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tome 1, Chapitre 3 « Le Grand Soir » tome 1, Chapitre 3

La semaine passa comme dans un rêve : un tourbillon d'activité emportait la maison Ash et Kloze. La Grande Présentation n'était plus un secret, mais Cinder avait soigneusement dissimulé son intention de s'y rendre. Maîtresse Ciso lui avait trouvé une tenue de velours vert bronze, avec un gilet de soie couleur d'or pâle, qui avait à peine été porté. Il avait choisi de présenter Loustic ; ce dont la jeune fille avait besoin, ce n'était pas d'un prince charmant, joli mais ennuyeux, mais d'un personnage qui la ferait rire et sourire. Combien de fois ce petit automate facétieux avait-il distrait ses chagrins d'enfant ?

Le soir venu, tout le monde s'entassa dans la carriole tirée par Clopin : Alcyon et Johan, Piter et Ludvik, et même monsieur Ash qui s’installa sur le siège à côté de Cinder, au grand désarroi du garçon. Il avait dissimulé son beau costume sous son grand manteau râpé, boutonné jusqu'en haut du cou. Ses beaux-frères avaient revêtus des habits de soie, rouge pour Ludvik et bleu pour Piter, avec des chemises à haut col qui les faisaient paraître aussi raides que leurs automates.

Comme tous les habitants de la ville, Cinder connaissait bien le palais du Matriarcat, une grande bâtisse aux allures de temple antique. Mais ce soir-là, devant la colonnade du portique, se pressait une véritable foule d'humains et surtout d'automates : il y en avait de toutes les formes, de toutes les tailles, des jeunes gens, des enfants, des animaux même, parfois dressés sur leurs pattes arrière et habillés d'élégants vêtements, parfois imitant au plus près la nature. Certains semblaient très rudimentaires, avec tous leurs rouages apparents, d'autres étaient de véritables œuvres d'art, admirablement façonnées et ciselées dans des matériaux précieux.

Ceux qui venaient les présenter appartenaient à toutes les classes de la société : femmes et hommes, directrices et directeurs à la mise recherchée, ouvrières et ouvriers à la vêture plus modeste... Voitures mécaniques ou tirées par des automates disputaient la place à quelques rares véhicules à traction animale.

Victor se tourna vers Cinder :

« Tu rentreras à l'atelier dès que nous serons dans le palais. Tu pourras repasser dans deux heures pour venir nous chercher. »

Cinder hocha la tête, soulagé. Il pourrait feindre de partir et revenir discrètement avec Loustic un peu plus tard. Il mit un certain temps à trouver assez de place pour garer la charrette. Piter et Ludvik piaffaient d'impatience et leur nervosité les poussa à se chercher querelle sitôt descendus :

« Comme si ton pitoyable Alcyon avait la moindre chance face à Johan ! lança l'aîné avec arrogance.

— C'est ton Johan qui est pitoyable, rétorqua le plus jeune.

— Un peu de tenue, mes enfants, commanda sévèrement Viktor. Vérifiez que vous avez bien vos cartons d'admission. Et toi, Cinder, qu'en penses-tu ? demanda-t-il au jeune garçon, d'une voix ironique.

— Je n'en ai aucune idée, répondit-il nerveusement.

— Tu les connais bien, pourtant. C'est ta mère qui les a conçus, après tout. Regrettes-tu ne pas participer, toi aussi ?

— Non, pas du tout, marmonna-t-il.

— Vraiment, Cindervale ? C'est surprenant. »

Il avala péniblement sa salive :

« Ludvik... ou Piter... représenteront bien mieux Ash et Kloze que moi.

— Effectivement, Cinder, répondit Viktor avec un sourire doucereux. Alors dis-moi... Qu'y a-t-il sous la bâche au fond de la carriole ? »

Le garçon sentit son cœur plonger : il avait espéré que Viktor ne repairerait pas son chargement secret.

« Je... J'ai pris de l'avance pour les commandes de demain.

— Eh bien, voyons donc de quoi il s'agit... »

Il tira la toile, laissant apparaître Loustic. Il le contempla longuement, avant de se tourner vers son beau-fils :

« A mon souvenir, personne n'a réclamé ce petit automate pouilleux. J'espère que tu ne comptais pas... le présenter ? »

Le garçon ne trouva rien à répondre.

« Ôte ton manteau et donne-le moi ! » ordonna Viktor.

Cinder recula de quelques pas, pour se cogner contre ses beaux-frères qui lui coupaient toute retraite. La mort dans l'âme, il déboutonna le vêtement et le tendit à son beau-père. Ce dernier considéra avec amusement le costume de velours vert :

« Te voilà bien habillé pour quelqu'un qui n'avait aucun projet particulier. »

Il glissa la main dans la poche intérieure du manteau et en tira l'enveloppe, qu'il contempla avec intérêt :

« Je ne sais pas où tu as eu cela... Mais ce que je sais, par contre, c'est que sans cette invitation, tu n'entreras pas au palais. »

Levant l'enveloppe, il la déchira en petits morceaux qu'il laissa tomber en pluie blanche sur le sol. Cinder contempla les débris, bouche-bée, incapable même de protester.

« Nous réglerons cela plus tard. Va à présent. Et ne t'avise pas à me cacher quoi que ce soit d'autre, ou la punition qui t'attend sera plus dure encore. »

La mort dans l'âme, maudissant sa faiblesse, le jeune garçon remonta sur la charrette et commanda à Clopin de prendre le chemin du retour. Il ne savait même plus pourquoi il avait tenté cette aventure. Souhaitait-il soulager cette jeune fille si seule ? Ou échapper lui-même à sa triste situation ? Tout se noyait dans un tourbillon de sombres pensées.


Texte publié par Beatrix, 21 mars 2016 à 17h07
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