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tome 1, Chapitre 22 « Dissidence (pt3) » tome 1, Chapitre 22

Note de l'auteur: Je ne suis pas encore satisfait du début de cette partie, il faudra que j'y revienne un peu plus tard. Comme la publication n'attend pas je vous la livre telle quelle. Libre à vous de me taper sur les doigts. Bonne lecture !

Deux minutes plus tard, une large silhouette familière aux cheveux de paille revînt dans la pièce et marcha vers eux. Il lui tendit d'un geste autoritaire ce qui ressemblait à une grande dague de combat. Taran ne cacha pas sa surprise. Doucement, il se saisit de l'étui de cuir et poussé par une curiosité accrue, tenta de dégainer l'arme, sans succès.

« Un simulacre ? Demanda le voleur.

— Évidemment. Je ne peux pas te laisser paraître avec moi sans arme, ce serait bien trop suspect. Voilà ce qu'il va se passer à présent. J'ai de bonnes raisons de croire que l'homme que je cherche se trouve quelque part dans cette grande salle. Nous allons nous y faufiler calmement et vous allez me désigner celui que vous reconnaîtrez, si toutefois vous en reconnaissez un. Rappelez-vous cependant, mes soldats ne connaissent peut-être pas la raison de votre venue, mais ils connaissent vos visages et ont pour ordre de vous exécuter sur le champ au moindre écart. Et j'utilise ce mot de façon littérale. S’ils vous voient quitter la pièce, vous êtes morts. »

Il redressa la tête et s'adressa à son prisonnier :

« Reste à mes côtés. Tu peux me précéder mais je ne te laisserais pas passer derrière moi. Si tu t'éloignes à plus d'un mètre, je te pourfends. Quant à toi, qui te croies si rusée, je t'ai trouvé un chaperon. S'il lui arrive quoi que ce soit, je réserverais à ton camarade la mort la plus douloureuse que l’on n’ait jamais inventé. »

Il se retourna et hocha de la tête. Une femme d'une cinquantaine d'année, sortie de l'ombre pour avancer dans la faible lumière de la pièce. Elle était vêtue d'une robe simple, blanche et rouge, joyeusement brodée de fleurs jaunes. Elle avait encore un visage ovale régulier, avec de belles pommettes et des yeux qui semblaient noirs mais qui devait être en réalité un peu noisette. Elle les fixait avec une méfiance tout à fait palpable. Ses rides rendaient sa nervosité encore plus expressive. Deux mèches claires tombaient sur ses tempes, le reste avait été remonté en chignon au dessus de sa tête. Dans ses mains se trouvait un magnifique pichet d'argent.

« Sejer, dit-elle en le saluant.

— J’ai l’honneur de te présenter ton fardeau, continua le soldat. J'ai besoin d'elle ce soir. Tu ne dois pas la quitter d'une semelle.

— C’est à mon tour de parler ? J’ai faillit attendre. Alors je te ferais remarquer que je ne peux pas faire passer n'importe qui pour une servante. Où te crois-tu ? Le moindre faux pas se verra forcément. La moitié des Seigneurs du sud-est sont ici, sans compter les chefs de famille Toklun. »

Taran se retenait de pouffer de rire. Si seulement ils savaient... La Dame à ses côtés toussota avec élégance :

« Pardonnez-moi mais je pense pouvoir me fondre dans votre petite ribote.

— Vraiment ? »

La nouvelle venue la regardait un peu sèchement. Sejer, un demi sourire narquois sur ses lèvres, alla prendre une coupe sur la table un peu plus loin et la tendit dédaigneusement à Nobi. Cette dernière récupéra le pichet d'argent et avec cette grâce hautaine qui lui était caractéristique, rempli le récipient de façon magistrale, sans même qu'un postillon de vin ne dévie de sa trajectoire. Puis elle se retourna pour recueillir l’approbation de la femme en robe brodée.

« Elle cache bien son jeu votre belle impertinente. »

Satisfaite, celle-ci exécuta une petite révérence, le pichet toujours en main, pour signaler sa gratitude face à un compliment bien mérité.

« Je suis Soulvej, gouvernante du Seigneur.

— Nobi. » Répondit-elle avec sobriété, ce qui surpris Taran. Depuis quand acceptait-elle ce surnom avec autant de désinvolture ?

Le chef de la garde, qui se tenait entre eux, donna alors le signal. Les deux femmes partirent devant, solennelles, suivies des deux autres. Le groupe avançait sous le regard perçant de tous les vigiles qui avaient été placés là préalablement.

« Je ne sais pas trop comment vous dire ça, soupira le voleur, mais j'ai juste l'impression que vous allez regretter de les avoir présentées l'une à l'autre. Croyez-moi, d’ici minuit elles seront inséparables et non seulement vous aurez fort à faire pour dissoudre leur complicité, mais en plus de cela elles mèneront le bal dans cette salle à votre place…

— Et qu'est-ce qui te fait dire ça ? »

Il scruta son expression, un peu surpris, avant de rétorquer :

« Vous n'avez pas beaucoup d'intuition en ce qui concerne les femmes, je me trompe ?

— Ah parce que tu en as toi ? »

Il n'eut rien à répondre à cette remarque, à part se gratter la gorge.

« Je vous aurais pourtant prévenu, » grommela-t-il.

Lorsqu’ils tournèrent sous la dernière arche pour parvenir à l’entrée de la fête, ce fut comme si le brouhaha était venu les frapper en pleine tête. Il leur fallut stopper leur marche face à ce fourmillement humain. Malgré sa taille honorable, le captif ne parvenait à voir pour l’instant que le plafond de bois, recouvert de peinture noire. Sur les poutres étaient suspendues de larges tapisseries qui se perdaient au milieu des têtes. L’air s’embrasait d’épices, de sucre et de viandes grillées. Des coquilles vides s’entassaient dans les bols qui retournaient en cuisine. Doucement, le personnel s’écarta pour les laisser s’immiscer dans le grand hall. Suivant dans le sillage des gardes du molosse qui lui servaient de guide, Taran prit une grande inspiration comme s’il se préparait à plonger. Ils pénétrèrent au milieu de la cohue aussi invisibles que des fantômes. Aucun convive ne semblait détecter la présence des intrus. Seule une jeune fille blonde, de petite stature, vint aussitôt aborder Sejer :

« Ma Dame fait savoir qu’elle descendra plus tard que prévu. »

— Parfait, » répondit celui-ci.

Le voleur pris note de l’annonce et tourna son attention vers Nobi. Celle-ci se débrouillait plutôt bien, souriante, évoluant avec grâce, comme si elle avait officié à des banquets toute sa vie. Maintenant qu’il y réfléchissait, ce devait être partiellement le cas. Son attention fut rapidement détournée par les rumeurs et les conversations de tout bord. Cela lui était bien trop familier. Ce vague à l’âme qui le frappa fut bien plus douloureux que n’importe quel supplice qu’il aurait pu endurer dans son cachot. Il n’avait plus assisté à une telle réunion depuis... Et les chandelles qui dansaient sur les tables ne pouvaient lui réchauffer le cœur tant il connaissait l’hypocrisie de ces faces pleines et bien habillées, confiantes et sereines, à l’abris de l’hiver sous la protection des puissants. Et au centre les innocents, les proies, qui pourtant ne savaient pas leur veine. Le vin et l’hydromel coulait à flot. Il s’enivrait rien que de l’odeur, regrettant dans ses tréfonds de ne pas pouvoir simplement se saisir d’un verre dans le seul but de noyer sa peine subite. La mélancolie le couvrait de ses bras et lui parlait tout bas à l’oreille, lui racontant les histoires des temps jadis. Il sentait encore la viande glisser dans sa bouche, l’alcool lui coller aux lèvres, il entendait les chants des dames et se rendit vite compte qu’il lui était impossible de distinguer le souvenir du réel. Ses jambes avançaient sans lui.

L’amertume était-elle lisible sur ses traits ? Dans le fond, il n’en avait cure. Taran voulait se perdre dans le dédale de sa nostalgie et ne plus jamais refaire surface. Le grand hall était bondé. Des voix s’élevaient à vous en faire exploser la tête. Tout était joie, rire et ivresse. Les chandelles et le feu dans l’âtre étouffaient l’atmosphère et cependant, personne ne semblait le remarquer. Il se permis une absence, ses yeux tombèrent vers le sol et il perçu à ses côtés les présences familières qu’il avait toujours identifié comme sa famille, son clan. Il entendait leurs voix, qu’il connaissait depuis l’enfance et que jamais plus il n’entendrait. Le grondement caverneux du poitrail de Hastén, les notes fluettes de Jesper, les réprimandes de sa nourrice. Tout cela balayé par le vent des terres gelées. Sans oublier le regard d’un homme, le maître de cérémonie.

Il y avait là-bas, une cheminée de pierres rousses, très large et couronnée de sept boucliers d’apparat. Les flammes se trouvaient masquée par la grande table, celle que tous regardaient. Un grand fauteuil de bois surplombait l’assemblée, peint de pourpre, décorée de loups féroces. Le voleur fut presque déçu de lever les yeux et de ne point rencontrer ce jeune visage sombre, symétrique et assuré. À sa place, une silhouette plus vieille, avenante mais dure, qui était loin de l’allure princière à laquelle il était habitué. Tout autour, les invités d’importance ; et face à eux, dans la longueur du hall, de longues planches sur treillis où se serraient hommes et femmes, marchands, aristocrates, tous habités par une transe propre aux festivités. Il se trouvait à présent dans la perspective parfaite pour observer la totalité de la salle, mais il avait perdu sa complice des yeux.

Subitement, Taran sentit la pression sur ses épaules. Si Nobi ne lui laissait pas d’opportunité, ils étaient tous deux bons pour la hache, ou pire, l’échafaud. Leur geôlier avait le caractère des tueurs de sang froid que rien ne détournait de leur juste cause. Cette fois, ils n’avaient pas le droit à l’erreur et même s’il avait confiance en sa partenaire, il n’aimait pas beaucoup n’avoir aucun contrôle sur la situation. Dans le doute, il commença à sonder la pièce pour y déceler peut-être des issues qui lui avaient échappé jusque là. En réalité, il n’y en avait que deux, les passages qui donnaient vers le sud. Il se remémora le parcours qu’ils avaient suivis pour arriver jusqu’aux cuisines ; ils avaient eu les yeux bandés durant le plus gros de la distance. Si elle ne pouvait accomplir sa part du marché, comment allaient-ils s’en sortir ? Comment allaient-ils s’éclipser ? Allait-elle le laisser là, à la merci de ces brutes ? Même Nobi, qui avait bien plus de marge de manœuvre que lui, n’allait pas échapper à la vigilance de tous. Alignés le long des murs étaient les hommes de Sejer, et via leur regard, il localisa les deux femmes, Soulvej en pleine conversation avec une invitée à la robe élégante et la négociante juste derrière elle, qui semblait dévisager un à un les gens des tables les plus prestigieuses, toujours du coin de l’œil.

Elle, toujours si fière, était presque recroquevillée sur elle-même. Il y avait trop de monde, comment pouvait-elle localiser un homme qu’elle n’avait vu qu’une fois, en courant dans la nuit ?


Texte publié par Yon, 16 mars 2017 à 09h40
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