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tome 1, Chapitre 31 « La Dame Rouge (pt2) » tome 1, Chapitre 31

(I is back ! Le rythme de publication devrait revenir à la normale.)

Ses poumons brûlaient dans le froid ambiant. Il n'y avait qu'un chose qui le préoccupait à des kilomètres à la ronde et c'était cette silhouette de dos qui courrait dans la nuit, à peine visible dans l'ombre et dont le souffle saccadé était presque inaudible pour le voleur, assourdi par sa propre respiration. Il voulait sa revanche, il voulait le voir à ses pieds, avec toute l'ardeur de son âme. Il voulait juste qu'il souffre comme d'autres avaient souffert. Delf, l'homme qui tenait les bas-fonds d'Arakfol d'une poigne de fer, celui que tout le monde protégeait du glaive seigneurial, enfin cet homme là était prêt à tomber. On aurait pu croire que, soudain, ses jambes avaient gagné un esprit revanchard à elles seules et contre ses propres attentes, il parvint à accélérer jusqu'à réduire la distance et à l'attraper par l'épaule.

En se retournant, dans ce même mouvement circulaire, il sentit sa cheville se faire balayer. Entre l'élan et le sol glissant, son dos s'écrasa dans la neige boueuse avant qu'il n'ait eu le temps de sortir un juron. Et de là, il vit Delf escalader une grange pour passer sur les toits. Le proscrit le pris comme un affront. Le parterre de toitures était son domaine ! Taran se releva et entama son ascension des parois irrégulières, immunisé contre le froid. Le perdre était inacceptable. Lorsqu'il arriva en haut, il ne put que constater que la silhouette trapue semblait l'attendre, immobile. Là, une lame lui écorcha soudainement l'épaule. Un deuxième homme venait de sortir de son embuscade pour se jeter sur lui. Avec un sourire, Delf le regarda se débattre avant de tranquillement s'éloigner.

« Reviens ici, sale fumier ! »

Il avait l'impression que le sang lui montait à la tête. Dans un ultime effort, il parvint à se dégager et à courir une dernière fois vers le fuyard, brutalement interrompu par un coup sur son crâne et une paire de bras le projetant sur les bardeaux. La douleur s'engourdissait en quelque sorte. Sa vision s'était obscurcie durant les quelques secondes où ses oreilles avaient commencé à siffler. Il se sentit lentement glisser vers le bas à cause de la pente. Cela ne dura pas longtemps.

Une douleur aiguë le plia en deux, vidant ses poumons, crispant tous ses muscles, le clouant net sur la toiture. Il encaissa, puis rouvrit les yeux. Delf se tenait là, au dessus de lui, son pied encore posé présomptueusement sur son ventre, la mine réjouie. Le délicat toucher d'une épée lui frôla la gorge, froide comme la mort, prête à être enfoncée dans sa chair. Taran se sentait tel le plus grand imbécile vivant sur terre. Il aurait dû s'attendre à cela, mais non, il avait préféré foncer tête baissée, une fois de plus. Ou peut-être qu'il s'insultait intérieurement pour ne pas entendre la terreur qui hurlait depuis le tréfonds de ses os. C'état la fin. Ses ancêtres lui claqueraient la porte de l'au-delà au nez pour avoir faillit à son honneur et il resterait là, à errer sur terre, un moins que rien devenu spectre. Tout cela lui traversa l'esprit plus rapidement que tombe la foudre, toutefois, il mit tout cela de côté pour une dernière provocation :

« Oh Delf, chère ordure, ne me dis pas que tu vas me faire le coup du “tu vas mourir lentement et me supplier de t'achever.” Franchement je te croyais plus malin que Aaaah. »

Une semelle dans ses parties suffit à le faire taire.

« Ton amie a raison tu sais Taran, vous avez fait un tour de trop, toi et ta stupidité.

— Si on m'avait donné un regma à chaque fois que j'ai entendu ça, je serais déjà en possession de tout l'Islin. »

Le bandit en position de force, n'attendit même pas la fin de sa phrase pour faire signe à son acolyte. L'épée se leva pendant que le voleur se préparait à l'éviter, certainement en pure perte. La réalité semblait se dérober autour de lui et à l'instant même où il allait ordonner à sa nuque d'esquiver la pointe d'acier, un petit couteau en os vînt se loger dans la main de la sentinelle. Son cri perça la nuit noire et Taran crut mourir de peur en voyant l'arme échapper à son propriétaire et tomber droit vers son visage. Ses bras repoussèrent le tranchant d'acier mais le fil vint se loger dans le haut de sa joue. Son attention se détourna de la douleur dès que le molosse alla agripper Delf par derrière. D'où sortait-il celui-là ? Avait-il gravi furtivement la façade pendant que les deux autres étaient occupés ?

Cela n'avait aucune importance pour le moment, il fallait qu'il se sorte de là. Il remua comme un ver pour se remettre sur ses genoux, dégageant l'épée de son visage. Du sang coulait jusque dans son cou. Son œil droit l'avait échappé belle. Une fois relevé, il se retrouva face à face avec l'individu à la main percée. Il était jeune, très jeune, sûrement trop jeune. Le voleur ricana.

« Delf n'en vaut pas le coup gamin. Tu n'es rien pour lui et je suis disposé à te laisser dix secondes d'avance. »

Comprenant qu'il était temps de filer, le garçon acquiesça et disparut de la scène, un air de panique toujours visible sur son expression. Taran se retourna alors et vit les autres combattants à deux doigts de basculer dans le vide. Avec un grognement, il se saisit de son arme par la lame et alla frapper le gredin derrière la nuque avec la garde, de toute sa hargne. Delf s’effondra.

« Hé ! Là-haut ! Cria une voix dans la rue, est-ce que vous l'avez ? »

C'était Nobi qui attendait en contre-bas.

« Il est... hors d'état de nuire, répondit Sejer, essoufflé.

— Ah ! Vous voyez que ça s'est bien passé, Monsieur “ça ne marchera jamais de toute façon” !

— Non, ça ne s'est pas bien passé du tout, » répliqua Taran, dont le sang commençait à imprégner toute la chemise.

Et ainsi, les deux hommes remarquèrent de leur perchoir que les torches de toutes les maisons alentours étaient allumées. Ils avaient dû réveiller la totalité du quartier.

« Aïe !

— Arrête ton char, j'ai l'impression de m'entendre quand j'avais douze ans. »

Le blessé était de retour dans la petite demeure, sa tunique tâchée abandonnée dans une bassine. Nobishandiya lui avait fait boire un liquide étrange, pour soi-disant calmer la douleur et l'aider à dormir. Quand il fit remarquer que l'effet n'était pas probant, elle rétorqua qu'il fallait du temps pour que cela agisse. De toute manière, elle avait terminé de recoudre et soigner son épaule et allait s'attaquer à la plaie ouverte sur sa joue gauche. Elle l'avait prévenu qu'il valait mieux faire quelques points plutôt que de le laisser avoir cette magnifique balafre sur la figure. Taran avait une parfaite confiance en ses capacités, malgré cela, il n'était pas franchement rassuré d'avoir une aiguille aussi affutée non-loin de son œil.

« J'aimerais quand même bien savoir la raison de cette convocation intempestive, marmonna-t-il.

— Vas-tu te taire ? »

La réplique avait été un peu sèche. Il se rappela qu'elle devait être en pleine concentration. Il l'entendit soupirer près de son oreille. Elle reprit d'un ton plus neutre :

« Sejer a laissé entendre que c'était pour voir la grande Dame. »

Taran faillit tourner violemment la tête.

« Meinenruer !?

— Arrête de bouger ou je te plante volontairement cet objet dans une narine !

— Je croyais pourtant que le molosse travaillait pour Brinarn, pas pour sa femme. Alors quoi ? Tu ne trouves pas ça incongru ? disait-il entre ses dents.

— Je ne sais pas, je ne me suis pas franchement posé la question. Peut-être qu'à présent elle sait pour notre petite incursion chez les Tronens, peut-être que c'est pour cela qu'elle veut nous voir. Je n'en sais fichtre rien. Sois gentil et tiens-toi tranquille avant que je ne perde patience ! »

Obéissant, le blessé se figea, essayant de ne pas grimacer à chaque picotement de l'aiguille près de son œil. Sa comparse ne mit pas longtemps à finir et bientôt elle coupa le fil et se releva pour ranger ses instruments.

« Tu es certaine que tu veux lui obéir ? Il est possible que ce soit encore un piège. »

Elle releva la tête.

« Je ne vois pas véritablement d'autres options. N'es-tu pas curieux de connaître les raisons de cette invitation inopinée ?

— Si. Cependant, je peux encore monter dans ce bateau demain matin.

— Avec ces blessures ?

— Comme tu l'as dis, elles finiront par guérir. Il est inutile de faire l'enfant. Ce qui me surprend plus, c'est ton manque d'enthousiasme face à mon départ. J’aurais cru que tu serais ravie. »

À présent, elle l'ignorait, s'agitant pour dépoussiérer des objets qui clairement n'avaient pas besoin d'être nettoyés.

« Nobi ? Si ma présence est un problème pour toi alors il est préférable que je parte.

— Banem bak ! Ce que tu peux être têtu. Tu crois que ça ne me perturbe pas ? Ma colère a un coût Taran. Ma colère a toujours un coût et il est très élevé. Qu'est-ce que tu crois ? Je voudrais pouvoir pardonner, pour oublier, juste oublier et passer outre. Le problème c'est que tu ne m'offres pas grand chose, à part notre petite entente. C’est effrayant pour moi ! Cela signifie que tu pourrais en profiter et me trahir. Tout comme Sejer. Tout comme la plupart des gens dans cette ville. Je te rappelle que la première chose que tu as trouvé à faire quand nous nous sommes revus, c'est de me faire du chantage, mais une trahison de ta part maintenant, serait pire encore que ce que tu as pu faire dans le passé. Alors je préfère rester dans mon dégoût, au moins il me tient vigilante.

— Tu préfères donc que je parte ?

— Très bien, je vais te dire ce que je veux. Je veux que mon agresseur s'en aille sur ce bateau et qu'il quitte Arakfol sans aucun retour possible. Et je veux que Taran, le Taran honnête qui aimait Saranvar plus que lui-même, reste ici. Si tu ne peux pas faire ça, alors effectivement il vaut mieux que tu partes. »

Le voleur ne ferma pas l'œil de toute la nuit.


Texte publié par Yon, 8 novembre 2017 à 10h20
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