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tome 1, Chapitre 10 « Une juste rétribution » tome 1, Chapitre 10

La lumière qui s'obstinait à traverser ses paupières le tira d'un sommeil profond. Encore un peu endormi, il leva un bras pour se protéger les yeux de la lumière du jour.

« Monsieur Kloze ? Cindervale Kloze ? »

Il consentit à bouger son bras et à soulever les paupières d'une fraction. Une femme se tenait à ses côtés, portant la livrée du palais matriarcal :

« Comment vous sentez-vous ? »

Il fronça les sourcils, et s'avisa seulement que le lit où il reposait était bien plus confortable que la maigre couche du hangar.

« Vous devez manger un peu, et boire aussi. Quand vous aurez repris des forces, vous pourrez vous présenter à la matriarche. »

Elle désigna un plateau, déposé près du lit, garni d'une soupe fumante, de plusieurs tranches de pain frais et d'un grand verre d'une boisson à l'odeur florale. Sous le regard vigilant de la femme, il consomma ce repas léger. Il en profita pour regarder autour de lui : la chambre où il se trouvait était si vaste que l'appartement au-dessus de la boutique aurait pu y tenir en entier. Elle était meublée luxueusement d'acajou et de merisier, et plaquée de boiseries blanches rehaussées de dorures.

Il laissa son regard se porter sur la grande horloge posée sur la cheminée. Les aiguilles indiquaient dix heures.

« Depuis combien de temps suis-je ici ? s'étonna-t-il.

— Depuis hier, en fin de matinée, quand on vous a porté au Palais. Je vous ai déposé de nouveaux vêtements dans le cabinet de toilette. Ne tardez pas, la matriarche vous attend d'ici une heure.

- Merci... » bafouilla-t-il, peu habitué ces égards.

Une fois qu'elle fut partie, il se leva, tremblant légèrement sur ses jambes encore douloureuses de sa course effrénée, et se dirigea vers le cabinet de toilette isolé par un paravent décoré. Derrière, l'attendait un bain fumant ; après s'être débarrassé de ses habits, il pénétra dans l'eau chaude avec un soupir de bien-être.

Il ne devait hélas pas prendre de retard : avant même que l'eau commence à refroidir, il s'en extirpa et s'habilla rapidement, s'émerveillant de la douceur de la chemise blanche, de la beauté du gilet azur et de l'habit de soie bleu sombre, de l'élégance des souliers vernis à boucle d'argent.

Quand la femme revint, elle le complimenta sur sa belle allure et le mena vers une antichambre, où elle le fit asseoir dans un fauteuil profond en attendant que la matriarche soit prête à le recevoir. Cinder avait l'impression que le temps s'était arrêté, tant l'attente lui parut longue. Il se rassura en songeant que si l'on avait pris un tel soin de lui, ce n'était pas pour le jeter au fond d'un cachot.

Enfin, une gardesse à l’uniforme chargé de décorations se présenta devant lui :

« Cindervale Kloze ? Veuillez me suivre. »

Il se leva et emboîta le pas à la femme, qui ouvrit la porte capitonnée donnant sur le bureau de la matriarche. La pièce semblait tiré d'un rêve : sur toute la surface des murs ou presque, des étagères supportaient des livres reliés de cuir patiné, mais aussi de délicates mécaniques : pendules, scènes animées, planétariums... qui faisaient le renommée de la technocratie. La matriarche, assise derrière un vaste bureau de marqueterie, le fixa d'un regard scrutateur :

« Ainsi, vous êtes le jeune Kloze ? Veuillez prendre un siège. »

Le garçon, la bouche sèche, s'assit avec raideur dans l'un des larges fauteuils disposés devant le bureau.

« Avez-vous conscience de ce que vous avez fait ? » poursuivit-elle d'un ton sévère.

Il hocha timidement la tête :

« Votre excellence, je me suis conduit... comme un escroc. Je me suis fait passer pour un automate, trompant les autorités du Matriarcat. Je me suis introduit auprès de mademoiselle Elsebeth alors qu'elle ne désirait la présence d'aucune... vraie personne auprès d'elle...

— Pourquoi avez-vous agi ainsi ? »

Il se mordilla la lèvre, cherchant quoi répondre sans impliquer Simeon.

« Je... je me sens très seul depuis la mort de ma mère, maîtresse Annet Kloze. C'est pourquoi j'ai pensé que mademoiselle Elsebeth avait peut-être besoin d'une vraie compagnie, même si elle l'ignorait. Je regrette de lui avoir menti... »

La matriarche hocha la tête :

« Je vois que vous avez conscience de vos erreurs. Mais tout le monde peut se tromper, et en l’occurrence, votre jugement s'est révélé plutôt bon. Aussi vais-je vous faire une proposition : madame Calculus a besoin d'un apprenti... et à terme, d'un futur successeur. Même si cette dignité n'est habituellement pas offerte aux hommes dans notre technocratie, peut-être, pour une fois, pouvons-nous faire une entorse à la coutume. »

Abasourdi, Cinder se confondit en remerciements.

« Par ailleurs, en raison de la tentative de supercherie de maître Ash, les ateliers Ash et Kloze seront annexés par le Matriarcat. Par mansuétude de notre part, nous avons proposé aux Ash d'y travailler contre salaire, mais ils ont préféré quitter Svenne. Comme la moitié de l'atelier aurait dû vous revenir à votre majorité, pour vous dédommager, nous avons décidé de vous offrir, quand vous aurez l'âge requis, la position de maître des automates de la cour matriarcale. »

Cinder ne savait que répondre... Il finit par balbutier :

« Mais... que... que puis-je faire pour vous témoigner ma reconnaissance ? »

La matriarche le fixa avec amusement :

« Eh bien... Il semblerait qu'automate ou non, ma fille apprécie votre présence. Aussi, quand vous ne travaillerez pas avec madame Calculus, vous aurez pour tâche de lui tenir compagnie et de l'aider à reprendre confiance en elle, pour qu'elle puisse un jour dignement me succéder. »

Elle tira un cordon de soie qui pendait à côté de son bureau. La porte s'ouvrit, livrant passage à la mince et gracile silhouette d'Elsebeth. Elle s'avança vers Cinder, souriante, les mains tendues. Quand leurs doigts se touchèrent, il sentit son cœur bondir dans sa poitrine. Il ne rêvait pas... Désormais, les automates ne seraient plus sa seule compagnie.


Texte publié par Beatrix, 21 mars 2016 à 17h18
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