement éclairées par une torche qu’Astrid avait sortie d’on ne sait où. Les yeux azurs de la dragonne brillaient de leur propre lumière dans le noir, ce qui troubla quelque peu la jeune femme.

— Toute la grotte s’est formée naturellement. Enfin, c’est le feu des anciens dragons qui a fait fondre la roche… Donc pas si naturel que ça au final.

Azeo laissa courir sa main sur la paroi. Sous ces doigts, elle était lisse. Aucune aspérité ne venait accrocher sa peau, ce qui lui rappela des souvenirs enfouis dans sa mémoire depuis longtemps. Astrid s’arrêta net. Devant elles se tenaient deux gardes en armure sur lesquelles était peint un dragon blanc. Ils saluèrent leur chef et libérèrent le passage, dévoilant une petite porte en bois.

Une fois le seuil franchit, Azeo fut surprise par la chaleur qui l’assaillit. Elle s’attendait à ce qu’il y fasse froid. La jeune femme suivit Astrid, guidée par la lueur de la torche éclairant le sol. Elle faisait attention à ne pas perdre sa guide, ne voulant pas avoir à errer pendant des heures, voire des jours, pour retrouver la sortie. Elles déambulèrent dans plusieurs couloirs et plusieurs salles défilèrent, certaines meublées simplement, d’autres vides.

— L’ordre des chevaliers du dragon blanc a décidé de s’établir dans ces grottes après l’hécatombe qui a eu lieu il y a peu. Normalement, ces grandes cavités servent de nid pour les dragons adultes. Maintenant, elles ne sont plus utilisées.

La voix de la chevalière s’était faite sombre sur les derniers mots. Elle haussa les épaules.

— Il faudra du temps avant que de nouveaux dragons voient le jour en ces lieux… Mais nous serons prêts et aucun mal ne pourra leur être fait cette fois. Je le jure sur mon honneur !

— Je croyais que Ceriba était le dernier dragon ? Enfin, il y a bien l’œuf, mais rien ne prouve qu’il écoreras bientôt. Certains détails m’auraient-ils échappés ? Ou y a-t-il quelque chose que vous ne me dite pas ?

Astrid dévisagea la jeune femme, puis son regard se fixa dans le vide. Devais-t-elle lui dire ? La chevalière se retourna brusquement, laissant son dos à découvert. La dragonne sauta à terre d’un mouvement ample, plein de souplesse, ne dépliant que légèrement ses ailes.

— Suivez-moi !

Azeo sursauta. L’ordre avait été donné d’une voix ferme et n’accepterait aucune réplique. La jeune femme mit instinctivement la main sur sa hanche, ses doigts cherchant le manche de son poignard. Si elle devait frapper, c’était maintenant ! Mais ils ne trouvèrent que le vide. Elle écarquilla les yeux. Une promenade avec Astrid, chef des chevaliers du dragon blanc, jusqu’à l’antre des dragons… Cela ne lui avait pas paru dangereux et la jeune femme avait pensé être en sécurité. Elle s’était donc dit qu’elle n’aurait pas besoin d’armes. Elle ne s’en était donc pas équipée. Quelle idiote ! Un juron coloré franchit ses lèvres. N’ayant d’autre choix, elle suivi Astrid, résigné à son sort.

En réfléchissant à la situation, bien que désespérée, Azeo ne put retenir un petit sourire triste. Ce n’était pas la première fois qu’elle se retrouvait dans cette situation. À l’époque, elle n’avait pas encore de nom dans le monde de la nuit, n’étant qu’une simple apprentie. Alors qu’elle devait récolter des informations sur un certain groupe de malfrats, la jeune fille s’était jeté tout droit dans la gueule du loup, sans rien pour se défendre. Son maitre était venu la sauver, bien sûr, mais il avait été tellement furieux ! Les fesses de la fillette l’avaient fait souffrir pendant des jours suite à la correction qu’il lui avait administrée. Elle pensait avoir retenu la leçon. Apparemment, au vu de sa situation, il semblerait bien que non…

La chef des chevaliers la fit entrer dans une petite pièce sombre, avec pour tout mobilier une table et deux chaises. La porte claque derrière la jeune femme. D’un geste de la main, Astrid lui fit signe de s’asseoir, avant de s’affaler dans le second fauteuil. Elle poussa un profond soupir puis posa ses coudes sur la table et joignit ses mains sous son menton. Son regard n’avait pas quitté Azeo une seule seconde. Elle semblait indécise.

— Puis-je vous faire confiance ?

La question surprit la jeune femme. Elle s’attendait à beaucoup de choses, mais pas à ça. Elle ne savait pas quoi répondre. Elle faisait tout de même partie de l’Ordre de la Nuit. Astrid dut voir son étonnement car elle reprit.

— Certains évènements peuvent être connus de différentes manières selon qui les raconte et pour qui on les raconte… Ce que je m’apprête à vous dévoiler est l’une d’entre elle. Ce que je vais vous conter est tenu secret depuis longtemps. Peu de personnes en ont eu connaissance en ces termes, et encore moins sont en vie pour en parler. C’est pourquoi je vous demande si je peux vraiment vous faire confiance. Je n’ai pas envie d’avoir à vous aire éliminer car vous n’avez pas su tenir votre langue... D’autant plus que vous nous avez rendu service la nuit dernière.

Azeo se calla contre le dossier de sa chaise, croisa les jambes et posa une main sur son genou. Sa position reflétait une nonchalance qu’elle était loin d’avoir en cet instant. La chef des chevaliers remarque le changement d’attitude de la jeune femme. Son sourire amical avait disparu et une noirceur luisait dans ses yeux. Ce n’était plus la noble qu’Astrid avait devant elle, mais le faucon de la nuit. Car c’était à lui que le message de la chevalière s’adressait.

— Serait-ce une menace ? Demanda Azeo d’une voix grave.

— Prenez-le comme vous le voulez…

Les jeunes femmes se fixèrent intensément, cherchant à trouver une faille, en un échange muet qui s’éternisa. Astrid finit par détourner les yeux, incapable de soutenir le regard d’Azeo plus longtemps, et reprit sa respiration. Elle ne s’était pas aperçue qu’elle l’avait retenue. La jeune femme assise en face d’elle n’était pas n’importe qui. La chevalière savait pourtant qu’elle appartenant à l’Ordre de la Nuit, mais il se dégageait d’elle une telle aura… Sombre, menaçante et ancienne. Jamais elle n’aurait pu imaginer une telle chose chez une personne si jeune.

— Bien. Je vais donc vous faire confiance.

— Avez-vous vraiment le choix ?

— Vous savez déjà qu’il reste, ou plutôt restait, quelque dragon blanc. Mais ce ne sont pas les seuls. Après la Guerre Première, celle qui a eu lieu il y a de cela des centaines d’années et qui opposait les dragons entre eux, quelques-uns décidèrent de se rapprocher des hommes. Ce qui fut une première, ayant plutôt pour habitude de les dévorer. Ces dragons Renégats promirent de protéger les hommes des dragons Anciens si, en échange, les humains les aidaient à se débarrasser des Anciens. En sommes, ils devinrent alliés.

> Ces Renégats ont alors appris aux hommes les faiblesses des dragons ainsi que comment les tuer. Et c’est ce qu’ils firent. Les Anciens disparurent rapidement. Il y a bien des histoires qui racontent que certain se cachent dans leurs grottes, attendant le temps de la vengeance, mais personnellement je n’y crois pas… Enfin, tout ça pour dire que les dragons blancs qui vivaient ici étaient des descendants de ces Renégats. Comme vous pouvez vous en douter, il n’y a pas eu que des dragons blancs du côté des humains. D’autre territoire abritent leurs descendants.

> Ainsi, pour répondre à votre question, Ceriba est très certainement la dernière dragonne blanche. Si jamais elle trouve un compagnon parmi ces autres dragons, il est fort possible que des dragonneaux blancs naissent de leur union. C’est en tout cas ce que je souhaite.

Azeo avait écouté avec attention. L’histoire de la Guerre Première est connue de tous, mais pas de cette façon. Le fait que ce soit des dragons qui aient enseignés aux hommes comment en tuer d’autre ? Non, elle n’en avait jamais entendu parler. Pas le moindre petit murmure. Pourtant, ce n’était pas chose aisée de garder un si gros secret loin des oreilles de L’ordre.

— Donc, si je résume, il reste des dragons.

— Effectivement… Ai-je eu raison de vous faire confiance ?

La jeune femme réfléchit un instant. Si cette information était rendue public, cela lui rapporterai un sacré paquet de pièce d’or… Mais Azeo n’était pas vraiment intéressée par l’argent. Elle en avait déjà bien assez. Toutefois, cela créerait une vraie panique et les agents de l’Ordre pourraient en profiter pour étendre leur pouvoir. Cela était nettement plus intéressant pour elle. Néanmoins, la confiance que lui témoignait la chef des chevaliers du dragon blanc en lui dévoilant ce secret la toucha. De plus, autant garder un tel atout dans sa manche pour le moment. On ne sait jamais ce que l’avenir peut nous réserver.

Son choix était donc fait. Elle se pencha en avant et sourit gentiment à Astrid.

— Votre secret est bien gardé avec moi. Je vous remercie de me faire confiance. Toutefois, je me demande pourquoi vous m’avez raconté tout cela.

— Oh ! Mais c’est très simple. L’œuf n’attend que son Drakir pour éclore. Hors, j’espère bien que ce soit vous. Pour tout vous dire, je ne saurais comment l’expliquer, mais j’en ai la certitude.

— Si vous le dites…

La chevalière se dressa d’un bond.

— Et si on allait voir cet œuf ? Nous serions fixé une bonne fois pour toute.

— Quelle merveille !

La phrase avait échappée à Azeo. L’œuf se trouvait sous les yeux de la jeune femme, bien protégé dans une caisse en bois remplie de paille. La sphère, de la taille d’un tonnelet, était entièrement recouverte de petites écailles nacrées. Poussé par une force viscérale, la jeune femme tendit la main vers l’œuf mais la suspendit en l’air. D’où lui venait cette envie de toucher l’œuf ?

— Vous pouvez le toucher, si vous voulez.

Astrid sourit, croisa les bras et attendit. Comme Azeo n’esquissa pas le moindre signe de mouvement la chevalière secoua la tête puis se posa dans un coin, contre le mur. Sa dragonne, revenue entre temps, s’étendit sur les genoux de la chevalière, exposant son ventre aux caresses que lui procurait cette dernière. Devant ce spectacle, Azeo du le reconnaitre, elle enviait une telle complicité. Cela faisait combien de temps qu’elle ne s’était pas confiée à quelqu’un, lui faisant entièrement confiance ? La jeune femme sentit les larmes perler à ses yeux. Elle reporta son attention sur l’œuf, ne voulant pas qu’Astrid s’aperçoive de sa détresse. Mais elle se sentait si seule…

La jeune femme s’approcha de l’œuf et posa finalement sa main dessus. Elle s’était attendue à ce que la coquille soit rugueuse, comme celle des lézards du désert, à cause de toutes les petites écailles qui la recouvre, alors qu’elle était douce. En y regardant de plus près, sur le pourtour des écailles, de petites veinelures roses étaient visibles, formant des arabesques.

Une douce chaleur s’élevait de l’œuf et se diffusait à travers la main de la jeune femme pour ensuite remonter le long de son bras. Elle eut l’impression que cela pouvait même réchauffer son âme… Alors que la jeune femme eu l’impression d’être touchée au plus profond d’elle-même, elle retira vivement sa main de sur l’œuf. Percevant son mouvement brusque, Astrid se releva et s’approcha d’Azeo.

— Est-ce que tout va bien ?

— Oui… C’est juste que je ne m’attendais pas à ça. Pour être honnête, je ne savais pas à quoi m’attendre.

— N’avez-vous rien ressentit ?

— Comment cela ?

— Hum... C’est difficile de l’expliquer avec des mots. N’avez-vous pas eu l’impression que quelqu’un cherchait à communiquer avec vous ? Ce n’était pas vraiment une voix, plutôt une sorte de bourdonnement, mais que vous compreniez tout de même ?

— Non. Rien.

Astrid fixa la jeune femme mais elle avait l’air comme absente. Azeo se demandait ce qui n’allait pas avec la chevalière. C’est alors que la dragonne sauta dans la caisse, en prenant soins de ne pas toucher l’œuf, et renifla ce dernier. Elle poussa ensuite un petit cri en direction d’Astrid, ce qui sembla ramener la chevalière à elle.

— Oh… Eh bien, il semblerait que je sois trompée. Ceriba ne perçoit pas le moindre signe d’éveille. Or, si comme je le pensais vous étiez son Drakir, le dragon enfermé dans son œuf aurait donné un signe de vie. Ce qui n’est malheureusement pas le cas…

— Je vous l’avais dit.

Les mots avait franchis les lèvres d’Azeo et sonnait comme un cri de victoire. La chevalière semblait abattue.

— Effectivement…

Azeo voulut faire quelque chose pour lui remonter le moral. Non pas qu’elle se sente coupable pour la froideur de son ton. Elle se sentit obliger de remercier la chef des chevaliers.

— Toutefois, je vous remercie. Grace à vous, j’ai pu voir l’un des trésors que tous semblent persuadés avoir disparu. De ma vie, je n’ai jamais posé les yeux sur quoi que ce soit d’aussi beau que cet œuf.

— Vos paroles me touchent. Je suis ravie que cela vous ait plus.

La petite dragonne poussa gentiment la main d’Astrid avec sa tête, en signe de réconfort. La femme sembla aussitôt retrouver sa joie de vivre.

— Bien ! Je pense qu’il est temps de retourner au château à présent.

Azeo acquiesça de la tête. Elle avait une autre affaire à régler avant son départ…

Arrivé devant la porte, à l’entrée de la grotte et toujours gardée par deux chevaliers, un bruit de pas précipités résonna dans le couloir et parvint jusqu’aux femmes. Un soldat déboula alors, fonçant presque sur Azeo.

— Eh bien ! Pour quelles raisons cours-tu si vite Kaden ? Ceriba t’aurait-elle encore mis le feu aux fesses ? Sachez, Dame Azeo, que c’est le jeu favori de ma petite dragonne. Elle trouve cela très drôle de voir mes soldats courir partout, leur pantalon en feu, et se jeter dans la première flaque d’eau qu’ils trouvent.

Astrid se mit à rire, tandis qu’Azeo fixait la dragonne, perplexe. Cette dernière se cacha derrière les jambes de la chevalière. La jeune femme n’aurait jamais pensé que Ceriba soit aussi… joueuse. Le nouveau venu peinait à reprendre son souffle mais il secoua vigoureusement la tête de gauche à droite. Il finit par garder assez d’air dans ces poumons pour prononcer quelques mots.

— Nouvelles… chasseurs… repérés près de… la Foret Noire…

Aussitôt Astrid s’arrêta de rire, ce qui éveilla la curiosité de la jeune femme. La petite dragonne claqua des dents et lâcha un terrible grondement. Le soldat poursuivit avec beaucoup moins de difficultés.

— Le messager vous attend dans votre bureau.

— Bien ! Merci beaucoup Kaden. Je vais m’en occuper. Prend le temps de retrouver ton souffle, rafraîchit toi un coup, puis tu reconduiras Dame Azeo, ici présente, jusqu’au château. Nos chevaux sont dehors.

Le garçon salua Astrid et se dirigea vers un autre couloir. La chevalière se tourna vers Azeo. Toute trace de légèreté avait disparue de son visage.

— Une affaire urgente réclame toute mon attention. Je suis désolée, mais je ne pourrais pas vous raccompagné personnellement. Toutefois ce bon Kaden va s’en charger. J’ai pleinement confiance en lui, malgré son jeune âge. Sur ce, je dois vous laisser.

Astrid pivota sur ses talons, fit quelques pas, puis se retourna de nouveau.

— Et n’oubliez pas. Pas un mot ne doit franchir vos lèvres sur ce que vous avez vu ici.

— Je vous le promets…


Texte publié par Lorelei, 19 août 2016 à 16h50
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