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Melody, huit ans, deux vampires et l’apocalypse
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tome 1, Chapitre 3 « Les loups-garous » tome 1, Chapitre 3

Cela faisait cinq heures que Melody observait l’eau goutter devant elle. Quand ses parents étaient partis avec Sans, les tuiles avaient résisté trois minutes, le plafond, deux. La pluie acide tombait maintenant dans la maison. Elle traversait les différentes couches de matériaux, sans distinction.

Melody s’ennuyait. Elle ne pouvait pas dormir, seulement penser au sortilège qui empêchait la table de subir la corrosion instantanée des flots contaminés. C’était simple. Plus qu’elle le ne croyait. Elle sentait sa magie se consumer peu à peu, mais elle en produisait suffisamment pour combler ses dépenses. Contrairement à sa mère, elle n’avait pas beaucoup d’espace à protéger.

Elle poussa un long soupir puis s’intéressa aux flaques que le sol faisait disparaître. L’habitation était dotée d’un enchantement de déblayage que son père vidait une fois par mois et qui aspirait tout ce qui devait être nettoyé. L’eau aussi, même acide.

Prise d’une soudaine inspiration, Melody décida de sortir l’extrême bout de la pointe de sa chaussure sous le goutte-à-goutte qu’elle regardait. Elle appliqua le sort-rempart sur ses bottes roses et fit sa petite expérience en serrant les dents et en tournant la tête. Elle rouvrit un œil, puis l’autre, et constata que tout était encore intact. Elle observa le liquide rouler sur le caoutchouc.

« Je vais aller aux grottes ! » s’écria alors l’enfant.

Elle se lança le sortilège plusieurs fois, pour être bien certaine de ne pas entrer en contact avec la pluie. Au sol, sous la table, elle laissa une inscription lumineuse. Un petit mot pour que son père ne s’inquiète pas.

« Ah ! Ça va pas marcher… »

Dès qu’elle partirait, le meuble céderait aux assauts de l’eau acide. Son message serait détruit. Il fallait aussi lancer un sortilège sur cette zone-là. Elle n’était pas certaine de savoir le faire.

Melody s’appliqua. Elle traça plusieurs runes autour des lettres de lumière. Six Elhaz reliés entre eux. Ce serait suffisant. Elle sortit de sa poche un petit médaillon et le cala entre sa main et le sol. Ensuite, elle récita la comptine qu’elle avait apprise à propos de l’Élan protecteur. Elle insuffla la magie aux signes ancestraux.

« Voilà. »

Elle était plutôt fière d’elle. Une petite bulle protectrice s’était formée. Un dôme aux couleurs dorées. Ça devrait bien tenir la journée. Elle était loin de se douter que, deux cent cinquante ans plus tard, cette inscription et son enchantement seraient toujours là. Rendez-vous chez les loups-garous.

En quelques secondes elle fut dehors, sous la pluie, abritée par un fin sortilège qui ne craignait pas l’acide. Elle passa plusieurs longues minutes à danser joyeusement sous l’averse. Puis elle observa autour d’elle. Toutes les maisons étaient détruites. Quelques murs tenaient encore debout, mais l’eau-de-feu les rongeait, impitoyable. Cela faisait un peu de fumée quand c’était du bois qui fondait sous la morsure corrosive.

Le visage enjoué de la gamine se décomposa. Elle resta immobile à se demander si ses voisins s’étaient échappés à temps. Peut-être étaient-ils déjà partis depuis deux jours… Melody serra les poings, brave, et tourna les talons sans un regard en direction de sa maison. Elle ne voulait pas voir une partie de sa vie s’envoler.

« Les loups-garous. »

Elle devait les rejoindre, vite, pour que ses parents ne s’inquiètent pas en y arrivant. Ça lui ferait du bien de bouger.

Le nez au vent, elle fixa son regard sur les crêtes escarpées, au loin. Entre la tanière des loups et elle, il n’y avait que des marécages fumants et des arbres morts, à perte de vue. Autrefois, avait dit son père, la forêt s’étendait jusqu’ici. Autrefois, la montagne n’était pas grise.

Mais elle n’avait jamais vu ça. Ni la campagne verte et jaune, ni les bois sombres, ni le ciel bleu. Elle ne connaissait que le monde en marron et terne, le village, les voisins et la magie. Et les loups-garous.

Les loups-garous vivaient sur les pentes, de l’autre côté de la vallée. Avec son père, elle montait sur un hexoplan familial et, par les airs, ils y arrivaient vite. Elle se demandait combien de temps elle mettrait à pied. En tout cas, elle savait où aller. Elle avança à travers les flaques aux reflets jaunâtres. Même protégée, elle ne devait pas marcher dedans. Elle risquait de s’y noyer.

La pluie n’était pas si drôle, finalement. Avec le sort-rempart, elle ne la sentait pas couler sur elle. Cela la rendait triste. Elle poussa un profond soupir et s’éloigna pour la dernière fois de ce qui avait été sa maison.


Texte publié par Cestdoncvrai, 29 février 2016 à 10h45
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