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tome 1, Chapitre 18 « Ce dont rêvent les Voleurs (pt6) » tome 1, Chapitre 18

Au début, ils refusèrent tous deux de parler de quoi que ce soit qui aurait pu les monter l'un contre l'autre. Un silence confortable occupa les jours suivants, où ils se mirent au travail sans trop se poser de questions.

« Comment va ton bras ?

— Il va bien. Tout sera complètement rétabli d'ici quelques jours. »

Il insista pour faire lui même le transport des choses lourdes, ainsi que les travaux les plus difficiles physiquement, malgré les protestations et l'irritation flagrante de la Dame.

« Je ne te laisserai rien faire sur le toit, grogna le voleur. Ce n'est pas que je ne te fasse pas confiance, mais je sais très bien que tu te blesseras juste parce que tu chercheras à m'impressionner.

— Tu sais ce qui m’irrite vraiment dans ta phrase ? C'est que je suis horriblement consciente de sa véracité. »

Aucun ricanement victorieux ne tonna. Taran se souriait à lui-même d’un air mélancolique. Nobi décida de refaire l'étanchéité des planches depuis l'intérieur, postée à l'étage, glissant les fibres collantes dans les fines ouvertures, avec pour seule distraction le rythme lent du marteau juste au dessus d’elle. Après quelques journées, ce fut comme si la conversation repris spontanément, sans souffrances.

« Tu as conscience que cet endroit est à nous deux, n'est-ce pas ? Demanda Nobi. Je te rendrai ma part de l'investissement. »

L'autre allait protester avant de comprendre que ce serait bien maladroit de sa part. Il hocha mollement la tête pour ne pas la contredire. Il s'immobilisa ensuite, sûrement pris par une profonde réflexion, avant de s'adosser à une poutre.

« Je ne te dérangerai pas ici. Je ne viendrai jamais sans ta permission. »

Elle se mit à sourire.

« Je ne suis pas assez cruelle pour te laisser à la rue, surtout que tu as brûlé tes économies sur ce projet inconsidéré. Une fois le mur remis en état, je te laisserai l'étage. Attention, uniquement l'étage. Le reste est à moi et je ne veux pas te voir dans ma partie de la maison sans être invité. »

Taran prit sa décision très au sérieux. Trop au sérieux. Il se fabriqua un petit crochet de métal, facile à transporter, qu'il allait utiliser pour débloquer le volet de l'extérieur. Il n'entrait que par la fenêtre, en redescendant du toit, pour ne pas déranger l’habitante du rez-de-chaussée. Sa comparse trouvait cela ridicule, mais il s'entêta. Elle dut protester pour qu’il finisse par utiliser la porte.

L'accès à l'étage ne s’effectuait que par une vieille échelle en très mauvais état. Avec l'aide d'un charpentier qui lui redevait un petit service, Taran mit en place un escalier fermé par une barrière, qui tournait sur des gonds approximatifs. Il y fixa une petite cloche d'étain, de sorte qu'à chaque ouverture, le tintement alertait l'étage du bas. Nobishandiya avait parfaitement conscience qu'il faisait cela pour la rassurer, mais intérieurement elle trouvait cela parfaitement démesuré. Rien ne l'empêchait de sauter par dessus la barrière, après tout la souplesse et la discrétion du larron n'était plus à prouver. Il fut convenu immédiatement que le vagabond ne pourrait dormir sous ce toit que trois nuits par semaine, les jours où il ne pourrait pas se payer un abri ailleurs, le temps de mettre sa bonne foi à l’épreuve.

Évidemment, elle avait pleinement conscience que cette cohabitation nouvelle serait tout sauf facile. Et, au plus grand désarroi de Nobishandiya, le voisinage se demandait bien sûr qui était cet étrange couple qui emménageait dans une ancienne remise. Beaucoup posaient des questions à Taran, pour savoir s'ils étaient mariés. Cela ne plut pas du tout à la Dame. Elle n'avait surtout pas besoin que ce genre de rumeur circule sur son compte.

« On ne pourrait pas dire plutôt que nous sommes cousins ? »

Il la regarda, désemparé.

« Vraiment ? Cousins ? C'est le mieux que tu puisses faire ? Tu le sais aussi bien que moi, tout le monde va se poser des questions si je réponds clairement que nous ne sommes pas en ménage. »

C'était malheureusement vrai. Dans le nord, seul les membres d'une même famille vivaient sous le même toit. Si l'on excluait les domestiques.

« Et si on disait que tu étais à mon service ?

— C'est encore moins crédible. On verra bien que tu n'en as pas les moyens. »

Elle lâcha un soupir à fendre l'âme :

« Je vais devoir fournir de longues et tortueuses explications à bon nombre de marchands dans cette ville...

— Je peux aller la leur fournir moi-même si tu préfères. » Lança-t-il en faisant mine de se curer les ongles.

« As-tu le secret désir de te faire tailler les oreilles en pointe ? »

Après leur petite aventure avec les soldats, ils avaient pris la décision de rester loin des quartiers les plus dangereux. Ils ne demeurèrent pas longtemps dégoutés du risque, toutefois, il se passa un long moment avant que la fibre téméraire ne revienne les chatouiller. Tout d'abord, ils reprirent des activités plus sûres, tentant au possible de rester loin des contrebandiers. Ils ne faisaient que de petits vols sans grandes pompes mais suffisants pour vivre. Seulement le voleur semblait s'ennuyer. Moins il passait de temps sur les toits, plus il en passait à la taverne, au grand désespoir de Nobi.

Il eut d'abord l'intelligence de ne pas revenir à leur petite maison les nuits de ses sorties aux débits de boisson. Où dormait-il ? Cela restait un mystère. Et elle n'en avait cure. Hélas, un jour il tituba devant la porte à une heure bien tardive et sa comparse dut le renvoyer de manière expéditive. Lorsqu'il fit mine de refuser d’obtempérer, elle se saisit d'une corde, dont elle se servait pour faire des pièges à rats et ficela le poignet droit de Taran à la poutre de dehors. Il s'endormit presque debout dans la plus grande détresse, après qu'il se soit fatigué à se débattre. On aurait pu croire qu'elle allait le laisser mourir de froid dehors. Le lendemain, l'homme se réveilla sur son lit de fortune, avec un mal de crâne à faire imploser le ciel et la terre, mais au sec et au chaud. Nobi se gaussait.

« S'il-te-plaît, ne crie pas. » murmura-t-il d'une voix aigüe.

Elle lui sourit effrontément avant de tourner les talons, en prenant bien soin de faire claquer ses pieds contre les planches à chaque pas. L'autre regardait autour de lui, sidéré. Il n'avait aucun souvenir d'être rentré à l’intérieur la nuit précédente. Elle ne l'avait tout de même pas porté ? Comment diable avait-elle fait pour monter les marches ?

Néanmoins, l'expérience le calma. Au moins sur cet aspect. Il était constamment d'humeur exécrable, sauf cette après midi là où il était rentré pour annoncer enthousiaste qu'il avait recroisé de loin l'enfant qui avait été blessé lors de sa dernière chute. Il était entre ses deux parents et faisait quelque pas en se reposant sur leurs épaules. Sa jambe ne semblait pas gangrénée. Elle lui répondit qu'il avait tout bonnement eu de la chance.

Puis il y eut une journée où elle ne le vit pas du tout. Nobi crut naïvement qu'il réapparaitrait le surlendemain, comme il le faisait parfois. L'histoire ne se répète pas toujours. Il mit une semaine à revenir. Impossible de savoir ce qu’il avait fait.

Les jours suivants s'écoulèrent dans une étrange quiétude. Cette suspension dans le temps, en revanche, ne pouvait durer. Il fallait gagner son pain, ou en tout cas le prendre à d'autres, plus chanceux. Or, à l'occasion d'une visite chez un marchand de sa connaissance, Nobishandiya vit, grâce à une indiscrétion de sa part, un anneau de valeur caché dans un coffret contenant des pierres ponces. Aussitôt son esprit se mit en marche. Pourquoi tant de cachoteries ? Que faisait ce bijoux dans une réserve ? La tentation était forte. Le marchand était persuadé qu'elle n'avait rien vu depuis la pièce adjacente. L’aigrefin s'en alla donc vaillamment rapporter sa découverte à son comparse :

« Je vois. Il est vrai que ça nous laisserait de quoi voir venir, dans le cas où l'anneau serait bel et bien en or massif. C'est un gros risque à prendre pour une si petite pièce. Soit, je veux bien tenter ce pari avec toi, à condition que l’on évite les impairs qui ont failli nous coûter la vie récemment, tu vois ce que je veux dire ? Je dois donc te poser la question qui fâche : comment comptes-tu faire pour distraire la maisonnée complète au beau milieu de la nuit ? »

Et ainsi, la semaine suivante, un mystérieux incendie se déclencha dans une grange étrangement vide.


Texte publié par Yon, 24 janvier 2017 à 09h02
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