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tome 1, Chapitre 1 « Jack Daniel's » tome 1, Chapitre 1

Je me trouvais devant le supermarket de la ville. Vêtu d'une capuche noire et ayant rabattu mes cheveux vers l'arrière, j'y entrai la tête baissée. Je déambulai dans les rayons comme à mon habitude, à la recherche d'un apéritif.

Je venais souvent dans ce petit magasin qui était facile à dévaliser. Les caméras ne servaient strictement à rien. J'ai toujours été un professionnel pour cravater. Rien ne m'échappait, pas même les filles. Rares étaient les fois où le vieux, qui tenait la boutique, regardait son écran de surveillance. Ce qui m'apportait beaucoup plus de simplicité dans mes actions. Je me trouvais dans l'étalage de bouteilles d'alcool et empoignai le whisky « Jack Daniel's » avant de le faire disparaître sous mon sweet.

Ayant triomphé de nouveau cette épreuve, je me dirigeai, la face baissée, en direction du comptoir. Je pris un paquet d'Hollywood chewing-gum à la menthe et le passa en caisse, mine de rien.

- Monsieur ! M'interpella une voix féminine. Reposez la bouteille ou je cris au vol !

Surpris, je laissai choir le paquet de chewing-gum et décampai précipitamment hors du magasin. Sans le faire exprès, je bousculai une vieille femme dans ma lancée. Je la regardai d'en haut et grognai en prenant conscience que sa chute me ferait perdre du temps. Toutefois, je décidai de l'aider à se relever. Ce fût la moindre des choses.

- Toi ! Madame, retenez-le ! Cria une jeune femme en se précipitant vers moi.

Je m'excusai pour l'incident qui eut lieu à ma sortie et me remis à courir, sous le regard effaré de la sexagénaire. Si j'aurais su plus tôt que le vieux propriétaire du market avait engagé une jeunette pour la semaine, je me serais abstenu de rafler le whisky. La caissière continuait de me poursuivre. Tout ça pour une bouteille d'alcool ? Je jurai intérieurement à son encontre.

Arrivé au niveau d'un tournant, j'empruntai une ruelle étroite. Je connaissais la ville de Détroit comme ma poche et en continuant tout droit je retomberais sur la route qui mène à mon domicile. Je manquai de peu de me casser la figure à cause de quelque poubelles déchiquetées qui jonchaient le sol. Cependant, la jeune femme n'eut pas cette chance.

Lorsque je débouchai sur la prochaine rue, j'entendis un râle assourdissant qui provenait de par derrière. Je pensai qu'elle devait s'être faite mal et établis un moment de réflexion. Soit je continuais, laissant place à ma fierté, soit j'allais voir ce qu'il lui était arrivé, faisant preuve de bonne fois. Je rechignai à l'idée de devoir l'aider, cachai la bouteille derrière une vielle tôle de fer et me rapprochai de la jeune brune.

Nous étions en décembre et il commençait déjà à faire froid. La petite n'était même pas couverte d'une veste. Elle l'avait sans doute laissée à la caisse du magasin, oubliant de l'emporter lorsqu'elle s'était mise à ma poursuite. La jeune femme était habillée d'une jupe crayon noire et d'une chemise blanche. Banal, comme pour chaque boulot. Ses cheveux ondulés étaient châtains foncés. Aussi, je pus entrevoir du vert semblant émeraude lorsqu'elle ouvrit légèrement ses paupières et qu'elle redressa sa tête en ma direction. De l'encre noire entourait ses yeux, elle avait sangloté suite à sa chute. Je scrutai son corps, de haut en bas et maintenus mon regard sur une de ses jambes. Du sang s'échappait de la plaie et laissait discerner un bout de verre de grande taille.

Par instinct, je m'abaissai à elle et touchai sa jambe d'un doigt lorsqu'elle m'agrippa le bras gauche.

- S'il-te-plaît… Rends-moi la bouteille de Jack ! Couina-t-elle avant de céder de fatigue.

- Tu parles encore de ça, alors que tu es blessée ? Quelle imbécile, bafouai-je.

Je retirai sa main de ma veste et appelai une ambulance pour qu'elle lui vienne en aide. La mienne n'aurait été d'aucune utilité, d'autant plus que j'étais en partie impliqué dans cet accident. Bénéficiant des informations sur l'emplacement de la blessée, la sirène de secours retentit dans les rues alentours. Je me redressai, enlevai mon sweet et couvris le corps frêle de la brune. Son visage était devenu pâle par le froid, elle semblait si douce et innocente. Je me surpris à éprouver de la peine pour elle.

- Ça ne te serait jamais arrivé si ce vieux ne t'avais pas embauchée ! M'exclamai-je avant de partir récupérer mon alcool.

Je marchai jusqu'à chez moi et aperçus, garée juste en face, la voiture de mon ancienne petite amie. Je sortis mon portable le plus vite possible et y découvris vingt-trois messages non-lus. En rogne, j'accélérai le pas et pénétrai dans mon sanctuaire. L'atmosphère était lourde, je sentais une présence malsaine dans les parages. Je refermai la porte d'entrée à clé, mis le trousseau dans ma  poche et avançai furtivement dans chacune des pièces. Il n'y avait personne. Je crus m'être trompé quand, tout à coup, la télé qui se trouvait dans ma chambre se mit à grésiller sur la chaîne soixante-deux.

Je scrutai tous les recoins de la pièce, même dans mon armoire mais, en vain. Je posai mon whisky sur ma table de nuit, m'assis sur mon lit et me frottai le visage. Je croyais devenir fou, mes pensées se tournèrent vers toutes les âneries que j'avais commises. Non pas que je les regrettais, seulement, elles me tourmentaient.

Un braquage à main armée, face à mon propre ami. J'étais cagoulé, tel un peureux et m'étais dirigé vers une petite brasserie où travaillait mon acolyte. Malgré les menaces que je lui faisais, il ne bronchait pas. J'ai dû lui révéler mon identité et ainsi briser notre affection. Il ne m'avait pas dénoncé et ne m'avait pas non plus pardonné. J'ai blessé de nombreuses personnes au court de ma vie; à l'arme, aux poings, aux paroles, à mes actes, [...]. Malgré tout, je n'avais encore jamais tué.

Soudain, alors que j'étais toujours plongé dans mon passé, un raclement lent se fit entendre sur la table de nuit. J'écartai mes mains et rattrapai en vitesse la bouteille.

- Fini de rire, Beverly ! Sors de là ! Me fâchai-je tout en me redressant brusquement, la colère au rendez-vous.

Ses boucles dorées et ses prunelles bleues azures se dévoilèrent derrière la petite table. Je ne pouvais espérer trouver mieux qu'elle, en tant qu'ex-relation, à l'intérieur de ma chambre à coucher. J'harponnai son bras et la remise sur pieds.

- Tu fous quoi chez moi ?! Quêtai-je.

- Tu es vraiment idiot. Elle s’esclaffa avant de poursuivre; Tu devrais réfléchir d'avantage, chéri. Je me cachai au dessus de ton armoire, elle fit un mouvement brusque du bras, pour se dégager des miens, puis reprit; Tu laisses trop de chaises traîner, dit-elle en s'asseyant sur l'une d'elles, située contre le meuble. Tu sais comment j'ai fait ? J'ai vu que tu étais désespéré, alors j'en ai profité pour descendre en silence.

Beverly souriait bêtement à chacune de ses paroles, elle m'irritait. Je la relevai et la conduisis jusqu'à la sortie. Qu'elle ne fût pas ma surprise, lorsqu'elle tenta de résister en s'accrochant à la porte d'entrée.

- Tu vas lâcher ça, oui ?! Hurlai-je en tirant de plus en plus fort.

- Pas tant que tu ne m'expliqueras pas qui était cette fille ! S'exclama la blonde.

C'était donc pour cela qu'elle était venue me rendre visite. Une crise de jalousie. Je lui lâchai le poignet et l’observai attentivement. Je ne l'avais jamais connue aussi ravageuse question physique. Elle portait un bustier rose pâle, au décolleté plongeant sur du quatre-vingt-quinze D, un slim moulant blanc et des bottines à talons noires. Ses boucles, couleur or, lui retombaient en bas du dos et elle était dotée d'une fine taille de guêpe. Lorsqu'on formait encore un couple, elle s'habillait simplement et restait le plus couverte possible. Il s'agissait d'une période antérieur à la deuxième année de lycée. J'eus bien fait de briser notre relation. Elle devenait trop pimbêche à mon goût, critiquait mes camarades, s'accoutrait de moins en moins et copulait avec d'autres gars.

Je ne pouvais supporter de la voir une seconde de plus. C'est pourquoi je la virai le plus brièvement possible. Je récupérai mon trousseau de clés qui se trouvait dans ma poche. Une fois extirpé, il chuta sur le sol. Je dus me baisser pour le saisir et eus droit, de la part de mon ex, à une frappe sur le postérieur. S'en était trop en si peu de temps. Je me redressai immédiatement, lui attrapai l'humérus, resserrai ma poigne et crochetai la serrure.

- Recommence et je te brise ensuite l'avant bras ! L'avertissais-je, furieux.

- M'adressant des yeux doux, elle trancha; La brune, qui était-elle ?

- Je ne vois pas de qui tu parles, et puis qu'est-ce que ça peut te faire ? La questionnai-je sans attendre de réponse. Je ne veux plus te voir ! Dégage de chez moi !

- Attends ! Eut-elle le temps d'articuler avant que je ne la bousculai à l'extérieur puis, d'un geste rapide, clôturai ma porte à clé.

Des coups se firent entendre sur la planche en bois et cessèrent peu de temps après. Je me dirigeai dans la cuisine où je pris une cuillère accompagnée d'un flanc au caramel. J'allai m'asseoir dans mon lit, ouvris la bouteille de Jack Daniel's et en ai bu une grosse gorgée. Mon portable se mit tout d'un coup à vibrer. Je venais de recevoir une notification. Décrochant mes lèvres du goulot, je reposai l'alcool et déverrouillai mon téléphone. Il y avait affiché sur l'écran; « Vous aviez un appel manqué et un nouveau message. ». Je râlai, composai le numéro de ma messagerie, mis mon mobile sur haut-parleur et le reposai sur ma table de nuit.

- Si tu crois t'en sortir aussi facilement avec moi, Cameron, et bien tu te mets le doigt dans l’œil. Je pense que tu me connais suffisamment pour savoir que je suis une vraie garce, non ? Ta petite copine chérie, à qui tu es venu en aide, va dorénavant vivre un martyre, à cause de toi. Tout ça parce que tu ne veux pas me donner d'informations sur le lien que vous entretenez. Tu ne veux plus de moi ? Soit. Je te l'avoue, j'ai changé, j'esquissai un sourire déplaisant et déballai mon produit laitier. Je ne suis plus la petite innocente que tu as connue il y a quatre ans. C'est justement pour cela que je tenais à te prévenir. Sur ce, bonne journée chéri.

- Le téléphone se mit à émir un "bip" sonore avant de signaler; Si vous voulez enregistrer ce message, appuyer sur trois. Si vous voulez supprimer ce message, appuyez sur deux, je laissai écouler un certain temps en appuyant sur aucune des touches. ///BIP/// Archivé. Vous n'avez pas de nouveau message.

Je posai mon pot vide et composai le numéro de Eileen, un de mes nombreux coups. Je m'étais abstenu pendant plus de deux mois, le corps chaud d'une fille commençait à me manquer. J'ouvris mon tiroir, en sortis une cigarette et l'allumai. Moi qui ne faisais que dire que je prendrais de nouvelles résolutions cette hiver, et bien c'était raté. Je m'allongeai sur mon lit, fumai et appelai l'ancienne attachée de Beverly.

- Oui, allô ? Répondit-elle au bout du fil.

- C'est Cameron. Ça te dirait de passer une nouvelle soirée en ma compagnie ? Il me semble que c'est bientôt ton anniversaire. Pourquoi ne pas fêter ça chez moi, qu'en dis-tu ? Je souris nerveusement derrière l'appareil.

- Eileen ricana et dit; Tu me donnes tellement envie, mon chou. Ta voix est envoûtante mais, même si je voudrais coucher avec toi, ce ne serait plus possible.

- Je sentis un choc émotionnel. Jamais aucune fille n'avait encore refusé une de mes propositions. Fronçant les sourcils, j'ajoutai; Tu en es certaine ? Je suppose que tu dois être occupée après tout.

- Elle souffla et lança; Si tu n'avais pas joué avec nous, tu n'en serais jamais arrivé là.

- Je montai en pression, ne supportant pas qu'on me fasse la morale. Tout à fait, au revoir, lui répondis-je sur un ton hargneux.

Ne lui laissant nullement le dernier mot, je raccrochai notre appel. J'avais besoin de prendre l'air, j'envoyai un message à mon meilleur ami, Aiden, pour qu'il me rejoigne à l'entrée du plus grand parc de la ville.

Une fois la proposition acceptée, ou du moins imposée, je ressortis de chez moi en guettant les alentours avec discrétion et arrivai au parc en à peine un quart d'heure.

Ma vielle branche m'attendait debout, adossée contre un arbre et parcourait les pages d'un ouvrage de littérature.

- Encore entrain de lire ? Demandai-je comme pour l'interpeller.

Il sursauta faiblement et referma son opuscule d'une seule main. J'esquissai un sourire amical face à cet homme à l'allure élégante. Il me regardait droit dans les yeux, ne dévoilant aucune expression, et mon visage se crispa sous ses traits inattendus.

- Si je te dérange tu peux me le dire, exprimai-je.

- Salut, Cameron. Tu ne me déranges pas du tout. Toi, dis-moi ce qu'il y a de si important qui puisse valoir mon déplacement, me répondit-il, le regard las.

Je fronçai les sourcils, il était le meilleur à déceler une part problématique chez certaines personnes, ce qui m'ennuyait affreusement. Néanmoins, je n'étais pas ici pour déclencher une querelle avec lui.

- Ce n'est pas très important. J'ai simplement croisé Beverly chez moi, affirmai-je.

- C'est bien ce que je craignais. Et que venait-elle faire ? Il plissa les yeux en haussant le sourcil gauche, sidéré.

- Me reconquérir, annonçai-je en posant une de mes paumes sur le sol, avant de m'y asseoir.

- Te reconquérir, hein… ? Et alors, comment as-tu réagi ? Me questionna-t-il, tout en prenant place à mes côtés.

- Tu me connais. Je n'aime pas ce genre de femelle.

Aiden hocha la tête et observa les passants qui allaient et venaient dans le parc. Il enfermait toujours ce même esprit flegmatique, et exprimait continuellement une attitude absorbée. Mon meilleur ami décrocha ses pensées lors d'un instant et m'adressa une nouvelle question;

- A part ça, qu'avais-tu d'autre à me dire ?

Je resserrai les dents et ne sus quoi répondre. Je ne m'attendais pas du tout à ce qu'il se doute de quelque chose d'autre. Je souris nerveusement et effectuai un mouvement lent de la tête, la balançant de gauche à droite.

Cela faisait bien quinze années que nous nous connaissions et chaque jours, il me surprenait.

- Tu m'épates, mon vieux, lui fis-je remarquer, tout en esquissant un sourire en coin.

- Il se dérida puis reprit sur un ton sérieux; Alors ?

- Et bien, comme d'habitude. J'ai encore risqué de me faire attraper par les keufs.

Il souffla de désespoir et me fit signe de continuer.

- Le vendeur a engagé une jeunette. Je ne m'y attendais pas du tout. Au final, elle m'a flairé et ça a été la catastrophe. Aussi, dans ma course j'ai percuté une vielle femme...

- Sérieusement ?! S’exclama-t-il, abasourdit.

- Je ne pus m'empêcher de ricaner légèrement face à son étonnement. Bien entendu, ce n'est pas tout. La petite vendeuse m'a poursuivi, sans s'arrêter une seule seconde. J'ai alors tenté de la semer en prenant les ruelles jonchées d'ordures et je peux te dire que c'était risquer de les emprunter. Il y en avait qui dégueulaient de partout, j'ai tout de même réussi à m'en sortir sans me faire toucher par je ne sais quelles cochonneries.

- Il ramena sa main gauche à son menton avant de me demander; Et la demoiselle ?

Je resserrai les points. J'en avais sans doute bien trop dit. A force de me poser des questions, il se rapprochait dangereusement de la vérité sur l'accident qu'il y avait eu dans la ruelle. Je m’efforçai de garder une certaine prestance face à mon meilleur ami qui semblait retenir un éclat de rire.

- La demoiselle ? Demandai-je, faisant semblant de ne pas comprendre sa question.

- Cameron, tu sais bien de qui je parle. Dis moi ce qui lui est arrivé, me répondit-il en plissant ses sourcils.

Je me sentis étrangement mal. J'avalai ma salive et commençai à lui expliquer ce qui s'était passé. Il m'écoutait attentivement lorsque son téléphone se mit à émettre une drôle de sonnerie. Il décrocha, me faisant signe d'attendre un moment puis, me fit entrevoir qu'il s'agissait de Rosana, la copine de son frère.

Une fois leur conversation aboutit et me faisant comprendre qu'il ne pouvait tarder plus longtemps, nous nous quittâmes sur un signe de la main. Mon confident s'en alla en vélo afin de rejoindre son aîné, qui semblait avoir besoin de son aide pour tenir la boutique.

Et bien… Sur le moment, je ne savais plus quoi faire. J'ai longuement réfléchi avant de me faire agresser par un insecte volant. Je jurai et observai ma main qui prenait une toute autre proportion. Je venais de me faire piquer par une abeille.

- Saleté de bestiole ! Grondai-je.

Elle se laissa tomber sur le sol et marcha péniblement avant que je ne lui assène trois coups de pieds, de manière à l'écraser. Je m'abaissai à la petite créature et ne vit qu'il ne lui restait que des morceaux écrasés. Victoire ! Le troisième coup eut été fatale. Face à ce triomphe, je ricanai cruellement et me stoppai net lorsque je me rendis compte que je n'étais pas seul.

Deux enfants, d'environ dix ans me dévisagèrent étrangement comme si j'étais un psychopathe. Je les foudroyai du regard et avançai à pas pressés sur le chemin du retour. Je n'arrêtais pas de râler et de me serrer la main comme si je cachais une vilaine blessure. Je me sentis comme un môme qui implorait un bisou magique de sa mère et grognai à cette idée de régresser si facilement, manquant souvent de bousculer certains passants.

*

Une fois rentré chez moi, je m'affalai sur le canapé et allumai la télévision. Il était seize heure, un épisode de la série The Walking Dead venait de se terminer. Je ne faisais que zapper les chaînes, ne trouvant rien de satisfaisant à regarder. Je décidai de mettre les nouvelles informations et mes yeux se rivèrent sur le titre qui circulait en bas de l'écran; «Mystère en cavale sur la petite boutique du Détroit».

Un journaliste, posté à une certaine distance du supermarket, faisait un plan de la situation. Le magasin prenait feu et des vitres explosaient en temps réel. Au deuxième plan, on pouvait remarquer que des centaines de personnes observaient la scène puis, la caméra se braqua de nouveau sur le reporter qui passa son micro au vieux propriétaire de la boutique.

- J'ai des preuves sur l'individu qui a causé ce désastre ! Il est sur mes bandes de surveillances ! Je pense fortement que la récente femme stagiaire que j'ai prise sous mon aile est impliquée dans l'affaire ! C'est à dire que depuis quelque temps je la surveillais... Des choses disparaissaient de mon magasin alors qu'elle n'était plus au comptoir. Je suis certain que l'homme et cette femme ont quelque chose à voir là dedans ! Le journaliste reprit le micro des mains du vieillard agité.

- Bien, d'après les rapports de polices réalisés sur place, le suspect premier est un homme d'une vingtaine d'années qui mesure un mètre quatre-vingt-quinze. Il porte une barbe fraîchement rasée et une capuche noire.

Ils firent défiler la bande film de la caméra de surveillance et la stoppèrent sur une image de mézigue, dérobant la bouteille de Jack. Je raclai mes dents, fronçai les sourcils et ricanai intérieurement. Tu parles d'une preuve ! On ne voyait que mon dos et non pas mon visage. Douteux, je réfléchissais aux détails qu'ils avaient fournis avant que le journaliste ne reprenne sur un ton assuré;

- Le deuxième suspect n'est autre qu'une jeune femme, la stagiaire. Elle a de longs cheveux bruns ondulés et porte un habit de travail. Nous allons vous montrer un portrait.

Je reconnus son faciès et ses ondulations. Une fiche détaillée était affichée à côté d'une photo de la jeune fille : Mia Sanders, dix-sept ans, un mètre soixante-quatorze. Intéressant. Je posai mon coude droit sur ma jambe et observai attentivement les traits fins de la jeune femme. Elle était donc stagiaire et non pas vendeuse. Je me souvenus de ce que je lui avais dit lorsque nous étions dans la ruelle et souris nerveusement. Après tout, elle n'avait pas du m'entendre.

Tout à coup, je me surpris à avoir hormis un détail. Je n'avais pas fait explosé le magasin, et pourtant, on m'inculpait cet acte. Et puis, pourquoi disaient-ils que la stagiaire aussi était coupable ? Tout trottait dans mon esprit. Beverly !

Je me rappelai du message qu'elle m'avait laissé, il n'y a pas longtemps dans la matinée, et fis bien vite le rapprochement. J'en étais certain, elle était responsable de cette explosion et elle devait se réjouir rien qu'à l'idée de nous faire passer pour les pécheurs. Après tout, c'est bien elle qui m'avait fait sous-entendre que la vendeuse vivrait un enfer. Je rageai, j'en avais assez entendu de leurs bouches, tout en sachant que ce vieux papy nous accusait lui aussi.

- Il a été payé ou quoi, ce vieux schnock ?! Braillai-je furieusement.

J'étais anxieux, ne faisais que me déplacer dans mon salon et essayais tant bien que mal de me calmer. Les flics viendraient me chercher, c'était certain. Chaque secondes, à n'importe quel moment ils pouvaient arriver et seraient pleinement dans leur droit. Je râlai et me concentrai sur une stratégie.

- Si je fuyais loin de cette ville ? Non, on déploierait beaucoup trop de troupe. Beaucoup plus qu'il n'en faudrait d'ailleurs. Je continuais de faire des allées et retours dans la pièce, une main à mon menton. Si je me rendais ? Non, trop lèche botte. D'autant plus que je ne suis pas coupable.

Je me mordis l'index et pivotai vers ma télé à l'annonce de nouvelles informations. La même journaliste, qui avait ouvert le sujet sur l'explosion de la boutique, prit de nouveau la parole;

- Nous avions appris à l'instant que la jeune Mia est en fait innocente. Elle se trouvait à l'hôpital lorsque l'incident eut lieu. Concernant la réponse du propriétaire du magasin, il n'a pas osé commenter cet écho.

Je frappai du point sur la table, et observai le sol en maugréant. Je fus pris d'un sursaut lorsque j'entendis la sonnerie de mon téléphone fixe. J'avançai lentement vers mon moyen de communication et observai le numéro affiché; « Appel Externe ». Je restai perplexe pendant quelques secondes puis, empoignai le combiner et l'amenai à mon oreille.

Le souffle court, j'attendais impatiemment que quelqu'un m'interpelle. Je me mettais à penser qu'on me faisait une farce lorsqu'une voix féminine se présenta au bout du fil.

- Cabinet du Vétérinaire Hamilton, bonjour !

J'étais rassuré et repris bien vite haleine. Pendant un instant, je pensais qu'il s'agissait des policiers. Le moral serein, je m'affalai sur le fauteuil situé à côté du téléphone et fermai les yeux tout en souriant.

- Monsieur Baker ? M'interpella la secrétaire.

Je m'excusai pour le blanc occasionné et la femme me fit part de la situation concernant mon chien. Et ce qu'elle m'annonça me mis hors de moi. Mon beauceron était atteint d'une tumeur au foie. Je titubai.

- Et… Il y a-t-il une chance de le soigner ? Demandai-je haletant, devenant de plus en plus incontrôlable.

- Vous devriez venir pour voir ça avec nous, me répondit-elle d'une voix triste.

- C'est d'accord, j'arrive tout de suite.

Je raccrochai le combiner et passai mes mains sur mon visage. Mon chien était malade alors qu'il venait d'avoir un accident il y a trois jours. Je devais déjà payer les frais pour ses soins et, d'apprendre qu'il possédait une tumeur me fendit le cœur. Je découvris une de mes facettes cachée et remémorai les instants que j'avais passés avec mon animal. Je ne me pensais pas aussi faible.

Me relevant péniblement, je pris ma moto et fonçai au vétérinaire de la ville. Une fois arrivée à la clinique, un des médecins m'accueillit et me dirigea dans une des salles. L'air était chargée d'odeurs telles que les solutions médicamenteuses, celles des animaux blessés et surtout des poils de chiens, comparés aux chats qui restent toujours quasiment propres. Dans la salle, il y avait une radiographie, des placards ouverts et remplis de seringues, d'antibiotiques[…], et d'une table grise en plein milieu. Cependant, je constatai qu'il n'y avait pas Demon, mon toutou.

- Et mon chien ? Demandai-je.

- Je vais le chercher, ne vous inquiétez pas, me rassura la femme.

La porte de la pièce se referma derrière moi et laissa place à une atmosphère pesante qui s'empressa d'emparer les lieux. Je sentis un faible souffle parcourir ma nuque semblant chercher mes points faibles. J’eus des frissons et mes poils s'hérissèrent. Que faisait cette femme ? Que me voulait-elle ? De drôles de doigts se posèrent dans mon cou et descendaient jusqu'en haut de mon dos.

Je ne pouvais me laisser toucher de cette façon. Étrangement, lorsque je me retournai, je ne vis personne. A mon plus grand étonnement, la porte était restée ouverte. Peu de temps après, la vétérinaire arriva avec mon chien et le posa sur la table métallique. Je ne comprenais pas ce qui s'était passé et encore moins si je rêvais éveillé. Pourtant, quelqu'un était bien là, avec moi, dans la pièce. Du moins… C'est ce qui m'avait semblé.

La femme m'extirpa de mes troubles et me demanda de tenir mon canidé, le temps qu'elle lui fasse une radio. Elle m'expliquait ce que signifiaient certaines zones d'ombre sur l'écran. J'essayai de contrôler mes émotions lorsqu'elle en vint à parler de son cancer. Mon chien me fixa puis abaissa la tête, posant sa mâchoire sur ses pattes avant. Je n'avais pas besoin de l'agripper pour l'empêcher de fuir. Il était bien élevé et savait qu'on ne lui voulait pas de mal, alors je le tapotai légèrement comme pour le félicité de sa tranquillité.

- Bien, nous avons terminé les radios, m'annonça la véto' en reposant les détecteurs.

- Très bien, et ensuite ? Lui demandai-je en caressant Demon.

La femme me sourit et pouponna à son tour, mon chien. Elle avait de longs cheveux lisses et blancs qui descendaient en bas de son dos. Elle exposait un certain charme des plus déstabilisant. Ses yeux était bleus azures, comme ceux de Beverly et elle détenait un magnifique sourire. Je ne pus m'empêcher de vouloir en savoir un peu plus sur elle.

- Vos cheveux… Vous ne les attacher pas pendant votre boulot ?

Elle m'observa un instant avant de me répondre qu'elle avait terminé de travailler et qu'elle m'avait simplement attendu pour me parler de mon animal. J’acquiesçai et elle sourit nerveusement.

Nous sommes restés quelques minutes dans la même pièce avant que mon chien ne se mit à s'agiter. La jeune femme rigola en éclats et porta le canidé pour le reposer tranquillement sur le sol. Je repensai à sa tumeur et mon sourire, encore présent, s'effaça secrètement.

- Concernant son foie ? Demandai-je, le regard dépité.

- Le coup de l'opération s'élève à quatre-milles dollars. Et les soins actuels deux-cent dollars, me répondit-elle presque désolée.

Je faillis m'étouffer avec ma propre salive. Si j'étais entrain de boire, j'aurais certainement tout recraché d'un coup. Je soufflai désespérément et observai mon chien avec pitié.

- Je n'ai malheureusement pas cette somme, admis-je.

La femme me tapota légèrement l'épaule et nous raccompagna à la sortie. Elle me fit comprendre qu'ils acceptaient les paiements multiples, ce qui ne me déplu en aucun cas. Je donnai soixante dollars pour les soins et observai les nombreux animaux présents dans la salle d'attente. D'ordinaire, mon chien se mettait à aboyer en apercevant des chats, mais là, il s'en fichait royalement. Je souris à la femme qui avait pris soin de mon chien et lui demandai;

- Quel est votre nom ?

- Shana, Shana Hamilton.

- Enchanté, Cameron, répondis-je, tout sourire.

- Oui, je sais. Vous êtes sur la liste des clients réguliers.

Je ne sus quoi répondre à par hocher la tête. «Hamilton», ce nom me disait vaguement quelque chose. Je n'y faisais pas attention auparavant mais à ce moment là, j'étais certain de l'avoir déjà entendu quelque part.

Une fois sorti de la clinique, je ne vis qu'une moto qui m'attendait sur le parking. Une moto alors que j'étais en compagnie d'un beauceron ? Je dus me résigner à la pousser aux bras. Je n'aimais pas particulièrement les voitures et pourtant, j'en aurais eu besoin de nombreuses fois.

Ça faisait une heure qu'on marchait dans le froid. Mes bras commençaient à se raidir et mon chien montrait des signes de fatigue. Nous étions pourtant presque arrivés. Je me retrouvai de nouveau devant la ruelle aux déchets, et cette fois, en compagnie de mon meilleur ami molosse. Il aboya avant que je n'entende des sirènes de police dans les environs. Je me précipitai sur le chemin arpenté d'ordures. Nous étions en alerte et je priai pour ne pas qu'une bouteille de verre cassée crève les pneus de ma bécane, tandis que mon chien m'observait avec une mine abattue. Il devait souffrir le martyr depuis qu'on avait quitté la clinique. D'ordinaire il restait robuste et était prêt à sauter sur tout ce qui bouge.

Lorsqu'on déboucha à la sortie de la ruelle, mon chien s'arrêta, renifla le sol et dressa les oreilles. J'avançai un peu plus lentement, le dépassai et me retournai pour le siffler. Il ne m'écouta pas et se mit à courir dans l'angle d'une autre ruelle.

- Putain, Demon ! Grondai-je avant de pousser brusquement ma moto vers l'avant pour le rattraper.

Une fois arrivé au tournant de la ruelle, je voyais sa queue dépasser d'un coin de mur. Elle ne bougeait pas et restait raide. C'était clair et net; il était à l’affût. Je posai ma moto contre le mur en béton et m'avançai lentement tout en l'appelant. Il ne se ramenait toujours pas, ce qui m'obligeai à avancer encore et encore.

J'avais un mauvais pressentiment. Pourquoi avait-il courut jusqu'ici ? Je me scotchai au mur et cheminai à pas de loup, tentant d'écouter le moindre bruit. Deux voix masculines parvinrent à mes oreilles. Ils discutaient entre eux et semblaient parler d'une femme.

- Mike, t'es sûr que c'est elle ? Demanda l'un deux.

- Écoute, Armin… Tu vas fermer ta grande trappe et éviter que cette nana puisse hurler. Appuie plus fort sur sa bouche ! Lui cria ce fameux Mike.

Qu'étaient-ils entrain de faire subir à la fille d’Ève ? Je n'avais rien à faire dans ce lieu et mon chien non plus. Son sixième sens l'avait traîné jusque là, dans ce foutu merdier !

- Demon ! Criai-je en lui faisant signe de revenir.

Je vis la queue de mon chien se remettre à bouger puis, il accourut vers moi, la langue pendante et la mine joyeuse. Il venait de découvrir quelque chose d'intéressant. Je le pris par le collier et m'abaissai à lui.

- Ne me refais plus jamais ça ! On doit partir maintenant, lui dis-je avant d'entendre des pas se rapprocher au coin du fond.

Les deux hommes se tenaient debout, à quelques mètres de nous deux. L'un deux tenait une jeune femme d'un bras ferme et de son autre main, un gros calibre. L'autre individus pointait son flingue sur la tempe de la jeune fille et me dévisageait lourdement.

- Toi ! Donne-nous ton clebs !

Je chuchotai à mon chien de détaler et il sprinta à toute vitesse. J'esquissai un sourire triomphal et toisai les deux infâmes personnages. Je semblais peut-être coriace mais en vérité, j'étais apeuré.

- Où est-il parti ?! On va te sauter le citron et on va buter cette catin !

L'homme qui portait un flingue, appuya violemment son canon sur le crâne de l'innocente. La jeune femme se mit à gigoter et je reconnus ses boucles brunes. Mia. C'était elle entre les mains des deux hommes. Elle tentait d'hurler seulement, à cause d'une main pugnace qui lui bloquait la bouche, elle ne pouvait que s'effondrer de désespoir.

- On te cause ! Cria le cinglé, l'air pire que mauvais.

Son visage tordu de peur, hachait les âmes. Sans aide et ne supportant plus de voir une demoiselle dans cet état, je tournai le dos et avançai vers ma moto. La peur me gagnait, petit à petit, au niveau du ventre et mon cœur bâtait à toute vitesse, emprisonné dans ma poitrine. J'attendais l'intervalle où ils tireraient sur un de nous deux. Je ne pouvais rien y faire, dans tous les cas ils poseraient un doigt sur la détente. La pression montait en moi, je tremblai. Je me sentais faible. Je ne pouvais rien faire pour elle, rien faire pour moi. Ils étaient plus fort, armés à deux. Je voyais le moment où j'allais devoir affronter des images qui signaleraient la fin de ma vie. Peu nombreuses, serte, mais des images quand même. Celles de mon enfance restaient floues. Celles de mon adolescence n'apparaissaient même pas. C'était à se demander si je l'avais déjà terminée. Je n'étais qu'un gamin au milieu de ces prédateurs. Qu'un vulgaire voleur parmi ces experts aux revolvers. Le pire c'est qu'ils semblaient avoir mon âge. Je raclai des dents, j'en avais assez. Je frappai du point sur le mur de la ruelle et manquai de me laisser tomber à genoux, lorsqu'en à peine une fraction de seconde, un tire fissura l'espace.

Je sursautai sans plus bouger. Ça y est ? Ils l'avaient eue ? Ils m'avaient eu ? Tout devint flou, ma tête me faisait mal et se mit à tourner. J'avais l'impression de somnoler. J'étais bien sur le point de m'effondrer. J'entendis un chien aboyer. Demon était revenu ? Les vois des hommes s'élevaient mais je ne comprenais rien à ce qu'ils disaient. Le froid m'envahit, je chutai. Malgré ma faible vision, je vis du coin de l’œil une lumière blanche et indescriptible puis, comme entraîné dans un gouffre sans fond, je ne perçus plus aucune représentation, plus aucune sensation, plus aucune vibration. Le vide absolut. Zéro décibel.


Texte publié par Amy, 1er mars 2016 à 23h17
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